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Placement libre – Ella Balaert/« Inventer ce n’est pas mentir, c’est ouvrir l’espace, laisser de l’air aux choses, aux gens. »

Placement libre – Ella Balaert – 2016, des femmes, Antoinette Fouque

« Inventer ce n’est pas mentir, c’est ouvrir l’espace, laisser de l’air aux choses, aux gens. »

De deux billets en placement libre, Ella Balaert fait surgir et orchestre avec brio un questionnement philosophique sur la liberté, sur la place qui nous est assignée à chacun dans la société et sur les mécanismes de l’exclusion qui broient les individus.

Une femme réserve deux places au théâtre pour aller voir son idole, Denis Macaret, et à la réception de ses billets, elle s’aperçoit qu’ils sont en placement libre. Les deux jours qui précèdent la représentation , elle doit lutter contre l’angoisse, et réfléchir sur sa propre vie.

La totale liberté, prônée par le capitalisme libéral nous rendrait-il  « expulsable », « éjectable », « expatriable » renforçant la loi du plus fort, soumettant les plus faibles à la « loi de l’empoigne » dans le théâtre du monde ? Ou la liberté est-elle conquête de sa propre place sans qu’elle nous soit assignée, d’un individu sans destin, ivre de désir et soumis à l’incertitude ?

De cette maxime shakespearienne, « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle. », le personnage féminin tente, sous forme de provocation, une autre : « Trouve ta place dans ce monde ou quitte-le ». Injonction ambigüe et radicale, dérangeante même. Je l’ai comprise ainsi : malgré les embûches, invente ta place. Impose-toi. Mais elle suggère aussi le désespoir de ceux qui ne trouvant aucune place en ce monde, renoncent à jamais, et décident d’en finir.

Des différents déterminismes qui jouent pour ou contre nous : socio-économique, biologique, psychique, peut-on faire des leviers ? Ou est-on condamné.e.s  au placement réservé, « à vie ou presque » ?

Et que dire de ceux qui passent d’un monde à l’autre ? De la fille d’ouvriers qui rejoint un monde d’intellectuels, se sentira-t-elle à jamais étrangère, coupable d’être à la mauvaise place ?

Sera-t-elle condamnée à jamais « à couper sa salade au couteau » ?

L’emploi du « tu » dans la narration, organise l’analyse, aussi précise que celle d’un entomologiste. Le tu est la petite voix intérieure que nous avons tous, celle de la conscience, qui réconforte, qui admoneste, qui vitupère ou qui réconforte.

J’éprouve, avec les œuvres de cette autrice une forme de connivence ; ma lecture entre profondément en résonance avec elle.

Je pourrais dire beaucoup d’autres choses, tellement ce roman est brillant et affûté ; on y sent aussi la colère, un souffle brûlant qui insuffle aux mots une respiration dans les phrases, autour des phrases.

« J’ai écrit ce roman dans une grande colère et une réelle inquiétude. Je le dédie à toutes celles et à tous ceux qui se sentent excl-e-s du monde, qui n’y trouvent pas, ou plus, leur place, pour qu’ils ne retournent pas cette injustice contre eux-mêmes ou contre autrui. » Ella Balaert

Sursum Corda – Véronika Boutinova/ Ver à soie Virginie Symianec éditrice

Sursum Corda est un roman attachant, parfois déconcertant, tissant les voix de deux amoureux aux personnalités originales, fortes et sensibles, séparés par des frontières qui sont autant géographiques que métaphysiques ou psychologiques.

Virginie Symianec tente de « Dérouler les fils – y compris de la pensée -, les attacher au métier, les tresser, les entrelacer, tisser des liens – du texte donc -, y compris avec d’autres sociétés, explorer les trames de nos imaginaires et les raisons de nos solitudes, c’est bien là ce que font concrètement tous les éditeurs. » Elle possède un souffle profond. Infatigable chercheuse, elle mérite votre intérêt et un bon accueil.

Littérature de l’ailleurs, d’un ailleurs proche et douloureux, qui pose la question, chère à l’éditrice, du mouvement en littérature : textes  » comme des invitations sans cesse renouvelées à concevoir l’écriture comme le témoignage d’une quête, d’un déplacement ou d’un décentrement propres aux multiples formes de l’expérience exilique. »

Zuka est le fruit d’une histoire violente et contrariée, contraint au déplacement forcé durant l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie (1991-95). Jusqu’à sa réannexion par les croates, la Krajina de Knin, où il est né et a grandi, était majoritairement peuplée de Serbes qui ont expulsé la population croate en 1991 et a été reconquise par les forces croates durant l’été 1995. L’amour peut-il être le lieu d’une résilience, lorsque deux êtres ont vécu des événements traumatisants ?

