Archives pour la catégorie Les oeuvres des femmes

Charlotte Perkins Gilman – La séquestrée

Charlotte Perkins Gilman – La séquestrée (Titre original : The yellow wallpaper)

vignette femme qui écritTexte fondateur, livre-culte de la littérature écrite par les femmes, « La séquestrée » a la force d’un manifeste, devenu un classique des lettres américaines. Écrit en 1870, il dénonce l’asservissement des femmes à un modèle patriarcal qui les enferme dans leur fonction naturelle de reproduction, la maternité, et leur interdit toute vie de l’esprit.
La neurasthénie dont souffraient nombre de femmes au XIXe siècle et les dépressions les plus graves étaient souvent dues à un sentiment d’enfermement et d’étouffement lié aux rôles sociaux étroits dans lesquels elles étaient maintenues. Les femmes mouraient d’ennui et de mélancolie parce qu’elles ne pouvaient pas exprimer leur énergie créatrice ou la vie de leur esprit. Les méthodes souvent barbares par lesquelles on tentait de guérir leur dépression aggravaient encore la maladie puisqu’on condamnait les femmes à l’inaction, au « repos », à la solitude et à l’enfermement. Les dérivatifs qui leur auraient permis de se changer les idées leur étaient interdits. Cette thérapie est celle du Dr Mitchell : « Il fallait confiner ses patients, les mettre au lit, les isoler loin de leur famille, loin aussi de leurs lieux familiers, les gaver de nourriture, notamment de crème fraîche, car l’énergie dépend d’un corps bien nourri, enfin les soigner par des massages et des traitements électriques destinés à compenser la passivité nécessaire à cette cure de repos. »
Il faut avouer que cette cure n’était pas seulement réservé aux femmes, puisque Henry James la subit lui-même en 1910, et faillit se jeter par la fenêtre.
Revendiquer des droits égaux, vouloir faire une carrière d’écrivain ou d’intellectuelle pouvait se payer très cher, puisque les femmes risquaient être mises au ban de la société et devaient, en outre, renoncer pour la plupart à une vie affective. Le choix était plutôt cornélien, car dans un cas comme dans l’autre, les femmes souffraient et devaient sacrifier une partie de leur être.

« La séquestrée » est le cri silencieux d’une femme, son basculement dans la folie. Souffrant d’une dépression post-partum , elle doit se reposer. Enfermée dans sa chambre, condamnée à l’inactivité, elle regarde jour après jour le papier peint qui peu à peu, « vision d’horreur » s’anime d’une vie propre jusqu’à figurer une femme rampant derrière le motif et tentant de s’échapper. La souffrance psychique est intense, et parfaitement décrite: « Il vous gifle, vous assomme, vous écrase. » écrit-elle parlant du papier peint. Elle devient également paranoïaque et sent une invisible conspiration autour d’elle. Cette femme n’est qu’un double d’elle-même qui tente de fuir ce terriblement enfermement jusqu’au dénouement final.

Il faut souligner la force littéraire de cette longue nouvelle, son intensité dramatique, la maîtrise parfaite de l’écriture : un souffle, un cri. Un chef-d’œuvre…

Mary Webb – La renarde

Mary Webb – La renarde –publié pour la première fois en anglais en 1917, première traduction en français en 1933 réédition 2012 Archi poche

Hazel Woodus est une jeune fille sauvage, qui vit isolée, avec son père, dans la campagne anglaise. Sa mère morte, livrée à elle-même, sans ce vernis d’éducation que donne la bonne société anglaise , elle vit librement en contact avec la nature. Sa morale simple, calquée sur les besoins naturels, ignore les interdits de toutes sortes qui règlent la vie des individus. Le sens des convenances, le souci du qu’en-dira-t-on, lui sont étrangers et font d’elle une inadaptée, et l’objet par lequel le scandale arrive.

Elle vagabonde dans la campagne anglaise avec une renarde apprivoisée sur des terres qui appartiennent au hobereau local, Jack Reddin, figure de mort, chasseur invétéré qu’elle va croiser. Hazel Woodus est d’une extrême naïveté et se révèle une proie rêvée . Dépourvue de l’éducation qui l’aurait avertie des dangers et des hommes, et lui permettrait un certain discernement, elle suit ses désirs, interprètent des signes qui ne sont que le fruit du hasard et consulte une sorte de grimoire léguée par sa mère grâce auquel elle fabrique des charmes. Hors de toute rationalité, marginale, Hazel est superbement ignorante du monde qui l’entoure. Elle a suffisamment d’empathie cependant pour respecter la vie et la nature autour d’elle.

Mais Hazel est une sorcière moderne dans un monde qui ignore la magie et qui peut se révéler froid et cruel.

Le révérend Marston, amoureux de la jeune fille, souhaite l’épouser. Elle correspond à son idéal de pureté. Mais la pureté n’est pas non plus de ce monde, si la pureté ignore les désirs des êtres chevillés à leur corps. Toute chose fait l’effort de persévérer dans son être, et l’instinct conduit à la conservation de l’espèce. Hazel est  fille de cette nature sensuelle et mystérieuse. Le corps et la sexualité font partie de ce monde bruissant et d’une extraordinaire vitalité.

Trois destins, trois voies, qui vont se croiser pour le meilleur et peut-être pour le pire…

Un beau roman, assez étrange, très poétique, vibrant et lumineux.

 

Evelina de Fanny Burney (1752 – 1840)

vignette femme qui écritEvelina ou The History of a Young Lady’s Entrance into the World (1778), José Corti , domaine romantique 1991. “C’est l’œuvre la plus pétillante, la plus divertissante et la plus agréable du genre” note le Monthly Review en avril 1778. La critique est élogieuse et voit en elle le digne successeur de Richardson et de Fielding. Il est vrai qu’elle excelle dans le ton de la comédie, et prodigue généreusement au lecteur coups de théâtre, et retournement de situation . Elle campe des personnages hauts en couleur au verbe flamboyant et populaire ou à la délicatesse châtiée des aristocrates, dont elle n’épargne ni la suffisance, ni le ridicule : ainsi de ce personnage qui prétend venir au théâtre seulement pour qu’on le voie, et avoue ne rien écouter de la pièce. Aucun pan de la société n’échappe à son observation minutieuse, de la bourgeoisie enrichie qui prétend imiter les nobles, aux prostituées qui se promènent dans les jardins. Les femmes ne sont jamais très bien loties et doivent supporter pour maris d’affreux personnages, tel ce capitaine de marine qui se plaît à tourmenter une française à laquelle il n’épargne ni ses sarcasmes, ni des farces du plus mauvais goût.

