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Colette de Jouvenel, « fille de… » : Impasse de l’Ecritoire

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Voyager , dans son propre pays ou ailleurs, c’est aller à la rencontre des autres, provoquer le destin ou laisser celui des autres croiser le nôtre et le modifier.

C’est en allant à Curemonte, qui est un très beau village corrézien perché sur une colline, dont toutes les maisons sont soigneusement conservées, ses vielles pierres luisant sous le soleil, que j’ai fait la connaissance de Colette de Jouvenel par le biais d’une exposition sous la halle aux grains retraçant une fois encore la vie de la « Grande » Colette, sa mère, mais évoquant également la sienne, et notamment les quelques années qu’elle passa dans ce village pendant l’Occupation et l’intense atcivité de résistante qu’elle y déploya. Son visage, étrangement émouvant sur les photographies, la solitude qu’on peut lire sur ses traits et une espèce de mélancolie a attisé ma curiosité et j’ai cherché à en savoir un peu plus. 2013 étant le centenaire de sa naissance, une exposition lui avait été consacrée jusqu’au 15 juillet.

Mais il a fallu que j’aille visiter les « jardins » de Colette, l’écrivain, à Varetz, pour trouver plus d’informations sur sa fille, grâce au livre notamment de François Soustre, « Colette de Jouvenel en Corrèze ».  Ce parc est situé à côté de Castel-Novel, propriété qui domine la commune de Varetz et fut la demeure paternelle où Colette de Jouvenel passa son enfance confiée aux bons soins d’une nourrice anglaise. Je me suis également procuré « Lettres à sa fille » publiées sous la direction de Anne de Jouvenel, nièce de Colette de Jouvenel, afin d’éclairer ces relations mère-fille si compliquées. Les différencier déjà est difficile puisque l’écrivain Colette a prénommé sa fille Colette. Seule la fille issue de l’union de l’écrivain Colette et  de Henri de Jouvenel s’appelle en droit Colette de Jouvenel. L’écrivain se nomme Gabrielle Sidonie Colette et Colette n’est pas un prénom mais un nom de famille qu’elle utilisera comme nom de plume. Même de manière posthume, la fille de l’écrivain aura beaucoup de mal à avoir une place d’autant plus que sa mère utilisait aussi le même patronyme ! Afin de les différencier j’utiliserai toujours Colette de Jouvenel pour parler de la fille de l’écrivain puisque c’est son véritable patronyme.

A vrai dire, le visage de l’écrivain s’est progressivement effacé, pour laisser place à celui de Colette de Jouvenel dont le destin tourmenté, m’a en quelque sorte happée grâce au talent de François Soustre.

Elle est fille unique de Colette et de l’homme politique Henry de Jouvenel, tout deux fort occupés à leur carrière sinon à leurs amours. « Quelle fichue situation d’être la fille de deux quelqu’un, elle a un sacré besoin de s’appeler Durand, ma fille. » écrivait Colette, l’écrivain, à une amie.

Colette de Jouvenel tint peut-être de sa mère son goût pour l’écriture car elle publia quelques articles dans la presse parisienne au lendemain de la Seconde guerre mondiale, composa des contes, des chansons, et tint un journal dont François Soustre donne quelques extraits avec l’autorisation de Anne de Jouvenel. Peut-être un jour sera-t-il publié et pourrons-nous le lire.

Née en 1913, Colette de Jouvenel a un an lorsque la première guerre éclate et ses parents n’ont guère le temps de s’occuper d’elle : son père va rejoindre le front et sa mère contribue à la rédaction du « Matin », elle est confiée alors  à la garde d’une nurse anglaise, Miss Draper jusqu’en 1922.

« Miss Draper, pudeur,hygiène et châtiment, aima loyalement et profondément « le petit fille », matant un peu trop son penchant latin à la tendresse fougueuse. », écrit-elle.

Elle va à l’école de Varetz avec les autres enfants de la commune avant de devenir pensionnaire à l’internat de Saint-Germain en Laye. Elle y fait l’apprentissage d’une terrible solitude : « C’est au lycée de Saint-Germain que je commençai à voir que je n’appartenais pas aux miens. Au bout de quelques mois, je commençai à rêver de pouvoir être à d’autres. A des parents comme ceux dont mes compagnes étaient dotés. S’ils devaient venir le jeudi ou le samedi, ils venaient, ceux des autres ». Elle retrouve les siens pour de brefs séjours à Castel-Novel ou à Rozven en Bretagne.

Puis elle va étudier Outre-Manche dans la petite ville de Clifton, près de Bristol avant d’être inscrite dans un établissement du VIe arrondissement à Paris où elle prendra des cours de sténographie et de secrétariat.

« On ne sut jamais que la peinture m’eut rendue heureuse, sinon géniale. Je n’en savais rien non plus, je n’indiquais aucune préférence, bien que je me sois honorablement tirée de quelques essais au Lycée de Versailles où je profitai, pendant les deux mois qui précédèrent mon expulsion de l’établissement, des leçons d’un charmant avec lavallière à pois et chapeau à larges bords. »

          Les résultats de Colette de Jouvenel sont désastreux et elle est expulsée de deux établissements privés, avant d’être orientée, en désespoir de cause, vers l’apprentissage de la couture. Son père se remarie avec Germaine Louis-Dreyfus et si Colette de Jouvenel ne sympathise pas avec sa belle-mère, elle s’entendra très bien en revanche avec sa fille Arlette qui épousera plus tard son demi-frère Renaud. Et sa mère convole également en justes noces quant à elle avec Maurice Goudeket.

Pour ne pas être en reste peut-être, en 1935, Colette de Jouvenel épouse Denis Dausse, docteur en médecine, pour divorcer peu de temps après. Ses parents la soutiennent mais son père meurt quelques mois plus tard, ce qui l’affecte profondément.

Elle devient assistante de réalisation et travaille auprès de Solange Bussi pour le tournage de La Vagabonde en 1931, puis avec Marc Allégret pour Le Lac aux dames en 1934 et avec Max Ophuls pour Divine en 1936.

Elle abandonne la réalisation pour exécuter des travaux de traduction avant finalement de bifurquer vers la décoration. Mais la guerre éclate et Colette de Jouvenel se réfugie en Corrèze à Curemonte, qu’elle appellera sa « Toscane limousine » dans le château familial acheté en 1912.

