Archives pour la catégorie Les femmes et le théâtre

Lorraine Hansberry – première femme afro-américaine dont la pièce a été jouée à Broadway

Lorraine Hansberry, que j’ai découverte lors du documentaire consacré à James Baldwin sur Arte (magnifique !) est la première femme noire américaine dont la pièce ( A raisin in the sun) en 1959 a été jouée à Brodway.

« Raisin in the Sun de Lorraine Hansbury, prend son titre du célèbre poème de Langston Hughes « A Dream Deferred », dont le thème fait écho dans toute la pièce. Dans un petit appartement à Chicago dans les années 1950, les membres de la famille Younger, une famille afro-américaine, ont chacun de grands rêves de quoi faire avec l’argent d’assurance-vie qu’ils vont recevoir du passage de Big Walter. Pour certains membres de la famille, leurs rêves ont été reportés, «différés», pendant des années; Pour d’autres, il ya des obstacles qu’ils doivent surmonter pour poursuivre leurs rêves. »a consulter, source

La femme qui inventa le théâtre…

Selon Augusto Boal, une fable chinoise très ancienne raconte comment Xua-Xua, une femme préhumaine, inventa le théâtre. Cette fable s’oppose à toutes les pratiques et les représentations misogynes de l’Histoire et de l’Antiquité, comme celles du théâtre au temps de Shakespeare, qui interdisaient aux femmes de jouer, et celles de l’Antiquité qui leur interdisaient même d’assister aux représentations !

Xua Xua, qui alors n’était qu’une femelle (puisque préhumaine) devint amoureuse de Li-Peng (mâle de la tribu), et attendit de lui un enfant. Cette transformation physique s’accompagna d’une gêne, ou d’une forme de honte qui l’éloigna de son amoureux. Il l’observait pourtant de loin et la regarda accoucher. En spectateur. Xua Xua, dut se séparer symboliquement de son fils, s’identifier, et l’identifier lui, en sortant d’une relation purement fusionnelle. Elle dut également reconnaître le père. Et se posa des questions sur qui elle était, sur qui étaient les autres, sur ce qu’elle voulait et ce qu’elle cherchait, sur le passé et l’avenir. D’une certaine manière elle était obligée de se regarder, de se dédoubler (la conscience ?). A la fois actrice et spectatrice. C’est ainsi qu’a été découvert le théâtre, car il est « l’art de nous regarder nous-mêmes ».

Cette manière de placer l’origine du théâtre dans la biologie humaine, me laisse dubitative. Cette métaphore de la création par l’enfantement risque encore enfermer les femmes encore et toujours, dans leur corps.

voir Augusto Boal « Jeux pour acteurs et non acteurs, La découverte, édition actualisée, La Découverte, Paris 2004.

Une chambre en Inde – une création collective du Théâtre du Soleil jusqu’au 2 juillet 2017 à la cartoucherie de Vincennes.

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Une chambre en Inde – une création collective du Théâtre du Soleil, dirigée par Ariane Mnouchkine, musique de Jean-Jacques Lemêtre, en harmonie avec Hélène Cixous, avec la participation exceptionnelle de Kalaimamani Purisai Kannappa Sambandan Thambiran, Représentations du mercredi au vendredi à 19h30, le samedi à 16h, le dimanche à 13h30, Durée du spectacle 3h30 + entracte de 15 minutes jusqu’au 2 juillet 2017 à la cartoucherie de Vincennes.

Le théâtre, et plus largement l’art, éclaire, donne à voir et à comprendre, mais aussi à sentir, à travers nos émotions, ce qui nous déchire et nous soumet parfois impitoyablement à la question. Que nous veulent-ils, que faut-il faire ? Où et comment agir ?

