Laurent Gaudé est un auteur toujours imprévisible. Aucun livre ne ressemble à un autre et dans ce livre-ci le personnage de la mère opère un renversement de la piéta, de la madone qui est particulièrement intéressant.
Un couple uni éclate à la mort de leur enfant unique victime d’une balle perdue dans un règlement de comptes à Naples . Le père accablé erre dans la ville tandis que la mère, folle de douleur, n’accepte pas la mort de son fils et demande au père d’aller le chercher…jusqu’en enfer.
Le récit bascule alors et raconte l’épopée du père dans sa descente vers les enfers. Il va chercher son fils et le trouve après un périple plein de dangers. Mais qu’adviendra-t-il d’eux, le retour est-il possible et la tragédie s’annuler ? Rien n’est si sûr…
Ce beau livre de Laurent Gaudé, magnifiquement écrit, avec une maîtrise remarquable de la langue et de la construction du récit, pose la question du deuil et de la séparation. Ce moment de souffrance est aussi le moment de la rupture dans l’ordre des générations, et de la transmission. Le père n’apprendra plus rien à son fils et ne pourra plus lui léguer son expérience et son savoir . Aussi est-ce le monde qui meurt ce jour-là dans le dernier souffle de l’enfant.
L’auteur nous livre aussi une vision très personnelle des enfers, en rupture avec l’enfer chrétien bien qu’il utilise, même s’il s’en défend, un vocabulaire qui rappelle cet héritage : les âmes qui attendent, qui pleurent, qui gémissent. Mais ce sont plus des références mythologiques que mystiques. A chaque deuil, ce sont des morceaux de nous-mêmes qui meurent avec les défunts, mais aussi des morceaux d’eux qui restent en nous. Notre mémoire est le lien entre le monde des vivants et celui des morts. Aussi ce roman n’est-il pas sombre, car la mort permet de penser la vie, de construire du sens, et d’appréhender une question largement évacuée par les sociétés occidentales dévorées par le consumérisme.
La littérature est aussi cette quête du sens. La mère maudit le monde plusieurs fois, elle ne se résigne pas à la mort de son fils, sa colère est sa manière de garder son fils vivant . A l’instar de cette mère, la littérature est cette bataille pour donner vie et souffle aux grandes questions qui agitent le Monde. Laurent Gaudé dit dans une interview qu’il veut faire entrer le monde entier dans ses livres, et intégrer des personnages qui n’y ont pas accès habituellement parce qu’ils sont des exclus. Ces personnages un peu cabossés par la vie permettent d’explorer toute la gamme des sentiments . On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Et c’est un peu vrai. Pas tout à fait cependant, je pense à cette écriture des bonheurs minuscules de Philippe Delerm par exemple.
C’est aussi une belle histoire d’amour, même si le couple éclate dans un premier temps avec la mort du fils, un lien ou un fil invisible qui est celui de la narration les tient unis ensemble, et c’est peut-être cela qui est, à mon avis, le plus beau dans la littérature.
Mon préféré de Gaudé avec Le soleil des Scorta… Très bien vu de ta part l’image bouleversée de la mère… Beaucoup n’ont pas compris qu’elle refuse d’aller sur la tombe de son fils ! Et pourtant…
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Oui la douleur de la mère, la dureté et la virilité de ce personnage; C’est traité de manière tès intéressante.
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Eh bien je pense que je n’ai pas lu ce livre… une lacune à réparer, car les thèmes et ce que tu en dis m’intéressent beaucoup !
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Il emprunte beaucoup aux grands mythes c’est intéressant.
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Je viens de relire Le soleil des Scorta en version illustrée ( il ya d’ailleurs un exemplaire de cet album à gagner sur mon blog). J’aime beaucoup Laurent Gaudé et La porte des enfers se classe dans mon trio de tête avec La mort du roi Tsongor et Le soleil des Scorta.
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Je n’ai pas lu certains comme « Ouragan », il faudra que j’aille voir. Je vais venir voir cette version illustrée de « Sous le soleil des Scorta ».
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Même avis qu’Asphodèle: celui-ci et le soleil des Scorta sont mes préférés.
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Une petite préférence tout de même pour « Le soleil des Scorta ».
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C’est un de mes préférés de cet auteur (avec La mort du roi Tsongor). Tout est beau là-dedans : l’écriture, l’épopée,les relations entre les personnages. Une vraie réussite.
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Je lai découvert avec « Sous le soleil des Scorta ». J’avais adoré ce livre.
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