Elle se rapproche des antifascistes du coin, les Videau, couple d’instituteurs, et Berthe Vayssié qui tient le café-bar-épicerie du village. Colette de Jouvenel commence par mettre en place un circuit de ravitaillement efficace puis participe de plus en plus à des activités de résistance. Elle accueille sa mère qui a fui sa Seine-et-Oise et se révèle une invitée irritable, qui tourne sur elle-même et accable ses proches de récriminations. Pour finir elle tombe malade et Colette de Jouvenel s’occupe d’elle avec dévouement. Mais après quelques mois elle décide de revenir en région parisienne tant elle s’ennuie dans ce petit coin de province.

Les retrouvailles, encore une fois, n’ont pas eu lieu.  Colette de Jouvenel pense à fonder une revue mais son projet sera refusé par Vichy, les valeurs issues de la « Révolution nationale » n’entrant dans son plan éditorial.  Elle se met au service de l’OSE  (Organisation de secours aux Enfants) par l’intermédiaire de sa belle-sœur ; il s’agit de mettre à l’abri des enfants dont les parents ont été arrêtés ou déportés. En 1943, elle fréquente André Malraux, et Josette Clotis, sa compagne, Emmanuel Berl et sa femme Mireille, chanteuse qui ne peut plus travailler étant juive. Si elle n’appartient officiellement à aucun mouvement de résistance, elle est en charge de missions précises dans les rangs de l’opposition active au STO.

Colette de Jouvenel vit deux histoires amoureuses d’abord avec Simy Wertheim, puis Jocelyne Alatini un peu plus tard qui lui permettent de trouver un peu de joie dans cette période sombre et agitée. Mais la guerre se termine et Colette de Jouvenel aimerait écrire. Depuis quelque temps elle tient un  journal où elle note ses impressions.

Elle lui confie: « Si je me relis, je m’attendris presque : pauvre de moi qui tente à trente et un ans d’apprendre à penser, à la manière d’un devoir de philosophie d’adolescent, parce que personne ne t’a appris à penser. Mais aussi, c’est que je ne peux exprimer librement ma pensée, pour n’avoir pas accepté les contraintes qui m’eussent été nécessaires pour y parvenir – écrire chaque jour, dompter style et pensée. »

A la fin de la guerre, elle est nommée présidente du Comité social et sanitaire, il s’agit de remettre de l’ordre dans les différents établissement publics qui composent l’administration. Mais écrire ?

En novembre 1944, elle publie son premier article dans « Femmes françaises » sous le titre « Travail urgent : travail social ». Louis Aragon lui-même souhaite avoir un de ses articles…  Elle est pressentie par Juliette Jonvaux qui dirige Fraternité, journal d’extrême-gauche pour rejoindre le comité de rédaction du journal. Elle couvre le retour des déportés et des prisonniers de guerre, s’insurge, se révolte contre le manque d’organisation des secours aux déportés, qui doivent en plus de leurs souffrances attendre et attendre encore… Elle se rend en Allemagne et publie un article « Eté allemand » qui aura un certain écho.

Très sensible aux problématiques liées au rôle des femmes dans le monde du travail, elle utilise sa plume pour défendre l’égalité des sexes et « la promotion des femmes aux postes à haute responsabilité » car ni « le ravaudage des chaussettes, ni les collections de couturiers, ni même le soin des enfants ne suffiront à remplir leur vie tout à fait. »  C’est son article « L’Abeille citoyen » publié dans Vogue qui va reprendre ces idées et  provoquer bien des remous . Elle rendra compte par la suite des débats du tout premier Congrès international des femmes qui se réunit à Paris, à la Mutualité, du 25 novembre au 1er décembre 1945.

Mais ses prises de position radicales agacent passablement sa mère qui lui fait quelques remontrances : « Maurice me dit que Fraternité est un journal impossible. Je ne le saurai donc que par ouï-dire si tu n’y rentres pas ». Elle abandonne donc le journalisme et à la mort de sa mère en 1954, découvre que le testament de cette dernière la désavantage considérablement.

« En ce jour de 1954, il y eut en moi beaucoup de la femme trompée depuis toujours. Sans doute n’avais-je que trop rarement eu le sentiment avec ma mère de vivre le grand amour. Lorsque d’elle à moi, il y eut grand amour, ce fut de loin. L’éprouva-t-elle ? de loin, avec l’écart d’âge qui nous séparait ?  Elle m’aima de loin, au temps où je ne savais pas répondre à cet amour. »

Elle parvint à recouvrer son droit moral sur l’œuvre de sa mère et à compter de 1977, elle se consacra à la réédition de ses œuvres et se réfugia Impasse de l’Ecritoire, à Beaumont-du-Gâtinais en Seine-et-Marne quand elle n’était pas à Paris.

Elle meurt en 1981 des suites d’un cancer et confie sa correspondance à sa nièce Anne de Jouvenel en lui demandant de la publier le plus tard possible.

Colette de Jouvenel eut un lien très fort à l’écriture et c’est à cet égard qu’elle m’a intéressée, lien tissé de mots en creux, des mots tus, des mots manqués, des mots d’une mère écrivain et des mots secrets de son journal qui ne sera peut-être jamais publié.

Le récit de François Soustre est passionnant et il faut le lire  si, par hasard, vous avez croisé ce visage d’une grave beauté et ce regard empreint de mélancolie. Vous découvrirez l’histoire d’une vie …J’espère vous avoir donné envie d’aller plus avant dans cette aventure. Dans quelque temps peut-être ouvrirez-vous ce livre d’un doigt impatient et retrouverez-vous un peu des émotions qui m’ont agitée à sa lecture.

Sylvia Plath – L’histoire d’une vie

Sylvia-Plath

Sylvia Plath est née le 27 octobre 1932 dans le Massachussets, d’une famille d’origine allemande et autrichienne, et elle s’est donnée la mort le 11 février 1963 à Londres à l’âge de 31 ans. Ecrivaine américaine, elle a produit des poèmes pour l’essentiel, un roman autobiographique (The Bell Jar – en français, la cloche de détresse), dans lequel elle décrit sa première dépression, des nouvelles, des livres pour enfants et des essais.

En 1940, son père meurt, événement dramatique qui marquera toute son œuvre.