Les spectateurs qui ont assisté ce dimanche 23 avril à la représentation, ont dû entendre de multiples résonances à la situation politique française, aussi lointaine que puisse paraître, au premier abord, cette chambre en Inde. Ce jour rappelait aussi la naissance de Shakespeare, le  (vers le ) 23 avril 1564 ; comme l’a souligné Ariane Mnouchkine, « En un tel jour, rien de vraiment grave ne peut arriver. »

La troupe a décidé de désamorcer le pathos, en faisant de la scène du théâtre, le lieu d’une comédie où se joue le spectacle (tragique) du monde. Le rire peut-il combatte l’horreur ?

Cette chambre, lieu clos, est traversée de toutes les rumeurs et de tous les éclats qui secouent notre monde : la condition des femmes, le réchauffement climatique, l’extrémisme politique et religieux. D’ailleurs de larges fenêtres sont ouvertes sur les bruits de la rue, et le téléphone apporte les nouvelles, souvent mauvaises, de ce qui se passe ailleurs; les intrusions oniriques ou réelles nous rappellent qu’il est impossible de se tenir à l’écart, et d’être simplement spectateur : tout le monde peut-être touché un jour par la fureur et la désolation..

Et c’est la philosophie du Théâtre du Soleil, cosmopolite, composé d’une vingtaine de nationalités, certains acteurs venant d’Afghanistan, d’Irak ou de Syrie, de se tenir dans un constant dialogue avec l’autre, et de se nourrir de ce qui est étranger.

Curieux du monde et des autres, le théâtre du Soleil, emprunte la forme artistique du Teru Koothu, théâtre populaire découvert lors d’un séjour avec la troupe à Pondichéry début 2016, peu après les attentats du mois de novembre. Sur scène, le Kattiyakaram, personnage central, mène le jeu au milieu des danses et des chants accompagnés par les musiciens. Ces spectacles se jouent souvent des nuits entières dans les villages et racontent, entre autres, les épopées du Mahâbhârata et du Ramayana.

Les visions que Cordélia a la nuit sous forme de cauchemars font irruption selon leur propre logique. Aussi ne faut-il pas chercher la cohérence narrative dans la sécurité d’une intrigue. Les saynètes se croisent et s’entrecroisent pour former la trame du récit, conduit au fil d’une question lancinante qui revient jusqu’au bout : « L’art peut-il sauver le monde ou est-il parfaitement inutile ? » Que peut le théâtre face à un fusil ou des bombes ? Il dénonce depuis toujours, et il désamorce le désespoir en nous donnant le goût de la lutte.

Une vidéo montre des comédiens représentant le Roi Lear, dans une cave d’Alep, sous les bombardements.

Ils ne seront pas oubliés.

L’école nomade d’Ariane Mnouchkine – Théâtre du soleil – Une chambre en Inde

La chambre de Médée, texte et mise en scène de Alain Ubaldi/ Le mythe encore une fois revisité.

Festival Féminin pluriel du 20 février ou 1er avril 2017

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Nous en avons déjà parlé ici, sur ce blog, mais le plafond de verre ne se limite pas aux entreprises, à la littérature ou à la bande-dessinée (littérature de bande-dessinée) mais règne aussi dans le domaine des arts du spectacle vivants et du théâtre, dont nous parlons de temps en temps sur ce blog grâce aux liens étroits qu’il entretient parfois avec la littérature : selon le Parisien, « seulement 21 % des directeurs de théâtre en France et 27 % des metteurs en scène étaient des femmes ». Le réseau Créat’yve, association composée de directeurs de théâtre des Yvelines, a décidé de réagir  et de montrer un pan peut-être méconnu de la création féminine dans ce domaine. Jusqu’au 1er avril prochain (Alors, il n’est pas trop tard , même si nous avons raté le coche depuis quelques jours), le premier festival « Féminin pluriel » va battre son plein dans les Yvelines et dans le Val d’Oise,  avec 28 spectacles montés, mis en scène, joués, dansés, chantés par des femmes, un peu partout, notamment  à la Ferme de Bel-Ebat à Guyancourt. à l’Onde à Vélizy-Vill à La Lanterne à Rambouillet. acoublay, au théâtre du Vésinet.  au théâtre Eurydice Esat à Plaisir, à La Lanterne à Rambouillet, salle Malesherbes à Maisons-Laffitte, au Collectif 12 à Mantes-la-Jolie, au Colombier à Magnanville, au Prisme à Élancourt et quelques autres salles.