Fanny Burney ne s’éloigne jamais pourtant de la morale de son temps et fustige les »bas-bleu » qui offensent le code de réserve féminine en vigueur à l’époque. D’ailleurs, son héroïne a tout d’une ingénue obéissante qui passe son temps à défendre sa vertu. Pour une femme d’aujourd’hui, elle est passablement énervante. Mais pour l’époque, elle représente la femme idéale, rougissante, modeste, gracieuse et obéissant à son tuteur qui dirige sa conduite. Il va de soi qu’elle ne peut se diriger entièrement elle-même. Dans ce roman épistolaire, l’auteure raconte l’entrée d’une jeune provinciale de dix-sept ans dans la haute société londonienne. Sa naissance obscure et son peu de fortune, lui font affronte un préjugé de classe dominant à l’époque qui la met à l’écart, et lui fait endurer le mépris et la disgrâce. C’est sur ce même thème que Jane Austen bâtira Orgueil et préjugés quelque trente ans plus tard. Si Fanny Burney est totalement étrangère au monde d’une féministe comme Mary Wollstonecraft (qui dit-on l’admira), elle n’en prend pas moins quelques risques et égratigne  la société patriarcale de son temps à coup d’ironie feutrée et de satire sociale. Son art du dialogue rend le récit vivant et les 444 pages passent sans peine. A découvrir…

Mois anglais que le blog « Plaisirs à cultiver » Titine  » organise avec Cryssilda et Lou.

le mois anglais

Fanny, Jane, Mary,Virginia et les autres….

Fanny, Jane, Mary,Virginia et les autres….

 vignette femme qui écrit« La littérature est ma profession (…)La voie me fut frayée, voilà bien des années par Fanny Burney, par Jane Austen, par Harriet Martineau, par George Eliot… Beaucoup de femmes célèbres, et d’autres, plus nombreuses, inconnues et oubliées, m’ont précédée, aplanissant ma route et réglant mon pas. Ainsi, lorsque je me mis à écrire, il y avait très peu d’obstacles matériels sur mon chemin : l’écriture était une occupation honorable et inoffensive. » Virginia Woolf, Profession pour femmes, 1939

Ecrire et publier fut pour les femmes une conquête. Fanny Burney (1752 – 1840)fut l’une de celles qui ouvrit la voie aux romancières anglaises. Sa cadette de 23 ans, Jane Austen lui rend hommage dans les premières pages de Northanger Abbey.

Une jeune fille à qui l’on demande ce qu’elle lit, répond : « Oh, ce n’est qu’un roman, ( …), Ce n’est que Cecilia, ou Camilla ou Belinda : c’est seulement une œuvre dans laquelle les plus belles facultés de l’esprit sont prodiguées et qui offre au monde, dans un langage de choix, la plus complète science de la nature humaine, la plus heureuse image de ses variétés, les plus vives affections d’esprit et d’humour. »

 Les commentateurs soulignent que le premier roman de Fanny Burney « Evelina » a largement inspiré « Orgueil et préjugés » de Jane Austen (1775- 1806). Inspiré (affinités électives ?) et non copié, car l’œuvre de Jane Austen est singulière et possède la marque de son univers.

Toutes les deux durent contourner les préjugés de leur temps, et la difficulté pour les femmes de concilier bienséance, codes moraux d’une époque, et création. Les thèmes sont imposés par les dictat de l’époque en matière de pudeur féminine. Hors de question d’évoquer ouvertement la sexualité, ou l’indépendance des femmes sans provoquer le scandale. La réputation des femmes doit être vertueuse pour que leur œuvre n’encoure pas l’opprobre.

 Mary Wollstonecraft (1759 – 1797) qui fut à la fois maîtresse d’école, femmes de lettres, philosophe et féministe anglaise écrivit un pamphlet contre la société patriarcale de son temps « Défense des droits de la femme ». Elle eut une vie non conventionnelle (dépressive et suicidaire) bien éloignée de celle de Jane Austen et de Fanny Burney(qui connut la gloire de son vivant). Mais autant de talent. A propos de son ouvrage « Lettres écrites de Suède, de Norvège et du Danemark » son futur mari William Godwin écrira  « si jamais un livre a été conçu pour rendre un homme amoureux de son auteur, il m’apparait clairement que c’est de celui-ci qu’il s’agit. Elle parle de ses chagrins, d’une manière qui nous emplit de mélancolie, et nous fait fondre de tendresse, tout en révélant un génie qui s’impose à notre totale admiration».

Fanny Burney en fera une caricature dans ses romans et la vilipendera en moraliste soucieuse des conventions : attention jeunes filles à ne pas devenir une Mary Wollstonecraft. Seule George Eliot(1819-1880) rompra l’oubli dans laquelle son œuvre et sa vie tombèrent au XIXe siècle en la citant dans un essai consacré au rôle et aux droits des femmes. Et Viginia Woolf, bien plus tard, évoquera ses expériences de vie (Four figures traduit en français par « Elles » et publié en rivages poches).

Elles furent très différentes les unes des autres mais apportèrent chacune leur pierre à l’édifice fragile et compliqué de la littérature écrite par des femmes.

le mois anglaisMois anglais que le blog « Plaisirs à cultiver » Titine  » organise avec Cryssilda et Lou.

Le château d’Ulloa -Emilia Pardo-Bazán / premier roman naturaliste en Espagne

Emilia Pardo-Bazán – Le château d’Ulloa – Viviane hamy, 1990 pour la traduction française.

vignette femme qui écritPremière publication en espagnol en 1886. Traduit de l’espagnol par Nelly Clemessy Seul roman traduit en français de cette grande dame des lettres espagnoles, « Le château d’Ulloa » fait connaître au public francophone cette contemporaine et admiratrice de Zola. Emilia Pardo-Bazán (1851-1921) dépeint une société soumise aux soubresauts révolutionnaires, dans laquelle la noblesse, brutale et archaïque, impose un système féodal qui tient sous sa coupe le petit peuple de Galice. Si elle ne rompt pas avec le catholicisme, Emilia Pardo-Bazán n’en dépeint pas moins la vénalité des membres du clergé qui, au lieu de sauver les âmes, ripaillent, boivent et chassent en compagnie du marquis d’Ulloa qui règne sur la région en maître absolu. Si l’homme est déterminé par son hérédité et son environnement, les habitants de la région de Cebre ont la sauvagerie de leurs paysages escarpés, et de leurs forêts profondes et inquiétantes. La mort rôde partout, les hommes chassent la perdrix et le lièvre, battent les femmes qui sont, avec les enfants, les premières victimes de leur brutalité de prédateur. Dans ces régions reculées, le progrès de cette fin de siècle pénètre à grand peine, et les superstitions sont encore vives. Cette société violente sonne le glas d’une noblesse ruinée, décadente, et ignorante. Entre monarchie absolue et constitutionnelle, un monde s’achève… Même si la corruption règne, et que la politique est aux mains des caciques qui extorquent les votes, assassinent et tiennent leurs électeurs grâce au chantage, de nouvelles aspirations à un monde meilleur sont portées par des partisans tenaces. Ce qui signe la fin de ce monde est l’immoralité des puissants et des seigneurs, soumis entièrement à leurs vices et leurs faiblesses et se comportant en véritables despotes. En ce qui concerne l’hérédité, le seigneur d’Ulloa a une santé de fer qui contraste fort avec celle de son nouveau chapelain, dont la faiblesse de  tempérament «lymphatico-nerveux, purement féminin, sans ardeurs ni rébellions, enclins à la tendresse, doux et pacifique » semble le condamner irrémédiablement. Il est toutefois consternant de lire sous la plume d’une femme que celle-ci est « l’être qui possède le moins de force dans son état normal mais qui en déploie le plus dans les convulsions nerveuses. « L’auteure partage-t-elle les croyances de son temps ? Ou se moque-t-elle ? Avance-t-elle, elle aussi, masquée ? Mais le dénouement orchestre un retournement prophétique et donne un visage aux nouveaux maîtres. Elle écrivait excessivement bien cette femme ! Il le fallait pour s’imposer dans ce pays et à une époque de patriarcat quasi-absolu. Son roman est brillant et il a traversé plus d’un siècle sans prendre trop de rides. Elle parvient à nous tenir en haleine, orchestre de savants retournements de situations et utilise avec brio tous les ressorts de la narration. A découvrir …

Printemps Sigrid Undset

printemps

Printemps , 1914

 

Née en 1882, Sigrid Undset s’est consacrée très tôt à la littérature. Parallèlement à son travail de secrétaire, elle écrit. Auteure entre autres de Maternités, Jenny (qui fera scandale), de Vigdis la Farouche et de Kristin Lavransdatter, elle a reçu le prix Nobel de littérature en 1928. Elle est morte à Lillehammer en 1949.

