Archives pour la catégorie Poétesses

Printemps des poètes : le désir féminin (2) Anna Akhmatova (1889-1966)

Mon ami, ne froisse pas ma lettre,

Essaie de lire jusqu’à la fin.

J’en ai assez d’être une inconnue,

Une étrangère sur ton chemin.

Ne fronce pas, furieux, tes sourcils,

Je suis ta bien-aimée, tout entière –

Pas une bergère, ni princesse,

Et plus une nonne comme hier,

En robe grise et si quotidienne,

Sur des talons toujours éculés…

De tes baisers j’ai gardé la fièvre,

Mes yeux immenses restent effrayés.

Je t’en prie, ne froisse pas ma lettre,

Et ne pleure pas si j’ai menti;

Tout au fond de ta maigre besace

Au moins garde-la, mon doux ami.

1912, traduit par Henri Abril, in « Les poésies d’amour » éditions Circé

Anna Akhmatova a appris aux femmes russes à parler d’amour. Dans les années 10, elle devient une véritable star, les jeunes femmes l’imitent dans ses vêtements et sa coiffure; elle suscite de multiples vocations poétiques. Elle fut largement ostracisée par le pouvoir et frappée de l’interdiction de publier de 1946 à 1958.

Anna Akhmatova | Confetta | Flickr

Portrait : wikipedia, licence creative commons (portrait by Kuzma Petrov-Vodkin)

Printemps des poètes / Le désir féminin

Le printemps des poètes a lieu comme chaque année une quinzaine de jours.

Ce sera l’occasion pour nous de redécouvrir des poétesses. Les éditions Bruno Doucey (A soutenir, toujours !)

Je te savourerai dans le pain du matin,
Je boirai ta douceur au cœur de la nuit sombre,
Et dans le fleuve beau, je verrai ton destin.

Hélène Picard (1873/1945) – « Hymne au bien-aimé » / L’instant éternel / 1907

Raconte-moi une histoire …

Les histoires nous viennent de toutes parts

Elles arpentent nos mémoires

se font belles pour le temps..

Lhérisson, Farah-Martine. Auteur

Itinéraire zéro – Edité par Ed. Mémoire. Port-au-Prince –

Farah-Martine Lhérisson – Une fois encore

J’ai lu sur « Le temps littéraire » de Jonel Juste auquel je suis abonnée, la nouvelle de l’assassinat de la poétesse haïtienne Farah-Martine Lhérisson. J’ai trouvé la voix magnifique du diseur Pierre Brisson sur l’album A Voix Basse, vol 1 pour la célébrer une fois encore.

« Je remue le silence d’une main ».

Un moment d’émotion profonde que je vous invite à partager.

Vivre-Ecrire – Marina Tsvetaeva

« Il ne s’agit pas du tout de Vivre Et Ecrire, mais de Vivre-Ecrire. Car Ecrire – c’est Vivre. »

Photo en 1917- Source Wikipédia

Cité dans « Je t’aime affreusement  » d’Estelle Gapp

Auteure du mois d’Août : Louise Ackermann (1813-1890)

Louise Ackermann

Louise Ackermann est née Victorine Choquet le 30 novembre 1813 à Paris et décédée le 2 ou 3 août 1890.

Elle a passé une enfance plutôt triste et solitaire dans l’Oise, à la campagne.

Elle résume ces années ainsi : « …une enfance engourdie et triste, une jeunesse qui n’en fut pas une, deux courtes années d’union heureuses, vingt-quatre ans de solitude volontaire. »

Ses relations étaient assez lointaines, son père, voltairien convaincu l’éduqua dans l’Esprit des lumières. Elle fut pensionnaire à Paris et écrivit ses premières poésies, assez pessimistes, très influencée pas Schopenhauer. Elle y évoque l’angoisse existentielle et le refus de tout secours religieux. Elle va tenter de se démarquer de la poésie subjective qu’on attribue généralement aux femmes.