Vous pouvez retrouver le programme sur le site de Creat’yve :  http://www.creatyve.eu/femininpluriel-programmation

Métamorphoses – Aurélie Van Den Daele
Lorenzaccio – Catherine Marnas
Regarde les lumières mon amour – Clotilde Moynot
Le songe d’une nuit d’été  Lisa Wurmser
Camille, Camille, Camille – Marie Montegani
On va faire la cocotte – Hélène François et Emilie Vandenameele
Fratries – Eve Ledig
Antigone – Lucie Berelowitsch
C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde – Les Filles de Simone (Au mois de mai, elles seront à Poissy !)
Le saut de l’ange – Aurélie Van Den Daele
Les nouveaux maîtres du monde – Marie-Charlotte Biais

 

Miroir d’Elles

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A voir au Théâtre du Marais, du 1er au 31 octobre, d’après des textes de Franca Rame et Dario Fo (Prix Nobel de littérature), Jean-Gabriel Nordmann, Gérard Levoyer, Lise Martin, Guy Foissy, Xavier Durringer (D’ailleurs en parlant de Xavier Durringer, si vous n’êtes pas encore allés voir « Acting » avec Nils Arestrup et Kad Merad, courez-y, c’est excellent.)

« Les monologues, drôles, tragiques, tendres et graves, sont tous des témoignages de fragments de vie de femmes. Elle est toutes ces femmes.

9 femmes comme autant de facettes que l’on croise dans le miroir. Chacune est un instantané de vie: drôle, léger, émouvant, tragique. C’est selon… Dans sa robe noire, elle entre et livre des témoignages poignants, des confessions pathétiques ou des confidences mutines Elle est toutes ces femmes.

Miroir d’Elles a reçu le prix des P’tits Molière 2015, catégorie « Meilleur seul en scène  »

Cut d’Emmanuelle Marie / Festival d’Avignon

http://www.youtube.com/watch?v=It-9_1oCrQQ

J’ai vu cette pièce dans le cadre du off d’Avignon, et si vous y êtes cette  semaine, je vous la recommande. Elle voyage aussi, et peut donc se jouer près de chez vous. Elle existe en plusieurs versions : sous forme de lecture spectacle, trois voix, trois pupitres, un accordéon et également dans le cadre d’un théâtre participatif, dans des ateliers  (de 30 à 40 heures) animés par les comédiennes . Les participantes intègrent la mise en scène à travers un chœur de femmes. Enfin sous sa version longue, celle que j’ai vue la semaine dernière.

Cette pièce était brillament interprétée par Stéphane Dupéray, Clara Marchina, Pauline Woestelandt qui joue en alternance avec Inès Lopez (Compagnie Sapiens Brushing), mise en scène avec brio par Laurence Laburthe

« Cut veut dire couper, séparer. le mot sexe vient de sexus, mais viendrait aussi de secare, qui veut également dire en latin … séparer. Je trouvais que c’était amusant d’avoir le fond et la forme réunis dans un même titre… » Emmanuelle Marie

Pour Cut, achevé en juin 2001, elle reçoit une aide à l’écriture du ministère de la Culture et du conseil général du Pas-de-Calais. Il a été présenté au Théâtre du Rond-Point en juin 2003, dans une mise en scène de Jacques Descorde.

En 2006, elle atteint la consécration avec le montage de sa pièce Blanc au Théâtre de la Madeleine. Mise en scène par Zabou Breitman, interprétée par Isabelle Carré et Léa Drucker la pièce est créée en septembre et doit être prolongée. Le spectacle est deux fois nommé aux Molières 2007 pour la lumière d’André Diot, et pour le décor de Jean-Marc Stehlé. Le texte est traduit en allemand. Elle décède en 2007 des suites d’une maladie.

