No et moi – Delphine de Vigan

No-et-moi-Delphine-de-Vigan

Adolescente surdouée, Lou Bertignac rencontre No, SDF. Elle tente de la sauver, l’accueille chez elle et l’aide à prendre un nouveau départ. mais No a touché le fond, trop blessée par la vie. Elle repartira de son côté.

La question posée ici est : à partir de quel moment est-il trop tard dans la vie de quelqu’un ? A quel moment le basculement s’est-il produit ? Pourquoi à un moment donné cesse le désir de vivre et de se battre? A quel moment, l’individu va-t-il se laisser dévaler la pente?

 » Sommes-nous de si petites choses, si infiniment petites, que le monde continue de tourner, infiniment grand, et se fout pas mal de savoir où nous dormons? ».


Nos souffrances n’ont pas de poids, personne ne viendra nous sauver ou soulager nos maux. Le pire mal des sociétés humaines est cette indifférence.


Delphine De Vigan  montre ainsi le paradoxe : nous sommes capables des plus extraordinaires découvertes scientifiques, d’envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l’espace, mais aussi de laisser mourir des gens dans la rue. La puissance de cette raison qui semble si  efficace et la faiblesse du cœur et des sentiment, la tragédie de l’Homme, en fait, incapable d’amour.

L’élégance des veuves – Alice Ferney

L-elegance-des-veuvesUne force obscure pousse les corps les uns contre les autres, creuse le désir et fait chanter la chair car « le sang et la chair ont une éternité derrière et devant eux. »

Le livre d’ Alice Ferney, à travers une chronique familiale, rythmée par les décès et les naissances dans un cycle vital, explore la condition des femmes au début du XXe siècle dans le milieu de la bourgeoisie.
Le destin des femmes est d’être mère, de « s’occuper de la maison, des repas, des invitations, de l’enfant à venir, de son époux et de ses amies ». Les couples ne font pas l’amour mais des enfants. Le conservatisme religieux pèse sur le destin des femmes de la bourgeoisie qui à l’instar de Mathilde, un des personnages principaux, enchaîne une grossesse après l’autre. Dieu commande et la chair obéit, il donne et il retire.

Mathilde, épuisée par ses grossesses successives en mourra. Le mari sera complice de cette mort, car il sera resté sourd aux avertissements du médecin qui lui recommandait d’épargner une nouvelle grossesse à sa femme.
Pourtant le mariage d’Henri et de Mathilde est un mariage d’amour mais dans lequel aucun des deux époux ne remet en question le poids de la tradition. Mathilde aime ses enfants, car c’est l’enfant qui la fait et lui donne « une place dans l’immensité de l’inconnu ». La peau de ses enfants est « la continuation de la sienne », mère et enfant fusionnant ensemble. Elle semble être de ces femmes qui s’épanouissent dans la maternité.

Je mettrai ce livre en regard avec celui d’Elizabeth Badinter, « Le conflit. La femme et la mère », dans lequel elle dénonce le retour à un certain conservatisme qui réduit les femmes au statut de mère en les confinant à leur fonction de reproductrice, la maternité étant considérée comme l’expérience cruciale autour de laquelle s’articule l’identité féminine. C’est tout à fait ce que décrit Alice Ferney. La différence sexuelle définit le rôle de chacun dans la société. Il faudra attendre le combat des féministes, l’avènement de la contraception qui permet le contrôle des naissances et de l’émancipation financière des femmes pour changer la donne.