Rose Wegner, l’héroïne de ce roman, attend l’amour pour être révélée à elle-même, un amour qui serait la fusion de deux êtres autant que deux destins et qui ferait d’elle la possession, la chose, de l’homme qu’elle aimerait. Que faire alors si cet amour ne vient pas ? Se résigner, et rester seule, sans famille et sans soutien dans l’existence ? Ou se contenter d’une amitié amoureuse et de la construction d’un foyer ?

Dans ce roman, Sigrid Undset plante le cadre d’une modernité héritée de la révolution des transports et plus largement de la révolution industrielle-dans de grandes villes mornes et tristes- et d’une certaine révolution des mœurs, car le divorce est autorisé en Norvège, pays protestant. Une nouvelle figure féminine émerge, qui travaille pour assurer sa subsistance et celle de sa famille même si, une fois mariée, elle réintègre le plus souvent le foyer.

 Printemps est un roman ou curieusement la narration est plutôt du côté masculin même si le narrateur est extérieur à l’histoire et qu’il pénètre de manière égale les pensées des personnages. Les pensées et les actions de Rose ne prennent du relief qu’en fonction des pensées de Torkild, personnage masculin. Car ici , la femme ne prend toute sa mesure que dans son rapport au foyer et à la maternité. Elle n’existe pas réellement en dehors de sa « vocation naturelle » qui est d’enfanter et d’assurer la stabilité du foyer. Toute femme qui s’écarte de ce chemin sombre dans la déchéance (le personnage de la mère et de la sœur), tout comme celle qui n’obéit pas à ses devoirs d’épouse et de mère même si l’homme, infidèle, abandonne lui, le foyer (le père de Torkild).

J’ai apprécié ce roman bien construit, où les sujets de réflexion ne manquent pas, car Sigrid Undset, catholique et conservatrice, est aussi une fine analyste des sentiments humains. On y apprend aussi comment hommes et femmes vivaient à l’époque. J’ai trouvé en outre un écho au mouvement naturaliste en littérature, l’hérédité y est évoquée, les tares familiales ainsi que la vigueur, la santé du corps qui s’étiole dans ces emplois de bureau, loin de la vie au grand air.

 Sigrid Undset, on l’a bien compris, n’est pas féministe, elle pense que la femme ne s’épanouit pleinement que dans la maternité et elle ne fut pas très appréciée des féministes de son temps qui prônaient l’affranchissement de la tutelle de l’homme et du foyer, entraves à l’épanouissement de la femme en tant qu’individu. Sur le tard cependant, elle reconnut les bénéfices de ces mouvements sur la condition des femmes.

Il faut savoir qu’en 1840, les femmes célibataires sont mineures toute leur vie et peuvent si elles le souhaitent se placer sous l’autorité d’un tuteur ; les femmes mariées quant à elles passent de l’autorité de leur père à celle de leur mari. Puis, plus tard, la majorité sera abaissée à la vingt-cinquième année. Les femmes peuvent cependant travailler dans certains secteurs.

Au fil des ans, de nouvelles lois favorables aux femmes feront leur apparition. Les femmes divorcées ou veuves seront majeures sans condition d’âge. Les conditions socio-économiques du pays joueront fortement sur les problématiques féminines : l’exil, la pauvreté du pays, la baisse de la natalité.

Dans le roman , l’héroïne est secrétaire, une autre est journaliste. La littérature féminine avant Sigrid Undset, reflète les préoccupations et les valeurs de l’époque, comme ce fut le cas pendant l’époque victorienne en Angleterre, les intrigues se nouent essentiellement autour de la chasse au mari. (Les femmes écrivains de l’époque sont :Hanna Winsnes, Marie Wexelsen, et Anne Magdalene Thoresen).

Avec le mouvement féministe, de nouvelles préoccupations se font jour dans des romans et sous la plume d’auteures qui contestent la norme : Camilla Collet dont le roman « Les filles du Préfet » (1854) fera l’effet d’un coup de tonnerre. Il raconte l’initiation sentimentale de deux jeunes gens, ce qui a l’époque est regardé alors comme une faiblesse uniquement féminine.

D’autres écrivains suivront, emportées par la seconde vague du féminisme, Eldrid Lunden, Liv Køltzow, Cecilie Løveid et Tove Nielsen . Mais je n’ai trouvé aucun renseignement sur ces femmes sur internet et aucun de leurs ouvrages traduits en français. C’est bien dommage..

Article passionnant sur l’histoire des femmes de lettres norvégiennes

Le pur et l’impur – Colette

le-pur-et-l-impur

Parler d'homosexualitéLe pur et l’impur a été écrit par Colette à l’âge de 59 ans en 1932. Publié d’abord sous le titre « Ces plaisirs… ». Il possède une dimension autobiographique et la narratrice est bien Colette qui convoque les amis passés, de Marguerite Moreno à Francis Carco, en passant par Renée Vivien et Edouard de Max. Cette autobiographie est aussi une tentative de réflexion sur la jouissance féminine et masculine, sur l’homosexualité, à la manière d’un moraliste, puisqu’il s’agit ici de nommer le pur et l’impur, mais à la manière d’un moraliste qui déjouerait tous les pièges de la morale en vigueur à l’époque. D’ailleurs, le pur est moins ce qui est moralement adéquat que ce qui sonne à la manière d’un cristal, la poésie de la rencontre, des sensations et sentiments, une sorte d’au-delà de la morale, « un infini tellement pur », car les mots aussi acquièrent une résonance, un tremblement de glace…

Il est hors de propos d’analyser ce livre, les quelques minutes dont je dispose n’y suffiraient évidemment pas.

Ce livre se présente comme une série de rencontres de Colette avec des amis ou inconnus qu’elle interroge ou qu’elle incite à la confidence. La première partie est celle qui m’a le moins plu, elle raconte la rencontre d’une femme avec son jeune amant dans une fumerie d’opium, le plaisir qu’elle simule pour le conforter dans son assurance de jeune mâle et sa conversation avec un Don Juan qui ne connaît des femmes que la conquête. Il est le misogyne dans toute sa splendeur et sa stupidité. Il est un consommateur qui se plaint de ses conquêtes, de leur donner trop et de ne rien recevoir en échange.

Les deux mondes, ceux des hommes et des femmes sont d’une hétérogénéité qui ne permet pas vraiment la compréhension ; elle fonctionne à la manière d’une frontière qui ne peut être franchie que temporairement dans le feu de la passion. La femme peut offrir son « brave corps de femelle » en même temps que sa vocation de « servante ». Le masculin est ici supérieur au féminin. Peut-être Colette a-t-elle simplement intériorisé les relations entre les hommes et les femmes de son temps. D’ailleurs elle le répète, à la fin du livre, elle est femme de « combat » et non de raisonnement. Enfin, les femmes indépendantes, intelligentes sont « viriles » et représente un danger d’homosexualité pour les hommes, affirme Marguerite Moreno.