Ecrivain précoce, elle publie son premier poème en 1941 à l’âge de 9 ans dans le Boston Herald Tribune. Ce talent ne se démentira pas, en 1944, elle entre au collège Alice L. Philips à Wellesley.

Elève brillante, passionnée par Shakespeare, elle publie régulièrement des poèmes dans le journal de l’école. Lors d’une représentation de «La tempête » de Shakespeare au Colonial Theater de Boston, elle découvre le personnage d’Ariel, figure de l’imagination créatrice,  qui donnera le nom d’un de ses recueils de poèmes.

En 1945, elle découvre dans la presse les crimes et les atrocités des nazis. Consciente de ses origines germaniques, le thème de la guerre occupera une place importante dans son œuvre.

A partir de 1947, elle commence à tenir sérieusement son journal et continue à publier ses poèmes dans les journaux, encouragée par un de ses professeurs, Wilbury Crockett qui la marquera profondément.

Lors de l’été 1950, elle travaille à Lookout farm, à la cueillette des fraises et inspirée par ses expériences personnelles, écrit plusieurs nouvelles qui abordent le thème des premiers émois amoureux. Elle entame une correspondance qui durera plusieurs années avec Eddie Cohen qui veut devenir écrivain, où les deux jeunes gens abordent librement la sexualité, la conscription et la guerre de Corée.

 

Elle fait des études brillantes à Smith College où elle rencontre celle qui sera sa protectrice durant toute la durée de sa scolarité, Olive Higgins Prouty, une sylvia plath 1romancière de littérature populaire fortunée avec laquelle elle restera en contact toute sa vie.

Elle assiste à des conférences d’écrivains dont celle de Nabokov et  et  Elizabeth Bowen. 

Elle est confrontée au conformisme de l’époque à l’égard des jeunes filles, le bonheur en effet, selon la presse féminine de l’époque, ne peut être atteint en dehors de la maternité et du mariage. Elle lit « l’un et l’autre sexe. Les rôles de l’homme et de la femme dans la société. De Margaret Mead publié en 1948. Dans son journal, elle ne cesse de s’interroger sur la compatitbilté de son désir d’être artiste avec la vie conjugale.

Ses maîtres sont Auden, W.B. Yeats, T.S. Eliot, Wallace Stevens, Dylan Thomas pour lequel elle a une prédilection. Elle est choisie pour collaborer comme éditrice au magazine Mademoiselle et publie un entretien avec Elizabeth Bowen.

Margaret Mead, American cultural anthropologist
Margaret Mead, American cultural anthropologist (Photo credit: Wikipedia)

En 1953, elle tente de se suicider et fait plusieurs séjours en établissements psychiatriques. Elle apprend que plusieurs femmes de la famille d’Otto ont
souffert de dépression.

 

En 1955, elle poursuit ses études à Cambridge et lors d’une fête rencontre Ted Hughes, poète, diplômé de Cambridge après des études de lettres et d’anthropologie sociale à Pembroke College. Il vit à Londres.

En mai de la même année, elle publie dans Isis, un magazine étudiant de Cambridge, une critique des idées préconçues et réductrices qui pèsent sur la femme dans le milieu universitaire sans rejeter une certaine image de la féminité dans les années cinquante.

English: Painting on CanvasElle épouse Ted Hughes en 1956.

L’année suivante, Ted est lauréat du prix du concours Harper du meilleur premier livre pour son recueil « Le faucon sous la pluie ». Sylvia obtient une licence de lettres.

 

En 1958, elle rencontre Adrienne Rich, qu’elle considère comme sa principale rivale. Malgré un style assez conventionnel, celle-ci porte un intérêt croissant, à la condition féminine dans son œuvre. La poésie de Sylvia fera écho à celle de sa consœur.

En mai, elle découvre les poèmes de Robert Lowell qui sont une révélation. Les textes qu’elle écrit à cette période accordent une place grandissante à la
figure paternelle
associée à l’élément marin et au thème de la perte.
« Par cinq brasses de fond », un de ces poèmes, doit donner son titre à son premier recueil en préparation.

 En 1959, Robert Lowell s’apprête à publier un recueil d’un genre nouveau « Life studies » en rupture avec le formalisme et la doctrine de l’impersonnalité qui ont prévalu aux Etats-Unis pendant la première moitié du XXe siècle et qui fera de lui l’une des principales figures de la littérature confessionnelle.

 

Sylvia recherche une nouvelle forme d’écriture pour ses poèmes, dans une veine philosophique qu’elle désire désormais atteindre.
Davantage tournée vers les poètes femmes de sa génération, elle s’intéresse aux « conversations de femmes ».

Elle écrit une série de textes dans lesquels la figure du père, de la grand-mère ou les lieux de l’enfance près de l’océan occupent une place centrale. La presse accepte de nouveaux poèmes.

Son premier recueil, rebaptisé « Le taureau de Bendylaw (the bull of Bendilaw) est classé second au concours de poésie du prix Yale, remporté par George Starbuck. Elle souhaite ouvrir sa poésie à l’expérience, aux situations et au monde réel.

En 1960, ils retournent en Angleterre. Le prix Somerset Maugham est décerné à Ted Hughes pour son premier recueil.sylvia-plath-and-ted-hughes

Elle rencontre Rosamond Lehman, proche du groupe de Bloomsbury. Ses premiers romans « Poussière »(1927) et Une note de musique (1830) abordent le thème de l’hostilité des hommes à l’égard de la femme intellectuelle et dépeignent son expérience de divorce.

 Elle donne naissance à ses deux enfants et essaie de poursuivre son œuvre malgré quelques périodes où elle se laisse absorber par son expérience de la maternité .

 

Les éditions Heineman publient « Le colosse et autres poèmes », bien accueilli par la critique qui met en avant la virtuosité technique de son auteur, son usage habile de la métaphore et la vitalité de son style.

Les poèmes les plus marquants de cette période sont ceux qui prennent pour thème la fertilité ou la stérilité, la relation  mère-enfant, comme « Chant du matin ».

 

Ted et Sylvia partagent les tâches domestiques. Ted garde les enfants le matin pour permettre à Sylvia d’écrire mais ce sera pour noter plus tard que la vie assia-wevilldomestique l’étouffait. Sylvia apprend la trahison de son mari qui a une liaison avec Assia Wevill.

