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Mal de pierres – Milena Agus / L’érotisme au féminin

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L’héroïne, qui n’est toujours pas mariée à trente ans, fait fuir tous ses prétendants à cause de la passion violente qui l’habite. Son corps abrite une sensualité qui supporte mal les interdits de toutes sortes qui  la brident  dans cette Sardaigne pudibonde et moralisatrice, pendant la seconde guerre mondiale. Son imagination débordante lui fait vivre de folles aventures plus romanesques les unes que les autres. Jusqu’au jour où elle va rencontrer le mari qui lui est destiné. Mais est-ce un mariage d’amour ou de raison ? Alors qu’elle fait une cure thermale sur le Continent pour guérir son « mal de pierres », nom donné à des calculs rénaux, elle fait une rencontre qui va bouleverser sa vie … Ce n’est qu’à la fin de l’histoire qu’on saura toute la vérité mais est-ce vraiment la vérité ?

  Ce livre est de l’avis de tous les critiques un véritable petit bijou. L’auteure vit en Sardaigne où elle situe son roman. La narratrice qui souffre de désordres nerveux, et qui subit les assauts d’une imagination fantasque et d’une sensualité débridée, est attachante, parfois même bouleversante.

A mon avis, les femmes de cette époque devaient énormément souffrir, surtout les plus sensibles, de la  morale étriquée à laquelle elles étaient soumises.

Le corps nié des femmes, instrumentalisé, voué à la maternité, se rebelle en silence : hystérie, maladies nerveuses tentent d’exprimer à travers leurs symptômes cet enfermement. Comment oser dire alors ce terrible désir de jouissance et de vie qui taraude chaque centimètre de peau, ce feu brûlant qui dévore la chair et la tord jusqu’à la faire souffrir ?

Écrire bien sûr…

Alors, elle écrit son histoire dans un petit cahier noir à tranche rouge, retrouvé par sa petite fille qui est la narratrice de l’histoire. C’est une histoire à deux voix en quelque sorte, une mise en abyme… La fin est surprenante mais pourtant cohérente. Milena Agus est pour moi la première femme à parler de l’érotisme féminin dans les relations hétérosexuelles.

J’ai aimé la poésie et la fantaisie de l’héroïne, sa sensualité joyeuse qui il viaggioest un pur amour de la vie, son anticonformisme et la liberté intérieure qui est la sienne. Je pense que les femmes ont beaucoup souffert à être bridée dans leur sensibilité, leur créativité, condamnées à des taches sans gloire ni intérêt, confinées dans un espace social réservé, entre la mère et l’épouse. J’ai adoré et Milena Agus est devenue une de mes romancières préférées.

Chez Mark et Marcel

L’ingénue libertine – Colette

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L’ingénue Libertine – Colette – Le livre de poche
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Colette écrivit ce roman en 1909. Mariée depuis 1893 à Henry Gauthiers-Villars surnommé Willy, Colette écrivit pour son époux des romans qu’il signait sans vergogne. « L’ingénue libertine » était à l’origine une nouvelle, Minne, et une suite « Les égarements de Minne » écrits avec Willy et qu’elle rassembla en une seule œuvre lorsqu’elle se libéra définitivement de l’emprise de son premier mari. Elle en expurgea toutes les contributions de celui-ci. Toutefois, elle ne put jamais le considérer comme un bon roman car trop lié aux premiers aspects de sa carrière de romancière.

Qui est donc cette ingénue libertine ? Une ravissante personne, Minne, choyée par sa mère, tenue à l’écart du monde, mais dont l’imagination s’enflamme à la lecture des journaux et des aventures d’une bande de Levallois-Perret, composée de margoulins et de criminels, qui représente pour la jeune fille la liberté et l’aventure. L’éducation des jeunes filles de l’époque qui les laisse dans l’ignorance de la sexualité et qui pour préserver leur innocence (et leur virginité) les enferme dans un quotidien sans saveur est responsable d’une méconnaissance complète des choses de la vie et de ses dangers.

Son cousin âgé de quelques années de plus qu’elle, et avec qui elle passe ses vacances fait bien pâle figure à côté de ces hommes sauvages et libres. Il est amoureux fou pourtant de sa cousine et finira par l‘épouser.

Mais Minne s’ennuie, sa vie est plate, et elle n’éprouve aucun plaisir sexuel  avec son mari. Elle reste captive de son secret et collectionne les amants dans l’espoir de découvrir ce plaisir qui jusqu’alors lui a été refusé. Devant son mutisme et son manque d’enthousiasme, son mari ne se pose pas de questions et ne cherche pas à découvrir l’origine d’une telle indifférence.

Minne est prisonnière d’un système social dans lequel le refoulement de l’orgasme au féminin s’inscrit dans une tradition séculaire de répression des femmes comme le montrera, dans les années 70, le Rapport Hite.

            A l’époque de Minne, dans les années 20, on mettait même en doute l’orgasme féminin et on cantonnait la femme à ses fonctions reproductrices. Quand on lui reconnaissait une existence c’était sous la forme d’une sexualité masculine complètement génitalisée, c’est pourquoi nombre de femmes ne ressentaient aucun plaisir dans leurs rapports amoureux. Le rapport Hite mit en lumière le fait qu’un tiers seulement des femmes en retirait du plaisir.

Colette soulève là un problème qui commençait à son époque à agiter les consciences féminines et devint la première à l’évoquer aussi librement dans un roman. Sa fréquentation des milieux homosexuels et ses propres aventures amoureuses lui firent certainement découvrir, dans un milieu libéré des conventions, une autre forme de sexualité beaucoup plus satisfaisante.

Le manque d’éducation sexuelle et les préjugés fortement ancrés dans les mœurs étaient autant d’embûches pour l’épanouissement des femmes. Et si la parole s’est libérée aujourd’hui, on le doit d’abord à ces femmes qui furent des pionnières.

 

J’ai beaucoup aimé ce roman de Colette qui aborde un sujet qui fut longtemps tabou sur la sexualité féminine.

« Irène Chaulieu dit qu’il faut se ménager, sinon ne veut pas paraître tout de suite cinquante ans, et elle assure que, pourvu qu’on crie ah !ah !, qu’on serre les poings et qu’on fasse semblant de suffoquer, ça leur suffit parfaitement. Ca leur suffit peut-être aux hommes, mais pas à moi ! »s’écrie Minne.

Colette décrit parfaitement à quoi conduit la frustration, à une forme de haine : « Mais encore une fois, il défaille seul, et Minne, à le contempler si près d’elle immobile, mal ressuscité d’une bienheureuse mort, déchiffre au plus secret d’elle-même les motifs d’une haine naissante : elle envie férocement l’extase de cet enfant fougueux, la pâmoison qu’il ne sait pas lui donner. »

Minne parviendra-t-elle à trouver ce qu’elle cherche, à se libérer des entraves de cette frustration sexuelle qui l’enferme dans la grisaille et l’ennui ? Il faut lire la sulfureuse et libre Colette.