La supériorité des hommes tient à leur statut mais ce sont des êtres profondément faibles, « … entends-les crier sous l’effleurement d’une coccinelle et le passage d’une abeille… ». L’organisation sociale repose en fait sur un malentendu, ce sont les femmes les plus endurantes et les plus fortes. La seule bravoure des hommes est de type militaire, dit-elle. D’ailleurs « le lent mâle écarté », « tout message de femme »devient clair et foudroyant.

La seule manière d’échapper à ce monde d’hommes, à sa violence, est l’homosexualité féminine qui est presque maternelle, car les relations sont de « protectrice à protégée », enveloppante. Elle raconte une très belle histoire d’amour entre deux jeux jeunes femmes anglaises de la bonne société au XVIIe siècle qui fuirent et se réfugièrent dans un cottage à la campagne pour y vivre toute leur vie ensemble.

Pas besoin de singer les hommes, d’être leur égale car une femme « qui reste une femme, c’est un être complet ». Il ne lui manque rien.

L’homosexualité masculine montre selon elle « qu’un sexe peut supprimer , en l’oubliant, l’autre sexe. » alors que les femmes lesbiennes le seraient souvent par dépit seulement « préoccupées de l’homme, détractrices hargneuses et apocryphes de l’homme ». D’ailleurs, ces dames en veston ont parfois un mari qu’elle rejoignent, sont souvent bisexuelles et se passent difficilement des hommes. Peut-être le statut de la femme à l’époque la maintient-elle sous la dépendance des conjoints.

 J’ai pris beaucoup d’intérêt à la lecture de ce livre qui , selon Colette, était son meilleur livre. Il est un témoignage important sur son époque et certains passages m’ont vraiment emportée.

Madame Riccoboni – Histoire de M. le marquis de Crécy

a-29

Madame Riccoboni – Histoire de M. le marquis de Cressy – folio femmes de lettres – Gallimard 2009

 

Marie-Jeanne Riccoboni (1713-1792), amie de Diderot, David Hume et Horace Walpole, fut longtemps actrice à la Comédie-Italienne avant d’écrire des romans qui eurent beaucoup de succès. Sa vie commença sous de sombres auspices : un père bigame, l’entrée au couvent et des relations difficiles avec sa mère avec laquelle elle ne s’entendait pas.
Son mariage ne sera pas plus heureux et elle se séparera de son époux, en 1755, à l’âge de 42 ans. Il lui fallut alors gagner sa vie afin d’être véritablement indépendante. Ce fut l’une des raisons pour lesquelles elle commença à publier ses romans dans la veine des romans sentimentaux, ce qui dut beaucoup à leur succès. Toutefois, elle y ajouta une réflexion critique sur la place des hommes et des femmes dans la société : à travers les situations et les drames , elle montra que les deux ne sont pas traités de la même manière et n’ont pas les mêmes droits.

« Les êtres inconséquents qui nous donnent des lois, note-t-elle dans ce roman, se sont réservé le droit de ne suivre que celle du caprice. » Le comportement de chacun est finement analysé dans le domaine de l’amour, les hommes doivent dominer et séduire et tous les moyens sont bons pour parvenir à leurs fins : duperie, mensonge, stratagèmes de toutes sortes. Les femmes, objets du désir, savent qu’il convient de résister pour faire durer le jeu et garder la flamme, mais qu’elle seront condamnées à abdiquer toute forme de liberté ensuite dans le mariage. Il n’y a guère de liaisons heureuses et les hommes soumis aux appétits de la chair multiplient les maîtresses et les aventures, délaissant la femme qu’ils ont épousée avec autant d’indifférence qu’ils ont mis d’ardeur à la conquérir.

Marie-Jeanne Riccoboni réussira à vivre en femme libre malgré les rigueurs de la morale de son temps : elle partagera la vie de la comédienne Thérèse Biancolelli assumant ainsi des choix qui nécessitèrent certainement un bonne dose de courage.

 

Histoire de M. le marquis de Cressy

M. le marquis de Cressy a le désir de s’établir dans le monde et cherche pour cela une femme qui lui assure la fortune et la position sociale. Cela ne l’empêche pas toutefois de faire une cour assidue à Adéla ïde du Bugei, jeune ingénue de seize ans, qui comme toutes les jeunes filles de son temps et de sa classe est parfaitement ignorante des jeux de l’amour. Son amie, Mme de Raisel, ignorant les sentiments qui agitent la jeune fille, se laisse prendre au charme de l’ambitieux Marquis. Mais ce dernier tout à sa passion pour la belle Adelaïde est inconscient du trouble de la Comtesse jusqu’au jour où un quiproquo lui révèle les sentiments de cette dernière. Partagé entre son désir et son ambition, déterminé à s’élever dans le monde, le marquis retors se jouera des cœurs, et des situations pour parvenir à ses fins.

J’ai beaucoup aimé cette histoire qui dissèque les ressorts de l’ambition et du désir. La langue est belle, la construction du récit est parfaitement bien menée, Madame Riccoboni est particulièrement habile à nouer les intrigues et sait parfaitement jouer des retournements de situations. Elle analyse avec talent l’ambivalence des sentiments, et la situation des femmes de son époque.

La Femme auteur – Madame de Genlis

auteur-femme

Stéphanie-Félicité Du Crest, comtesse de Genlis (1746-1830)  fut très admirée en son temps et se présente comme la figure emblématique de la grande aristocratie de l’Ancien Régime. Disciple de Rousseau, elle réfléchit sur l’éducation et exposa ses théories pédagogiques dans son roman « Adèle et Théodore ». Mais cette communauté de pensées n’alla pas plus loin car elle se fâcha définitivement avec « les philosophes » quand ceux-ci lui demandèrent de quitter le parti des dévots (dixit Martine Reid). Elle émigra puis revint après la Révolution, défendant le christianisme contre la pensée des philosophes. Sa pensée est ce curieux mélange de conservatisme et d’érudition qui lui permet de penser avec les outils que donne une immense culture mais l’empêche d’aller trop loin et d’adopter des idées nouvelles.

La Femme auteur en est le parfait exemple : elle y analyse finement la société de son époque, et les codes du sentiment amoureux, tout en dénonçant les multiples contraintes auxquelles les femmes sont soumises, prisonnières de l’opinion et des conventions sociales.

Elle y brosse également le portrait d’une relation féminine ou l’amitié l’emporte sur la rivalité amoureuse. Voilà pour le côté moderne si l’on peut dire de Mme de Genlis. Mais son conservatisme la pousse du côté d’une vision assez pessimiste du métier d’auteure. En effet, son héroïne se retrouve puni d’avoir choisi la carrière d’auteure et on a l’impression que son roman pourrait servir essentiellement à dissuader les femmes d’écrire. Il faut dire que Mme de Genlis a elle-même essuyé de vives critiques et  des attaques virulentes lorsqu’elle a commencé à publier ses ouvrages. Aussi son personnage , Nathalie, est en fait son double en écriture.