Comment l’Histoire nous modèle-t-elle à nos corps défendant ? Comment l’amour, qui est une histoire de corps, incarne-t-il ou sublime-t-il les violences de l’Histoire ?Zuka et Charlotte sont séparés une grande partie du temps, dans une Europe aux frontières étanches, mais lorsqu’ils se retrouvent, leur bonheur est toujours en équilibre, sur un fil, au bord de la fracture. Ils cherchent à garder « le lien cosmique » qui les unit, mais ne peuvent pas plus vivre l’un avec l’autre, que l’un sans l’autre.

Charlotte vit dans une péniche, qui se délabre, mouvement arrêté sur cet élément fluide. Elle pourrait larguer les amarres; mais quelque chose l’en empêche qui est de l’ordre du lieu et de l’appartenance.

Ce roman est le roman de leurs voix, de leur amour, de leurs contradictions, de leur grandeur et leurs faiblesses. A écouter, à lire, aux éditions du Ver à soie.

Le printemps des poètes/Le désir féminin – Laurence Délis

On navigue à vue de rêves

Allongés nus sur un lit d’herbe folles, au milieu des maringouins assoiffés

Le soleil joue d’ombre et de lumière

Sur nos corps impatients.

La tête en friche

Eloignés des normes et des habitudes de ce monde

On navigue à vue de rêves

L’un énergumène

L’autre schizophrène.

On danse l’air de l’autre

Comme nos sourires en vie de nos corps.

Chairs aimées

Assoiffées de baisers

Et de tendresse éternelle

Nos étreintes au goût de folie belle.

On navigue à vue de rêves

Encore.

L’un énergumène

L’autre schizophrène.

Quant à la nuit, peaux rassasiées, âmes nourries, panses comblées de fruits de lambrusque

Le sommeil nous gagne.

Bon

Jour

Dans

Tes

Bras.

Romancière, poétesse, plasticienne, Laurence Délis possède de multiples cordes à sa sensibilité qu’elle fait vibrer avec beaucoup de talent.

Sa galerie d’art : http://artscad.com/@/LaurenceDelis

son blog : Palette d’expressions

Cet obscur objet du désir ou l’écriture désirante/ Marie-Pierre Cattino (1/3)

L’écriture et le désir en 3 épisodes, écrit par Marie-Pierre Cattino que je remercie pour cette belle participation au printemps du désir et de la poésie.


Ce qui me vient d’emblée, c’est l’expression, « ce pâle objet du désir », tirée du roman de Pierre Louÿs, que Buñuel et Carrière ont métamorphosé à l’occasion de leur adaptation au cinéma. De pâle à obscur, cette mécanique amoureuse est érodée car parle du côté de l’homme, pas de la femme. Tentations et tentatives répétées d’un amour non accompli. Le personnage féminin, la belle Conchita, promet à l’homme sans jamais le satisfaire. « La femme et le pantin », de Pierre Louÿs, est devenu : « Cet obscur objet du désir », cet insoumis. Cela se passait en 1977, à l’heure où l’amour se consommait encore.
Là où aujourd’hui le sens de la culpabilité n’est plus fondé sur l’interdit, mais sur l’injonction à jouir, là où il y aurait ratage si l’on ne parvenait pas à posséder l’autre, le désir ne serait-il alors plus que le pâle reflet de ce que l’autre veut bien nous concéder ? La part de l’inconnu reste entière. La psychanalyse nous demande de nous dévoiler, de nous mettre à nues, de nous raconter allongées sur un divan, mais malgré la parole déliée, le désir reste à l’aune de ce quelque chose parfois inavoué. Nous ne sommes pas dans l’acte mais au cœur même de la pensée.
Mais qu’en est-il du désir d’écriture ou de l’écriture désirante ? Ecrire, se retirer, un temps, du monde, comment, dès lors, le désir peut-il advenir dans la solitude ? L’écriture où l’on y cherche l’infiniment désirable. Est-ce entre désir et frustration que s’ébranle quelque chose ? L’insensé est en train de se jouer là.


