Archives pour la catégorie Femmes françaises

Féminin/masculin Littératures et cultures anglo-saxonnes

Féminin/masculin: Littératures et cultures anglo-saxonnes par [Collectif, Marret, Sophie]

Présentation de l’éditeur

« Les textes réunis dans ce volume rendent compte de la diversité des questions soulevées par les rapports féminin/masculin, en un temps où la participation des femmes à la vie de la cité est devenue d’une actualité brûlante, où l’analyse renouvelée de la notion d’identité (et d’identité sexuelle) se trouve au cœur des débats philosophiques. Le développement des études féministes a conduit à examiner les représentations de la femme dans la presse, les arts et les lettres ainsi qu’à s’interroger sur les marques du féminin dans l’écriture, questions dont il convenait d’esquisser un bilan quelque trente ans après le tournant décisif pris par les revendications des femmes dans les années soixante-dix. Les articles présentés dans l’ouvrage Féminin/masculin, sélectionnés à la suite du congrès de la Société des anglicistes de l’enseignement supérieur qui s’est tenu à Rennes en mai 1998, permettent d’aborder ces questions à partir d’études précises, qui interrogent spécifiquement les littératures et les cultures anglo-saxonnes. »

Accès au texte – cliquez ici !

J’ai vu, j’ai aimé : Mémoire de fille – Annie Ernaux, Cécile Backès / Subtil dialogue entre le théâtre et la littérature

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Mémoire de fille – Annie Ernaux, Cécile Backès

Sur scène, un chœur, trois femmes, deux hommes, qui initient la narration. Ce qui va nous être joué et narré est l’événement qui a marqué les dix-huit ans, en 1958, d’Annie Ernaux, sa nuit d’amour avec un homme, dans laquelle elle s’éprend, mais devient pour les autres la « putain », la fille facile, dont on peut abuser et qu’on peut maltraiter. Le texte joué questionne dans un va-et-vient entre passé et présent de la narration cette jeune fille dont le souvenir comporte en lui-même des trous d’ombre, des partis-pris que les lettres, les photographies parviennent parfois à rectifier.

Les corps se meuvent, dansent, les images fusent sur un écran au fond de la scène. Deux comédiennes traduisent les deux états du corps, les deux âges, Annie E, l’écrivaine et Annie D, la jeune fille.

Les chorégraphies des corps, les tensions, torsions, parfois contorsions racontent l‘amour, le choc, la déchirure. Pauline Belle a la démarche de l’adolescente un peu gauche, les habits qui préservent la pudeur des jeunes filles de l’époque, col fermé (pas d’échancrure), jupe longue et cintrée. Elle est l’exception, celle dont les résultats scolaires lui offrent les premières marches de l’ascension sociale, même s’il faudra bifurquer un temps vers une formation d’institutrice, métier pour lequel elle n’est visiblement pas faite. On le lui dit. L’université sera sa renaissance, son second souffle, la jouissance intellectuelle.

Judith Henry, Annie E, ordonne par son récit la mémoire, Pauline Belle lui donne chair magnifiquement.

Jules Churin, Simon Pineau et Adeline Vesse font de leurs corps, de savants contrepoints, toujours justes, ils se déploient  avec sensualité, traduisent le désir, la quête, la conquête et le mépris, l’éloignement et l’abandon, la jouissance aussi.

Bravo !

Mémoire de fille – Annie Ernaux/Cécile Bakhès – Théâtre de Sartrouville

Le monde du théâtre est un monde assurément difficile pour les femmes. Je ne parlerai pas des différentes statistiques de l’Observatoire des Inégalités qui en permettent le constat. Or voici une autrice, une metteuse en scène, et une distribution à parité qui mettront peut-être à mal ces statistiques. Souhaitons que ce monde s’ouvre davantage aux metteuses en scène.
texte ANNIE ERNAUX
version scénique CÉCILE BACKÈS, MARGAUX ESKENAZI
mise en scène CÉCILE BACKÈS
avec Pauline Belle, Jules Churin, Judith Henry, Simon Pineau, Adeline Vesse

 » Du désir charnel au désir d’écrire : le récit d’une construction intérieure, adapté du dernier roman d’Annie Ernaux.

Durant l’été 1958, Annie D. a vécu sa première nuit d’amour avec un homme. Cinquante ans plus tard, l’écrivaine qu’elle est devenue, Annie E., interroge la jeune femme qu’elle était et explore les transformations profondes que cette expérience a inscrites en elle. Avec Mémoire de fille, Cécile Backès plonge avec une douceur infinie dans l’écriture belle et abrupte du dernier livre d’Annie Ernaux. La metteure en scène transpose ce récit autobiographique dans un théâtre de l’intime, où s’enchevêtrent les temps et les paysages de la mémoire. »

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La princesse de Clèves, dîner-théâtre au Théâtre de Montansier décembre 2018

 « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat. Jamais cour n’a eu autant de belles personnes ni d’hommes admirablement bien faits. Le goût que le roi François Ier avait pour la poésie et pour les lettres régnait encore en France, et le roi, son fils Henri II, bonsoir votre majesté, comme vous aimiez les exercices du corps, tous les plaisirs étaient à la cour. »

Bruno Schwartz  joue « La princesse de Clèves » de Madame de Lafayette, avec talent, et nous emporte dans ce magnifique texte classique dont l’austérité disparaît dans les ombres et les lumières de la scène de ce théâtre somptueux qu’est le théâtre de Montansier à Versailles,  proposant à chaque spectateur une complicité particulière, choisissant au sein du public quelques spectateurs qui assument les rôles de quelques personnages à leur corps consentant, autour d’une table dressée où sera servi le dîner à la fin du spectacle. Des pauses ménagées dans le récit sont consacrées à la description des usages de la table à l’époque de Mme de Lafayette.

