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Au bonheur des dames – Emile Zola

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Le bonheur des dames s’inscrit dans la grande fresque naturaliste des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire. Il étudie scientifiquement une famille sur laquelle pèse l’hérédité et la folie. Et les milieux sociaux dans lesquels évolue ses membres.

           Denise vient à Paris avec ses deux frères dont elle s’occupe comme une mère pour trouver du travail car ses parents sont morts et c’est à elle que revient la charge de s’occuper d’eux. Elle a « un visage long à bouche trop grande, son teint fatigué déjà, sous sa chevelure pâle »[1]. Zola rompt ainsi avec les description des héroïnes des romans populaires, qui ne sont que « magnifiques chevelures, regards superbes », visant à éblouir le lecteur par « une beauté superlative à l’aide de poncifs »[2]

Elle se rend chez son oncle drapier à Paris qui ne peut lui procurer du travail car ses affaires vont mal, malmenées par la concurrence d’un grand magasin « Le bonheur des dames » dirigées par Octave Mouret  qui rêve de conquérir le peuple des femmes. Il invente de nouvelles techniques d’intéressement de ses employés au chiffre des ventes en leur octroyant des commission sur le montant total des ventes, révolutionne l’art de l’étalage par de magnifiques mises en scène et ne cesse de vouloir agrandir son magasin, vendant beaucoup et à bon marché, l’intérêt étant de faire travailler le capital investi le plus de fois possible quitte à vendre à perte. Cette rotation rapide des stocks, les prix bas signent la mort du petit commerce qui succombe sous la marche du progrès. Des personnages hauts en couleur tiennent tête à l’ogre du « Bonheur des dames » et à son désir de puissance et de femmes.

Car il s’agit d’attirer les femmes et de les dominer, de les « allumer ». Ces femmes de la bourgeoisie du XIXe siècle, que l’on tient encore largement prisonnières de la sphère domestique, rompues à l’art de plaire, tout entières tournées vers les robes et les colifichets, armes suprêmes de la conquête et de la réussite sociale, vont devenir des victimes de la mode et les pionnières de la société de consommation. Car le prêt-à-porter naissant met à la portée de toutes les bourses ce qui auparavant était inaccessible. La consommation effrénée devient alors le moyen d’assouvir toutes les frustrations des femmes vouées à une vie morne et sans intérêt une fois leurs enfants élevés.

« Mouret avait l’unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa maison, il lui avait bâti ce temple pour l’y tenir à sa merci. C’était toute sa tactique, la griser d’attentions galantes et trafiquer de ses désirs, exploiter sa fièvre. »[3]

Il n’en va pas de même pour celles qui sont obligées de gagner leur vie comme Denise, dans des conditions difficiles, treize heures par jour, sans aucune protection sociale. Les femmes de la classe ouvrière sont des proies faciles, obligées parfois de se vendre pour échapper à la misère en prenant un amant ou en se prostituant.

Octave Mouret, malgré son cynisme, est le type même de l’entrepreneur moderne  pour qui l’essentiel est de « vouloir et d’agir, de créer enfin »[4]

A la guerre commerciale, fait écho la guerre des sexes et la misogynie. Ainsi Mouret se targue-t-il d’élever un temple aux femmes, cherchant sans relâche « à imaginer des séductions plus grandes ; et derrière elle, quand il lui avait vidé les poches et détraqué les nerfs, il était plein du secret mépris de l’homme auquel une maîtresse vient de se donner. »[5]

La femme est reine dans son foyer, tous les achats domestiques lui reviennent, les étoffes couvrent son corps et le rendent plus désirable encore et Mouret à travers son commerce échauffe ces désirs et les manipulent.

Mais cette rivalité homme/femme se double d’une rivalité entre les femmes elles-mêmes, rivalités de classe ou rivalités dans la conquête d’un homme. Zola raconte ainsi qu’ « on se dévorait devant les comptoirs, la femme y mangeait la femme, dans une rivalité aiguë d’argent et de beauté. »[6]

Cette guerre perpétuelle préside aussi aux relations entre les vendeuses, chacune cherchant à prendre la place de l’autre afin d’acquérir plus d’argent et de pouvoir. Cette loi de la nature  qui est la loi du plus fort est aussi la loi qui régit les rapports humains et les rapports sociaux.

Mais Denise va contribuer à renverser cet ordre négatif et transformer Mouret. Car il y a tout au long de ce livre une très belle histoire d’amour.

Courageuse, intelligente, clairvoyante et fière, elle possède toutes les qualités, et refuse les avances de Mouret. Il va apprendre à nouer des relations avec les femmes basées sur la confiance et le respect alors qu’auparavant elles étaient pour lui des objet ou des proies. C’est à une conversion que l’on assiste alors et les autres femmes sont vengées ! Peu à peu, elle le conduit  à améliorer les conditions de travail dans une perspective de plus grande justice sociale et met en place des innovations en matière de protection .
C’est donc par la femme que se produit l’ultime conversion, par la grâce de l’amour aussi que le personnage masculin se transforme. Denise n’est pas d’une grande beauté mais ses qualités de cœur et sa vive intelligence en font une femme moderne et équilibrée. C’est la fin du XIXe siècle… Toutefois elle reste la mère avant tout, et il est assez significatif que son ascension professionnelle la conduira au rayon … pour enfants. On ne tord pas si facilement le cou aux préjugés, même si on s ‘appelle Zola.

Ce roman magnifique est à lire absolument ou à relire !

[1] Au bonheur des dames, p 13, éditions de la Seine 2005.