Tout naturellement, je reviens vers Marguerite Duras. Il est tard, je ferme les yeux. Et soudain je l’entends très distinctement :
« La femme, c’est le désir ».
Le désir. Sa manière de l’écrire est toujours vivace. Elle n’a jamais cessé d’être contemporaine en se nourrissant de cet instant.
« J’avais 15 ans, le visage de la jouissance et je ne connaissais pas la jouissance ».
L’expérience est dépendante du corps : « C’est là dans ce petit champ de chair que tout s’est passé et que tout se passera».
Le personnage durassien ose vivre sa vie telle qu’elle l’entend et s’exprimer dans sa sexualité. Une histoire d’un crime passionnel, une histoire d’amour, de passage à l’acte.

à suivre…

Printemps des poètes : le désir féminin/ Caroline Dufour

Une image de mon désir 

Pour Anna G.

j’ai levé le store sans savoir

à quoi ressemblerait le ciel –

seulement qu’il serait là

ensuite j’ai vu qu’il y avait toi

qui me demandais un poème

si je pouvais, sur le désir

du coup il y a eu moi

mon envie de te faire plaisir

puis il y a eu l’eau sur mon corps

et là je savoure mon café

les yeux sur le ciel clair

et j’imagine mon âme

qui s’étire par-dessus la mer

jusqu’à ton beau Paris que j’aime

pour te souffler que je t’entends

et ton désir là-bas

et devant moi le lilas

je ne sais pas s’il fleurira

déjà l’an dernier on a vu

qu’il pointait vers l’absence

moins de baisers, moins de fleurs

il est vieux, que m’a dit ma soeur

c’est normal, alors peut-être

un magnolia à sa place?

peut-être, oui

mais pour l’instant c’est encore lui

qui parle à mes matins

le jour se lève – et puis ces mots

que j’enverrai vers toi

d’un samedi ordinaire

avec des recoins où me vivre

elle est pour toi, Anna

cette image de mon désir

Caroline Dufour est une poétesse québécoise, dont les mots, les poèmes ont creusé en moi de multiples chemins incandescents.

Mais elle est aussi photographe, chanteuse et tant d’autres choses que je ne connais pas.

Printemps des poètes : le désir féminin (4) Dominique Aury

Les fils qui m’ont attachée

Sont plus fins que des cheveux

Si la main les tire un peu

Qui les a pris à poignée

J’entends répondre sans voix

La captive volontaire

La muette la prisonnière

Que je cache au fond de moi

Son sang me brûle les veines

Des épaules aux genoux

Elle se tait mais c’est nous

Qui perdons ensemble haleine

Si les fils incandescents

Leur réseau de moi détachent

Si l’étreinte se relâche

Par quoi je vais respirer

Je deviendrai cendre éteinte

Scorie poudre et sable au vent

Gravats débris pavement

Sel de gemme asphalte peinte

Pour me renforcer en terre

Au plus proche au plus commun

Pour que la chaleur des mains

Se refroidisse à la pierre

Et que me marche dessus

Le roi qui m’a caressée

Déchirée brûlée jetée

Vide défaite et rompue

Dominique Aury, née en 1907 et morte en 1998, est l’autrice d’Histoire d’Ô. Elle a assuré la fonction de secrétaire générale de La Nouvelle Revue Française, a été traductrice en langue anglaise, mais aussi poétesse.

Parole d’autrice : Fanny Britt

« J’ai besoin de sentir que chaque pièce, chaque livre, chaque projet d’écriture, m’est essentiel ou m’est nécessaire. pas seulement à moi, mais me semble nécessaire ou fait de la lumière sur un propos qui me semble incontournable, ici et maintenant. J’ai vraiment besoin de sentir une assise, parfois morale, parfois politique, à la prise de parole. » Octobre 2016

Fanny Britt

Cinq à sept – Fanny Britt

Cinq à sept Fanny Britt- L’Instant scène – 2017

Cette pièce fait partie d’une trilogie, dont elle est le deuxième volet, composée de « Ils étaient quatre », de Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou, et close par « Huit » de Mani Soleymanlou.

Trois comédiennes, Julie, Kathleen et Geneviève se livrent, sans tabous, le temps d’un cinq à sept.

La frontière entre fiction et réalité est particulièrement ténue. Parlent-elles de leurs expérience ou le texte est-il pure fiction ? Il y a fort à parier qu’il soit tissé des deux.

Cette parole libre fait particulièrement du bien : on s’y reconnaît ou pas, mais le langage, parfois cru, dynamite les tabous de manière salutaire.