 Cette année-là (1962), elle écrit de nombreux poèmes dont « A un enfant sans père » et la série des « Abeilles ».

Parmi ses autres poèmes, des poèmes de la révolte au féminin, du désespoir et de la folie.

« La mise en rapport de l’expérience privée et de l’histoire collective, l’une se donnant pour miroir de l’autre, serait l’un des traits prédominants de la poésie dite confessionnelle, courant auquel Sylvia sera rattachée, comme aussi de la poésie américaine écrite par les femmes dans le courant des années soixante et soixante-dix ». Elle est très influencée par Anne Sexton.

Fin 62, les forces de Sylvia s’épuisent et son sentiment d’abandon s’accroît après un hiver difficile à Londres.

En 1963, son roman « La cloche de verre » fait une sortie remarquée et bénéficie de bonnes critiques.
Après la rédaction d’essais autobiographiques et de plusieurs nouveaux poèmes « Les mannequins de Munich », « Totem »,« Enfant », « Paralytique » et « Gigolo », Sylvia sombre à nouveau dans la dépression. Le 10 février elle se donne la mort.

En 1969, Assia, la maîtresse de Ted se suicidera également au gaz avec son enfant, dans un appartement londonien.

 Légataire de l’œuvre de sa femme Sylvia Plath, il publiera une partie de son œuvre dans les décennies qui suivront.

Elle est devenue pour beaucoup de lecteurs dans le monde, une figure culte. Les féministes américaines ont vu dans son œuvre, « l’archétype du génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes » (Wikipédia). Mais avant tout, ce qui fascine dans son œuvre, est peut-être cette empreinte de la mort, dont l’écriture est le témoin, à travers des métaphores sombres et puissantes, un chant mêlé de douleur et de désespoir, qui s’avérait peut-être prémonitoire.

Ses journaux de 1950 à 1962 ont été traduits et publiés chez Gallimard en 1 999.

En 1982, elle a été le premier poète de l’histoire à recevoir le Prix Pulitzer à titre posthume  pour une anthologie de ses œuvres (The collected poems).

 

Site sylviaplath.info, biographie établie à l’aide de l’édition des œuvres de Sylvia Plath dans Œuvres chez Quarto gallimard, le site wikipédia et le journal de Sylvia Plath.

  Oeuvres traduites en français

  Aux éditions Gallimard :

La cloche de détresse ;ca-ne-fait-rien !;Arbres d’hiver précédé de La traversée ;Journaux (1950-1962) ;Ariel

 Le jour où Mr Prescott est mort, La Table Ronde ;Carnets intimes, La Table Ronde

L’Histoire qu’on lit au bord du lit, Editions du Rocher

Lettres aux siens, volume 1 (1950-1956), Editions des Femmes ;Trois femmes, Poème à trois voix, Editions des femmes

Sylvia plath Oeuvres, Quarto gallimard, 2011

Diane Middlebrook
Diane Middlebrook (Photo credit: Wikipedia)

Mourir est un art, comme tout le reste – Oriane Jeancourt Galignani / Le secret de Sylvia Plath

Mourir est un art comme tout le reste

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« Mourir

est un art comme tout le reste.

Je m’y révèle exceptionnellement douée.

On dirait l’enfer tellement.

On jurerait que c’est vrai.

On pourrait croire que j’ai la vocation. »

(extrait de Dame Lazare) Ariel poèmes 1960-1962

Oriane Joncourt Galignani , dans ce roman d’une vie imaginaire, retrace la dernière année de la vie de Sylvia Plath avant sa mort. Elle évoque avec talent l’univers mental de l’écrivain, et son écriture fait surgir avec brio la femme, la mère et la créatrice aux proies avec une réalité qui la submerge et qu’elle ne maîtrise plus.

            Ce n’est pas une dépression de plus qu’elle relate ici mais l’origine d’un basculement dans un récit parsemé de flèches brûlantes et glacées que sont les vers de Sylvia Plath.

            « J’ai neuf vies comme les chats » , écrit celle qui se donnera la mort dans son appartement de Londres. Neuf vies et donc neuf morts, pas une de plus.

Ses derniers moments sont connus mais ils surprennent par leur caractère méthodique et précis : après avoir couché ses enfants, elle a déposé des tartines de pain beurré et des tasses de lait près des lits de ses enfants, a ouvert en grand la fenêtre, a calfeutré la porte de leur chambre avec des serviettes et du ruban adhésif. Au terme d’une nuit sans sommeil elle a mis fin à ses jours le 11 février février 1963, à l’âge de trente ans.

Elle devint l’égérie emblématique des féministes américaines, le symbole de l’auteure sacrifiée à l’ego d’un jeune mari poète brillant, Ted Hugues, mais égoïste, car, en effet, « la liberté de Ted Hugues ne se consumera pas à huit heures pour le premier biberon, les années conserveront son génie, l’épanouiront. Il est le grand poète britannique, l’homme que la BBC arrache au Guardian, le jeune patriarche d’une famille moderne – dont la délicatesse est allée jusqu’à épouser une femme jolie et intelligente-, il doit consacrer sa vie à son œuvre. »

            Un mari, mais un ogre, avec le quel Sylvia fut dans une grande dépendance affective.

            Oriane Joncourt Galignani brosse un portrait intimiste et bouleversant, d’une grande finesse psychologique, excelle à décrire les mouvements intérieurs de celle dont la mort restera une énigme et une tragédie. La fin prématurée et violente de cette jeune femme, belle, intelligente et talentueuse marquera la mémoire collective, et sera explorée par des générations de femmes à la recherche du sens de leur existence.

            L’entreprise était donc ardue, dégager de ce fatras mythique, une figure singulière. L’auteure a parfaitement réussi ce pari et se présente comme une lauréate possible du Prix pour le Premier Roman de Femme.

             Des quatre en lice, il me reste à lire « La cattiva », il m’est donc difficile d’établir un pronostic mais il y a fort à parier que « Mourir est art, comme tout le reste » sera un concurrent sérieux.

Oriane jeancourt Galignani est critique littéraire. Franco-allemande, elle a fait une partie de ses études de littérature à Tübingen. Elle travaille depuis six ans pour le magazine Transfuge et en est devenue la rédactrice en chef littérature en 2011. Elle représente le magazine à la télévision dans la Matinale de Canal + et en radio sur RCJ. Elle a dans le passé publié différents articles dans Philosophie Magazine et d’autres pages littérature.