Trois dames se croisent dans les toilettes publiques. Pourquoi les filles pissent-elles assises ? se demandent-elles. Et c’est quoi ce « ça » entre leurs jambes, qui les fait femmes. Mystérieux, intérieur/extérieur, le sexe féminin, si difficile à nommer, qui les enferme parfois, organe de jouissance ou organe silencieux, se dévoile peu à peu à travers l’histoire de ces trois femmes.

Elle font parfois chœur, se répondent en duos, ou en trios et tentent de cerner leurs relations avec les hommes. Les corps se raidissent ou entrent en mouvement dans l’acte d’amour qui est une forme de danse, jamais impudique; l’amour se chante aussi porté par la voix magnifique de Clara Machina qui vocalise sur le mot « masturbation ». Les corps se libèrent, la parole devient cri, chant, revendication, confession, admonestation. Elle dit aussi l’ambiguïté et le paradoxe, le désir d’amour, et la violence qui parfois en tient lieu, la relation à soi et à l’autre.

A voir…

 

« Elle » suivie de « Tirée au cordeau » de Marie-Pierre Cattino

Je n’ai malheureusement pas pu voir cette pièce à Avignon, mais elle semble tout à fait digne d’intérêt.

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Sa pièce Elle (Editions Avant-scène – Quatre-Vents) est actuellement à l’affiche au Festival Off à Avignon au Théâtre de la Bourse du travail -CGT 8, rue Campane à 16 h 40.
« Elle » est partie en claquant la porte il y a une dizaine d’années et « Elle » revient voir ses parents, prétextant un reportage sur les banlieues. Pourquoi ce départ précipité ? Pourquoi ce besoin de revenir après 10 ans d’absence ? Dans ce huis-clos familial, le drame passé refait surface au détour et au-delà des mots.

Se mélangent les envies de savoir et d’occulter, les envies de dire et de taire.

« Tous ceux qui lisent ou liront « Elle »  seront comme moi impatients de voir cette « Elle » sur scène, car c’est pour la scène que Marie-Pierre écrit, pour les comédiens, pour la lumière du plateau, pour être incarnée en somme. » Jean-Claude Grumberg

Mise en scène : Ivan Ferré
Avec : Aïni Iften, Laure Vallès et Pierre Azaïs

Informations données par Christian Bach des Editions Koinè où elle est également publiée. ( Les larmes de Clytemnestre – juillet 2011)

Nathalie Akoun Une histoire de clés – Une Médée moderne

Vignette Les femmes et le théatre« Une femme se retrouve seule à élever ses enfants, car son mari s’est enfui du cocon familial. Perdue, dépassée par les événements de sa propre vie, elle dérape, un jour. Accusée de laxisme pour n’avoir pas fermé à clé la porte de chez elle un soir, elle est jugée responsable des agissements de son fils, sorti durant la nuit. En voulant le défendre corps et âme, elle commet l’irréparable, au nom de l’amour maternel. » Editions l’Avant-scène théâtre.

Date de parution  : 01/09/2008  Genre  Drame Drame moderne Collection des quatre-vents.

