Archives pour la catégorie Les femmes et la pensée

La revue des femmes philosophes

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vignette Les femmes et la PenséeCette revue se veut un lieu de communication et de diffusion des membres du Réseau international des femmes philosophes à l’initiative de Moufada Goucha. Quand on connaît le nombre de femmes philosophes qui furent publiées dans l’histoire, on ne peut que se féliciter de cette démarche de l’UNESCO. Il semble que les thématiques  et les problématiques visent à éclairer le monde d’aujourd’hui puisque le numéro 2 s’intéresse aux révolutions arabes. L’autre intérêt de cette démarche est de rassembler des femmes du monde entier, et notamment d’offrir un espace d’expression et d’argumentation aux femmes de chaque pays. Cette solidarité internationale est particulièrement innovante. L’autre point qui me paraît véritablement fondamental est que cette démarche souhaite intégrer la diversité des actes de pensée au sein de cultures variées en respectant les traditions intellectuelles des pays concernés et de promouvoir ou rendre visibles des pratiques culturelles  autres.

« Les femmes philosophes sont invitées à se saisir de questions fondamentales qui sont d’importance aujourd’hui dans les domaines du travail intellectuel et son influence sur la société, de l’égalité des genres, des droits de l’homme et de l’universalité, du dialogue interculturel et de la politique orientée vers la communauté. »

Numéro actuel

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Le sommaire de ce premier numéro est particulièrement alléchant :

– Ce que pensent les hommes philosophes des femmes philosophes, Qui est homme, qui est femme? et bien d’autres questions. Espérons que leur langue sera plus abordable.

Cette revue est disponible sous forme électronique en français et en anglais.

La Revue des femmes philosophes n°2, de novembre 2012 présentera :

  • « Printemps arabes, printemps durables »
    Ce que les femmes philosophes pensent du (nouveau) monde arabe
    Ce que les femmes philosophes du (nouveau) monde arabe pensent

A suivre donc… D’autant plus qu’après ce mois passé sur le blog à m’y intéresser, j’aimerais beaucoup connaître les opinion des intéressées.

Gille Ménage – Histoire des femmes philosophes

  Histoire des femmes philosophes

Gilles Ménage.
Gilles Ménage. (Photo credit: Wikipedia)

Gilles Ménage – Histoire des femmes philosophes

« Paru en 1690, Mulierum
Philosopharum historia répare une double injustice. Injustice d’abord faite à Gilles Ménage (1613-1692), latiniste , grammairien éclairé et précepteur de Madame de Sévigné et de Mme de Lafayette.
Injustice ensuite, faite aux femmes qui pensent depuis l’Antiquité… A l’instar de Villon, Ménage rapporte ici la vie de bien des dames du temps jadis, qu’elles appartiennent aux grands courants de
la philosophie grecque ou qu’elles aient préféré la pensée libre, sans  affiliation à une école.

D’entre les meilleures, citons les Aspasie, les Diotime, Anthuse, Hypathie, Arété, Nicarète, Hyparchie, Hestia, Théodora,  Léonce, et autre Thémistoclée, sans oublier l’intrépide et hautaine Timycha, qui se coupa la langue pour la cracher à la face de Denis le tyran. »

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (Photo credit: Wikipedia)

« Longtemps, on nous a dit que le savoir n’avait qu’un sexe.

Longtemps, on nous a fait croire que la philosophie n’avait pas de bassin féminin.

Longtemps on nous a caché que nos arrière-grands-mères étaient des femmes savantes.

Longtemps, on a oublié que l’art de la conversation était œuvre commune. » Claude Tarrène

vignette Les femmes et la Pensée

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul

Fanny-Raoul

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul – Texte présenté par Geneviève Fraisse- editions « Le passager clandestin » suivi de « Votez pour le Ken le plus sexy de la culture avec Radio France » par Marie Desplechin

vignette Les femmes et la PenséeEn 1801, une jeune Bretonne de 30 ans dont on ne sait aujourd’hui presque rien, s’adresse aux femmes de son temps pour les prendre à témoin des interdits, servitudes et violences qu’il leur faut encore affronter, aux lendemains de la Révolution.

Ce texte est extrêmement émouvant car c’est le cri et la révolte d’une femme qui nous parvient par-delà les siècles et prend à témoin la postérité. Une jeune femme qui  assure avec force, dans des élans visionnaires, qu’un jour les servitudes auxquelles sont assujetties les femmes et qui semblent si enracinées dans les traditions, cesseront. Peu nombreuses sont alors les femmes de lettres. A Constance Pipelet (Constance de Salm ) qui écrit des poèmes, le poète Ecouchard Lebrun (qui lui n’a pas eu les honneurs de la postérité) ordonne avec mépris : « Inspirez, mais n’écrivez pas ». La misogynie ambiante est assez virulente puisqu’un projet , défendu par son auteur Sylvain Maréchal, et intitulé « Projet portant défense d’apprendre à lire aux  femmes » a pu voir le jour et faire débat.

A travers ce texte, on sent toute la détermination, le courage, l’intelligence , la finesse mêlés à la souffrance et au désespoir de cette jeune femme.