Je remercie Laure Wachter  et Carol.Menville des éditions Albin Michel qui m’ont permis de suivre ce prix et de lire les ouvrages sélectionnés pour leur maison d’édition. Ils font partie de ces éditeurs qui œuvrent à faire connaître et à réhabiliter les grandes figures féminines de la littérature. Un autre de leur roman a été sélectionné pour ce prix que je lirai par la suite  : L’héritier de Roselyne Durand-Ruel.

La lecture d’Anne « Des mots et des notes »

 

Edna Saint Vincent Millay – L’histoire d’une vie

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   Edna saint Vincent Millay est une poétesse américaine (Rockland, Maine, 22 février 1892-Austerlitz, New-York,19 octobre 1950)

Elle fut élevée en compagnie de ses deux sœurs par sa mère, Cora, après que cette dernière eut demandé à son mari de quitter la maison en 1899. – Cora exigea que ses filles soient indépendantes et ambitieuses et leur inculqua une solide formation musicale et littéraire.

Son premier grand poème Renaissance est publié alors qu’elle n’a que 19 ans et attire immédiatement l’attention, ce qui lui permet d’intégrer le Vassar College.

Diplômée de Vassar College en 1917, où elle se lia avec la comédienne britannique Wynne Mattison., elle publia son premier volume de poèmes la même année : Remanescence and Other Poems. Son œuvre rencontra le succès grâce à la maîtrise technique, la fraîcheur  de son écriture. Il se confirma avec un nouveau recueil « A few Figs from Thistles (1920), qui l’imposa comme le type de la femme nouvelle et émancipée, à la fois « romantique et cynique » à travers des poèmes comme « The Penitent » et « My candle Burns at both ends »

Son style de vie bohème et non conventionnel et ses nombreuses histoires d’amour renforçait cette image d’une femme libre. Elle utilisait le pseudonyme de Nancy Boyd.

            Elle s’installa à Greenwich Village et s’intégra à un groupe d’auteurs, d’acteurs et d’artistes, originaires de Provincetown, The Provincetown Players et écrivit pour eux «  The Princess Marries the Page (1918, publié en 1932), Aria da capo (1919, publié en 1921) et Two slatterns and a king (1921), fantaisies satiriques en un acte.

De nombreux autres livres de poésies suivirent, dont « The ballad of the Harp Weaver qui lui valut le prix Pullitzer de poésie en 1923.

« En 1927, elle confirme son côté engagé qui s’est déjà manifesté dans des écrits contre la guerre et pour la défense des droits des femmes en militant dans l’affaire Sacco et Vanzetti, et elle publie la veille de leur exécution un poème, Justice Denied in Massachusetts dans le New York Times, du 22 Août. 1927. » source Poezibao

            Elle est aussi l’auteur d’un livret d’opéra, « The King’s Henchmann (1927) et d’une traduction des Fleurs du mal de Baudelaire (1936).

Après sa mort, soixante-six poèmes posthumes ont été publiés sous le titre « Mine the harvest (1954), ainsi que sa Correspondance (1952) et l’ensemble des poèmes « Collected poems » (1956).

            La journaliste et humoriste Dorothy parker a laissé un témoignage de l’impact exercé par Edna Millay sur toute une génération.

« Nous marchions toutes sur les traces de Mrs Millay. Nous étions toutes brillantes et galantes, déclarant que nous n’étions plus vierges même si nous l’étions. Belle comme elle l’était, Mrs Millay a fait beaucoup de mal avec ses chandelles brûlant par les deux bouts… Elle faisait paraître la poésie si facile, que nous pensions toutes pouvoir en faire. Mais nous ne pouvions pas, évidemment. »

Elle avait épousé en 1923 un homme d’affaires, Eugen Boissevain.

« La revue Europe qui publie un dossier sur elle dans son numéro 914-915 de juin-juillet 2005 avec une présentation et des traductions de plusieurs sonnets (Millay est particulièrement réputée pour avoir écrit dans cette forme) ainsi que Déni de justice au Massachusetts par Claude Dandréa. (source : Poezibao) »

Fadhma Aïth Mansour Amrouche Histoire de ma vie

Histoire de ma vie

Fadhma Aïth Mansour Amrouche Histoire de ma vie La découverte poche

j'aime un peu beaucoup passionnémentj'aime un peu beaucoup passionnément

Ce livre est d’une sorte que j’aime particulièrement, parce qu’il a été difficile à trouver et que sa rencontre a été le fruit d’un heureux hasard. C’est aussi une voix depuis longtemps disparue, à la charnière de deux siècles et de deux mondes et témoin des derniers soubresauts du colonialisme. Il y avait peu de chances que je la connaisse si je ne m’étais pas intéressée dans mon projet aux traces des femmes qui ont écrit d’une manière ou d’une autre dans ce siècle ou dans d’autres plus anciens.

Voici comment la présente Vincent Monteil en 1967 :

« Une vie. Une simple vie, écrite avec limpidité par une grande dame kabyle, d’abord en 1946, puis en 1962, avant que la mort ne vienne la prendre en Bretagne, le 9 juillet 1967, à quartre-vingt-cinq ans. Fadhma Aïth Mansour Amrouche, la mère de Taos et de Jean, a quitté cette terre, mais elle nous reste présente, par ces pages où l’on retrouve les travaux et les jours, les naissances, les morts, le froid cruel, la faim, la misère, l’exil, la dureté de cœur, les meoeurs brutales d’un pays rude où les malédictions, les meurtres, les vendettas étaient monnaie courante, pour des gens si pauvres que les glands doux formaient encore la nourriture de base […] »

 

Cette femme fut en exil dans son propre pays et dans sa propre culture : fruit de la relation hors mariage de sa mère, considérée comme un être maudit, elle devient le symbole de la honte et tous s’acharnent sur elle : quolibets, coups, rien ne lui est épargné. Pour la mettre à l’abri, craignant pour sa vie, sa mère l’emmène à Fort-National, dans une école pour filles qui vient d’ouvrir. Elle en gardera un beau souvenir malgré les épreuves qu’elle traversera. Elle apprend à lire et à écrire, ce qui était rare à l’époque pour une fille, dans l’école laïque des colons, les Français.

