Litterama, les femmes en littérature, s’était donné pour mission de rendre compte le plus largement possible de la présence des femmes et des thématiques féministes ou autour des femmes de ce festival. Je remercie le service de presse de ce festival de m’en avoir donné l’opportunité. Ce festival a été, il faut encore le souligner, un écho au mouvement metoo et a accompli une petite révolution dans l’organisation et la conception des conférences autour de ces sujets. Le public, pas seulement féminin, y a été tout à fait sensible, et le nombre de visiteurs a encore augmenté cette année. Il y aura, à mon avis, un avant et un après dans ce domaine.
Née en 1935, Vivian Gornick, icône féministe en Amérique, mais aussi journaliste, et critique littéraire respectée, était présente lors de plusieurs conférences dont celle sur le féminisme. Voici donc une partie de son intervention, que j’ai retranscrit le plus fidèlement possible, qui explique l’origine du féminisme radical aux Etats-Unis, dans les années 60-70.
Dominique Chevalier : « Nous avons la chance d’avoir parmi nous Viviane Gornick qui est véritablement une icône du féminisme, elle est à la fois journaliste, écrivain, professeure, critique littéraire, elle a été féministe radicale, et elle a écrit plusieurs essais sur
le féminisme. C’est quelqu’un qui est véritablement une référence aux Etats-Unis, et je voulais lui demander, elle est décrite comme une féministe dans les années 60-70, ça voulait dire quoi, être féministe radicale dans les années 60-70 aux Etats-Unis ?
- […]ce qui était considéré comme radical et sans doute pour la première fois c’est que la lutte pour le droit des femmes était vu comme une philosophie plus large, donc vraiment générale, qui en plus entrait dans le contexte d’une lutte, plus générale, pour les droits humains, ceux qui ne se limitaient pas à juste demander l’égalité des salaires, ou des choses comme ça, se considéraient ou étaient considérés comme radicaux.
« Les hommes de gauche, et les hommes noirs de ces mouvements, étaient sexistes et parfois encore plus sexistes que les autres »
Sur l’origine du féminisme radical, moi, comme énormément de femmes de mon époque, on est issues du mouvement de la « new left », la nouvelle gauche, donc ces mouvements qui sont présents aux Etats-Unis mais aussi en Europe, partout dans le monde à partir des années soixante, soixante-huit, nous étions donc des sortes de fondatrices, de ce « new left » mais étant que femmes, ce qu’on a vu dans ces mouvements de gauche c’est que les hommes de gauche, et les hommes noirs de ces mouvements, étaient sexistes et parfois encore plus sexistes que les autres, et qu’on s’est vu être traitées, comme des servantes ou des enfants, on nous disait que ce n’était pas encore notre tour de parler, et donc ça a fait émerger une sorte de cri, très fort, pour demander l’égalité.
« On nous disait, arrêtez de créer de la division »
Et donc et à chaque fois qu’on essayait de faire passer ces revendications, on nous disait qu’on créait de la division, et donc en fait c’est quelque chose qui remonte à très loin, c’est-à-dire même la révolution française, où quand les femmes ont commencé à dire, ah okay, très bien, il y a eu les droits de l’Homme mais que se passe-t-il pour les droits de la femme, on leur a dit aussi à cette époque, arrêtez de créer de la division. Ca a été la même chose pour les suffragettes, qui étaient toutes membres des mouvements abolitionnistes, pour libérer les esclaves, et c’est en ça, un peu, que naît le féminisme radical, c’est un moment, une volonté pour s’exprimer, pour les femmes de mener leurs propres combats, puisqu’on leur demandait juste de prendre une position plus en recul, et que par exemple, on a offert le droit de vote aux hommes noirs, avant de l’offrir aux femmes. © Mitchell Bach
« On ne sera plus gentilles ! »
Et ces femmes ont affirmé, « ben non, il faut que ce soit tout le monde en même temps ou personne, et on ne reculera plus, et on ne sera plus gentilles et on ne voudra plus qu’on nous dise toujours , « ce n’est pas ton moment, ce n’est pas ton moment, ce n’est pas ton moment, il y a des problématiques plus importantes, s’il te plaît, reste un petit peu en arrière », et ça c’est quelque chose que j’ai entendu pendant toute ma jeunesse, dans les mouvements féministes et , je pense qu’on ne peut plus attendre.
Dans La femme à part, Vivian Gornick traverse ses souvenirs, capturant l’essence de New York et de sa propre existence avec justesse.
La fille, désormais sans sa mère, décédée, devient une femme à part, arpentant son monde et le nôtre. Dans les bus de Manhattan et les rues du West Side, elle explore l’amitié, la solitude, le féminisme, la vieillesse, le sexe, la littérature, la place des Noirs dans la société américaine… Un voyage aussi intime qu’universel.
« En parlant d’elle, Vivian Gornick nous tend un miroir. Et nous bouleverse. » The New York Times