La création d’Une histoire de clés a eu lieu le 3 décembre 2005 au Théâtre de l’Atalante dans une mise en scène d’Olivier Cruveiller. Nathalie Akoun y interprétait la Femme.
     J’ai assisté à la représentation de cette pièce à la salle Jacques Tati à Saint-Germain en Laye hier soir.
Le personnage est passionnant : mère qui ne vit qu’à travers ses enfants, elle s’en désintéresse dés qu’ils grandissent. Il lui faut, à chaque fois, être enceinte, et renouer avec ce temps d’avant la révolte adolescente, ce temps de la fusion. Elle aime alors se regarder à travers le regard de ses enfants, puissante et sûre d’elle-même.
      Elle a confiance en eux, dit-elle, une confiance absolue. Ce n’est pas de sa faute d’ailleurs si ça a dérapé, c’est une histoire de clés, oubliées sur la porte. L’aîné est sorti sans sa permission et a fait des bêtises.
     Ce n’est jamais de sa faute,  quelque chose lui échappe « cette boîte noire dans sa tête », et la petite fille qu’elle porte en elle et dont elle aimerait pouvoir se délivrer. Et le père ? Et bien le père est parti, faute de place.  Elle se lave les mains à intervalles réguliers tout au long de la pièce. Qu’a-t-elle donc fait, me direz-vous, pour éprouver ce besoin de pureté, de quelle faute doit-elle se laver ?
      Cette mère, on la croise parfois dans nos écoles, sur nos paliers, une mère un petit peu fragile et débordée par ses enfants qui lui échappent, incapable de poser des règles, de fixer des limites et d’aider ses enfants à grandir. Prisonnière, enfermée dans sa folie.
Nathalie Akoun est toujours dans la retenue et la mesure, jamais dans le débordement ou l’hystérie, précise et juste.
Ce monologue est parfaitement bien construit et très bien écrit. Nathalie Akoun est douée.

Nana’s cOmedy club® 1er festival d’humour féminin à Lyon

Le nOmbril du mOnde recrute, pour son festival Nana’s cOmedy club® !
Ils recherchent des duos, trios, solos, FEMININS. Vous pouvez leur proposer proposer vos sketches, pièces, chansons humoristiques, spectacles visuels… et passer une audition, pour participer au « Nana’s cOmedy club®  » du 12 au 28 mai prochain.
Le but : présenter durant une soirée, au public et à l’équipe du nOmbril du mOnde, un quart d’heure de votre show.
Après deux semaines de festival, les spectateurs et le nOmbril du mOnde choisiront deux spectacles qui seront programmés, dans leur intégralité, le vendredi 27 et samedi 28 mai.
Pour toute information et inscription, contactez : nanascomedyclub@lenombrildumonde.com

Photo de Nombril Du Monde.

Madame Bovary, rhabillée par Paul Emond, Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps.. A voir si vous êtes près de Paris…

Il faut voir ce formidable spectacle, où le texte, adapté par Paul Emond révèle des aspects certainement insoupçonnés jusque là. La mise en scène instaure un décalage qui permet de souligner les ridicules ou les faiblesses des personnages, les contre-emploi sont également très réussis et on y croit complètement. L’humour est bien présent et fait de cette histoire une sorte de tragi-comédie où l’on rit volontiers parfois.  La musique, et notamment la performance de Gilles-Vincent Knapps à la guitare (Conservatoire de jazz) donne une coloration et une atmosphère souvent envoûtante. C’est vraiment très réussi.

Du mardi 08 mars 2016 à 19h00  au jeudi 30 juin 2016 à 19h00…

« Quatre comédiens vont conter, chanter, incarner la grande épopée d’Emma Bovary. La révolte romanesque, le combat instinctif d’une femme qui refuse de se résigner à sa condition et cherche, quel qu’en soit le prix, à faire l’expérience sensuelle et exaltante d’une vie où figurent l’aventure, le plaisir, le risque, la passion et les gestes théâtraux.
Une femme, trois hommes, un récit inexorable comme une tragédie, flamboyant comme un drame, mordant comme une comédie.

BOVARYSME, nom masculin : capacité de l’homme à se concevoir autre qu’il n’est.

Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle.
Gustave FLAUBERT 1858″

Festival d’Avignon off 2015 – Du domaine des murmures avec Leopoldine Hummel – compagnie La Caravelle DPI

Du domaine des murmures (Goncourt des lycéens 2011) – Programme du OFF 2015 – Avignon Festival & Compagnies – Théâtre des Halles, salle de la Chapelle.

femmes-de-lettres les femmes et le théâtre 1 jpg« 1187, le Moyen Âge. Franche Comté, le domaine des Murmures. Le châtelain impose à sa fille unique,« Lothaire-le-brutal ». Esclarmonde, 15 ans, refuse le mariage. Le jour de la noce, elle se tranche l’oreille. Elle choisit d’épouser le Christ. Protégée par l’Eglise elle est emmurée vivante, une recluse. Pourtant, neuf mois plus tard, la pucelle donne naissance à un fils. L’enfant a les paumes percées : les stigmates du Christ…Mystère ? Menace ? Miracle ? Du fond de sa tombe. Esclarmonde va défier Jérusalem et Rome, les morts et les vivants et même le Ciel, pour sauver son fils. « 

J’avais lu le roman de Carole Martinez ( ) que j’avais beaucoup aimé. Léopoldine Hummel donne chair à ce texte avec une grande force et beaucoup de subtilité. Son jeu est d’une grande justesse; elle n’en fait ni trop, ni trop peu. Le personnage a une profonde force morale, et les émotions qui l’agitent laissent voir toute la richesse de son intériorité. Elle murmure, chante, fait vibrer sa voix avec une infinité de degrés. Comment forcer le destin et conquérir sa liberté dans une société qui vous enferme dans un rôle et dans des codes ? Esclarmonde défie le monde et Dieu…
La seule chose qui m’a gênée dans la mise en scène est l’utilisation d’un micro dont la comédienne n’avait absolument pas besoin dans cette petite chapelle. Leopoldine Hummel était lumineuse et inspirée, faisant corps avec son texte, amoureusement. Une belle performance, et la profondeur d’un souffle pendant 1h15.
Interprète(s) : Leopoldine Hummel
Charge de production et de diffusion : Daniel Legrand
Adaptation scénographie et mise en scène : José Pliya
La Caravelle Diffusion Production Internationale, cie de création, se veut un laboratoire pour questionner le « vivre ensemble »Soutien : Conseil Général du Doubs
Cette pièce avait été jouée du 5 mai au 12 juillet au Théâtre de poche Montparnasse avec une autre comédienne, Valentine Krasnochock.

La clandestine du voyage de Bougainville, « Jeanne Barré, la voyageuse invisible »

Michèle Kahn raconte l’histoire romancée de Jeanne Barré, première femme à avoir accompli un voyage autour du monde lors de l’expédition de Bougainville.
A une époque où les femmes sont interdites à bord des bateaux, Jeanne, qui connaît parfaitement les plantes, guérisseuse à ses heures, se travestit en valet pour suivre son amant botaniste, Philibert Commerson, à bord de l’Etoile le 10 janvier 1767. Son histoire est romancée dans La Bougainvillée, de Fanny Deschamps (1982), et reprise en 2014 par Michèle Kahn dans « La clandestine du voyage de Bougainville » qui en propose une manière d’épopée.

Vignette Les femmes et le théatreLe théâtre de Sartrouville a proposé cette histoire« Jeanne barré, la voyageuse invisible » , du 17 au 21 mars 2015 à travers un texte d’Eudes Labrusse et une mise en scène de Jérôme Imard & Eudes Labrusse.
« Des campagnes françaises aux plages de Tahiti, l’étonnant voyage d’une femme au siècle des lumières.
Un beau matin de 1776, une jeune femme s’embarque sous le nom de Jean Barré à bord d’un des navires de l’expédition légendaire de Bougainville. Pendant deux ans, aux hasards de la mer, elle vit travestie en homme au milieu des marins et des plus grands savants de l’époque. Jeanne Barré est la première femme à avoir fait le tour du monde. Son histoire, bien réelle, est pourtant percée de mystères. Eudes Labrusse en comble les vides en réinventant la vie intérieure de l’aventurière et son périple autour du monde. Toutes voiles dehors, c’est ce destin de femme exceptionnelle que deux comédiens et un violoncelliste nous invitent à découvrir à bord d’un imposant « bateau-théâtre ». Une rencontre avec une personnalité surprenante, aussi déterminée que brillante ! »

Antigone/Juliette Binoche

Antigone – Sophocle/Ivo Van Hove

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Cette pièce est jouée en anglais surtitrée en français.