« Quand le sucre est mis au goût du jour, il vaut littéralement son pesant d’or. Pour montrer son pouvoir et sa richesse, on le met donc à toutes les sauces… […]

Un très beau moment, une belle soirée, où se conjuguent plaisirs de l’ouïe, plaisir des yeux, et plaisir de la table.

D’après Madame de la Fayette, conception et mise en scène Benoit Schwartz, scénographie Elisabeth de Sauverzac et Benoit Schwartz, lumières Nicolas Villenave

avec Benoit Schwartz, Production Compagnie La Bao Acou, Espace culturel Luxembourg/Meaux

Jusqu’au 05 décembre pour des scolaires et en tournée

L’auteure du mois – Marie Bashkirtseff (1858-1884)

Photo wikipédia

Marie Bashkirtseff (1858-1884)

Née dans une famille de l’aristocratie[1], en Ukraine, elle reçue une éducation assez complète : musique, dessin, langues, et littérature. Elle lut une grande partie des chefs-d’œuvre de la littérature grâce à son éducation très libérale..

Après la séparation de ses parents, en 1870, elle suivit sa mère et sa grand-mère à Nice puis à Paris. En 1877, où elle s’inscrivit à l’académie Jullian – L’école des beaux-arts étant réservé aux hommes -. Elle peignit une œuvre impressionnante (85 toiles, 55 dessins furent donnés au Musée de Saint-Pétersbourg). Elle exposa aux Salon de 1880, 1881,1883, et 1884 (La Parisienne, Jean et Jacques (1883), Un meeting (1884) conservé au musée d’Orsay , et un Autoportrait à la palette au musée Jules-Chéret à Nice.

Elle écrivit un journal, commencé à 17 ans et des lettres publiées en 1894 qu’elle adressa à sa famille et à Sully Prudhomme, Edmond de Goncourt, Émile Zola et Guy de Maupassant.

« Si je ne vis pas assez pour être illustre, ce Journal intéressera les naturalistes… Et je dis tout, tout, tout. Sans cela à quoi bon ! »                                                                                                                       La réunion     

« À 22 ans, disait-elle, je serai célèbre ou morte. »

« Ce Journal est un témoignage sur la condition des femmes à la fin du XIXe siècle, sur leurs rapports à la création et les conflits entre le moi mondain et le moi créateur. »[2]

Elle le traduit ainsi : « Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement ! Me marier et avoir des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant. À moins de trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et amoureux. Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire ! Ce n’est pas ce journal qui me la donnera. Ce journal ne sera publié qu’après ma mort, car j’y suis trop nue pour me montrer de mon vivant. D’ailleurs, il ne serait que le complément d’une vie illustre. »

Féministe, elle publie plusieurs articles sous le pseudonyme de Pauline Orrel pour la revue La Citoyenne d’Hubertine Auclert en 1881.[3]

Elle mourut de la tuberculose à 26 ans . Elle désira être enterrée, drapée de blanc, les cheveux défaits et pieds nus. Elle marqua les esprits et fut une figure d’identification pour de nombreuses femmes.

Elle devint une icône pour les femmes des années trente, qui possédaient son journal comme livre de chevet.

Elle me fait penser à Marcelle Sauvageot, qui mourut aussi de la tuberculose très jeune.

Journal 1877-1879, L’Âge d’Homme, 1999 (ISBN 2-8251-1107-4)

Extraits, Mercure de France, Paris, 2000 (ISBN 2-7152-2196-7)

Marie Bashkirtseff et Guy de Maupassant, Correspondance, Éditions Actes Sud, 2001

Marie Bashkirtseff, Un portrait sans retouches, Colette Cosnier, Éditions Horay, 1985 (ISBN 978-2-7058-0463-3)

[1]     Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992

[2] Le dictionnaire universel des créatrices, des femmes, Antoinette Fouque, Olga CAMEL Mon journal, 16 t., Apostolescu G. (éd.), Montesson, Cercle des amis de Marie Bashkirtseff, 1995-2005.

■ HÉLARD-COSNIER C., Marie Bachkirtseff ou le Journal censuré, l’Ukraine et la France au XIXe siècle, Paris/Munich, Sorbonne nouvelle, 1987.

[3] wikipédia

Dilili à Paris, un conte féministe de Michel Ocelot

Michel Ocelot, pour la première fois, met en scène une héroïne, une petite fille nommée Dilili.

