La poésie derrière le mur (1)

la poésie derrière le mur

Comment écrire sous une dictature et pourquoi ? Le poète et plus largement l’écrivain est une menace pour le pouvoir totalitaire qui cherche à contrôler voire endiguer la vie littéraire toujours soupçonnée de subversion. L’écriture en effet, peut vite devenir une arme contre le pouvoir : poèmes distribués clandestinement, parole libre et impertinente qui témoigne des positions de son créateur face à la violence du pouvoir qui cherche à le museler.

  Ana Blandiana, Dinu Flamand, Ion Muresan et Mircea Dinescu , tous nés dans la période de Ceausescu, ont tenté de raconter dans quelle mesure leur parole poétique a été une prise de parole politique dans un débat animé par Jean-pierre Siméon. Pour ceux qui ont vécu et écrit à cette période, la littérature a été un engagement nécessaire et le moyen d’une protestation. Collaborer ou résister, il n’y avait pas d’autre choix.

           « Une histoire qui fait la liaison entre la vie avant le mur et après le mur, en 86, j’étais interdite, je n’avais pas le droit de publier » raconte Ana Blandiana, « En Roumanie, se trouvait en visite un poète anglais, qui à l’époque était le président de l’association des écrivains anglais. Il voulait me rencontrer et on lui a dit  que c’était impossible car c’était interdit. Finalement nous nous sommes rencontrés, il m’a dit à la fin de l’entretien, « Vous ne savez pas combien je peux vous envier ». Je ne comprenais pas, « Moi, je suis un écrivain interdit, alors que vous venez d’un pays libre, », « Oui, mais, a-t-il répondu, je suis vraiment libre, mais tellement libre, que je peux aller à Trafalgar square et faire un discours contre la reine, mais personne ne sera attentif, ni la police, ni personne, tandis que vous, tout le monde copie les poèmes qui viennent de vous, il y autour de vous, les poètes qui souffrent de la censure, comme un mur protecteur. Alors que nous faisons face à l’indifférence de la liberté. »

           La poésie sous la dictature avait un rôle très important, elle symbolisait la résistance à l’oppression ; ce qui lui donnait une légitimité d’autant plus forte que toute autre forme d’expression était interdite, comme la philosophie ou la religion. La liberté et la démocratie lui ont enlevé cette suprématie que lui avait donné la lutte contre la dictature.

 

          La lutte contre l’oppresseur commun avait créé aussi une forme de solidarité entre les poètes qui s’échangeaient leurs livres, communiquaient entre eux :

« Après la révolution ce mur est tombé, et nous sommes arrivés devant le néant, la poésie devant la liberté », ajoute Mircea Denescu, «  et pour la génération suivante, la solidarité a disparu. Ils ne se connaissent plus entre eux, et ils communiquent difficilement; ils se sont égarés dans la liberté, ils ne se lisent pas entre eux. Les livres se vendent mal, ils ont des tirages minimum, les lecteurs ont perdu l’intérêt pour la culture et la littérature. »

 

          Cette liberté tant rêvée a été source d’amères désillusions, une nouvelle forme d’oppression a pris la place de l’oppression politique : la censure économique a remplacé la censure politique. Les poèmes ne sont plus publiés car ils ne sont pas rentables. La censure, explique JP Siméon, est « une censure du silence. » Etrange paradoxe !

 

(à suivre…)

La poésie derrière le Mur  Samedi 23 Mars 2013 de 14:00 à 15:00 

Grand Public Pavillon Roumanie (R78) Lettres roumaines

Modérateur Jean-Pierre SIMEON (Directeur Printemps des Poètes)

Participants: Ana BLANDIANA(une poétesse, essayiste et figure politique roumaine), Dinu FLAMAND, Ion MURESAN (sous réserve) Salondulivredeparis.com 

3 réflexions sur « La poésie derrière le mur (1) »

  1. Bonsoir !

    Je me permets de te communiquer le lien vers le site de Lire & Merveilles, et plus particulièrement vers cet article, qui relate, lui aussi cette conférence à laquelle j’ai assisté (avec Marilyne, la rédactrice de Lire & Merveilles)
    Commentaire n°1 posté par Martine – Littér’auteurs le 30/03/2013 à 20h39

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  2. mille merci d’avoir consacré tous ces articles aux femme roumaines, car je suis née en Roumanie… bonne continuation, une semaine formidable et amitiés toulousaines ensoleillées, Mélanie

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