Amour dans une vallée enchantée de Wang Anyi ,1993, Wang Anyi,2008 Philippe Picquier, 2011 Philippe Picquier pour l’édition en poche
Une jeune femme étouffe dans son quotidien et s’ennuie dans son couple. Comme une éclaircie dans ce quotidien morne, elle est envoyée à un colloque d’écrivains à Ushan, endroit niché dans la montagne, enveloppé de brumes, pour une dizaine de jours. Elle tombe alors sous le charme d’un écrivain célèbre et ils vont s’aimer dans un amour aux accents mystiques, silencieux et secret le temps d’une brève rencontre.
Wang Anyi est une écrivaine chinoise née en 1954 de parents tous deux écrivains . Son père, traité de droitiste en 1957, est démis de ses fonctions dans l’armée et dix ans après, la Révolution culturelle va ranger sa mère, comme nombre d’écrivains, parmi les « esprits malfaisants » . Elle se réfugie dans la lecture des grands écrivains chinois et étrangers, notamment Balzac. Depuis la parution de ses premiers textes en 1976, elle ne va plus cesser de publier nouvelles, romans et essais, remportant de nombreux prix littéraires. Le chant des regrets éternels, paru en 1995, obtiendra l’une des plus hautes distinctions chinoises, le prix Maodun, en l’an 2000. Elle est élue en 2001 présidente de l’Association des écrivains de Shanghai. Source Editions Picquier.
Amour dans une vallée enchantée fait partie d’une trilogie, avec Amour dans une petite ville, et Amour sur une colline dénudée qui avaient été« vivement critiqués pour « avoir osé aborder les problèmes du sexe et de l’adultère, sujets jusqu’alors interdits. […] (Celui-ci) a lui aussi subi les foudres de la critique pour avoir présenté une femme qui se libère, pendant une brève parenthèse, du carcan des convenances sans avoir à en souffrir. L’auteur qui se défend d’être féministe expose là une certaine conception de la liberté de la femme. »Source Yvonne André.
La narratrice décrit sa vie quotidienne étriquée entre un travail monotone et une vie conjugale sans grand intérêt. Cette échappée dans la montagne va être l’occasion de vivre un nouvel amour. La montagne est somptueuse, les gouffres vertigineux, les chutes d’eaux impressionnantes. « Cette vallée enchantée agit comme un piège dont on ne parvient pas à sortir. »remarque–t-elle. Le paysage est à l’unisson de l’aventure de ces personnages, comme en contrepoint à la progression des sentiments. D’ailleurs elle-même se sent comme « une eau courante », même le silence est « une membrane transparente à la surface de l’eau ».La montagne semble « prendre la parole » et dans le brouillard pourrait se dissimuler « un autre monde inconnu des humains et que, manquant d’audace et de liberté, ils n’avaient pas l’idée de s’y aventurer ».
Les personnages pourraient être universels, d’ailleurs l’utilisation des pronoms, il, elle, servent à renforcer cette impression. Ils sont encore jeunes, éduqués, intelligents, à l’imagination foisonnante et ne se satisfont pas d’une vie banale. La culture ouvre à d’autres types d’émotions esthétiques et amoureuses, affine la sensibilité. Le roman a d’ailleurs parfois la froideur d’une démonstration.
Les personnages préfèrent l’espoir à sa réalisation ; ils ont l’expérience de l’amour et sont comme « des enfants, toujours en train de rêver ». Car toutes les expériences vécues sont comme une sorte de terreau où peut s’épanouir un amour nouveau, et « ressuscitent mystérieusement, en écho à l’appel qu’elle ressent à présent, aussi le choc dépasse-t-il en intensité tout ce qu’elle a connu dans le passé. »
La qualité d’un amour a son importance, délivré des contingences du quotidien des femmes, hors de portée de leur colère et de leur frustration dans une société encore très traditionnelle où la femme, comme ses consœurs occidentales, doit gérer une double journée de travail.
J’ai beaucoup aimé ce livre, sa lenteur, ses belles descriptions. Le style est épuré, un peu froid cependant à certains moments du récit et ne conviendrait pas à certains lecteurs qui pourraient manquer d’empathie. Tout y est analysé minutieusement, décrit dans un récit curieusement absent de tout lyrisme qui pourrait lasser ou ennuyer ceux qui aiment la passion dans le texte. L’auteur a une grande distance avec ses personnages et les observe de manière presque clinique. Mais un charme puissant agit dans ce récit un peu lancinant.
Très belle critique ! Après je ne sais pas si ce livre pourrait me convenir par le manque d’empathie et de passion que tu soulignes… A voir
Bonne journée 🙂
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