J’ai découvert cette autrice à la faveur de cette belle lecture. Très influencée par le vérisme, sorte de naturalisme italien, Grazia Deledda plante le décor de son intrigue dans la société rurale de la Sardaigne du début du siècle, pétrie de traditions, de superstitions et extrêmement pieuse et conservatrice. Par ce biais, elle dénonce l’aliénation populaire et le poids de l’Eglise.
Toutefois elle se détache du réalisme par son analyse de la psychologie humaine, et par une sorte de merveilleux qui surgit de la confrontation de l’homme avec une nature sauvage et puissante.
La Mère, est ici, une figure mythique, liée aux forces les plus obscures de la vie, remplie d’abnégation mais dont le sacrifice exige d’autres sacrifices en retour. Elle maintient dans la tradition archaïque ; elle perpétue à travers le don de la vie, le poids des héritages.
Mais, elle est une figure aussi, sensible, aimante, capable de s’interroger sur l’injustice sociale, sur l’arbitraire qui gouverne la destinée humaine. C’est un personnage beaucoup plus complexe que ce à quoi on pourrait s’attendre. Elle est capable du plus grand amour, jusqu’au sacrifice ultime.
La nature, omniprésente, agit comme une sorte de contrepoint à la violence intérieure des sentiments humains. Car dans ce roman, Paulo, prêtre, est la victime d’un combat intérieur qui le met au supplice, tiraillé entre deux amours, dont celui qu’il éprouve pour sa mère, qui s’est sacrifiée pour lui, afin de lui procurer une position honorable et le sortir de la misère du petit peuple.
« Il était comme une des mille feuilles du talus suspendues dans le vide, tantôt dans le gris de l’ombre, tantôt dans la lumière radieuse de la lune, au gré du vent et du jeu des nuages. »
La nature est à l’unisson des mouvements intérieurs de l’être humain.
La menace de la déchéance sociale, l’hypocrisie qui maintient les prêtres dans le célibat, alors même que nombre d’entre eux succombent à l’appel de la chair et du plaisir, les dictats édités par la société, ou du moins par ses membres les plus puissants, ici la hiérarchie catholique, placent l’individu dans des dilemmes cruciaux, qui vont à l’encontre de sa nature.
« Grazia Deledda s’intéresse avec intensité aux mouvements de l’âme, en même temps qu’à cette double tension qui sépare archaïsme et modernité », écrit Fabienne Andréa Costa dans sa postface.
Il faut saluer les éditions Cambourakis qui ont réédité un certain nombre des œuvres de Grazia Deledda.
ah tiens, je ne connaissais pas cette autrice sarde. J’aurais dû partir en Sardaigne (pour la seconde fois) en juillet mais à cause du virus, ça n’a pu se faire…
J’aimeAimé par 1 personne
Quelle lignée tout de même ces sardes, entre Milena Agus, Deledda, Michela Murgia, les talents ne manquent pas ! Je rêverais d’aller en Sardaigne ! Et oui, ce covid bouleverse durablement nos vies, et pas de la meilleure manière. Désolée pour toi, vraiment.
J’aimeAimé par 1 personne
Il a l’air bien intéressant!
J’aimeJ’aime
Belle découverte pour ma part je ne connaissais pas Grazia Deledda, en tout cas très bon article.
J’aimeJ’aime
Oui, elle a été oubliée alors qu’elle a reçu un prix Nobel tout de même. L’une des rares.
J’aimeJ’aime