Cosmétique de l’ennemi – Amélie Nothomb

cosmétique de l'ennemi

La philosophie, en somme, est la multiplication des points de vue, qui en se répondant, en se faisant écho, tissent tout un réseau de significations. Elle n’est pas seulement un discours logique, ou une antithèse viendrait contredire la thèse avant de se fondre en elle dans une superbe synthèse . Dans notre culture, notre expérience, nos légendes et nos histoires, il y a tous ces éclats de miroir qui permettent ce tissage subtil.
Le mot texte vient du verbe latin texere qui signifie tisser, nous apprend Amélie Nothomb, dans « Cosmétique de l’ennemi ». Le texte serait d’abord un tissage de mots. Amélie Nothomb présente un dialogue entre un homme et son ennemi intérieur, son inconscient, un homme coupé en deux, abritant en lui-même un dangereux étranger. Terrifiante psychose. « Ces cloisons si étanches que tu as construites dans ta tête ne tiennent plus : elles cèdent. », avertit l’autre soi-même, l’ennemi.  Et dans cet étrange dialogue, qu’un meurtrier tient avec lui-même, surgit cette implacable réponse. « Il valait mieux que je sois étranger afin de me différencier de toi ». La partie refoulée devient l’autre soi-même, l’étranger, celui que l’on tient derrière la frontière de la conscience , frontière qui ne sera jamais franchie que dans le dédoublement.
 » C’est inquiétant, ça menace tes cloisons. Heureusement, la plupart des gens ont trouvé le remède : ils ne pensent pas. » On peut bien dire que le « je » est un autre , mais la plupart du temps, réconfortante certitude, « je suis moi, tu es toi, et chacun reste chez soi. » Ce superbe moi, plein d’orgueil, qui ne souffre aucune étrangeté.

Ne tirez pas …

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee - Babelio

Quelle magnifique découverte que ce livre !

J’ai pensé tout d’abord que Harper Lee était un homme, puis j’ai découvert en m’intéressant un peu plus à la biographie de l’auteur qu’il s’agissait d’une femme, et que cette femme était la romancière la plus lue des Etats-Unis !

Son livre, paru en 1960, a eu un succès critique et public immédiat et il est devenu un livre culte. Depuis, Harper Lee, qui vit toujours dans sa ville natale, Monroeville (Alabama), n’ a plus rien publié et refuse toute interview.

L’histoire se passe en Alabama dans les années 1930 de la Dépression, racontée par une petite fille de 8 ans, Jean Louise. Son père, avocat, défend un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. Or dans l’Amérique de ces années-là, beaucoup préfèrent voir pendre un Noir innocent qu’un Blanc coupable.  La narratrice et son frère, deux enfants du Sud, vont être confrontés à la violence , l’injustice et aussi à l’impuissance des adultes face à la brutalité et l’inéluctabilité du Mal.  Élevés  par un père veuf  qui veut leur inculquer un véritable sens moral, en étant un modèle d’intégrité, les enfants vont être amenés à construire des valeurs profondément humanistes.

L’un des deux enfants, la fille, est « la voix du livre, son chant profond »1.

J’ai senti ce livre comme un chant d’amour porté par les plus humbles et les plus fragiles de la société américaine des années 30, les enfants, les femmes, les Noirs et aussi cet enfant qui jusqu’à l’âge d’homme vivra reclus dans la maison de ses parents, intégristes religieux vivant en marge de la société de l’époque.

C’est pourquoi ce livre est terriblement bouleversant, ses accents ceux d’une véritable tragédie, dans une société où tout semble joué d’avance, et où la place de chacun semble immuable. Pourtant, cette société déjà secouée par la crise économique, est la proie d’une crise plus profonde qui est la crise des valeurs. L’injustice est tellement criante, la soif d’équité si immense qu’elle impulse le désir d’un nouvel ordre social qui ne relèguerait plus ni les femmes, ni les noirs, ni personne. Ainsi est décrit l’une des victimes de cet apartheid généralisé :

« Chacun de ses gestes était incertain, comme s’il n’était pas sûr que ses mains et ses pieds puissent entrer en contact avec les choses qu’il touchait. »2

Il est significatif que le livre soit porté par la voix d’un enfant, qui plus est d’une fille, car l’avenir est ouvert, les changements possibles et la place des femmes toujours à conquérir…

« Le sermon était une franche dénonciation du péché, un austère discours sur la devise de la bannière qui se trouvait derrière lui : il mit ses ouailles en garde contre les conséquences funestes des boissons capiteuses, du jeu et des femmes de mauvaise vie. Les bootleggers causaient pas mal de dégâts dans les Quartiers, mais les femmes étaient pires. Ainsi que cela m’était souvent arrivé dans ma propre église, je me trouvai de nouveau confrontée à la doctrine de l’impureté des femmes qui semblait préoccuper tous les hommes d’Eglise. »3

1  Michel Grisolia, l’Express.fr, du 01/02/2005

2 p 428, édition de poche

3 p 192, édition de poche

Le prix de littérature de l’Union Européenne 2009

Le prix de littérature de l’Union Européenne,  ouvert aux 37 pays participant au programme «Europe créative» dans les secteurs de la culture et de la création, récompense tous les ans les meilleurs écrivains émergents en Europe. Les critères sont assez exigeants, puisqu’il faut avoir publié entre deux et quatre œuvres et avoir déjà été nominé.