Paradoxalement, ils la sauvèrent des mœurs brutales de la trivbu de sa mère et lui ouvrirent l’accès à la culture. Pourtant, avec une certaine inconséquence, ils la renvoyèrent chez elle au début de l’adolescence. La porte ne s’était ouverte que pour mieux se refermer.

« Je ne voulais plus repenser à ma vie passée, puisqu’il fallait oublier que j’avais été instruite. »

 En 1898, elle partit pour travailler à l’hôpital des Aïth-Manelegueleth tenu par des religieuses, où elle rencontra son mari à l’âge de seize ans. Débuta alors une suite ininterrompue de grossesses qui était le destin commun des femmes en ce temps-là. Toutefois son mari est instruit et travaille au bout de quelques années comme fonctionnaire aux Chemins de fer. Mais les émoluments sont faibles et la famille tire le diable par la queue. D’autant plus qu’il faut accueillir la belle famille, nombreuse, et que le peu qu’on a est l’objet de rapines incessantes. La structure sociale, la polygamie, rend la vie matérielle très difficile. Les maris prennent de nombreuses épouses, qu’ils répudient facilement pour en prendre de nouvelles, mais qu’il faut entretenir ainsi que leur nombreuse progéniture. Une femme répudiée revient dans sa famille, une veuve devient l’épouse du frère de son mari. Donc les charges  sont lourdes pour un foyer et la misère n’est jamais loin.

            

Fadhma échappera au lot commun car son mari était chrétien. D’autre part, étant éduqués eux-mêmes, ils éduquèrent leurs enfants qui réussirent à faire des études et dont certains devinrent professeur ou instituteur. Elle leur transmit la mémoire familiale et le goût de la poésie à travers les chants berbères de Kabylie que son fils recueillit de sa bouche et publia. Sa fille Taos devint écrivain et évoqua les lieux de son enfance dans ses romans. Cet arrachement fit de Fadhma une femme dont le destin fut hors du commun et dont la descendance retrouva la lignée maternelle des clairchantants : tout le village écoutait sa mère et ses frères  « lorsque leur chant se répandait dans les rues. »

Elle fut sauvée par une culture étrangère et dût le payer de l’exil. Cette culture lui apporta une certaine liberté et lui assura une protection contre les excès d’une culture familiale patriarcale qui niait la liberté des femmes et les soumettait à la polygamie.

Mais elle fut toujours l’étrangère : « J’étais toujours restée « la Kabyle ». jamais, malgré les quarante ans que j’ai passés en Tunisie, malgré mon instruction foncièrement française, jamais je n’ai pu me lier intimement, ni avec des Français, ni avec des Arabes. Je suis restée, toujours, l’éternelle exilée, celle qui, jamais, ne s’est jamais sentie chez elle nulle part. »

Gageons que sa voix aujourd’hui est à la fois singulière et universelle parce qu’elle est le symbole de l’exil intérieur que durent subir les femmes de tous lieux et de tous temps. Exil dont certaines ne sont toujours pas revenues…et dont les plus chanceuses ont oublié jusqu’aux rigueurs, foulant à nuveau le sol natal.

La découverte

Jean Rhys : l’histoire d’une vie (1890-1979)

Jean-Rhys

Ella Gwendoline Rees Williams, dite Jean Rhys, naît à saint-Domingue, dans les Antilles britanniques en août 1890. Née au XIXe siècle, écrivain dans un peu plus de la première moitié du XXe siècle, elle est à la croisée de deux mondes.. Issue d’une famille galloise –son père, un médecin gallois a épousé une créole– établie aux Antilles, elle quitta son île pour l’Angleterre à dix-sept ans. Elle fit de courtes études d’art dramatique.

A vingt ans, sous le pseudonyme de Vivian Grey3, elle joua dans des pièces de théâtre et des comédies musicales comme « Our Miss Gibbs ». En 1919, elle quitta l’Angleterre pour les Pays-Bas où elle épousa Jean Lenglet, premier de ses trois maris dont elle eut une fille. En 1922, le couple s’installe à Paris mais Jean Lenglet est extradé pour entrée illégale en France. Elle hanta « Le Dôme » et les « Deux Magots » pour vivre la vie de bohème du Montparnasse des années 20 . En 1927, elle publia un recueil de nouvelles, « Rive Gauche », « Croquis et études de la vie de Bohème à Paris » et deux romans « Postures » (1928), et « Quai des Grands Augustins » (1931).  Ruptures et mariages ratés, alcool, pauvreté et solitude sont son quotidien .1

Entre-temps, elle épouse en secondes noces Leslie Tiklen Smith avec qui elle se fixa en Angleterre en 1931. Elle y publia quatre romans, dont « Voyage dans les ténèbres » (1934) et « Bonjour minuit » (1939).

S’ensuivit une période de vie nomade, où remariée à Max Haner, cousin de son mari décédé, elle va de meublés en hôtels de troisième catégorie. En 1950, son mari fut emprisonné pour escroquerie ; ils s’installèrent dans les Cornouailles cinq ans plus tard. Souvent alitée, dépendante de l’alcool, Jean Rhys n’écrit plus.

En 1959, une adaptation radiophonique de « Bonjour minuit » la sortit de l’ombre. Elle retrouva le goût d’écrire, survécut à une crise cardiaque et se consacra à son œuvre. Publiée en 1966, « La prisonnière des sargasses », roman sombre et cruel qu’elle a mis près de dix ans à écrire fut couronnée par la Société Royale de littérature et lui assura une gloire internationale. La créole Antoinette Cosway raconte son enfance à la Jamaïque auprès d’une mère indifférente, puis son entrée dans un couvent qu’elle quittera à dix-sept ans pour épouser un Anglais, distant, égoïste et arrogant.

Elle fit encore paraître deux nouvelles « Les tigres sont plus beaux à voir » (1968) et « Il ne faut pas tirer les oiseaux au repos » (1976).

A sa mort, elle laisse une autobiographie inachevée, Smile Please. Sa correspondance Letters 1931-1966, a été publiée en 1984.

Elle laisse une œuvre dure et sans concession.

