Sylvie Germain – Petites scènes capitales, roman
Albin Michel, 2013
Ce qui m’a d’abord intriguée dans ce livre, c’est son titre : Petites scènes capitales. Il y aurait donc des petites scènes, où quelque chose se joue, se montre, est offert au regard et qui malgré leur apparente trivialité, ou banalité, seraient aussi fugitives qu’essentielles ?
Enfin, c’est ainsi que je l’ai entendu.. Cela m’a fait penser aussi à autre chose de capital et définitif, la « peine » dite capitale.
La vie de Lili se déroule au fil des pages. Née dans l’après-guerre, elle doit affronter le terrible mystère de la disparition de sa mère. Terrible, parce qu’elle n’est pas seulement absence, mais aussi écho, et que ses voix qu’elle entend, ne sont peut-être au fond que les siennes. Il y a des mystères qui sont des abîmes parce qu’ils vous soumettent au vertige de l’interprétation. Vous ne saurez jamais les raisons qui poussent une mère à abandonner son enfant, vous ne pouvez qu’imaginer, vous pouvez TOUT imaginer. Et c’est cela le pire, cet espèce de vertige interprétatif.
Le mystère de la naissance en ouvre un autre plus lancinant encore, celui des origines : « Pourquoi suis-je là, pourquoi suis-je moi, en vie, telle que je suis, en cet instant ? Qu’est-ce que je fais là sur la terre ? A quoi bon ? Oui, à quoi bon exister ? A quoi bon moi ? »
Cette étrangeté qu’acquiert alors le monde est une nouvelle naissance, et fait partie de ses petites scènes capitales qui sont à la fois mort et renouveau.
La vie pourrait n’être qu’une simple comédie, et l’essentiel se loger ailleurs. Où est la vraie vie ? Ici-bas ou dans un au-delà ? Où loger le divin ? Les hommes regardent souvent en l’air et depuis si longtemps. Ils sondent le ciel et ses mystères. S’y côtoient science, religion et philosophie.
Sylvie Germain a une parfaite connaissance de la philosophie –elle a un doctorat – et le roman a une forte empreinte de toutes ces questions qui en parcourent l’histoire. La plus essentielle : « Avant, j’étais où ? Et comment j’étais ? »
Il y a quarante-neuf scènes capitales et bien sûr, la disparition de la mère de l’héroïne en est une parmi d’autres. Ce que je peux vous dire c’est qu’elles sont toutes, aussi tragiques qu’elles soient, le lieu d’une renaissance et d’une rédemption possible. Il y a quelque chose qui relève de la grâce (Simone Weil?). De la pesanteur vient peut-être aussi, chez Sylvie Germain, cette légèreté qui nous rend sensibles à la question du divin.
C’est la force et la faiblesse de ce roman : il se déroule comme une argumentation serrée, mais dont les fils parfois sont trop voyants.
J’ai découvert Sylvie Germain, avec « Le livre des nuits » que j’ai trouvé sublime, et qui était dans un parfait équilibre narratif. Ici , les questions philosophiques donnent à la fois une profondeur, et un intérêt mais aussi une certaine lourdeur au roman.
Je reste une inconditionnelle cependant. L’écriture de Sylvie Germain est d’une grande beauté, et l’émotion n’est jamais absente. Elle explore une autre voie et un autre versant de l’écriture qui rend ses menées si captivantes.
J’ai bien aimé ce qu’elle a dit de son roman à La grande librairie…
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Je suis allée l’écouter du coup. Merci de l’info car je n’avais pas vu cette émission.
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Une auteure qu’il faut que je continue à découvrir !
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Quelle analyse! Bravo. C’est ce que j’aime chez Sylvie Germain cette association de pesanteur par les thèmes traités et la fluidité avec laquelle elle les traite. Une auteure que je ne lâcherai pas non plus.
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Merci Jostein. Oui, je lirai Sylvie Germain longtemps encore.
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J’ai également découvert Sylvie Germain avec « Le livre des nuits » qui est sublime c’est vrai.J’ai continué à lire son oeuvre » Eclats de sel ,La pleurante des rues de Prague Tobie des Marais ,Magnus » …….J’ai trouvé ses derniéres oeuvres beaucoup moins abouties et assez décevantes.Je parle de L’inaperçu par exemple .Dans votre commentaire on voit qu’elle reprend ses thémes de prédilection .C’est une grande dame de la litterature qui a un merveilleux style d’écriture . .C’est un des rares livres de la rentrée que je compte me procurer.
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C’est vrai que , comme vous, je n’ai jamais retrouvé l’éblouissement du « Livre des nuits ». Même si je l’aime vraiment beaucoup.
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Te revoilà ! chouette ! J’ai pensé à toi car je suis en train de lire La marche du cavalier 😉
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Oui, je n’ai plus beaucoup de temps mais j’essaie tout de même de garder un lien car j’adore bloguer.
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Je n’ai jamais lu cette auteure et j’aime beaucoup ce que tu en dis, tu me donnes très envie de découvrir son écriture. Et tous ces questionnements m’intriguent…
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Elle est philosophe de formation donc elle interroge beaucoup le monde…
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Et moi je n’ai lu que le dernier paragraphe de ton billet car je l’attends avec impatience ! Je l’ai découverte il y a peu avec Tobie des Marais et ce fut un coup de foudre, elle écrit merveilleusement !
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Je comprends parfaitement le coup de foudre.
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Je n’ai rien lu de Sylvie Germaine et ferai donc bien de commencer par « le livre des nuits ». Je suis presque effrayée par tous ces livres à découvrir, mais c’est bien aussi de savoir que la source ne s’assêche jamais.
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Oui, depuis que je tiens un blog je découvre de nombreux livres passionnants.
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Il est un de mes choix de cette rentrée littéraire. Cela fait si longtemps que j’ai envie de découvrir l’écriture de Sylvie Germain qui semble sublime. Malgré ton petit bémol j’ai très envie de le lire. Et je retiens aussi « le livre des nuits » ;0) Bon dimanche
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Oui, tout est intéressant chez elle.
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Je crois qu’il va falloir que je découvre cette écriture…
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Le livre des nuits surtout. Il est magnifique. Son plus beau livre, à mon avis.
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J’ai lu Tobie des marais qui m’a beaucoup plu. C’est vrai que son écriture est très belle.
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C’est un des rares que je n’ai pas lu car je suis plutôt fan.
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