« Au départ, je veux défendre les femmes et les petites filles qui ont besoin d’être défendues partout dans le monde et pour défendre les petites filles, je me suis dit qu’il fallait que ce soit une petite fille, et c’est comme ça qu’elle est arrivée. En choisissant Paris en 1900 pour la beauté des costumes et des décors, je me suis dit mais en 1900 à Paris, il n’y a que des blanchâtres, il faut que je trouve un peu plus de couleurs, j’ai trouvé Chocolat et Randolph le barman grâce aux peintures de Toulouse Lautrec, et j’ai fait venir de Nouvelle Calédonie une petite kanake, qui est venue tout naturellement, parce qu’on faisait des villages reconstitués indigènes dans les jardins publics », explique Michel Ocelot lors des interviews.

Dilili enquête, en compagnie de son ami Orel, jeune coursier parisien, sur la disparition de petites filles, dans le Paris de la Belle-Epoque. Ce sont les maîtres-mâles qui sont à l’origine de ces enlèvements de fillettes. Un conseil de guerre, composé de Sarah Bernhard, Marie Curie et Louise Michel, va se tenir afin de préparer un plan d’attaque et et mettre ces bandits hors d’état de nuire.  C’est cependant la cantatrice Emma Calvé, qui va accompagner la fillette dans ses aventures. Ce film est aussi une galerie des intellectuels et des artistes de cette époque, Marcel Proust, Claude Monet, Auguste Renoir… Mais ce sont les femmes toutefois qui tiennent le haut du pavé. Ce sont elles qui sont d’ailleurs menacées, car les premières étudiantes sont acceptées dans les Universités, et les premières chercheuses, avec Marie Curie, marquent de leurs noms les découvertes scientifiques. Dilili est aussi une jeune métisse, dont l’identité est parfois contestée, trop noire pour les « blancs », trop blanche pour les « noirs » – si tant est qu’il y ait des blancs et des noirs – « blessure secrète qui s’ajoute aux autres », dit le personnage d’Emma Calvé.

Dilili est une petite fille qui me tient particulièrement à cœur.

Dilili est devenue messagère de l’UNICEF en faveur des petites filles,  « Nous, les filles, avons le droit de grandir, de découvrir le monde et d’étudier en sécurité. La curiosité des filles ne doit connaître aucune limite. Avec l’UNICEF donnons aux filles le pouvoir d’inventer l’avenir. Nous délivrerons toutes les filles pour qu’elles puissent vivre leur enfance », promet-elle. 
Vu sur: https://www.unicef.fr/article/dilili-heroine-de-michel-ocelot-devient-messagere-de-l-unicef

Coeur Cousu de Carole Martinez

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Le mot texte vient du latin textus, de texere, tisser. Celui qui conte, qui raconte est celui qui tisse, qui met ensemble, et fait naître l’histoire et le sens. Celui qui a une histoire, naît et meurt, a donc un début et une fin, un sens, une direction. Frasquita, l’héroïne de cette histoire, hérite de sa mère une boîte que se transmettent de mère en fille, les femmes de la famille,  depuis plusieurs générations.  Cette boîte est rempli de fils et d’aiguilles. Frasquita n’est pas celle qui raconte, celle qui tisse, car c’est Soledad, sa fille, qui aura pour rôle de transmettre l’histoire familiale, celle qu’on lui a racontée et qui s’est déroulée dans sa plus grande partie avant sa naissance.

Frasquita est celle qui coud, qui répare, qui recoud, qui fait tenir ensemble les deux bords du monde, l’ici et l’au-delà. Elle ne répare pas les blessures, car la cicatrice aussi fine soit-elle garde la mémoire des souffrances passées. Simplement elle recoud. Parfois le fil casse et l’homme et son désir qu’elle avait ainsi rassemblés, se séparent à nouveau.

Dans ce roman qui est aussi le récit d’une folle équipée, d’un voyage et d’une fuite, les femmes ne sont pas épargnées, victimes des traditions d’une Espagne du sud ancestrale et archaïque, où la religion se mêle de traditions païennes héritées des temps encore plus anciens et d’un fervent mysticisme. Les rencontres sont toujours manquées entre les hommes et les femmes dans cette société rigide où le plaisir est interdit et seule la procréation est valorisée pour la survie du groupe. Cette histoire se passe pourtant à l’époque de Pasteur, apprend-on avec surprise, tant on se croirait encore au Moyen-Age.

D’ailleurs l’une des filles se demande à un moment du récit si ce que ces femmes se transmettent à travers cette boîte n’est pas tout simplement leur douleur.

Mais cette société se fissure : bouleversements politiques, guerre civile, nouvelles idéologies font trembler ses bases. Car l’histoire de Carole Martinez se nourrit d’éléments empruntés à l’histoire, et possède une veine parfois réaliste, mêlée au merveilleux, à la magie des contes et de la poésie. C’est pourquoi certains critiques le rangent dans la tradition latino-américaine du réalisme merveilleux.

L’écriture de Carole Martinez sait rester légère malgré la gravité parfois du propos.

Ce roman a été un parfait coup de cœur. J’ai beaucoup aimé son écriture, très poétique et le texte s’orne de magnifiques métaphores. Une belle découverte, à lire absolument.

Marie-Pierre Cattino – « Ecrire »

Photographie  (copyright Sarah Meunier)

Marie-Pierre Cattino a accepté de livrer, pour Litterama, sa conception de l’écriture théâtrale.