A partir de 1832, ses poèmes sont publiés dans des journaux, dont Les Œuvres (Elan mystique, 1832, Aux femmes, 1835, Renoncement, 1841, de plus en plus désespérés. Elle décrit un monde sans Dieu, et la finitude de l’esprit humain.

Elle fut qualifiée de « Sapho de l’athéisme », de « Pythonisse proudhonienne »

Elle épousa Paul Ackermann, grammairien et pasteur protestant et s’installa avec lui à Berlin jusqu’à sa mort trois ans plus tard. Elle s’initia alors à la philosophie allemande et laissera de côté la poésie.  La critique soulignera la « virilité de [sa] pensée ». Louise Ackermann répondra :

« Quoi ! ce cœur qui bat là, pour être un cœur de femme,

En est-il moins un cœur humain ? »

Elle est toutefois hostile à tout féminisme militant et demeure assez conformiste.

Elle tenta de concilier ses aspirations philosophiques et la création poétique : Contes (1850-1853) , Premières poésies (1863), Poésies philosophiques (1871) dans lesquelles elle tenta une fusion entre poésie et science, Ma vie (1874), Les pensées d’une solitaire (1882). Elle passa la dernière partie de sa vie à Nice.

Des théories évolutionnistes, elle dira qu’elles sont « en parfait accord avec les tendances panthéistes de [son]esprit ».[1]

Elle jouit à son époque d’une reconnaissance incontestable et fut saluée par Barbey d’Aurevilly admiratif de cet « athéisme net, articulé, définitif. », Caro et Léon Bloy.[2]

Aux femmes

S’il arrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
Si, dans le sentier rude avançant lentement,
Cette âme s’arrêtait à quelque dévouement,
Si c’était la Bonté sous les cieux descendue,
Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
Si l’espoir de plusieurs sur Elle est déposé,
Femmes, enviez-la. Tandis que dans la foule
Votre vie inutile en vains plaisirs s’écoule,
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la. Qu’il souffre ou combatte, c’est Elle
Que l’homme à son secours incessamment appelle,
Sa joie et son appui, son trésor sous les cieux,
Qu’il pressentait de l’âme et qu’il cherchait des yeux,
La colombe au cou blanc qu’un vent du ciel ramène
Vers cette arche en danger de la famille humaine,
Qui, des saintes hauteurs en ce morne séjour,
Pour branche d’olivier a rapporté l’amour.

Paris, 1835

Louise Ackermann, Premières poésies, 1871

Sources : Dictionnaire des femmes célèbres, Dictionnaire des créatrices, des femmes-Antoinette Fouque, Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté.

 

[1] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté

P 205

[2] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté

Mahsati Ganjavi (1089-1181) – Quatrains

Voici les quatrains (rubaiyat) d’une poétesse contemporaine d’Omar Khayyam, Mahsati Ganjavi (1089-1181), née à Ganja, Azerbaïdjan, offerts par Ulka que je remercie chaleureusement pour cette découverte.

« Depuis la période soviétique, il existe en Azerbaïdjan des rues et des écoles qui portent son nom. À Ganja, sa ville natale qui avait été rebaptisée Elisabethpol sous l’empire tsariste, un monument a été érigé en son honneur en 1980. »Voir ici…

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Hier, j’ai vu un homme sur le chemin:
Avec le bâton qu’il tenait à sa main
Il frappait violemment une pauvre femme.
Les passants admiraient ce beau souverain.
 
Tu ne peux pas me forcer parce que tu es le roi
Tu ne peux pas me garder par la force de la loi
Tu ne peux pas enchaîner une femme chez toi
Une femme dont les tresses sont une chaîne de soie
 
On ne peut faire de nous objet pour le mari
Impossible de nous séquestrer dans une salle de torture.
Un femme, comme une tresse de cheveux, hélas,
Enchaînée, ne peut être détenue dans une cellule si petite.