Dorothée l’autre personnage féminin, sait, elle, se tenir à sa place : elle préfère le bonheur des vertus domestiques à la vie malheureuse des femmes auteurs, qui sont accusées de négliger leur rôle d’épouse et d’abandonner leur rôle de mère. Elles deviennent dès lors des femmes « publiques » et sont déshonorées.

Toutefois, on peut penser également qu’elle tient simplement à montrer le sort que réserve la société aux femmes qui ont quelques velléités d’écrire.

Martine Reid raconte comment ses positions ont évolué à la fin de sa vie et comment elle défendit les femmes contre l’inégalité de traitement qui leur était réservée , imaginant qu’un jour peut-être les femmes pourraient écrire librement, et pourquoi pas être critique littéraire.

Elle rendit également hommage aux femmes écrivains qui furent ses contemporaines. Elle plaida aussi pour l’éducation des jeunes filles, qui à l’époque était d’une pauvreté affligeante et ne leur permettait guère de rivaliser avec les hommes dans le domaine de la culture et l’esprit.

« Si vous devenez auteur, vous perdrez la bienveillance des femmes, l’appui des hommes, vous sortiriez de votre classe sans être admise dans la leur. Ils n’adopteront jamais une femme auteur à mérite égal, ils en seront plus jaloux que d’un homme. Ils ne nous permettront jamais de les égaler, ni dans les sciences, ni dans la littérature ; car, avec l’éducation que nous recevons, ce serait les surpasser. »

L’histoire : Nathalie est une jeune femme passionnée qui aime l’étude et l’écriture. Mariée très jeune, elle perd son mari à l’âge de 22 ans. Son statut change alors et elle se trouve courtisée plus ouvertement. Germeuil, amoureux de la Comtesse de Nangis depuis cinq ans, va peu à peu se détourner d’elle, captivé par la belle Nathalie. Celle-ci parviendra-t-elle à faire taire cet urgent besoin d’écrire afin de préserver son amour ?

Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande – Jane Mander

             The-story  Histoire-d-un-fleuve-en-Nouvelle-Zelande.Jane-Mander

1920 : Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande, Jane Mander

La seule notoriété de ce livre vient de la polémique qui a eu lieu en Nouvelle-Zélande semble-t-il sur la possible filiation entre le livre de Jane Mander et le film de Jane Campion ,« La leçon de piano », film magnifique, à la sensualité bouleversante, qui retrace l’histoire d’une femme révélée à elle-même par l’amour charnel d’un homme. Le roman de Jane Mander, même s’il a choqué en son temps, ne va pas aussi loin.

A l’embouchure d’un fleuve, au pied du mont Pukeraroro, s’est installé Tom Roland qui attend sa femme et ses enfants. Il exploite cette immense forêt inviolée avec les premiers pionniers et tente de faire fortune.

 Bruce accueille la jeune femme qui, sous ses airs puritains, est profondément troublée par ce gentleman, médecin et humaniste, qui patiemment, tout au long de vingt longues années, va s’attacher à faire céder une à une les barrières morales derrière lesquelles Alice cache son immense sensibilité.

Ce livre critique au fond le puritanisme de l’époque qui sous prétexte de bienséance, condamne les être à se nier eux-mêmes, à condamner une partie d’eux-mêmes, la plus sensuelle et la plus créative, leur corps.

Les femmes sont passives dans ce type de société, et se sentent impuissantes devant la force brute des hommes . Elles sont dépendantes et soumises, prises dans le carcan des valeurs morales de la bonne société victorienne qui règnent chez les colons néo-zélandais.

Le livre a profondément choqué par ses propos sur la religion, ainsi Bruce explique : « Pensez-vous vraiment que cette enfant va pouvoir grandir et affronter le monde à partir des aventures qu’elle lit et qui n’ont rien à voir avec la vie ; à partir de ces petites brochures sur la religion qui racontent des histoires qui n’ont rien à voir avec la vie, elles non plus ; ou à partir de la Bible, tout un tas de légendes qui ne révèlent rien de plus que ce que peuvent nous raconter les Maoris, des légendes recueillies comme toutes les autres histoires que l’on raconte. » Voilà les évangiles ravalés au rang de « légendes », ce qui n’a pas vraiment dû faire plaisir aux autorités morales de l’époque. Bruce fait l’éducation d’Alice : « Oubliez que vous êtes une dame. Débarrassez-vous de cette humilité odieuse. Cessez de vous rabaisser devant les gens. » Il l’exhorte à abandonner ce qui la fait souffrir et l’empêche de vivre. C’est bien à une ascèse qu’il la conduit, une sorte de dépouillement, mais cette ascèse n’a rien à voir avec l’ascèse chrétienne, il ne s’agit pas de renoncer mais de se dépouiller de ce que les hommes ont inventé pour contrôler les femmes, des préjugés qui corsètent les femmes et sont devenus une seconde nature que beaucoup d’entre elles ne remettent même plus en cause. Car, dit Jane Mander, à travers Bruce, les femmes sont les plus grandes ennemies d’elle-même. Mais Jane Mander s’arrête là car elle ne peut aller plus loin.

Jane Campion reprend les leçons de son aînée et joue avec la violence du désir, non pas le désir comme jeu, mais le désir fondateur qui réconcilie le corps et l’esprit, qui est l’esprit dans le corps, qui est l’amour d’un autre par son corps, parce qu’il est son corps. Et c’est une leçon d’amour et de vie.

Jane Mander est une romancière néo-zélandaise, née à Ramarama, près d’ Auckland. Elle eut une enfance nomade dans des régions reculées, éloignées des grands centres urbains et de leurs infrastructures. C’est la raison pour laquelle, ne pouvant poursuivre ses études, elle devint institutrice, métier qu’elle abandonna par la suite en même temps qu’elle rompit avec le modèle de la fille obéissante et sage de la société victorienne. Elle s’essaya par la suite au journalisme.

Elle s’installa à New-York en 1912 à l’âge de 35 ans pour faire des études brillantes à l’université de Columbia en même temps qu’elle travailla pour des magazines. Elle dut abandonner ses études à cause de problèmes de santé. Elle rejoignit le mouvement des suffragistes en 1915, dirigea un foyer pour femmes célibataires, fit des recherches à la prison de Sing-Sing et travailla pour plusieurs associations notamment la Croix Rouge quand les Etats-Unis entrèrent en guerre à leur tour au côté des alliés. Parallèlement, elle travailla sur un nouveau roman qui fut accepté en 1917 par John Lane et publié en 1920 sous le titre « Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande » (The story of a New-Zealand river). Malgré un accueil plutôt enthousiaste en Angleterre et aux USA, la critique néo-zélandaise fut plutôt réservée, choquée par la liberté de ton de Jane Mander en matière de sexe et de religion, et son mépris des conventions littéraires de son temps. Le livre fut cantonné dans la catégorie des livres pour adultes dans les bibliothèques, soumis au contrôle des bibliothécaires.

Ses trois romans suivants furent tous situés en Nouvelle-Zélande, tirés de l’expérience de la vie des pionniers dans le nord du pays.