ECRIRE…

« Il y a cette préférence chez moi pour un travail vecteur d’images. Mes textes sont une tentative d’approcher des personnages plongés dans un monde nouveau. Ce que je veux dire, c’est que je m’immerge dans un univers et regarde ce qui s’y passe quand les éléments bougent. Parfois, ils se défendent… Je travaille un texte jusqu’à ce qu’il ressemble à ce que je perçois de lui. Me mettre à table, pour comprendre ce qui se trame à l’intérieur, n’est pas un vain mot mais un choix, des lignes, des pistes pour obtenir ce qui ressemble à ce que je voudrais y mettre, tout en laissant une place au comédien et à l’imaginaire du lecteur. Je crois aussi que cette conscience poussée à l’extrême est usante et réjouissante et à la fois, me permet d’écrire de nouveaux textes. C’est difficile de transmettre le sens de son objet, car je ne suis ni sculpteur ni orfèvre, ne prends aucune matière brute en devenir. Je crée du sens avec du vide. J’aime tellement le vide et le plein. Ils sont faits pour cela les mots, mettre une matière à l’épreuve. Mais je le répète, pas comme un art en devenir mais plutôt comme une issue en phase avec son temps. On crée de la modernité incessante. L’écriture, serait alors mettre en bouche une langue formée de trous, d’aspérités, de silences, d’étonnement. Et le théâtre auquel j’aspire, (donner vie) use de la gomme. Il y a DES écritures, je le sais fort bien. Toutes et tous cherchons à y voir plus clair. Sans doute, est-ce pour cela qu’on écrit. Je me dis, parfois, qu’aller dans ce sens ne sera pas intéressant pour le texte, alors je m’efforce d’aller dans le sens où les personnages seraient à leur aise, c’est-à-dire, connivence entre sens et conflit. Mettre en jeu, en avançant un thème, un sujet, des personnages, ensemble, peu à peu, en faire un tout, une fin ouverte. Ce n’est pas si simple, on parle assez rarement des textes qui ont résisté, qui ne s’offrent pas facilement à l’auteur…« 

Embras(S)er la nuit/ Claire Barrabes-Marie-Pierre Cattino/ Sarah Pèpe- Sabine Revillet

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Embras(S)er la nuit/ Claire Barrabes – Marie-Pierre Cattino – Sarah Pèpe- Sabine Revillet, Editions Koiné, Bagnolet, 2018

Ce recueil est composé de quatre monologues, de quatre autrices : Claire Barrabes, Marie-Pierre Cattino, Sarah Pèpe, Sabine revillet

Ces quatre textes aident à repenser les problèmes inhérents à la place de la femme dans l’espace public. Mais ils sont avant tout des variations littéraires sur un même thème conduites avec brio. Un petit bijou !

« Louis ! Dans sa nuque ça sent le soleil et la crasse. Et quand je suis perdue je pense à ce recoin de peau et ça se pose en moi » Traversée obligatoire Claire Barrabès

Naître homme, pas celui qui vous harcèlera dans le bureau, dont le regard salace plongera dans votre décolleté, mais l’homme libéré des préjugés, des « clichés sociaux millénaires intégrés », l’homme libre de demain, aimant, dont la paternité heureuse et bienveillante, inventera le fils pour qui non c’est non, respectueux du désir ou non-désir de l’autre, dans un espace public commun, mixte, et égalitaire.

L’écriture de Claire Barrabès est cet « art plein de rencontres » qui dit la violence, la mort et l’amour dans une écriture tendue et poétique. Une merveille.

« Les requins oui à cause des requins des vagues des remous profonds car tu ne sais pas toi s’ils sont sans dents ou avec des dents acérées et pointues comme des scies. » Marie-Pierre Cattino, Parfum coquelicot

Être femme, être aux aguets, proie possible, le soir dans le métro. Ne pas savoir d’où le danger viendra, parmi ces hommes qui occupent l’espace public alors que les femmes s’y occupent, traversent, filent comme des ombres, le regard baissé, comme s’excusant d’être là.

Marie-Pierre Cattino possède des techniques d’écriture extrêmement maîtrisées : dans une écriture heurtée, sombre et précise, qui ménage comme des « ouvertures », des « pans de ciel bleu ». Un très beau texte.

 « La guerre n’aura pas lieu »  Sarah Pèpe Rouge aiguilles

Apprendre à avoir peur. Espace public = danger. Peur transmise, intériorisée, violence redoutée comme une prison dans la tête des femmes, harcèlement de rue, agressions. Quand être femme, c’est avoir peur.

Une fille seule le soir est une fille disponible, une jupe courte, des talons, une invitation, et si elle se fait agresser, elle l’aura bien cherché.

Sarah Pèpe traduit avec beaucoup de force et de subtilité ce qui se joue dans l’espace public, la transmission de la peur en héritage, la soumission à ces règles non-écrites qui font d’une femme seule, le soir, une proie possible.

« Tais-toi reste à ta place […] Mieux vaut rester à sa place à l’écart, comme ça, t’aura aucun problème. » « La nuit, c’est chaud pour nous » L’allumeuse Sabine Revillet

L’espace public est légitimement occupé par les hommes, les femmes longtemps reléguées à l’espace privé et sûr, du foyer. Espaces questionnés aujourd’hui, en renégociation, pour une reconquête de l’espace public par les femmes.