 Juliette Binoche (Antigone) apparaît, le vent s’engouffre dans sa tunique noire, et la lune incandescente éclaire la scène.

Vignette Les femmes et le théatreAu centre d’un long plateau noir, dont les côtés recèlent des éléments qui pourraient faire penser à du mobilier de bureau (superbe exploitation à la fin de la pièce), un canapé deux places, et découpée au centre de la scène une fosse rectangulaire d’où apparaîtront et disparaîtront les corps. Un écran vidéo distribue des images mouvantes du quotidien, ou des plans figurant des paysages désertiques. La collaboration pour les décors et lumières de Jan Versweyveld et de Yal Tarden pour la création vidéo est parfaitement réussie. Le décor planté, la pièce peut commencer dans un parti-pris résolument contemporain (costumes-cravates, tailleur et talons hauts) qui va résonner pendant une heure et quarante-cinq minutes avec le monde d’aujourd’hui (le mythe est fécond et parle à toutes les époques) dans la mise en scène particulièrement soignée de Ivo Van Hove.

Photo  Jan Versweyveld

C’est l’affrontement, dans la pièce de Sophocle, de deux conceptions antagonistes de la raison d’état, toute-puissante chez Créon, mais qui doit s’effacer devant le sentiment, l’amour, et la piété filiale pour Antigone. Cependant  la raison déraisonne et l’absolu du sentiment mène à la mort. Aucun compromis n’est possible et Créon, dans son entêtement, ne veut apprendre de personne. Lorsqu’il se décidera à changer, il sera trop tard, et son fils Hémon, accablé par la mort d’Antigone qui lui était promise, se donnera la mort.

Rappelons l’histoire : dans un épisode précédent (Œdipe à Colonne), Antigone et Ismène prennent soin de leur père Œdipe, banni de Thèbes (Sans le savoir,il avait tué son père et épousé sa mère). Ses fils Etéocle et Polynice règnent en alternance sur Thèbes, jusqu’au jour où Polynice devant devenir roi au bout d’un an, son frère Etéocle, au pouvoir, lui refuse l’accession au trône. Une guerre fratricide s’ensuit (raconté avec un point de vue original dans l’Antigone de Buchau). Créon interdit qu’on ensevelisse la dépouille de Polynice sous peine de mort. Or, on sait que ce sont les rites funéraires qui font entrer l’homme dans la civilisation et la culture. Refuser à Polynice une sépulture, c’est lui dénier son humanité sous prétexte qu’il est un ennemi.

Ivo Van Hove établit un parallèle avec la tragédie de la Malaysian Airlines dont l’avion s’est écrasé en Ukraine dans une zone de guerre. Les corps des victimes avaient été laissés en plein champs pendant plus d’une semaine. Lorsque les corps ont été récupérés pour l’identification, le gouvernement néerlandais a décidé d’organiser ensuite un convoi funéraire avec un corbillard pour chaque corps.

Créon donc occupe le trône et règne en tyran. Il essaie de gouverner de façon moderne, de rétablir la paix, de réfléchir sur la meilleure façon de gouverner. Il a une véritable pensée politique autonome. Il ne veut pas faire entrer la filiation et les liens du sang en ligne de compte dans l’exercice du pouvoir parce que la terrible guerre civile due aux deux frères lui a enseigné qu’une société basée sur ces principes est désastreuse, trop soumise aux rivalités et aux affects et donc trop fragile. Son objectif est de parvenir à régner sur une société qui puisse vivre en paix.  Il veut introduire de la rationalité dans la manière de gouverner, avec des lois qui soient les mêmes pour tous, et une vision claire de la citoyenneté. Mais il ignore une composante essentielle : les citoyens qui composent cette société. Il finira seul et brisé parce qu’il ne peut pas s’adapter. Comme on dit il y a la loi et l’esprit de la loi. Avec Créon, il ne pourrait y avoir de jurisprudence. Il veut calquer une structure rationnelle sur la société sans tenir compte de la réalité mouvante et fluctuante auquel tout gouvernement éclairé doit s’adapter. Gouverner en tenant compte des aspirations de ses citoyens est gouverner de façon démocratique.