[2] Destins de femmes dans le roman populaire en France et en Angleterre au XIXe siècle.

[3] Au bonheur des dames, p 246, éditions de la Seine 2005

[4] Au bonheur des dames, p 75, éditions de la Seine 2005

[5] Au bonheur des dames, p 85, éditions de la Seine 2005

[6] Au bonheur des dames, p 325, éditions de la Seine 2005

Valentine Goby – La note sensible ou L’amour est un malentendu

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Valentine Goby   La note sensible    Editions Gallimard   2002     Folio n°4029    235 pages

Une jeune femme emménage dans un vieil immeuble parisien. Elle doit donner des cours d’anglais aux élèves de la Cité de la musique. Mais voilà les cloisons qui séparent son appartement de celui de son voisin sont bien minces et elle entend tout ce qui se passe, ou presque, chez lui.  Cette intrusion dans son intimité va avoir des conséquences inattendues… Va naître alors une étrange passion.

 « Dis-moi comment tu aimes, je te dirais qui tu es ». Nos histoires d’amour révèlent beaucoup de nous-mêmes car nous y investissons notre histoire, nos failles et nos manques mais nous l’embellissons aussi de nos rêves et de nos bonheurs. J’avoue que celle-ci est une histoire tout à fait spéciale. L’univers sonore tout d’abord dans lequel elle se déploie, aux accents du violoncelle, et la voix dont la narratrice connaît presque tout : chantée, parlée, mêlée de raclements de gorge,  ou joyeuse dans les sifflotements du matin. Peut-on tomber amoureux d’une voix ? Et de quelqu’un à travers cette voix ?

La partie d’un tout peut-elle contenir toutes les qualités de ce tout ? La voix d’un homme peut-elle nous dire qui est cet homme ? Ou n’est-ce qu’un miroir aux alouettes ? Un élément que nous fantasmons et qui ne dit rien d’autre que nous-mêmes ?

Je me suis demandée aussi en lisant cette histoire en quoi l’amour que nous ressentons peut nous mettre vraiment en danger. Peut-on vraiment mourir d’amour ? Ou ce dont nous mourrrons n’est-il que la blessure qui saigne en nous depuis l’enfance ? La peur d’aimer ne vient-elle de la conscience de nos propres fragilités, et d’un manque tellement grand que, aucun amour, si grand soit-il ne pourrait le combler ?

La lecture de ce livre est très agréable mais comme pour le précédent livre de l’auteure, je suis restée en-deçà. Je ne me suis pas totalement laissée prendre. Pourtant, chaque livre me donne envie de lire un autre livre de Valentine Goby. Peut-être parce que je sens à chaque fois la personnalité d’un grand auteur, qui a des choses à dire, et qui les dit de manière toujours originale. A suivre donc…

Lecture commune avec Philisine Cave

Lac aux dames – Vicki Baum

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Lac au Dames, Vicki Baum, Le livre de poche n° 167 (1962 ?), paru en 1932 en langue allemande, rédité en Phébus Libretto en 2008 (240 pages)

Je ne sais pas d’où Vicki Baum tient sa réputation de légèreté, peut-être à sa collaboration avec le cinéma Hollywoodien, aux lieux où elle plante ses décors, Grand Hôtel, plage, endroits exotiques , ou alors aux personnages eux-mêmes dont quelques-uns sont occupés à des vies mondaines sans grand intérêt. En tout cas, cette réputation est fausse, Vicki Baum est loin d’être un auteur superficiel même si certains de ses personnages, eux, le sont.

Dans Lac aux Dames, les drames sont silencieux et passent le plus souvent inaperçus. Les classes sociales se côtoient sans jamais se mélanger, un mur invisible les sépare qui est le souci de la bienséance et l’argent.

Nous sommes en 1930, et sur les rives d’un lac tyrolien se dressent le grand hôtel Petermann et l’établissement de bains où Urbain vient de se faire embaucher comme maître-nageur. Commence alors une vie difficile, soumise aux caprices de la météo, puisque le jeune homme vit uniquement des leçons de natation qu’il donne. Tiraillé presque quotidiennement par la faim, Urbain vit également tous les émois d’une passion naissante avec une jeune fille fortunée qui loge à l’hôtel. Mais leurs amours sont bientôt compromis et la tragédie guette.

Sous-titré Un roman gai d’amour et de disette, (on cherche vainement la gaieté dans ce roman), ce roman montre la virtuosité de l’auteur à analyser les rouages d’une société rigide à l’agonie avant la grande crise des années qui suivront. Elle décrit un monde crispé sur les apparences et d’une extrême cruauté. L’individu ne vaut que par sa position sociale, et doit absolument cacher la moindre faille au risque d’en mourir.

Ce roman est aussi une peinture sociale de l’Europe de l’entre-deux-guerres. Les femmes se débarrassent peu à peu du corset, font de la gymnastique, flirtent et dansent au sein d’une jeunesse avide de plaisirs. Elles commencent à travailler, May revendique ce droit : «  Je travaille mes huit heures par jour comme tout homme qui se respecte […] ». Les relations entre les sexes évoluent elles aussi ; les femmes deviennent camarades et compagnes. Toute une société semble en mouvement pour sombrer à nouveau quelques années plus tard dans l’holocauste.

J’ai lu ce roman parfois dans une tension extrême, tellement j’étais prise par l’histoire, dans les affres de ce jeune homme. J’ai découvert une auteure talentueuse, qui manie l’ironie et la satire sociale avec beaucoup de virtuosité. Vicki Baum est à redécouvrir !