André Durand du « Comptoir littéraire » résume brillammant la thématique qui hante son oeuvre : « Ses nouvelles et ses romans ont presque toujours pour héroïnes des femmes qui font un effort désespéré pour être comme tout le monde, mais à qui le monde ne leur en sait aucun gré, d’abord parce qu’elles n’y arrivent pas, ensuite parce qu’elles sont de ces faibles que tous les lâches se plaisent à écraser. Ce sont des femmes vaincues par la vie, bafouées par les hommes, se consolant avec un «pernod» ou une bouteille de rouge, et terrorisées jusqu’à la folie par les humains, qu’elles considèrent tous comme des fauves cruels. Ce sont des folles, des pochardes, des déchues solitaires, dont le goût qu’elles ont de la catastrophe fait que, dans leurs larmes, elles se disent que ça finit par être drôle. Car, loin d’être des geignardes, des résignées, elles affrontent leurs malheurs avec une lucidité et un humour n’épargnant rien ni personne. Il n’y a de la complaisance nulle part. Il n’y a que de la constatation, sans cesse répétée, que le monde est froid, que la connaissance aiguë de la solitude et de la misère, que vivre n’apporte que détresse. »4

Elle disait : « Si je cesse d’écrire, ma vie n’aura été qu’un échec atroce… Je n’aurais pas gagné ma mort. »2


3 Dictionnaire des femmes célèbres de Lucienne Mazenod et Ghislaine Schoeller, Bouquins, Robert Laffont

1 Bio Folio

2  idem

Marie d’Agoult – L’histoire d’une vie

File:Marie d’Agoult by Henri Lehmann (02).jpg

Née de Flavigny, comtesse d’ (dite Daniel Stern). Femmes de lettres française (Francfort-sur-le-Maine, 31 décembre 1805-Paris 5 mars 1876). Son père, militaire, émigra dès les débuts de la Révolution en Allemagne. Elle choisit un pseudonyme masculin, Daniel Stern pour publier. Elle s’engagea dans la création littéraire mais aussi dans la bataille politique et sociale.

En 1809, sa famille s’établit en Touraine, où elle reçut une solide formation intellectuelle. Sa mère, Marie-Elisabeth Bethmann était allemande ; elle lui apprit  l’allemand, tandis que son père l’initiait à la littérature française. Elle a lu Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand et Lamartine.

En 1827, elle épousa un colonel de cavalerie, Charles d’Agoult, et devint dame d’atours à la cour. Marie d’Agoult était ravissante, distinguée, pleine d’esprit. Son salon parisien réunissait l’élite des lettres et de la musique : Vigny, Chopin, Meyerbeer, Rossini, etc.

Sa rencontre avec Franz Liszt rompit le cours d’une vie qu’elle-même jugeait frivole et monotone.

« Dès le premier instant, j’eus la révélation d’une nature souverainement grande ; je sentis, qu’invinciblement attirée, mon âme allait se perdre, s’abîmer dans la sienne »

Franz Liszt
Franz Liszt (Photo credit: Wikipedia)

 En 1835, elle abandonna son mari et sa fille née en 1830 (plus tard comtesse de Charnacé) pour s’installer à Bâle avec son amant. Par lui, elle fit connaissance de George Sand qui vint rejoindre le couple en 1836.

« « […] en George, Marie apprécie la femme indépendante, l’artiste de talent, l’amie brouillonne et généreuse qui reçoit avec libéralité dans sa propriété de Nohant », « En Marie, George reconnaît une femme libre, cultivée, polyglotte, musicienne accomplie […][1] Elle vécut neuf années de bonheur avec Liszt, tantôt à Rome, Londres ou Paris. Elle lui donna un fils (mort en 1859) et deux filles. La première, Blandine épouse Emile Ollivier ; la seconde, Cosima, devint Mme Wagner.

Elle rompit avec Liszt en 1844 et, dès lors, entama une carrière littéraire. Son seul roman Nélida (1846) fit sensation[2] : elle y racontait de manière à peine voilée ses amours avec le compositeur hongrois. Martine Reid, au contraire, juge l’œuvre « d’un sentimentalisme assez convenu, (qui) ne rencontre que peu de succès lors de sa parution en 1846 ».[3]

« Elle est fort belle, disaient plusieurs hommes.

          Mais sans expression aucune, observait une merveilleuse sur le retour.

          Pourquoi sa tante ne lui met-elle pas un peu de rouge ? ajoutait une femme couperosée.

          Elle a tout gardé pour elle, répondait le jeune élégant. Ne remarquez-vous pas combien la vicomtesse acquiert de fraîcheur et d’éclat avec les années, ; chaque hiver, je trouve à son teint un velouté plus séduisant, des dégradations mieux observées. Depuis un mois elle tourne décidément à la rose du Bengale. »

« Valentia », une de ses nouvelles, (1845-1846) » pose la problématique de l’enfermement carcéral des femmes de ce siècle. Statut inexistant d’orpheline, mariage forcé, dépendance totale vis-à-vis d’un époux qui ne tolère même pas que son épouse lise. Elle s’échappe, et rencontre la passion mais cette histoire est un échec et la conduit au suicide » (Evelyne Wilwerth)

texte en ligne sur Gallica : Valentia, Hervé, Julien 

 L’année suivante, elle publiait son essai sur La liberté considérée comme principe et comme fin de l’activité humaine. Elle salua avec enthousiasme la révolution de 1848, dont portent trace ses Lettres républicaines parues dans le Courrier français . Son Histoire de la révolution de 1848 (3 vol ., 1850-1853) fit beaucoup pour sa notoriété. L’ouvrage a le charme d’un texte écrit sans recul par un auteur passionné.

            Sous le second Empire, elle ouvrit un salon qui réunit la plupart des opposants au régime, et voyagea beaucoup, notamment en Italie, dont elle rapporta Florence et Turin, études d’art et de politique (1862) et en Hollande, ce qui lui permit d’écrire L’histoire des commencements de la république des Pays-Bas (1872). Outre des essais historiques, Marie d’Agoult a laissé des Souvenirs (1875) qui s’arrêtent avant le début de sa liaison avec Liszt. Ses mémoires, qui couvrent la période 1833-1854, ont été publiées en 1927.

Martine Reid, dans la collection « Femmes de lettres » en Folio a réédité une partie de « Mes souvenirs » en 2009.