Il semblerait toutefois que Jane Campion n’ait pas fait de lien entre son film et le livre. D’ailleurs il est vrai qu’il y a de notables différences, les Maori n’apparaissent jamais dans le livre, ainsi que le marché entre Ada et Baines, par lequel elle rachète son piano note par note en échange de caresses. La violence de la scène, où Ada perd son doigt est également inexistante dans le livre. Jane Campion dira d’ailleurs que « Wuthering Heights » and « The African Queen » ont été ses principales sources d’inspiration même si elle connaît bien le livre de Jane Mander. Il y avait certainement une question de droits (d’argent donc) autour de ce débat. On peut dire que c’est grâce à une fausse information véhiculée sur internet que j’ai lu ce livre, grâce lui soit rendue. On peut dire que les deux œuvres n’ont aucun rapport, si ce n’est le magnifique portrait de femme que chacun offre. Mais le prétexte est exactement le même : une femme rejoint son mari dans le nord de la Nouvelle-Zélande pour partager la vie des pionniers en territoire maori.

Janet Frame (1924-2004) – Vers l’autre été

Janet frame

On ne peut évoquer une des œuvres de l’auteure Janet Frame (1924-2004) sans rappeler le contexte dans lequel elle a été produite. Diagnostiquée schizophrénique, suite à une tentative de suicide et un diagnostic hâtif, elle a subi quelque deux cents électrochocs, pendant les huit années où elle fut internée en hôpital psychiatrique. Elle a échappé à la lobotomie de justesse grâce à un psychiatre plus avisé que les autres, qui avait su déceler la marque de son génie après la publication en 1951 de son recueil de nouvelles, The Lagoon (1951) qui lui valut de recevoir  le Hubert Church Memorial Award.

La littérature fut sa porte de sortie et un havre où elle se sentit toujours en sécurité. Sans creuser davantage sa biographie ici, on peut dire que Janet Frame a dû sa vie à la littérature et qu’une grande partie de son œuvre est autobiographique.

Dans « Vers l’autre été », publié après sa mort, elle prend les traits de Grace Cleave, écrivain néo-zélandaise expatriée en Angleterre. Elle quitte Londres, où elle vit, pour un week-end dans le nord de l’Angleterre chez Philip et Anne Thirkettle et leurs deux enfants.

Elle se rêve brillante causeuse, spirituelle et intelligente. Ils rougiraient de plaisir « devant la beauté de ses phrases ». Mais c’est tout le contraire qui se produit, Grace est mal à l’aise et parle peu. elle ne trouve jamais les mots qu’il faut, hésite, ne finit pas ses phrases, aligne des banalités, accumule les maladresses et mesure toute l’étendue de son inadaptation sociale. « N’étant pas un être humain, Grace avait l’habitude de vivre des moments de terreur quand son esprit questionnait ou réorganisait le rituel établi. »

Elle évite ses hôtes autant qu’elle peut et se laisse aller à ses souvenirs.

Elle a conscience de sa différence et de sa difficulté à communiquer.

« Qu’y avait-il dans son apparence et son comportement qui poussait les gens à tout lui expliquer, à lui parler comme si elle ne comprenait pas ? »

Et comment leur dire qu’elle est un oiseau migrateur ? Ils ne comprendraient pas. Elle glisse de la réalité au rêve avec une facilité ignorée de la plupart des autres humains dont l’imagination est « cantonnée dans une petite pièce sombre sans fenêtre ». La frontière est mince pour celle qui devient au gré de sa fantaisie ou d’une nécessité intérieure fauvette ou bergeronnette, coucou ou pie-grièche…

Comment faire accéder ces Autres à son monde intérieur ? « J’ai prié Oh que le monde se laisse suffisamment émerveiller pour que la vie des poètes lui importe et que leur mort l’attriste. »

De sa nature ailée, elle remonte le flot des souvenirs, de l’enfance où elle était un choucas noir au bec jaune…Puis quand elle fut devenue « bête » solitaire dans l’enclos, séparée du reste des humains. Pourtant les mots étaient là, « empreints de mystère, pleins de plaisir et de peur. ». Elle raconte son enfance, les déménagements successifs, le travail de son père comme conducteur de locomotive, sa mère Lottie et son talent de raconteuse d’histoires, son plaisir à inventer des chansons.

Elle grandit et fait l’expérience du courage qu’il faut « pour affronter l’espace intérieur ou extérieur, pour marcher dressé, pour se déplacer sans soutien, en proie au temps qu’il fait et à son compagnon le temps qui passe .. ».

Comment ne pas être bouleversé par les mots de Janet Frame qui dit notre impuissance et notre pouvoir, notre solitude d’humain toujours en quête de « connexion  avec le monde ».

Et peut-être ,comme elle, a-t-on parfois le sentiment qu’on nous a volé quelque chose ou que quelque chose nous a été refusé :

« Que m’a-t-on affreusement volé […]pour que disparaisse de ma vie la capacité d’établir des frontières, de distinguer une personne d’une autre. »

Le texte est parfois ponctué de ces cris qu’il faut réussir à entendre, un cri de femme , de poète alors qu’on la voudrait poétesse (n’est-elle pas qu’une femme), « un mot qu’on pulvérise comme du désherbant sur la personne et le travail d’une femme qui écrit de la poésie – beaucoup ont été ainsi « endormies » ; c’est sans douleur, nous assure-t-on, [..]. »

En filigrane se dessinent les interrogations qui la hantent à ce moment-là de sa vie, en 1963, comment revenir en Nouvelle-Zélande alors qu’on l’ a déclaré folle et internée pour ensuite lui conseiller de « vendre des chapeaux », comment revivre l’autre été, celui qu’elle a vécu sur l’île qui l’a vue naître, et comment vivre en Angleterre, ce pays sombre, triste et froid. Il lui est autant impossible de vivre ailleurs que de retourner chez elle tant qu’elle n’est pas, peut-être un écrivain reconnu.

Il faut lire Janet Frame, un des plus grands écrivains néo-zélandais, proposée deux fois pour le Nobel qui certainement aurait pu s’enorgueillir de l’avoir en son sein.

Les jours de la femme Louise – Madeleine Bourdouxhe

La femme Louise

 

Née à Liège en 1906, Madeleine Bourdouxhe a fait des études de philosophie à Bruxelles. Résistante lors de la Seconde Guerre mondiale, elle refusa de publier ses nouvelles chez les éditeurs parisiens contrôlés par les Allemands. Secrétaire perpétuelle de la Libre académie de Belgique à partir de 1964, elle est décédée en 1996. (source Actes Sud)

Ce sont des femmes que l’on entend dans ce roman : Louise, Anna, Blanche ou Clara. Ouvrière, femme au foyer, mère seule avec un enfant ou bonne, elles livrent ici leur désarroi, leur difficulté à vivre dans une société où elles ont bien du mal encore à se faire une place.

L’écriture de Madeleine Bourdouxhe est belle et poétique: « Anna n’est plus que songes et vapeurs, vaporeuse, surélevée et posée sur les couches de l’air, elle glisse sur les couches hautes de l’air et voit les choses, un peu au-dessus d’elles, penchée sur elles, toute attentive, tout en attente, prête pour le miracle qui va se révéler, prête pour le secret qui va lentement s’ouvrir, comme une fleur qui s’entrouvre… »

Ces femmes sont toute attente, en dehors de l’action, et de la politique. Elles regardent et observent. Elles regardent d’en haut, plongées dans leurs songes ou regardent vers le haut, vers les étoiles. Elles s’échappent. L’horizontalité n’est pas pour elles, car dans ce monde du face à face avec les autres, dans un monde d’hommes, elles sont toujours perdantes.