Il est organisé par un consortium composé de la Fédération des libraires européens (EBF), de la Fédération des associations européennes d’écrivains (FAEE) et de la Fédération des éditeurs européens (FEE).

Les œuvres de femmes sont bien représentées mais elles sont très peu traduites en français. D’ailleurs, le fait est que les ouvrages primés sont, dans leur ensemble, très peu traduits. Pour un prix qui vise à  » promouvoir une diffusion plus large de la littérature européenne; encourager les ventes transnationales de livres; renforcer l’intérêt pour l’édition, la vente et la lecture d’œuvres littéraires étrangères », le résultat est un peu décevant en ce qui concerne les traductions en français. Toutefois, très belle initiative, l’Europe existe, bel et bien, quoi qu’on en dise.

En 2009, sur les cinq traductions, 2 concernent des auteures (Et une autre en français n’est pas une traduction puisqu’elle est déjà écrite en français).

2009

Autriche : Paulus Hochgatterer, Die Suesse des Lebens ( La Douceur de la vie  Quidam Éditeur,2012) ,

Croatie : Mila Pavićević, Djevojčica od leda i druge bajke

France : Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes P.O.L 2007

Hongrie : Szécsi Noémi, Kommunista Monte Cristo

Irlande : Karen Gillece, Longshore Drift

Italie : Daniele Del Giudice, Orizzonte mobile, (Horizon mobile, Le Seuil 2010)

Lituanie : Laura Sintija Cerniauskaité, Kvėpavimas ¡ marmurą

Norvège : Carl Frode Tiller, Innsirkling (Encerclement Éditions Stock, 2009)

Pologne : Jacek Dukaj, Lód (Ice)

Portugal : Dulce Maria Cardoso, Os Meus Sentimentos traduit en français Les anges, Violeta, L’esprit des péninsules, 2006

Slovaquie : Pavol Rankov, Stalo sa prvého septembra (alebo inokedy)

Suède : Helena Henschen, I skuggan av ett brott

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Grand Prix de littérature dramatique 2007 – Les marchands de Joël Pommerat

Présentation de l’éditeur

Une femme raconte. Son mal de dos, les rêves de sa voisine et amie, l’usine locale menacée de disparition, les familles au bord de la catastrophe, la guerre possible. Une simple chronique de la misère ? L’histoire déborde vite la volonté de neutralité de la narratrice, le paranormal infiltre le réel, l’action des individus contredit la parole collective. Sur un mode ironique et tragique, les artisans de cette fable théâtrale Missent une comédie noire.

Biographie de l’auteur

Joël Pommerat met en scène ses propres textes avec la compagnie Louis Brouillard qu’il a créée en 1990. Au-delà du texte, il écrit avec la présence des acteurs sur scène, la lumière et le son. Les Marchands est le dernier volet de la trilogie commencée avec Au monde en 2004 puis D’une seule main en 2005 .

Grand Prix de littérature dramatique 2008 – Michel Deutsch/ David Lescot

Présentation de l’éditeur

La Décennie rouge raconte l’histoire de la dérive des soldats perdus d’une génération qui voulait changer le monde et qu’on a appelée en Allemagne la « Protestgeneration « . On date la naissance de la « Rote Armee Fraktion » ( » RAF « ), plus connue sous le nom de « Groupe Baader- Meinhof » ou « Bande à Baader », du 1er mai 1970. Après le reflux de la révolte étudiante, Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof et leurs camarades décident d’engager la lutte armée contre l’Etat et les structures autoritaires de la société libérale. Ils veulent instruire le procès des pères accusés d’être, sans exception, d’anciens nazis. La « RAF » affirme que l’heure est à la lutte armée dans les métropoles impérialistes et que ce n’est plus le prolétariat allemand embourgeoisé mais elle, désormais, qui est le sujet révolutionnaire. Aujourd’hui, ironie de l’histoire, la « RAF » est rapatriée dans le musée de l’histoire allemande.