Azadée Nichapour : Quatre quatrains pour Omar Khayam

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Je lève à toi ma coupe Omar Khayâm

Précieuse poussière de Nichapour

Frère de Baudelaire, mon amour

Qui enivras de poésie mon âme

 

Hélas! Si l’on m’avait prédit qu’un jour

J’irai zoner si loin de Nichapour

J’aurais pris une poignée de sa terre

Les os de Khayâm pour Apollinaire

 

Point du jour à l’horizon du hasard

Breton, je sais, tu aurais aimé Omar

Libre-penseur, libre-rêveur de l’art

D’aimer la vie avant qu’il soit trop tard

 

Il était un grand poète autrefois

Début et fin de la vie comme neige

Khayâm, je crois te lire en Bonnefoy

La poésie dure comme sortilège

Source : Printemps des poètes

Ariane Dreyfus : Derrière la porte il ne respire qu’à moitié

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Derrière la porte il ne respire qu’à moitié

Derrière la porte il ne respire qu’à moitié
Si elle entre rien ne s’arrête
Ne s’oppose

A celle qui s’approche elle est vraie

Maintenant on peut s’ouvrir en deux
Les lèvres pas toutes seules
Pour que ce soit sa figure
Elle recule

Contre l’armoire l’attend, figée de désir
Pas froid chérie
Il faut poser sa robe

Elle touche sa nuque et il respire un peu
Tête baissée ce qu’on devient

Le coeur comme sous les meubles
Regarder ou pas forcément

Les lèvres n’arrivent pas à mordre comme si elles essayaient
Rien ne fait ce qui était prévu mais c’est ça

Ariane Dreyfus, née le 06 octobre 1958 au Raincy (Seine-Saint-Denis) est enseignante, poétesse et critique littéraire française.

Elle a publié des poèmes narratifs souvent polyphoniques (en lien avec l’eros) dans de nombreuses revues littéraires. (Source Wikipedia)

Auteure du mois (avril) – Pauline Johnson /Tekahionwake

Description de cette image, également commentée ci-après

Pauline JOHNSON (ou TEKAHIONWAKE ) (1861 Brantford-1913 Vancouver) , Poétesse, auteure dramatique et actrice canadienne.

D’origine mohawk par son père et anglaise par sa mère[1], elle est surtout connue pour ses poésies célébrant la culture des Amérindiens du Canada. Issue d’une double culture, élevée dans la réserve des Six-nations en Ontario, elle est nourrie par la poésie romantique anglaise du côté de sa mère et par les légendes innues racontées par son père. Son grand-père joue un rôle important dans sa passion pour la culture amérindienne, elle adopte son nom de famille qui signifie « double wampum », signifiant « double vie ». Sa poésie évoque son héritage amérindien, magnifie l’amour, les paysages et le mode de vie du Canada et quelques-uns de ses poèmes paraissent dans la revue revue Gems of Poetry, en 1884 et The Globe and MailThe Week ou Saturday Night.

Vêtue d’un costume traditionnel indien, elle récitera ses poèmes dans les salles de spectacle du Canada, des États-Unis et de l’Angleterre . Elle acquit quelque célébrité.

Son premier recueil de poésie, The White Wampum, est publié en Angleterre, en 1895, suivi de Canadian Born, en 1903, et de Flint and Feather (« silex et plume »), en 1912.[2]

Atteinte d’un cancer su sein, elle continue cependant à écrire. Après sa mort, son poème The song my paddle sings est apprise aux écoliers canadiens. Il y aura un regain d’intérêt pour son œuvre dans les années vingt dû à son statut de première poétesse autochtone ayant réussi à vivre de sa plume.

Des critiques récents attribuent certains stéréotypes de ses portraits au public et à sa vision des « natives » forcément limitée. Pour une femme, et plus encore pour une auteure revendiquant ses racines amérindiennes, écrire c’était aussi s’adapter.