De ce monde dans lequel elles se réfugient, elles possèdent une grande capacité à sentir les choses, à être autre, à devenir ce qu’elles ne sont pas : Anna devient elle aussi « chaleur et violence ». C’est cet éloignement et à la fois cette étrange empathie qui font d’elles des êtres invulnérables.

«  Je ne comprendrai jamais rien aux gonzesses. Donnez-leur du plaisir et ça chiale ! Ca pleure toujours, et ça ne doit pas faire les guerres, ni les révolutions… » se plaint un des personnages masculins.

Les femmes de ces nouvelles souffrent d’une étrange torpeur, d’une fatigue qui habite leur corps et qui rend leur âme poreuse : « Demain, c’est l’automne, une longue suite de jours, et toute la vie à venir. Une vie de tous les jours, lente et quotidienne, et sans espérance… »

Cette infinie tristesse rend la femme si « fine, si légère, déliée du poids du monde » qu’elle risque, à force de légèreté, devenir si évanescente, que le néant la menace, même si sa vie est faite de « mille besognes » qui la rattachent à la terre. De là où sont les femmes, elles ne peuvent se connaître, « Moi, Blanche, qui ne saurai jamais ce que je suis ».

Il me semble que toute femme peut comprendre cela, à certains moments vides de son existence.

Des nouvelles mélancoliques, témoignages de femmes de ce début de XXe siècle.

 

La brave Anna – Gertrude Stein – Un coeur simple ?

La brave Anna

Gertrude Stein – La brave Anna – Traduit de l’américain par Raymond Schwab, nouvelle extraite du recueil « trois vies » (Gallimard, L’imaginaire N°87) repris dans la collection folio 2€

      Anna Federner, vieille gouvernante allemande, dont la vie nous est contée ici, est un cœur simple. Elle est généreuse, travailleuse et fidèle. Mais ces qualités ne suffisent pas à lui apporter le bonheur. Elle passe toujours à côté de quelque chose. Elle dirige de son mieux le ménage de ses employeurs successifs, attentive à leur bien-être, soucieuse d’économie.

 » Anna aimait à travailler pour les hommes, parce qu’ils peuvent manger tant et avec tant de plaisir. Et quand ils étaient réchauffés et rassasiés, ils étaient satisfaits, et la laissaient faire tout ce qui lui plaisait. Non que la conscience d’Anna s’endormît jamais, car qu’on s’en mêlât ou non elle ne s’efforçait pas moins de continuer à épargner chaque centime et à travailler à toute heure du jour. »

Elle a quelques amitiés qui suffisent à remplir sa vie. Gertrude Stein décrit parfaitement la banalité d’une vie vouée aux taches quotidiennes, dénuée d’ambition, dont les jours ternes s’écoulent sans événements notables.

On éprouve de la mélancolie à la lecture de ce texte. Il est tellement facile de passer à côté de sa vie, de s’oublier, de faire siennes les contraintes d’une vie étriquée et sans joie.

Un texte court qui se lit sans peine, et dont la maîtrise a assuré la renommée de son auteure avec les deux autres nouvelles qui composent le recueil « Trois vies ».

Les gens de Hellemyr/ Vesle- Gabriel d’Amalie Skram

Les-gens-de-Hellemyr-T1

Les gens de Hellemyr, composée de trois volumes est la fresque réaliste de la Norvège de la fin du XIXe siècle, tour à tour dans sa campagne la plus reculée et le long des rues de la ville si particulière de Bergen. Le premier volume décrit les origines de Sivert, personnage central du cycle, et comment, toute sa vie, pèsera sur ses épaules le poids de l’héritage.

 Contemporaine de Zola, influencée par le courant naturaliste, Amalie Skram établit les filiations entre ses personnages, et les liens de causalité qui déterminent leur destin.

Et peut être à l’origine, y a-t-il la misère, et ce sentiment de désespoir qui saisit Oline, femme de Sjur Gabriel : « J’trouve tout si triste et horriblement ennuyeux, tout ce que j’fais, tout ce que je touche ; j’aurais préféré rien voir de ce drôle de monde, et puis quand je bois une goutte tout devient si léger, si clair, si beau, c’est à ne pas croire ! »

Prisonnière d’une vie misérable, accablée de grossesses, sans jamais aucun loisir, Oline n’a aucun espoir et seul l’alcool lui permet de supporter cette vie sans joie. Elle évolue peu tout au long du roman, alors que son mari Sjur Gabriel, courageux et travailleur, mais rustre au caractère ombrageux qui bat sa femme lorsqu’il la trouve ivre, est un personnage dynamique qui, avant de se laisser terrasser à son tour, acquiert une humanité et une douceur inattendues.

En effet, à l’occasion d’une des nombreuses escapades de sa femme pour trouver de l’alcool, le père se retrouve seul avec le dernier né, Vesle-Gabriel, malade et affamé, dont il va devoir s’occuper et qu’il soigne avec dévouement. Il va apprendre non seulement à devenir père mais éprouver pour la première fois de l’amour pour un de ses enfants. Vesle-Gabriel deviendra sa seule raison de vivre.

Amalie Skram dépeint avec talent la misère sociale et ses ravages, et le poids de l’ignorance qui ne permet pas de changer les comportements hérités. Avec finesse, elle montre que les sentiments sont eux aussi la conséquence d’une certaine forme d’éducation et la reconnaissance de l’humanité en l’autre. Que tout cela est une construction et une conséquence de la culture.

 Amalie Skram est une auteure qui m’a énormément touchée. Elle fait partie de ces voix oubliées, et je suis heureuse de lui donner une place sur Litterama. Cela grâce au travail de la traductrice Luce Hinsch qui nous livre une langue simple et belle, et une traduction parfaite, et les éditions Gaïa qui ont le courage de promouvoir des œuvre du patrimoine nordique et européen. Il faut saluer encore et toujours ces initiatives !

Manon Roland – Enfance / Autobiographie d’une étoile

madame-roland-enfance1

j'aime un peu, bc, passiontj'aime un peu, bc, passiontj'aime un peu, bc, passiont

En 1791, le 31 mai Manon Roland est emprisonnée, à l’âge de 39 ans. La terreur, responsable de plus de 17 000 exécutions entre mars 1793 et 1794, va la broyer à son tour mais elle ne le sait pas encore. Le 8 novembre, elle n’est pas autorisée à lire le texte qu’elle a préparé pour sa défense et sera guillotinée le jour-même.

Elle s’est défendue pourtant, a écrit des lettres de protestation pour dénoncer l’arbitraire de sa détention. Ce qui n’a pour effet que de lui donner quelques heures de liberté avant d’être incarcérée à nouveau à Sainte-Pélagie et à la Conciergerie. Elle n’en ressortira que pour être exécutée.

Mais elle a la plume facile Manon, elle a toujours écrit beaucoup, d’abord comme journaliste au Courrier de Lyon mais aussi fervente épistolière avec son ami Sophie et des savants qu’elle a rencontrés, lors de ses voyages et avec lesquels elle entretient une longue et régulière correspondance.

Elle écrit pour défendre ses idées, a beaucoup lu les philosophes et sa plume est pour elle une arme de combat. Elle écrit parfois, masquée, sous couvert de son mari dont elle rédige quelques discours ou quelques lettres.