L’allumeuse de Sabine Revillet est d’un genre tout à fait spécial, aussi je ne vais pas vous vendre la mèche !

Son écriture joue finement avec toutes les métaphores de l’embrasement, comme désir et  révolte.

Ce recueil est magnifiquement écrit, intelligent et poétique.

 

Les moments littéraires n°40, feuilles d’automne : Mais pourquoi lire des journaux intimes ? Vingt-six écrivains vous livrent leur journal intime.

Pierre Bergounioux, René de Ceccatty, Anne Coudreuse, Colette Fellous, Claire Dumay, Roland Jaccard, Lambert Schlechter, Charles Juliet, Belinda Cannone, Annie Ernaux, Lydia Flem, Marcelin Pleynet, Béatrice Commengé, Michel Braud, Emmanuelle Pagano, Hervé Ferrage, Jocelyne François, Dominique Noguez, Patrick Combes, Denis Grozdanovitch, Christian Garcin, Camille Laurens, Anne Serre, Régine Detambel, Fabienne Jacob, Jeanne Hyvrard.

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Les moments littéraires est une revue littéraire, dirigée par Gilbert Moreau, qui publie exclusivement des écrits relevant de l’écriture de soi, de l’intime, à travers récits autobiographiques, carnets de notes, journaux intimes, correspondances. Vingt-cinq auteurs et autrices ont été sollicités afin de livrer leur journal écrit du 23 au 29 octobre.

Que cherche-t-on dans la lecture d’un journal intime ? Chacun certainement a sa réponse. En ce qui me concerne, j’en trouve souvent la lecture fastidieuse, soit je me sens exclue à la lecture – je ne connais parfois ni les gens dont on parle, ni les événements qui ne sont pas explicités,- soit j’ai l’impression d’être dans une position de voyeurisme qui me gêne un peu. Pourtant ici rien de tel.

Les journaux publiés dans cette revue ont une caractéristique commune : ils sont bien, voire très bien écrits car les diaristes sont des écrivains qui s’expriment dans des formes brèves ou longues, échappant peu ou prou au récit linéaire, acceptant de se livrer, ou se dissimulant tant bien que mal derrière l’écran des mots. Mais tout voilement est aussi un dévoilement, et l’on devine parfois ce qui est tû.

De l’immersion dans le présent du journal, les échos de l’actualité, l’affaire Weinstein, régulièrement évoquée, des prises de position politiques, bref tout ce qui agite le quotidien d’un individu.

La majeure partie des écrivains souligne la difficulté d’écrire un journal dont on sait d’avance qu’il va être publié : « Impossible d’être vraiment sincère dans l’exercice », « ce qu’il faut préciser, clarifier pour les autres, où à l’inverse, omettre, taire, afin de les épargner, lorsqu’on les connaît d’un peu trop près », « Au fond, je n’aime pas ça. Que je le veuille ou non, je me regarde écrire ».

Pourtant l’idée de Gilbert Moreau est vraiment intéressante, car chacun se confronte à sa manière à l’exercice, et s’y révèle. La saison aussi, donne une atmosphère un peu mélancolique, une sorte de retenue parfois heureuse, parfois douloureuse à l’ensemble des récits. Le lecteur a l’impression d’aller à la rencontre de chacun dans une sorte de speed-dating littéraire, où il ne parlerait pas avec des mots mais avec son corps, son regard, sa lecture.

J’ai eu l’impression d’aller à la rencontre d’êtres dont certains sont devenus des amis, des amis de littérature, dans une sorte de communauté bienfaisante, humaine, de valeurs et d’émotions partagées. A d’autres moments j’ai conçu de l’irritation, de l’agacement, et je me suis surprise à grommeler intérieurement, à objecter. Mais la plupart du temps, j’ai aimé rencontrer chacun, même dans les rodomontades, ou une légère crânerie, voyez-donc qui je suis, mais enfin si légère ! J’ai aimé rencontrer chacun disais-je, j’ai été parfois bouleversée, dans une totale empathie, émerveillée souvent devant la délicatesse de l’écriture, les vibrations intérieures, la beauté.

Merci.

Vous pensiez qu’il n’y avait aucune femme dramaturge avant le XIXe siècle ? Que nenni…

« Pour la première fois en France, une anthologie réunit une cinquantaine de pièces écrites par des femmes dramaturges entre le XVIe et le début du XIXe siècle…

Enfin, toute l’énergie rassemblée par les chercheuses et les féministes de tous les continents portent enfin leurs fruits. Les auteures effacées des Histoires littéraires et des anthologies vont enfin pouvoir reprendre leur place grâce à ce magnifique travail de recherche et d’édition. Et dans une collection prestigieuse, puisqu’il s’agit des classiques Garnier (J’y ai lu « Le discours de la méthode de Descartes ! ) Vous pensiez qu’il n’y avait aucune femme dramaturge avant le XIXe siècle ? Que nenni…

