Catherine Mavrikakis – Le ciel de Bay City – Sabine.Wiespieser Editeur 2009
Catherine Mavrikakis est née à Chicago en 1961, d’un père grec et d’une mère française. Elle enseigne la littérature à l’Université de Montréal. Ses livres précédents, romans et essais, ont été publiés au Québec.
En 1979, elle choisit Montréal, où elle fait des études de littérature et une dépression, qui la conduira à de longues années de psychanalyse.
Ses recherches tentent de penser l’imaginaire de l’aveu, de la souffrance à nommer dans le récit contemporain (Christine Angot, Chloé Delaume, Guillaume Dustan, Anne-Marie Alonzo). Elle s’intéresse aussi au processus créateur dans la théorie psychanalytique et dans le discours tenu par les écrivains. Elle est participante de longue date au festival littéraire international Metropolis bleu.
Le ciel de Bay City est un ciel plutôt menaçant, violet qui vire au noir, chargé de pollution, de souvenirs de guerre et de traumatismes.
« Au-dessus de nos têtes, les cadavres planent, les esprits voltigent et mêlent leurs corps éthérés, souffrants, hargneux aux gaz toxiques et chauds des usines essoufflées du Michigan ». L’œil rivé aux nuées, dans cette ville du Michigan où elle est née, Amy, petite fille de juifs polonais, tente de trouver une place et de vivre malgré le secret familial qui entoure la mort de ses grands-parents et son ascendance juive.
D’ailleurs, sa mère recueillie et adoptée pendant la guerre par de bons catholiques normands tente à tout prix d’oublier le passé, laissant sa fille démunie et livrée à ses obsessions.
Des quatre éléments , l’air et le feu sont les plus puissants, ils embrasent ce roman d’un souffle et d’une écriture puissante qui sonde la mémoire et le traumatisme inter-générationnel. Que nous faut-il porter de nos ancêtres ? Quelle part de leur histoire est vraiment la nôtre ? Sommes-nous à jamais maudits ? Telles sont les questions qui hantent ce récit. Le feu anéantit, brûle autant qu’il sanctifie, des bûchers funéraires de Bénarès où l’âme quitte le corps pour accomplir ses migrations aux fours crématoires d’Auschwitz de sinistre mémoire où tant de juifs furent assassinés et dépouillés de toute humanité.
Entre le ciel et l’enfer, Amy a bien du mal à respirer de son souffle maladif d’asthmatique, toujours au bord de l’asphyxie, en proie au vent qui « s’engouffre d’est en ouest, du nord au sud, en hurlant, en hululant son chagrin ». Le ciel de l’Amérique est « multicolore, mais il ne porte que les couleurs d’une peine ». Peuplé par des vagues d’immigrants venus d’Europe et d’ailleurs, « loin de la Seconde Guerre mondiale et de ses charniers ouverts sous le firmament paisible »,fuyant la misère et l’horreur et portant avec eux leur exil et leur chagrin, les Etats-Unis d’Amérique sont devenus le pays d’Amy et de sa fille : « les vents des Grands Lacs ont soufflé sur mes cheveux dès ma naissance et les ont emmêlés à jamais » avoue-t-elle.
Toutes les menaces de fin du monde habitent ce ciel méphistophélique, bombe atomique d’Hiroshima , avions kamikazes du onze septembre, la folie des hommes, et ce secret terrible…
Amy parviendra-t-elle à savoir la vérité sur sa famille ? Au bout du compte, lorsque « l’hymen céleste s’est déchiré et les entrailles de Dieu ont enfin crevé. Cela pue. »
Peut-être existe-t-il d’autres chemins initiatiques, où l’eau des fleuve attire à eux les ciels furieux et permettent aux hommes d’apaiser leurs souffrances… Peut-être après le feu, l’air et l’eau, la terre permet-elle aux hommes de s’enraciner, de trouver un foyer et de cesser d’errer ? Peut-être, après tout, ne sommes-nous pas condamnés à l’apocalypse …
Vous le saurez en lisant l’écriture somptueuse de Catherine Mavrikakis, qui sans conteste est une grande dame de la littérature francophone. Son livre est un véritable objet littéraire, extrêmement bien écrit, d’une plume qui cisèle et qui fait chanter la langue ! Ce n’est pas un page-turner, il est parfois lent, se mérite, mais vous emporte au-delà et au-dedans de vous même. Un grand et beau voyage.
Depuis 2000, elle a publié cinq romans : Deuils cannibales et mélancoliques (Trois, 2000), Ça va aller (Léméac, 2002), Fleurs de crachat (Leméac, 2005), Le ciel de Bay City, (Héliotrope, 2008, Sabine Wespieser, 2009), Les derniers jours de Smokey Nelson ( Héliotrope, 2011) et une pièce de théâtre Omaha Beach (Héliotrope, 2008). Elle a écrit un essai-fiction sur la maternité avec Martine Delvaux: Ventriloquies (Leméac, 2003) et rédigé un essai: Condamner à mort. Les meurtres et la loi à l’écran (PUM, 2005). En 2010, elle fait paraître L’éternité en accéléré (Éditions Héliotrope) où elle a condensé les entrées de son blogue.
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Argentine =) Eugenia Almeida – Elsa Osorio – Lucía Puenzo – Canada =) Naomi Fontaine – Lucie Lachapelle – Catherine Mavrikakis – Dianne Warren – – Cuba =) Karla Suárez – Etats-Unis =) Jennifer Egan – Louise Erdrich – Nicole Krauss – Rebecca Makkai – Toni Morrison – Julie Otsuka – Karen Russell – Janet Skeslien Charles – Vendela Vida – Mexique =) Sabina Herman – Pérou =) Grecia Cáceres
74 invités, 19 femmes… Ce n’est qu’un hasard, bien sûr…
Peu nombreuses, elles seront moins médiatisées à part, bien sûr, Toni Morrison qui, malgré son Prix Nobel, reste assez mal connue du grand public.
Je vais donc toutes les lire et parler d’elles ! J’étalerai ces lectures sur plusieurs mois