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Aurora, Kentucky -Carolyn D. Wall

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Editions du Seuil, mai 2010, pour la traduction française, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Estelle Roudet.

(Le Kentucky [KY] est un État d’une superficie de 104 623 km²; il est situé au centre-est des États-Unis, entre les Appalaches à l’est et la confluence de l’Ohio et du Mississippi à l’ouest. Cet État est limité au nord par l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois, à l’ouest par le Missouri, au sud par le Tennessee, à l’est par la Virginie et la Virginie occidentale. La capitale de l’État est Frankfort. L’État du Kentucky  tire son nom du mot iroquois Ken-tah-ten signifiant «terre de demain».)

  Aurora dans le Kentucky : Olivia Harker élève seule son petit-fils William que sa fille lui a laissé avant de partir à Hollywood pour tenter une carrière d’actrice.  Ils se sont attachés l’un à l’autre et tentent de survivre en tenant une petite épicerie léguée par son père. La mère d’Olivia est folle et donne bien du fil à retordre à sa fille qui l’a reléguée au fond du jardin dans une petite cabane.

Les relations fille-mère dans ce récit sont particulièrement difficiles. Il ne suffit pas de pouvoir enfanter pour savoir aimer.  L’amour demande une disposition particulière, une attention à l’autre et la capacité de se détourner de soi au moins momentanément. Et certains êtres sont si occupés par leur propre souffrance qu’ils ne peuvent prendre en compte celle des autres.

Mère et fille sont incapables de communiquer : « La vérité, c’est qu’Ida et moi étions en proie à une souffrance si grande qu’elle nous poussait à une fuite en avant qui ne cesserait jamais. » Il semblerait également qu’il est plus facile de donner de l’amour à un enfant lorsque soi-même on a été aimé. On retrouve des gestes, des attitudes, des mots, dans une sorte de catalogue intérieur que l’expérience nous constitue.

Il n’y a pas d’instinct maternel : « Ida m’a appris une chose : les mères n’aiment pas forcément ce qu’elles expulsent de leurs ventre pour l’expédier dans le monde ». L’amour vient en plus et pas de façon automatique. Les mères indifférentes, maltraitantes ou monstrueuses ont toujours suscité l’effroi parce qu’elles semblent les plus proches a priori.

Les relations au père sont beaucoup plus apaisées, plus réconfortantes. Une question de bonne distance peut-être…

Tout à leur histoire familiale compliquée, dans cette Amérique de la fin des années trente, profondément raciste et ségrégationniste, Olivia ne sent pas la menace qui rôde et les exactions racistes d’une société secrète qui terrorise les Noirs de la région : disparitions, mutilations, vont l’ entraîner dans une série d’aventures ménageant de sombres rebondissements.

 

  Un roman au souffle profond, dans la grande tradition des romans américains, porté par une héroïne magnifique et courageuse. Carolyn D. Wall écrit dans la continuité d’une Harper Lee ou Eudora Welty : l’émotion et la tension présentes tout au long du roman tiennent le lecteur en haleine de manière particulièrement efficace. Un véritable pageturner et une narration impeccable dans une langue très aboutie.

Les derniers jours de Smokey Nelson – Catherine Mavrikakis

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Les derniers jours de Smokey Nelson – Catherine Mavrikakis – Sabine Wespieser éditeur 2012

Smokey Nelson attend dans les couloirs de la mort. Il a été condamné à la peine capitale et attend depuis 19 ans l’exécution de la sentence. Il a tué sauvagement un couple et leurs deux  enfants dans un motel des environs d’Atlanta.

Trois témoins directs ou indirects évoquent le criminel et la façon dont il a bouleversé leur vie.

Sydney Blanchard ouvre ce roman choral par un monologue qu’il adresse plus ou moins à sa chienne alors qu’il roule vers la Louisiane. Il n’est pas vraiment  sympathique d’ailleurs, vaguement raciste, sans réelle ambition, fan de Jimi Hendrix  dont il joue les standards, un peu lâche aussi.  Il a été arrêté par erreur et a passé quelque temps en prison à la place du coupable.

Il a été innocenté par Pearl Watanabe (seconde voix du roman) qui travaillait dans le motel cette nuit-là. Elle a parlé au meurtrier et même fumé une cigarette avec lui, avant de découvrir les cadavres mutilés de ses victimes. Il aurait pu la supprimer car elle était le seul témoin. Or, il lui a laissé la vie sauve. Pearl, sous le poids de la culpabilité qui la ronge, vit dans un long cauchemar.

Sam qui a été assassinée est la fille de Ray Ryan. Ray Ryan entend la voix de Dieu qui lui parle et lui permet de supporter la douleur de la perte. Il n’ a pas de conscience propre, tout lui est dicté par cette voix qui perd tout caractère sacré et devient presque triviale. Cette voix crie vengeance et Ray Ryan ne pourra prendre de repos tant que le meurtrier ne sera pas exécuté.

Mais la mort de Smokey Nelson fonctionne comme un couperet qui annihilera toute possibilité de rédemption pour le meurtrier et ceux qui ont croisé sa route. Face à l’absurde, ce que chacun avait mis en place pour vivre une vie normale, finit par s’écrouler.

 

Catherine Mavrikakis dit qu’elle aime bien que le lecteur soit bousculé et dans ce livre, pas de doute, on ne reste sur aucune certitude acquise. Il n’y a pas de portrait psychologique du meurtrier, rien ne le prédestinait à ces meurtres sauvages et on ne saura jamais ce qui a déclenché la tuerie. Pas d’antécédents judiciaires, une enfance et une adolescence relativement préservées, rien n’explique son geste. Peut-on devenir meurtrier par accident ? Peut-on être entraîné soi-même dans une violence qui nous dépasse ? Question angoissante s’il en est.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’une lecture de distraction mais d’une aventure que Catherine Mavrikakis nous invite à partager, un voyage parfois difficile, un jeu de piste mortel mais dont on ressort grandi, plus intelligent peut-être , moins impatient face aux choses difficiles de l’existence. La littérature devient alors le lieu d’une possible conversion. Et l’œuvre devient éternelle.

Catherine Mavrikakis est canadienne de langue française et c’est mon premier livre dans le cadre du challenge de Denis  sur la francophonie.

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