[1] Wikipedia

[2] Dictionnaire universel des créatrices, Antoinette Fouque, des femmes

The song my paddle sings

Rita Mestokosho – Entre poésie et chant

Rita Mestokosho – Née de la pluie et de la terre

Marie Nizet (1859-1922) – La bouche

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Deux recueils de poèmes, un roman consacré aux déboires historiques des roumains, un mariage, un divorce. l’amour secret pour le marin Cecil Axel Veneglia lui inspira un recueil posthume, tout d’audace, de défi à la morale convenue et d’ardeur quasi mystique.

 

Peinture de François Martin-Kavel

 

La bouche

Ni sa pensée, en vol moi par tant de lieues,

Ni le rayon qui court sur son front de lumière,

Ni sa beauté de jeune dieu qui la première

me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues ;

 

Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,

Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche

Où l’on meur de plaisir et qui s’acharne à mordre,

 

Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,

Fleur de volupté, de luxure et de désordre,

Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme…

 

(Pour Axel de Missie)

Marie-Catherine-Hortense Desjardins, dite de Villedieu (1640-1683) – Jouissance

Elle est une écrivaine et dramaturge française, issue de la petite noblesse terrienne.

Une femme agitée : comédienne, dramaturge, romancière, inventeur de la nouvelle historique – mais aussi femme galante et intrépide, elle contracta un mariage illégal avec un capitaine, prit le voile quand il mourut, fut chassée du couvent?…avant d’épouser un sien cousin, son premier amour, à Alençon.

Jouissance

Aujourd’hui, dans tes bras, j’ai demeuré pâmée,

Aujourd’hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur

Triomphe impunément de toute ma pudeur

Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.

Ta flamme et ton respect m’ont enfin désarmée ;

Dans nos embrassements, je mets tout mon bonheur

Et je ne connais plus de vertu, ni d’honneur

Puisque j’aime Tirsis et que j’en suis aimée.

O vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas

Les plaisirs les plus doux que l’on goûte ici-bas,

Apprenez les transports dont mon âme est ravie !

Une douce langueur m’ôte le sentiment,

Je meurs entre les bras de mon fidèle Amant,

Et c’est dans cette mort que je trouve la vie.

Oeuvres, recueil de poésies, lettres, annales galantes, 1664

Catherine Des Roches (1542-1587) – Sonnets

Contemporaine de Ronsard  et de l’humaniste Estienne Pasquier  qu’avec sa mère,  Madeleine des Roches, elle connaissait bien, Catherine Des Roches était, avec celle-ci, au centre d’un cercle littéraire à Poitiers entre 1570 et 1587 . Grâce à sa mère, qui lui a servi de mentor intellectuel, Catherine Des Roches a plus écrit que cette dernière. Son œuvre la plus connue est son sonnet À ma quenouille où « ayant dedans la main, le fuzeau et la plume », elle dépeint la femme partagée entre ses tâches domestiques et les activités de l’esprit.

Elle refusa de se marier pour pouvoir se consacrer à ses travaux intellectuels. Elle mourut de la peste  le même jour que sa mère.

CatherineDesRoches-CostumesHistoriquesDeLaFrance.jpg

Sonnets

Bouche dont la douceur m’enchante doucement

par la douce faveur d’un honnête sourire,

Bouche qui soupirant un amoureux martyre

Apaisez la douleur de mon cruel tourment !

 

Bouche, de tous mes maux le seul allègement,

Bouche qui respirez un gracieux zéphyr(e) :

Qui les plus éloquents surpassez à bien dire

A l’heure qui vous plaît de parler doctement ;

 

Bouche pleine de lys, de perles et de roses,

Bouche qui retenez toutes grâces encloses,

Bouche qui recelez tant de petits amours,

 

Par vos perfections, ô bouche sans pareille,

Je me perds de douceur, de crainte et de merveille

dans vos ris, vos soupirs et vos sages discours.

 

(« Sonnets », Les Oeuvres de mesdames des Roches, 1579)

 

Portrait par Par Camus , Domaine public

La relation avec la terre, notre mère – Rita Mestokosho