Je vous invite à lire ce très bon article sur Catherine Bernard, dont l’oeuvre fut plagiée par … Voltaire !  Et dont un lent travail de sape fit oublier jusqu’à son nom. Mais elle n’est pas la seule … Des auteures oubliées parce qu’effacées

 » Les cinq volumes de cette anthologie au format poche présentent une trentaine d’autrices de théâtre nées sous l’Ancien Régime, dont la production s’étend des années 1530 (la reine de Navarre, première dramaturge connue à ce jour), jusqu’aux dernières productions théâtrales de Mme de Staël-Holstein (1811). En tout, une cinquantaine de pièces qui retracent l’Histoire du théâtre à travers la production de ses autrices, dans les différents genres dramatiques où elles se sont illustrées : comédies, tragédies, tragi-comédies, pastorales, drames, proverbes dramatiques… Les registres couvrent aussi bien la scène professionnelle que le théâtre amateur, dans des domaines aussi variés que les comédies religieuses de Marguerite de Navarre, le théâtre d’éducation de Mme de Genlis ou les pièces politiques révolutionnaires d’Olympe de Gouges. Presque toutes ces pièces ont été jouées, et près de la moitié ont été représentées sur les scènes de la Comédie-Française ou de la Comédie-Italienne. C’est donc tout un pan du répertoire dramatique français qui est ainsi remis à jour, offrant là une nouvelle page de l’histoire littéraire des femmes sous l’Ancien Régime, encore méconnue malgré les recherches de plus en plus nombreuses menées au cours de la dernière décennie. A travers les pièces de théâtres de ces autrices, professionnelles ou amatrices, se fait également entendre la voix de femmes décidées à braver l’interdit traditionnel d’un genre dit « mâle », pour accéder à la parole publique et à la mise en scène des rapports de sexe dans l’espace social et politique que constituait le théâtre de l’Ancien Régime. » Présentation de l’éditeur

Une équipe éditoriale internationale…

La direction de l’anthologie est assurée par trois spécialistes du théâtre des femmes sous l’Ancien Régime : Aurore EVAIN (Sorbonne Nouvelle), Perry GETHNER (Oklahoma State University) et Henriette GOLDWYN (New York University). La présentation et l’annotation des textes sont réalisées en collaboration avec des spécialistes reconnu-es des autrices/de la littérature féminine/du théâtre.

5 volumes brochés, format poche, textes en orthographe et ponctuations modernisées…

  • volume 1 : XVIe siècle. Marguerite de Navarre, Louise Labé, Catherine Des Roches. Parution : décembre 2006. 562 p., 10€.
  • volume 2 : XVIIe siècle. Françoise Pascal, Mme de Villedieu, sœur de La Chapelle, Anne de La Roche-Guilhen, Mme Deshoulières. Parution : mai 2008. 624 p., 15€.
  • volume 3 : XVIIe-XVIIIe siècle. Catherine Bernard, Mme Ulrich, Catherine Durand, Marie-Anne Barbier, Mme de Sainctonge, Mme de Gomez. Parution : 2009.
  • volume 4 : XVIIIe siècle Mlle Monicault, Mme Ricobonni-Baletti, Mme de Staal-Delaunay, Mme Duboccage, Mme de Graffigny, Mme de Montesson, Mme Benoist. Parution : 2010.
  • volume 5 : XVIIIe-XIXe siècle Mme de Genlis, Fanny de Beauharnais, Mlle de Saint-Léger, Olympe de Gouges, Isabelle de Charrière, Mme de Staël-Holstein. Parution : 2011.

Un site « compagnon »…

Ce site internet présente les volumes, accompagnés de documents inédits et d’extraits de pièces, ainsi que toute l’actualité consacrée au théâtre de femmes de l’Ancien Régime : articles, colloques, lectures, représentations, etc.

Des lectures videos

Un DVD de la lecture du Favori de Mme de Villedieu a été réalisé, sous le parrainage du GRAC (Université Lyon 2), de l’Université de Saint-Etienne, de l’Université de Liège et du département de français de l’Université de New York. Destiné aux centres de recherches, bibliothèques et départements universitaires, il est disponible au prix de 35€. (contact)

En savoir plus sur le projet

« Théâtre de femmes : les enjeux de l’édition », Agoravox.

La nostalgie des blattes, un trio de feu avec Catherine Hiegel, Pierre Notte  et Tania Torrens 

Deux monstres sacrés, deux comédiennes dont la présence fait vivre, frémir et haleter le plateau. Oui, tout est chamboulé, les lumières, même le rideau qui pourrait en trembler et un souffle gagne la salle, ravit les spectateurs. Elles sont deux femmes. Belles et souveraines, habitées par le temps qui passe, qui a passé, et qui passera encore un peu.

Elles attendent… Assises sur deux chaises, en mouvement, mais immobiles car les mouvements sont intérieurs, parfois violents, parfois tendres mais plus rarement. Un geste vers l’autre, vite interrompu, une parole amène, vite brisée.

On venait les voir comme au musée, ces deux belles vieilles, non retapées, non retouchées, dont les rides, les joues qui tombent, les poches sous les yeux constituent une curiosité dans un monde futuriste où le jeunisme, le bon ton, et un idéal du bonheur règnent en maître.