L’amour, le couple, le désir, la sexualité, les contraintes sociales et la morale sont au cœur de ces dialogues.

«   Si on mettait pas autant d’énergie et de temps à focusser sur son propre corps et sur l’apparence de celui des autres, ça se passerait TRES bien. Même que si j’étais toute seule sur une île déserte, je pense que sans miroir, je pourrais me trouver assez cute. »

Des femmes qui revendiquent leur plaisir et leur goût de l’amour et de la jouissance, c’est assez rare, ici, en France, ou alors cette parole reste confidentielle, un peu « underground ».

Rafraichissant. Merci les filles.

Vendela Vida – Se souvenir des jours heureux/ Ou l’utopie du bonheur

Vendela Vida – Se souvenir des jours heureux (The lovers, 2010) –  pour la traduction française, Adèle Carasso, Albin Michel , 2011

Yvonne, veuve depuis peu, accepte l’invitation de ses enfants à les rejoindre  pour une croisière en Méditerranée.  Auparavant, elle passera une semaine seule à Datça, sur la côte turque, où elle avait séjourné avec son mari pour leur lune de miel.

Ce séjour ravive en elle le souvenir des jours heureux, désormais enfuis. Son séjour sera jalonnée de rencontres, notamment celle d’un petit garçon pêcheur de coquillages…

J’avais acheté ce livre lors d’un des derniers Festival America, un peu au hasard, sans connaître ni l’autrice, ni son œuvre.

Ce roman est déconcertant à plusieurs égards. Peut-être le foisonnement des questions qui l’habitent instaure-t-il une fome digressive dans le récit qui le rend un peu bancale ou un peu étrange.

Finalement, se souvenir des jours heureux pourrait être vain, le bonheur étant une utopie rarement atteinte. Certes, Yvonne a aimé son mari mais les tensions dans leur couple, les non-dits, leurs échanges conflictuels à propos de leur fille rebelle et fragile, mais aussi de leur fils, ont-ils altéré profondément leur mariage.

De même Datça, sorte de paradis perdu, se révèle-t-il le lieu de toutes les contradictions entre l’orient et l’occident. Ce qu’elle avait ignoré à l’époque, les rapports économiques, de domination, une forme d’exploitation à travers le tourisme, la pauvreté, soudain parviennent à sa conscience. Elle se heurte à l’animosité de certains turcs et finit par prendre conscience d’une forme d’arrogance de cet occident qu’elle représente.

« Vous les Américains. Vous pensez toujours que tout est lié à vous. Que tout – bon ou mauvais – vient de vous. »

Ce voyage est un voyage initiatique dans lequel elle va finir par se trouver elle-même, loin des clichés, avec sa part de solitude mais peut-être un peu plus libre qu’avant.

Une lecture agréable mais sans plus.

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais/ Justine Heynemann

Les saisons de l’amour / Clémentine Beauvais – Songe à la douceur

Un jeu un peu torturé de chronique en vers libre ! 🙂

Clémentine Beauvais accomplit un tour de force littéraire et un travail formel de grande ampleur à travers ce roman en vers libre inspiré de l’œuvre d’Alexandre Pouchkine.

Elle parvient à traduire dans un récit universel, les troubles, les atermoiements et les émerveillements du sentiment amoureux à travers les personnages de Tatiana et Eugène qui se rencontrent au début de l’adolescence, se perdent lors d’un événement tragique pour se retrouver par hasard dix ans après.

Une petite merveille littéraire qui continue de faire son chemin, en livre de poche, et a permis selon certains de « secouer la littérature », de réconcilier poésie et roman, de faire sentir la musicalité et le rythme de la langue, tout en jouant avec délectation avec l’histoire littéraire et la mise en réseau du patrimoine et matrimoine littéraire.

Elle prouve aux jeunes et aux moins jeunes que la culture n’est pas ennuyeuse, que des liens se tissent entre les œuvres, de manière parfois souterraine, et qu’à travers le temps et l’espace les thèmes sont universels.

La réflexion sur la forme et son possible carcan, surgit au détour de cette lettre d’amour écrite par Tatiana, convoquant les vers de Ronsard, Charles Baudelaire, Victor Hugo, Aragon, Arthur Rimbaud, Marie-Hortense de Villedieu et quelques autres. Le personnage s’interroge à la fin de cet exercice épistolaire :

 » Parfois, s’aperçoit-elle, on veut trop bien faire,

Faire alexandrin quand on peut faire libre. Faire rime quand on peu faire résonance. Faire écrit quand on peut faire ému. »

L’autrice crée un univers romanesque et poétique dans lequel la forme ne sacrifie ni au fond, ni à l’émotion.

