Silvia Avallone – Marina Belleza/ Un monde à réenchanter

Marina Belleza, bellissima. | Actu Du Noir (Jean-Marc Laherrère)

Silvia Avallone – Marina Belleza  (2013) – Liana Levi 204 (J’ai Lu n°11 630)

Dans une Italie désenchantée, au fond de la vallée Cervo,  Andrea rêve de reprendre la ferme d’alpage de son grand-père, Marina court les télécrochets afin de se faire un nom, et de décrocher le succès et l’argent.

Ils s’aiment depuis toujours, mais s’engagent sur des chemins à l’opposé l’un de l’autre.

Marina Belleza est le roman d’un nom, comme Anna Karénine, Madame Bovary, résumant à lui seul les contradictions et les soubresauts d’une époque.

Comme toutes les femmes, Marina est identifiée à sa beauté, une beauté futile, liée uniquement à l’apparence, discriminante. Elle doit subir les sifflets, les remarques, les quolibets des hommes lorsqu’elle apparaît quelque part.

Elle utilise sa beauté comme une arme mais elle ne l’investit pas à la manière de ces midinettes qui sont ses concurrentes. Elle est une travailleuse acharnée depuis toujours ; elle investit dans son talent, dans sa voix.

« Quand je chante, dit-elle, je suis un homme. » Elle lutte pour la reconnaissance de son talent.

Elle en joue d’ailleurs, elle ose les tenues provocantes, fait d’innombrables caprices. Pourrait passer pour une vulgaire bimbo.

Andrea n’aime pas ce côté futile de Marina, il la connait autrement, talentueuse, fière, forte et indépendante, comme le cerf dans la forêt.

Les filles luttent pour conquérir leur liberté et partent du handicap hérité de leurs mères, de leur position de soumission, celle que leur a imposé la société.

Le roman va être la conversion de Marina vers son authentique beauté, la rage qui l’habite, son talent, sa soif de liberté.

Andrea rêve d’avoir une femme qui le seconderait, des enfants et sa ferme.

Deux rêves que tout oppose …

Dans l’entretien qu’elle donne à Mediapart, Silvia Avallone explique qu’elle a voulu donner la parole à ces jeunes, trahis par les grandes villes, qui n’offrent plus d’opportunités et retournent en province, dans les villages désertés, où les industries ont toutes fermées.  Des jeunes qui tentent de se réapproprier la beauté, en inventant leurs propres défis et leurs propres solutions.

Elle se défausse de cette société berlusconienne, du « bling bling » où l’on obtient tout, tout de suite, et où l’on vend du rêve. Une société qui repose sur la visibilité, la télévision, l’argent facile.

« L’époque du miracle économique, de la Roue de la Fortune et de la marionnette Gabibbo, quand il semblait évident qu’on pouvait vendre n’importe quoi : un projet politique, une paire de jambes, une plaque d’aggloméré aux faux airs de bois massif, une époque désormais ensevelie sous les pancartes annonçant « Tout disparaître » et « Fermeture définitive ».

Selon elle, il s’agit de réinventer autre chose, car on ne peut pas gagner dans le désert, ce dont va se rendre compte Marina, qui comprendra à un moment donné qu’elle fait fausse route.

En position de faiblesse, ses héros vont devoir se dépasser, surmonter les difficultés, franchir des barrières, psychologiques et sociales. Devenir des héros et des héroïnes du quotidien.

Inventer d’autres rêves, dans une Europe désenchantée, qui ne porte plus de grands rêves ou de projets, et où l’on a clamé la fin des idéologies dans un présent où il n’y a plus rien à désirer que des choses matérielles, vaines et futiles. Pourtant, selon elle, l’Eldorado est là où tu décides qu’il va être. Et ses personnages ont quelque de chose de brutal, de forcené, habités par leur soif de conquête.

« Il fallait devenir des héros, des rêveurs, des fous.« 

L’Eldorado ce n’est pas forcément ailleurs, à l’étranger, l’Italie contient son propre Eldorado.

Les romans de Silvia Avallone contiennent ce souffle puissant des grands romans populaires, qui véhiculent des thèmes importants, sociaux et politiques.

Sa littérature est engagée et enragée, elle veut raconter des histoires que nous pourrions tous habiter, qui nous racontent. En Italie, ou ailleurs …

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