Elles résistent encore… Elles attendent, mais qui viendra dans ce musée qui semble étrangement désert…

Ce sont Catherine Hiegel et Tania Torrens qui ont soufflé à Pierre Notte l’idée de cette pièce où deux femmes, les seules vieilles qui existent encore, se livrent à un combat sans merci.

Texte et mise en scène Pierre Notte | avec Catherine Hiegel et Tania Torrens | lumière Antonio de Carvalho | son David Geffard | administration, diffusion et production En Votre Compagnie | photo © Giovanni Cittadini Cesi

production Compagnie Les gens qui tombent | coproduction Théâtre du Rond-Point ; Théâtre Montansier de Versailles

création le 5 septembre 2017 au Théâtre du Rond-Point, vue hier soir au théâtre Montansier à versailles

Cette pièce voyage, si elle passe près de chez vous, ne la manquez pas !

Portrait de femme – Madeleine – Pierre Lemaître, Couleurs de l’incendie

Couleurs de l'incendie

Les couleurs de l’incendie – Pierre Lemaître – 03 janvier 2018

Ce second volet de la trilogie inaugurée par « Au revoir là-haut », prix Goncourt 2013, fait la part belle aux femmes, et surtout à l’une d’entre elles, Madeleine, la fille de Marcel Péricourt dont les obsèques sont célébrées en ce mois de février 1927.

Eduquée comme l’étaient les femmes de la grande bourgeoisie des années trente, Madeleine ne sait rien faire, on peut dire qu’elle a juste appris à lire et à peine à compter, et surtout à dépenser l’argent que lui octroie l’Homme de la famille, son père, qui n’a pas cru bon de l’initier aux arcanes de son empire financier. Elle est la maîtresse de maison, organise repas et réceptions quand cela est nécessaire et dirige la domesticité de la maison.

Les femmes vivent à travers les hommes, et réussissent à travers un bon mariage qui seul peut leur assurer la prospérité.

Madeleine, à la mort de son père, jeune divorcée d’un mari passablement indigne, a tout le profil d’une possible victime, prisonnière d’un monde dont elle ne connaît pas les rouages. Elle est aveugle à ce qui se passe autour d’elle mais aussi en elle.

Cette cécité conduit au drame, Paul, son fils, se jette de l’immeuble familial, et l’élucidation de ce drame, la ruine qui va l’accompagner, vont permettre à Madeleine de prendre son destin en main.

Pour cela, elle va se servir des hommes, des autres, pour assouvir sa vengeance et punir les coupables, dans un machiavélisme qui n’a rien à envier à celui des hommes ambitieux, cupides et corrompus qui l’entoure.

D’ailleurs les rapports de force s’organisent autour des hommes, une femme seule ne peut rien faire, et Madeleine, dans ce contexte,  saura armer son bras. Mais les couleurs de l’incendie illuminent une Europe décadente, antisémite et violente qui fait écho à ce drame familial et social.

Ce second volet de la trilogie est particulièrement réussi. Pierre Lemaître orchestre savamment son récit, ménage le suspense et n’est pas avare de retournements de situations. Il fait progresser la narration de manière implacable à la façon d’un piège qui se resserre inexorablement et qui procure bien des frissons au lecteur. A lire et à suivre …

Selon la Presse, le troisième volet se situerait dans les années quarante, et l’auteur, emporté par son sujet, envisagerait même de poursuivre cette fresque jusqu’au tome 10 (1920-2020). Lire ici !

Et je danse, aussi de Jean-Claude Mourlevat et Anne-laure Bondoux

Et je danse, aussi de Jean-Claude Mourlevat et Anne-laure Bondoux, 2016 Pocket numéro 16 542 (Fleuve éditions)

Je connais Jean-Claude Mourlevat grâce à son fantastique roman « L’enfant océan », un des meilleurs romans jeunesse que j’aie jamais lu. Et ils ne sont pas nombreux dans mon panthéon. J’avais donc un préjugé favorable à la lecture de ce roman tissé à deux mains même si je ne connaissais pas Anne-Laure Bondoux, elle aussi auteure jeunesse.

Il s’agit d’un roman épistolaire, dans lequel deux voix se répondent et d’entremêlent : Pierre-Marie Sotto et Adeline Parmelan. Les deux personnages correspondent par mails et c’est Adeline qui a envoyé le premier courrier assorti d’une volumineuse enveloppe qu’elle implore Pierre-marie Sotto, écrivain de son état, de ne pas ouvrir. Croyant à l’envoi d’un manuscrit, Pierre-Marie accède à sa demande et oublie plus ou moins l’enveloppe sur le bas de son étagère.

S’ensuit un échange de confidences et chacun livrant peu à peu de son univers intérieur, une sorte d’attachement se crée. Pourtant Adeline ne dit pas toute la vérité, et son personnage contient une part d’ombre et de mystère que l’écrivain va chercher peu à peu à percer.

Jean-Claude Mourlevat a écrit la partition masculine alors qu’Adeline écrivait celle d’Adeline.  Le roman s’est construit au fil de leurs échanges car ils ne savaient pas de quoi ils allaient parler en commençant leur projet littéraire. Ils ont dû se concerter tout de même à la moitié du roman afin d’écrire de concert car ils sentaient qu’ils partaient dans des directions différentes (voir interviews).

