Nancy Mitford – Charivari – 1935 réédition Christian Bourgois Editeur, 2011 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Anne Damour. Poche 10/18 n° 4547
Nancy Mitford (1904-1973) est née à Londres mais a passé une grande partie de sa vie en France. Elle connaît le succès avec « La poursuite de l’amour » qui, publié en 1945, s’est vendu à plus de un million d’exemplaires. Son autre grand succès, « L’Amour dans un climat froid », paraît quatre ans plus tard.
Eugenia Malmains, héritière rebelle d’une riche famille aristocratique, milite pour le parti fasciste de l’Union Jackshirts. Elle est convoitée par deux dandys coureurs de dot passablement cyniques qui adhèrent au mouvement afin d’obtenir ses faveurs. D’autres personnages se mêlent au trio, une bourgeoise dont les prétentions artistiques sont aussi vaines que ridicules, une duchesse en mal d’amour, et une lady à qui le mariage malheureux inspire des réflexions désenchantées et beaucoup d’amertume. Duperies et faux-semblants n’empêchent pas tout ce beau monde de chercher un sens à sa vie…
Dans l’histoire littéraire, Nancy Mitford apparaît comme un auteur de comédie de mœurs légères, dont les personnages sont toujours des héritières fortunées, des coureurs de dots, ou des amants rivaux et qui se terminent invariablement dans d’impeccables happy-end. Superficielle, Nancy Mitford ?
Pas autant qu’il pourrait y paraître … Elle emprunte les conventions d’un genre pour mieux les détourner avec un humour parfois féroce et une ironie qui montre la vanité ou le ridicule des personnages. Il ne s’agit pas seulement de faire rire le lecteur ou de le distraire mais aussi de dénoncer les travers d’un milieu aristocratique, fortuné et futile, bien campé sur ses privilèges, et dont les engagements politiques ne visent qu’à conserver et défendre une position qui leur paraît menacée. Selon Nancy Mitford, on peut se moquer de tout et de tous. Rien ne doit être pris au sérieux. La Guerre viendra cependant démonter cette belle assurance. Toutefois, dans la veine des romans sentimentaux, Charivari est une étude de l’amour et du mariage à ceci près que la vision en est particulièrement désenchantée. Si histoire littéraire et histoire des femmes sont souvent liées (et ce qui fait la raison d’être de ce blog) c’est parce que le contexte social et politique influe profondément sur les thèmes et l’écriture. A l’époque de Nancy Mitford, les femmes de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie n’avaient pas d’autre alternative que le mariage ; leur propre réussite passait par celle de leur mari. Le mariage devait être sauvegardé, même si son équilibre apparent était seulement de façade. Les intrigues tournaient donc souvent autour de ce projet, de la chasse au mari, des embûches, des aléas et des vicissitudes du mariage. Une esthétique qui doit beaucoup à un certain réalisme.
Charivari est pour une large part autobiographiqueet suscita une énorme brouille familiale. En effet, le personnage d’Eugenia Malmains, jeune aristocrate fascinée par le fascisme allemand doit beaucoup à sa sœur Unity qui « partit s’installer à Munich en 1934 pour y apprendre l’allemand et satisfaire son désir de rencontrer Hitler » selon les informations données par la préface de Charlotte Mosley. Quant à sa sœur Diana, selon les mêmes sources, elle était follement amoureuse de Mosley, conservateur indépendant qui prônait un modèle de fascisme à la Mussolini. Nancy la dénonça en 1940 au Foreign Office et insista pour qu’elle soit emprisonnée. De même, elle s’opposa à sa libération en 1943. Leurs relations furent interrompues pendant quelques années puis reprirent sans que soient jamais évoquées les questions politiques. Nancy Mitford n’était cependant pas une démocrate comme l’explique Charlotte Mosley, mais « penchait avec nostalgie vers un passé disparu, où une aristocratie soucieuse du bien public vivait encore sur ses terres et où le pays était dirigé par « des hommes de bon sens et fortunés » – un point de vue élitiste qu’elle conserva tout au long de sa vie. En ce sens, Charivari est un roman extrêmement intéressant car il donne des informations à la fois sur l’époque et sur la tentative de l’auteur de comprendre un mouvement qui a déchiré l’Europe entière et le Monde.
Article remis à l’honneur dans le cadre du mois anglais et avec Lou ou Titine.
Il me tente bien celui-ci j’ai d’ailleurs failli l’acheter la semaine dernière. Donc je me le note.
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C’est assez particulier il faut bien le dire, parfois absurde.
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J’aimerais bien lire un autre titre d’elle : « La poursuite de l’amour » je crois.
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Je suis de plus en plus fascinée par tout ce qu’on peut lire ! Merci à toi de nous ouvrir ainsi des portes qu’on aurait pas pensé à pousser !
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C’est également mon sentiment. Je suis émerveillée de toutes ces découvertes.
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