Dans la prison où elle est enfermée, elle « occupe une petite chambre dont elle paie le loyer. Elle achète une écritoire, du papier, des plumes »[1] et décide d’écrire l’histoire de sa vie. Peut-être pense-t-elle à la postérité et à l’image qu’elle laissera après sa mort. Elle tient à laisser son témoignage car croit-elle,  elle se connaît mieux que personne.

Mais pour l’heure, elle écrit dans l’urgence, « fixe fébrilement sur le papier ses souvenirs des événements politiques récents ; elle raconte ses deux arrestations et sa vie en prison, et dresse le portrait des Girondins dont elle-même et son mari, amis de Brissot, partagent les vues. »

Fin août, elle commence ses mémoires qu’elle rédigera entre le 9 août et le début du mois d’octobre : « Je vais m’entretenir de moi pour mieux m’en distraire », écrit-elle en ouverture et signe ainsi la première autobiographie au féminin. Nourrie de ses lectures et de Rousseau notamment, elle tente d’être sincère et vraie et de s’examiner en conscience avec ses qualités et ses défauts.

Manon n’est pas aussi radicale et engagée qu’Olympe de Gouges qui publie en 1791 la célèbre « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » et en appelle à l’égalité des sexes. Manon quand elle songe à l’éducation de sa fille, invoque « les devoirs de son sexe » et la nécessité d’être « femme de ménage, comme mère de famille ».[2]

Pourtant si Manon fut exécutée, ce fut non seulement pour son activisme politique mais aussi selon les pamphlets de l’époque, parce qu’elle outre passa les limites de son sexe en voulant s’instruire et participer aux grands débats d’idées. On peut lire dans la « feuille du salut public «  publié le jour de son exécution « […]elle était mère, mais elle avait sacrifié la nature, en voulant s’élever au-dessus d’elle : le désir d’être savante la conduisit à l’oubli des vertus de son sexe, et cet oubli, toujours dangereux, finit par la faire périr sur l’échafaud. »

 Le portrait que Manon dresse d’elle n’est pas sans complaisance :

« Ma figure n’avait rien de frappant qu’une grande fraîcheur, beaucoup de douceur et d’expression; à détailler chacun des traits, on peut se demander où donc en est la beauté? Aucun n’est régulier, tous plaisent. »

Elle commente avec une certaine autosatisfaction tout le chemin qu’elle a parcouru mais n’est pourtant pas dupe : « Je ne sais pas ce que je fusse devenue, si j’eusse été dans les mains de quelque habile instituteur ; il est probable que, fixée sur un objet unique ou principal, j’aurais pu porter loin un genre de connaissance ou acquérir un grand talent : […].

Elle se révèle aussi extrêmement touchante, derrière la façade un peu maniérée, de la petite fille sage, pieuse, réservée et tout occupée à l’étude. On sent touts les mouvements d’une femme en train de se faire, entière, exigeante et passionnée, au caractère inflexible et fière de ce qu’elle accomplit.

Il fallut de toute façon qu’elle fût exceptionnelle pour braver tant d’interdits et laisser son nom dans l’Histoire. Peut-être l’Histoire l’y a-t-elle aidée en lui offrant un rôle à sa mesure.

J’ai été très touchée, quant à moi, par la voix de cette femme, sa douceur et sa force inébranlable, que rien , ni personne ne put faire plier.

Je vais lire de ce pas l’article que lui a consacré Mona Ozouf dans les « mots des femmes ».


[1] Martine Reid

[2] idem

Les vagues – Virginia Woolf

Vagues

1931, traduit par Michel Cusin, Gallimard, Folio

Dans une lettre du 12 juillet 1931 à Ethel Smyth, Virginia avouait que son livre était fondamentalement illisible. Peut-être parce qu’il rompait avec les canons esthétiques de l’époque et demandait au lecteur une conversion intérieure de son propre regard, un effort pour lire autrement.

Ce roman de Virginia Woolf est un roman « expérimental ». Il fut considéré comme une œuvre d’avant-garde à côté de l’Ulysse de Joyce. Ce roman est d’une grande maîtrise et d’une réelle virtuosité sur le plan du récit et de la langue. Par sa construction tout d’abord et par sa « charge » poétique. C’est d’ailleurs comme cela que je l’ai lu, comme j’aurais pu le faire d’un recueil de poèmes, en goûtant certains très beaux passages, la beauté des métaphores, le rythme des phrases, et le délaissant de temps à l’autre pour aller lire autre chose.

Je n’ai pas pu le lire comme j’aurais lu un roman. La narration est trop distendue pour que la tension propre à la narration me donne envie de continuer sans m’interrompre.

Virginia Woolf voulait rompre avec le roman victorien ou édouardien et inventer une autre forme, créer une sorte de poème dramatique. Et j’avoue que j’aime beaucoup parfois les idées et les révolution dans les idées, les essais, même s’ils n’aboutissent pas. Et la préface m’a énormément intéressée qui explique les visées woolfiennes.

Les sept personnages tiennent toute la structure du récit par les liens qu’ils entretiennent entre eux et si les lieux varient : d’abord le bord de mer, puis les pensionnats, le, Londres et Hampton court, ils existent parce qu’ils sont le creuset dans lequel se forment leur devenir. Le lien amoureux est pour moi très fort dans le récit et il est ce qui en constitue la trame à défaut vraiment d’événements. Percival, Bernard qui a un réel talent de conteur (« Mais moi si je me trouve en compagnie avec d’autres, les mots font tout de suite des ronds de fumée – regardez comme les phrases aussitôt s’échappent en volutes de mes lèvres »), Neville homosexuel qui « inspire la poésie », Louis le poète, Susan, qui se réalise comme mère et épouse un fermier mais qui au fond a raté sa vie, Jinny séduisante et libre ,« espiègle et fluide et capricieuse », et Rhoda mystérieuse, « la nymphe toujours ruisselante de la fontaine » dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle est la maîtresse de Louis, tous ses personnages aiment : Neville aime Percival, celui-ci aime Susan mais cette dernière aime Bernard.

Mais c’est une lecture très personnelle.

Leurs vies sont évoquées en neuf chapitres qui correspondent à neuf âges successifs, de l’enfance à la vieillesse, se déroulant comme la course du soleil dans le ciel en une journée. Les voix surgissent et se retirent comme des vagues, et il faut une certaine attention pour ne pas manquer le changement de personnages, tout comme nous devons être attentif à chaque vague qui survient avec force.

Livre aussi de sensations : « Ces flèches de sensations lumineuses » qu’excelle à décrire Virginia Woolf dans une langue magnifique, nous permettent de comprendre qui nous sommes, non pas des être ayant une identité stable,  « quand nous raisonnons et lançons ces affirmations fausses : « je suis ceci ; je suis cela ». Alors la parole est fausse. Mais des êtres multiples, composés de « mille facettes », mouvants et insaisissables comme ces vagues.

Une lecture exigeante et belle.

Je pense qu’il faudra que je revienne à ce livre pour mieux le comprendre. Peut-être au fond que je n’ai rien compris du tout.

Et lu aussi dans le cadre du mois anglais et avec Titine,  Denis et bien d’autres… (je mettrai les liens au fur et à mesure de mes lectures.

challenge-mois-anglais-keep-calm-and-read