Toute une réflexion passionnante sur le fond et la forme, sur les contraintes d’écriture, (que l’on songe à l’OULIPO par exemple), qui selon certains stimulent la créativité et selon d’autres épuisent le fond, ce que l’on a à dire, en faveur de la forme (la façon de le dire), en contraignant la pensée à enfiler un costume parfois trop étroit.

Un pur bonheur de lecture.

Je viens d’apprendre que ce roman est adapté au théâtre par Justine Heynemann avec six jeunes comédien·nes et musicien·nes de la compagnie Soy.

LE PAYS DE RIEN

NATHALIE PAPIN / BETTY HEURTEBISE / LA PETITE FABRIQUE

Nathalie Papin – Le pays de Rien/ Un écho au Rien d’aujourd’hui – D’ailleurs, le Rien deviendrait-il politiquement correct ?

Nathalie Papin – Le pays de Rien – L’école des loisirs, 2002

Marie Dilasser, dans une interview, confie que les contes de fée lui ont gâché son enfance, en lui faisant croire qu’elle était un monstre. Et à bien des égards, je suis d’accord avec elle. Les filles qui ont droit à l’amour, sont toujours riches (ou nobles) ou en potentialité de l’être, belles, vertueuses et hétérosexuelles. Il est possible que la téléréalité soit un effet de cette conception de la réussite et de l’amour.

Dans ce conte, il y a bien un roi et une princesse, mais ils sont tout à fait originaux. Le Roi comme beaucoup, fait la guerre, mais l’objet de son courroux est ce qui constitue notre humaine nature. En effet, il chasse les cris, les larmes, les couleurs, les soupirs, les rêves et les enferme dans des cages. Donc le pays du rien, ce n’est pas le néant, mais l’absence et l’ennui. Un pays du « grand silence, et de la grande immobilité ».  Jusqu’au jour où un jeune garçon arrive en sifflotant…

Alors bien sûr, ce conte permet un questionnement philosophique sur le pouvoir, la démocratie et l’émancipation. A vouloir s’épargner la douleur, on se condamne également à n’éprouver aucune joie. Dans un univers, où tout se répète indéfiniment, où le corps est contrait à l’immobilité, anesthésié, aucun rêve, ni aucun espoir ne sont possibles.

 Il questionne habilement la liberté et le désir d’émancipation de cette fille vis-à-vis de son père face à une représentation du monde qui ne lui convient pas. Pour s’émanciper, elle devra désobéir, accueillir la singularité de l’autre, facteur de désordre, mais aussi possibilité d’amour.

Le corps est  lieu de notre finitude, sceau de notre humanité, de nos fragilités mais aussi de notre résilience et de notre force face à l’adversité.

Beaucoup d’autres interprétations sont encore possibles.

Je dois aller voir cette pièce le 02 avril, au théâtre de Sartrouville, dans la mise mise en scène de BETTY HEURTEBISE qui promet d’être absolument somptueuse, en espérant qu’elle ne sera pas annulée.

avec Youna Noiret, Guillaume Mika, Olivier Waibel
vidéo Valéry Faidherbe, Sonia Cruchon (Collectif sur le toit)
scénographie et costumes Cécile Léna
lumière Jean-Pascal Pracht
son Sylvain Gaillard, Nicolas Barillot
chants Lousse
construction décor Rémi Laureau, Franck Lesgourgues, Sylviane Lièvremont
régie générale, régie lumières et régie vidéo Véronique Bridier
régie son et régie plateau Sylvain Gaillard
costumes Patricia Depetiville
graphisme Mikaël Cixous, Veronica Holguin (Collectif sur le toit)
chargé de production Joachim Gatti
chargée de diffusion Céline Vaucenat
production déléguée Cie La Petite Fabrique

Image mise en avant : licence creative commons

Jeanne Moreau chante Louise de Vilmorin

La magie d’une époque, la beauté de cette alliance entre la voix et le texte. Jeanne Moreau chante un poème de Louise de Vilmorin (1902-1969): « Demain » sur une musique de Pierre Petit (1922-2000). Extrait de la comédie musicale « Migraine » écrite et composée en 1959

Louise de Vilmorin, une vie, une oeuvre sur France Culture