Présentation de l’éditeur

Et si l’Europe culturelle se jouait et se décrétait sur scène, et en musique ? Comment faire repartir l’Europe avec un compositeur qui pense pouvoir faire mieux que Beethoven. un poète épique, un performer portugais révolté, une installatrice allemande, une linguiste belge adepte de l’intercompréhension passive, une fantomatique jeune femme slovaque, trois musiciens en quête d’orchestre, une sous-déléguée dépassée par les événements et la plus vieille Européenne encore vivante… L’art doit les y aider, mais pourra-t-il résister au principe de réalité ? Suffit-il de se parler pour se comprendre ?

Biographie de l’auteur

Il monte son premier texte en 1998, Les Conspirateurs, au TILF (Théâtre International de Langue Française), pièce qu’il qualifie de « comédie musicale noire ».

Il compose ensuite la musique de différents spectacles, notamment pour Anne Torrès qui met en scène Le Prince de

Machiavel au Théâtre Nanterre-Amandiers (2001) ou Le Fou d’Elsa d’Aragon au Théâtre National de la Colline  (janvier 2005).

David Lescot participe à de nombreux festivals comme La Mousson d’étéTemps de paroleCourt toujoursChambre ouverte, où il présente ses nouveaux textes. Parallèlement, il enseigne les études théâtrales à l’université Paris X Nanterre depuis 1999 . Il s’essaie à la mise en scène en mélangeant écriture et improvisation, théâtre et musique. Le spectacle Quelques dommages physiques, avec le comédien Scali Delpeyrat  et le trompettiste Médéric Collignon , porte les traces de cette recherche.

À l’invitation d’ Emmanuel Demarcy-Mota, il est auteur associé au centre dramatique de la Comédie de Reims puis au Théâtre de la Ville. (Source Wikipédia)

Grands Prix de littérature dramatique 2006/ Daniel Danis/Denise Bonal

Présentation de l’éditeur

Dans sa cour, J’il s’est endormi dans les bras d’un bosquet. Des jours entiers, les soldats azzédiens anxieux viraillent dans la cour à écouter Rhinos, les oreilles sur les charbons ardents, négocier les accords ce paix à voix haute dans sa main-téléphone.
Derrière les volets bleus ajourés, Romane voit tout par les découpés de son masque de cuir.

Présentation de l’éditeur

D’ordinaire, les dimanches en famille sont joyeux, faits de siestes réparatrices ou de promenades vivifiantes. D’ordinaire, frères et soeurs sont réunis pour des jeux interminables pendant que les adultes bavardent autour du café. Mais lorsque les parents ne parviennent plus à retirer leur fille des mains d’amis, sortes de nounous provisoires devenues quasi-geôliers trop zélés, tout se dérègle. La tension est palpable. La valise n’est plus le symbole des vacances, mais celui du dimanche de trop où l’on n’a pas su récupérer la petite. L’écriture sensible de Denise Bonal s’accorde merveilleusement à ce tableau impressionniste, tout en pointillés, Dans cette pièce à trois, l’auteure propose un huis clos tendre que les silences de sa langue habillent parfaitement. Ces dimanches laissent les personnages dans un désarroi provisoire et immergent lecteur et spectateur dans un plaisir rare.

Grands Prix de littérature dramatique 2005/ Marc Dugowson

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« 1890. Comme nombre d enfants issus de la classe paysanne, Jules¬Étienne Scornet naît sous une bien mauvaise étoile. Une mère morte en couches, un père mesquin, une éducation confiée à un homme d Église hypocrite et pervers hantent l esprit du jeune garçon lorsque survient la Grande Guerre. Terré au milieu des tranchées froides et incertaines, embarqué dans une camaraderie de circonstances, horrifié devant le sordide spectacle des obus qui explosent et mutilent des vies, sortira¬t¬il indemne de tant d absurdités ? »