Elle construit une argumentation rigoureuse où elle discute point par point les préjugés et les opinions de son temps, en essayant d’en montrer l’arbitraire et l’absurdité. L’asservissement des femmes  sert selon elle des fins politiques, les hommes ne souhaitant pas avoir des rivales en la personne de leurs compagnes. Elle le démontre avec force et en fait voir tous les ressorts.

Selon elle, les hommes et les femmes ayant une part égale dans les processus de la reproduction, « cette nécessité réciproque est donc le fondement de leur égalité naturelle », ils doivent avoir également la même part d’avantages dans la société et la même protection par la loi. Elle démonte l’argument selon lequel les femmes ne sont pas capables d’assumer des fonctions ou des charges politiques en expliquant que cet argument est absurde et ne peut valoir puisque, de toute façon, on ne leur a jamais laissé le loisir de prouver le talent dans ce domaine . Elles sont ignorantes, soit, c’est souvent le cas, mais c’est parce qu’on leur interdit l’accès à toute éducation. Ceux-là même qui devraient les défendre, qui possèdent toute la puissance de la raison, les philosophes, puisqu’ils s’appliquent à démontrer les erreurs et les préjugés des Hommes, ne font rien pour elles. (Poullain de la Barre, mais il était prêtre avant de se convertir au protestantisme- en 1673, fait paraître anonymement De l’égalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugez )

« Il est remarquable de voir des philosophes s’attendrir sur le sort d’individus dont un espace immense les sépare tandis qu’ils ne daignent pas s’apercevoir des maux de ceux qu’ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river la chaîne de leurs femmes est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ».

Elle dénonce également, ce qui, à ses yeux, est plus grave encore : « A force de leur dire qu’elles étaient faites pour l’esclavage, on est parvenu à le leur faire croire et à éteindre conséquemment en elles toute énergie et tout sentiment d’élévation. »

Si l’on considère le sort fait aux femmes dans de nombreuses régions du monde, et les arguments développés pour le justifier, ce texte, deux cent ans après sa publication, garde toute son actualité.

Un beau texte très émouvant, un témoignage par-delà les siècle, qu’il faut lire absolument.

Le conflit, la femme et la mère Elizabeth Badinter

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Elizabeth Badinter – Le conflit, la femme et la mère

 

 

            vignette Les femmes et la Pensée« On ne naît pas femme, on le devient », cette célèbre formule de Simone de Beauvoir a résumé à elle-seule l’approche culturaliste de la condition féminine. L’identité féminine ne vient pas d’une essence, d’une nature féminine qui existerait de toute éternité mais elle est constituée par une société patriarcale qui impose ses normes et son pouvoir. Il s’agit de contrôler la procréation et la filiation. C’est pourquoi la vertu féminine est l’objet d’une surveillance constante, (duègnes, gouvernantes, etc) afin de limiter les relations sexuelles hors du mariage.

Cette approche critique a alimenté nombre des revendications féministes. Ce modèle reposait sur la complémentarité des sexes et non sur la ressemblance et l’égalité, introduisant une stricte différenciation des rôles et des destins : la femme admirable, la mère, devait se sacrifier à ses enfants car elle était la plus à même de le faire.

Ce modèle battu en brèche dans les années 60, 70par les féministes, revient aujourd’hui en force à travers des discours pseudo-médicaux des partisans de la leche league et autres qui prônent l’allaitement et préconisent le retour des femmes au foyer pendant au moins les premières années de la vie de l’enfant. Tout ceci, bien sûr, dans l’intérêt et le bien-être de l’enfant.

Le levier sur lequel appuie ces militants, est le sentiments de culpabilité des mères, qui subissent la pression sociale et idéologique de ce que devrait être la bonne mère. Les femmes qui ont d’autres désirs, ou qui se sentent incapables d’assumer ce modèle, peuvent se sentir déchirées par des exigences contradictoires et vivent un profond malaise.

Les tenants de ces nouvelles normes qui voient insidieusement le jour, affirment que l’allaitement par le biberon, la garde précoce des enfants par un tiers mercenaire (nourrice, crèche) sont nuisibles au bon développement de l’enfant. Des études sont publiées qui vont dans ce sens afin de donner une crédibilité accrue aux arguments qui sont avancés.

Il s’agit, en effet, de créer un consensus social et une obligation morale, par le fait, qui ne peut qu’aboutir  à la mise à l’index de toutes celles qui dérogeraient à ce modèle.

La diversité des aspirations féminines n’est plus prise en compte. Il y a une voie et une seule.

Les politiques visant à aider les femmes à concilier leur rôle de mère et leurs aspirations professionnelles ou leur désir profond, sont, dans certains pays pratiquement inexistantes (voir l’Allemagne et le Japon). Cet état de fait contribue à renforcer la voie du tout ou rien : soit je me conforme à la norme ambiante, soit je ne fais pas d’enfant au risque de créer un conflit intérieur où s’opposent des désirs contradictoires et le sentiment d’être dans une impasse.

Elizabeth Badinter explique de cette manière la baisse du taux de natalité dans ces pays. La France, parce qu’elle a su développer des politiques favorables au femmes, création de crèches et de l’école maternelle, mais aussi politiques familiales pour celles qui souhaitent rester à la maison les deux premières années, ont permis jusqu’à présent de concilier les différentes aspirations des femmes en n’imposant pas un seul modèle. Or, ce fragile équilibre n’est-il pas à nouveau menacé ?