Il s’agissait pour tous deux de leur premier roman adulte et Jean-Claude Mourlevat  déclare en avoir trouvé l’écriture plus facile que celle des romans jeunesse. Il a été davantage moteur dans l’intrigue et Anne-Laure Bondoux avoue s’être davantage attachée à l’épaisseur des personnages
Ce roman fait partie des feel-good book et contient une part de légèreté mais des drames apparaissent peu à peu en toile de fond pour devenir très vite le ressort intérieur de l’histoire. On passe un agréable moment de lecture, il n’est pas sûr que les personnages nous suivent au-delà, mais c’est tout à fait bien comme cela.

La tresse, Laetitia Colombani / Trois femmes, trois destins et un vrai succès éditorial

La tresse - Laetitia Colombani - edition grasset - Lire sous Le ...

Laetitia Colombani – La tresse  Grasset § Fasquelle 2017

Voilà un livre qui a fait beaucoup parler de lui, gros succès éditorial, boudé par certains critiques, célébré comme le possible best-seller de l’été. A la Foire du Livre de Londres, seize pays ont déjà acheté les droits de traduction. A quoi est dû ce formidable succès ?

Peut-être en tout premier lieu, la force de l’intrigue, très habilement nouée et dénouée par son auteure, à l’image de cette tresse que l’on fait et défait qui tient le lecteur en haleine.

Ensuite, l’écho à cette mondialisation dans laquelle nous vivons pour le meilleur et pour le pire. Ces trois femmes vivent en Inde, au Canada et en Italie et sont reliées entre elles par un fil, ou plutôt une histoire de cheveux. La plus humble et la plus déshéritée est Intouchable et s’appelle Smita. Elle vit en Inde et est chargée de nettoyer le village des excréments de ses concitoyens. Elle rêve d’un autre avenir pour sa fille et voudrait l’envoyer à l’école. Ce tableau de l’Inde et de la violence qui est faite aux femmes ne peut que toucher le lecteur occidental et le révolter.

Sarah, canadienne, est la femme cadre, à qui tout réussit mais qui sacrifie sa vie personnelle et sa famille au travail. La maladie la forcera à réinventer sa vie.

Quant à la troisième, Giulia, elle travaille aux côtés de son père dans un atelier de confection de perruques en Sicile. Face à la pénurie de cheveux qui ne permet plus de produire les postiches et autres mèches, elle devra trouver une alternative au cheveu sicilien.

Pour finir, la force de ce livre tient à cette idée d’une solidarité universelle. Ce qui passe dans un endroit de la terre a des répercussions dans un autre. Nous sommes tous liés et l’indifférence n’est plus possible car aujourd’hui nous savons grâce à la vitesse de l’information et aux réseaux de l’internet. Nous ne pouvons ignorer la détresse de cette femme indienne, d’autant plus que notre modèle occidental attaché de plus en plus aux droits des femmes, nous a sensibilisé à ces problèmes.

On peut y voir aussi un féminisme planétaire, centré sur l’égalité des droits. Certains pourraient lui reprocher une forme d’ethnocentrisme laïque et occidental qui méconnaîtrait les particularismes locaux.

Peut-être une certaine idée du bonheur, de l’égalité des sexes et de l’amour sont la trame de ce livre, mais qui s’en plaindrait ?

Un très bon roman pour l’été.

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (8 et dernière)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Qu’on les reconnaisse d’abord concitoyens; leur fierté retrouvée, ils surprendront par leur entrain et leur joie d’être enfin respectés chez eux et non tolérés. » Je crois qu’on ne parle pas assez de ce besoin de reconnaissance et de la frustration et de la rancune que peuvent provoquer l’injustice et le rejet. Je pense qu’il est important de développer le sentiment d’appartenance des citoyens qui composent une nation. Ils ont besoin de se sentir soudés et cela n’est possible que grâce à la reconnaissance dont chacun a besoin pour se sentir intégré dans une société.
  • « A défaut de changer le pinceau du bon Dieu, que les critiques admettent ses toiles ! » : Que chaque Homme soit une oeuvre d’art, qu’il s’affine à la pointe de lui-même. Et que chaque être humain puisse contempler l’autre avec des yeux émerveillés. Si l’on prend garde, si on prend le temps surtout, on peut découvrir chez l’autre des trésors qu’on ignorait.
  • « Vos papiers ! Encore, nos papiers ! Toujours nos papiers ! Dans la rue, dans les trains, à travers les wagons, entre les travées, nous repérant parmi tous comme si nous clignotions, ils réclament toujours nos seuls papiers ! » Je comprends l’exaspération et la colère de Fatou Diome. Je trouve terrible qu’elle appréhende ses voyages par crainte de se faire contrôler. L’actualité la plus récente a montré combien nous sommes exposés à la violence aveugle de l’extrémisme, et cette période particulièrement tendue est forcément dangereuse car elle peut conduire à tous les amalgames et aussi à une forme d’aveuglement. A nous tous de faire attention. Notre destin repose entre nos mains… pour une grande part.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Et pour pouvoir continuer à battre la campagne, je vous propose de lire le livre de Fatou Diome.