Laura Kasischke évoque son dernier roman, Eden Springs et notamment cette figure du charismatique Benjamin Purnell, gourou d’une secte, Eden Springs, qui promettait la vie éternelle à ses adeptes, mais surtout aux belles jeunes filles.
« C’est l’histoire d’un gourou dont le but est de coucher avec le plus de femmes possibles. Il est charismatique, il est beau et les femmes l’aiment. Est-ce qu’il est né prédateur ? Ou est-ce qu’il es question juste d’opportunité ? » Le déclin de sa doctrine est due à son vieillissement, mais sa violence a inversement empiré avec le temps. Il fascinait les gens. C’est cette fascination qui lui a permis de devenir un prédateur.
Cette question de la violence exercée sur les femmes, véhiculée par les constructions sociales liées à la domination, se pose dans les heures rouges de Leni Zumas, par l’assujettissement des femmes à des lois qui les contraignent fortement : l’avortement est devenu illégal, et on ne peut plus adopter.
« Elle est l’écho de ma propre douleur, de ma propre angoisse, avec mes problèmes de fertilité », explique Leni. Les femmes doivent se définir par rapport à la maternité, par leurs fonctions reproductrices. « Je devenais obsédée par cette problématique », avoue-t-elle.Quand elle lisait des romans, ils parlaient toujours du mariage et de la maternité. Alors est-ce interne, ou la société qui nous impose cela ?
Pour Wendy Guerra, « On prend le rôle des parents, et c’est le raffinement de ce travail qui nous pousse à devenir meilleur. Aujourd’hui ma mère est en moi. »
Laura Kasischke explique qu’elle a beaucoup évolué dans ses représentations. la violence n’est pas que d’un côté. Il ya le mystère irréductible d’une femme qui susciterait cette violence. Car les femmes exercent égalment un pouvoir sur les hommes. ils utilisent leur pouvoir physique mais les femmes c’est différent. Dans son premier roman, la femme était une victime absolue. C’était son ressenti de l’époque mais avec le temps, elle a mis en place tout un éventail de rôles féminins qui incluait aussi la femme tyrannique.
Mais elle s’est constituée par l’identification à des figures féminines, notamment Sylvia Plath.
« Sylvia Plath m’observait. Est-ce qu’elle aurait approuvé ce que j’écrivais ? »
De la femme victime absolue, comme Sylvia Plath, d’autres figures ont émergé qui symbolisaient la joie de vivre. Un changement de perspective s’est opéré. Plus nuancée.
« Ma vison des femmes en littérature a évolué avec les écrivains qui m’ont servi de modèles ».
D’ailleurs, pendant très longtemps zelle n’a lu que des auteures.
« Je n’ai pas lu un seul auteur avant d’être assez âgée. Aujourd’hui je suis moins sexiste. et donc tout ce que j’ai appris en littérature vient de ces auteures. »
« Les femmes étaient toujours très très fortes, et les hommes souvent coupables d’une certaine faiblesse. »
Leni Zuma remarque qu’avec « Me too », la parole s’est libérée. Pourtant, on assiste à un retour du religieux, de la morale, dont les victimes sont les femmes. Régression ? On doit être très vigilants aujourd’hui. Aux Etats-Unis d’Amérique, les chrétiens évangélistes sont très puissants politiquement.. Beaucoup d’américains aiment bien raconter que l’Amérique est un pays laïque mais ce n’est pas tout à fait exact. Dans certains états, il n’y a qu’une ou deux cliniques disponibles qui pratiquent les interruptions de grossesse, ce qui est une façon pragmatique et détournée de les limiter. Et ce sont les femmes les plus vulnérables économiquement qui sont les plus touchées.
Comment se conformer aux exigences d’autrui ? Le système est dominé par le mâle blanc patriarcal auquel même les femmes écrivains se plieraient. On intériorise un mini-système. Leni admet ne pas avoir lu beaucoup d’écrivaines. Elle écrivait, comme quelques autres, pour des auteurs comme Philp Roth. Elle cherchait l’approbation de ce type de personnes. « Parfois, le compliment que je reçois, c’est que j’écris comme un homme. ».
Une femme qui écrit, c’est comme si elle vomissait ses émotions sur une page.
Alors, on ne peut pas le nier, cela a un impact sur une écrivaine.