Juliette Binoche déclarait le mois dernier au magazine Vogue à propos d’Antigone:« Quand on la découvre, on se dit que c’est l’histoire d’une femme contre l’empire masculin, qu’il y a là quelque chose de féministe, et moi ce n’est pas du tout ce qui me touche aujourd’hui, ce que j’ai envie de montrer. Parce que c’est par la féminité qu’elle change le monde, le monde est en mal de féminin.» Je me suis dit que ces deux visions n’étaient pas exclusives l’une de l’autre. Il me semble que le féminisme n’est qu’une revendication politique pour des droits égaux et aussi pour une vision multiple du féminin, selon ce que vit et ressent chacune (et chacun). C’est en tant que femme qu’elle s’oppose à Créon, dans un monde qui refuse le féminin qu’il soit celui d’une femme ou d’un homme et c’est pourquoi il le tient à l’écart du politique. Comme ce monde refuse toute virilité et accomplissement dans l’action des femmes. C’est une pensée ancienne qui déjà pose l’exigence d’une redéfinition du féminin comme un principe éminemment actif. Elle fait, elle agit sur le monde en tant que femme. Le jour où cessera de définir le féminin du côté de la passivité, de l’intuition et de l’affect, on aura fait un grand pas.

Tous les comédiens sont absolument magnifiques et en particulier Patrick O’Kane, le comédien irlandais qui interprète Créon, et s’est déjà taillé une belle notoriété avec son rôle dans « Game of Thrones » (dans la seconde saison en jouant le rôle de Jaqen H’ghar après qu’il ait changé d’apparence).

Kirsty Bushell, telle une liane sur ses escarpins, est parfaitement convaincante dans le rôle d’Ismène, qui échoue à être l’intermédiaire entre deux absolus.
Obi Abili incarne à la fois le garde et le chœur avec une belle présence, Samuel Edward Cook, un Hémon fou d’amour et de douleur, Kathryn Pogson, une Eurydice digne et fière jusque dans son désespoir et le chœur, Finbar Lynch la sagesse de Tirésias et le chœur, et Matthias Minne présente le corps (parfait quoiqu’un peu meurtri) de Polynice et il est presque le seul en plus à ne pas être chauve !.

 Nouvelle traduction : Anne Carson ; Mise en scène : Ivo Van Hove ; Décors et lumières : Jan Versweyveld, Dramaturgie : Peter Van Kraaij, Création vidéo : Tal Yarden, Composition et création son : Daniel Freitag, Costumes : An d’ Huys ; Assistant à la mise en scène : Jeff James ; 2e assistant à la mise en scène : Thierry Mousset, Assistant décor : Ramon Huijbrechts, James Turner, Assistant lumière : Richard Beaton ; Casting : Joyce Nettles, Voix : Patsy Rodenburg, Assistante Photographie : Sjoerd Knibbelaar, Traduction française : Thomas and Neel, Surtitrage : Claire Northey, Directeur technique : Simon Bourne ; Administratrice de production : Anna Paschali, Responsable costumes : Jane Dickerson, Programmateur lumière : Marcus Krömer ; Manager de la compagnie : Tim Speechley, Régisseur Général Adjoint : Emily Porter, Assistante du Régisseur Général, Alexandra Isaacs, Régie lumière : Stevie Porter, Régie son : Neil Sowerby, Régie Vidéo : Gilbert Roper, Technicienne audio/vidéo : Angela Di Tomaso, Techniciens plateau : Jamie Massey/Chris Wilby, Chef habuilleuse : Rebecca Rees, Coiffeuse et maquilleuse : Martina Luisetti.