Bibliographie : J. Vier, La comtesse d’Agoult et son temps, Colin, 6 vol (1955-1963)

D. Desanti, Daniel ou le visage secret d’une comtesse romantique ? Marie d’Agoult, stock 1980

Ch. F. Dupêchez, Marie d’Agoult, Perrin 1989

Dictionnaire des femmes célèbres, Robert Laffont

Visages de la littérature féminine, Evelyne Wilwerth


[1]  Préface de Martine Reid à l’édition Folio.

[2] Dictionnaire des femmes célèbres, Robert laffont

[3] ibid Martine Reid

Susan Abulhawa

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Susan Abulhawa est née en 1967 en Palestine, de parents réfugiés de la guerre des Six-Jours. 


Élevée en partie
au Koweït, en Jordanie et dans la partie occupée de Jérusalem-Est, elle vit maintenant aux États-Unis. 


Les Matins de Jénine est son premier roman ; il a remporté le Best Book Award 2007 dans la catégorie Fiction historique. 

(source Pocket.fr)

          Très engagée dans la défense du peuple palestinien, Susan Abulhawa a publié  plusieurs articles dans la presse américaine — notamment dans le Daily New de New York, leChicago Tribune, le Christian Science Monitor ou encore le Philadelphia Inquirer . En 2001, elle a fondé l’ONG Playgrounds For Palestine qui a pour mission d’offrir des terrains de jeux aux enfants palestiniens vivant dans les territoires occupés par l’armée israélienne. Plusieurs aires de jeux ont ainsi été créées à Bethléem, Naplouse, Rafah, Khan Younis et Hébron.

 Au printemps 2002, Susan Abulhawa s’est rendu en Cisjordanie. Elle a tiré de son voyage un livre-document, Les Matins de Jénine (2003, éditions Buchet-Chastel 2008) qui, à travers l’histoire de trois générations d’une famille vivant dans un camp de réfugiés, témoigne de la tragédie qui a frappé les Palestiniens après 1948 (année de la création de l’Etat d’Israel). 

source « La République des Lettres, »

Elle a fait partie des écrivains et éditeurs des pays arabo-musulmans qui ont décidé de boycotter le Salon du livre de Paris en 2008, Selon elle, seuls les auteurs et la littérature hébraïque « pure », étaient mis à l’honneur alors que l’arabe est la deuxième langue officielle parlée et écrite à Jérusalem.

« Les organisateurs du Salon du Livre veulent-ils, à l’instar d’Israël, faire comme si la Palestine et les Palestiniens n’existaient pas ? […] À moins qu’ils soient simplement complices d’Israël pour débarrasser le monde de notre peuple, de notre mémoire, de notre culture et de notre histoire ? », s’interroge Susan Abulhawa.

Virginia Woolf – L’histoire d’une vie

VV histoire d'une vie

Adeline Virginia Stephen est née le 25 janvier au Hyde Park Gate à Londres, troisième enfant de Julia et de Leslie Stephen après Vanessa née en 1879, Thoby né en 1880, et avant Adrian né en 1883. Sa mère avait deux fils d’un premier mariage, Gerald et George Duckworth, et son père une fille, Laura.

L’intérêt de la biographie d’Alexandra Masson est de relier de manière étroite la vie de Virginia Woolf à ses œuvres. En effet, son œuvre est largement autobiographique même si l’auteur prend garde à brouiller les pistes dans ses romans. Alexandra Masson montre comment le thème de l’enfance revient comme un paradis perdu. Des lieux deviennent mythiques comme St Ives, petit village où la famille Stephen se rendait chaque été jusqu’à la mort de la mère.

« La promenade au phare », « Les vagues », ou « La chambre de Jacob » reprennent des images ou des souvenirs de cet endroit.

Mais les membres de sa famille tiennent également une place importante. Son frère aîné, Thoby, est un personnage central dans son œuvre et inspire celui de « La chambre de Jacob », comme celui de « La promenade au phare ».

Des thèmes reviendront très souvent également, comme celui de l’eau, par qui tout commence et tout finit. Dans « Les vagues », on entend le bruit de la mer, « La promenade au phare » indique assez bien sa présence.

Sa mère, très tôt disparue à l’âge de 49 ans, lui manquera cruellement – d’ailleurs les troubles nerveux de Virginia Woolf commenceront peu après. Elle représentait le modèle de la femme victorienne, dévouée à son mari et à ses enfants, victime de la société patriarcale incarnée par son mari. En réaction peut-être à ce modèle, Virginia et sa sœur, chercheront à réaliser leurs aspirations personnelles, l’une par la peinture, l’autre par l’écriture. Sa sœur Vanessa, avec laquelle elle entretiendra toute sa vie des liens fusionnels empreints de rivalité, et à laquelle elle se comparera toujours, apparaît également dans son œuvre.

Se réaliser passe d’abord par avoir « une pièce à soi » et donc jouir d’une certaine indépendance financière. Ses premiers revenus lui viendront du journalisme. Non seulement l’écriture est une thérapie mais elle lui permet de gagner de l’argent.

Virginia Woolf a commencé comme critique littéraire dans « The Guardian » puis écrit un premier roman, « La traversée des apparences » auquel elle consacrera huit années de sa vie. Elle écrira ce livre dans la souffrance , « écrire est un enfer » dira-t-elle dans son journal. D’ailleurs  presque chaque livre sera suivi de périodes de dépression. Elle passe par des états qui alternent la plus grande exaltation avec le plus profond désespoir. Elle considèrera  chaque livre comme une thérapie.

Virginia Woolf est en fait méconnue ou mal connue. Il est assez significatif d’ailleurs qu’un film ait associé son nom à la folie et à la peur : « Qui a peur de Virginia Woolf ? ».

On a peu souligné le courage de cette femme qui se battit contre la maladie mentale sans l’aide de la médecine, à l’époque assez démunie dans le traitement des maladies mentales. Les œuvres de Freud ne sont pas encore assez connues et même si la Hogarth Press, maison d’édition fondée par Virginia Woolf et son mari, Léonard Woolf, publiera les œuvres du maître de la psychanalyse, Virginia refusera toujours d’entamer une thérapie, consciente que c’est aussi dans ce déséquilibre émotionnel qu’elle trouve une partie de sa créativité.

Vanessa et Virginia Woolf, même si elles ne vont pas à l’école, seuls les garçons ont ce droit, c’est le choix du père, bénéficient d’une instruction donnée par des précepteurs. Elles sont filles d’intellectuels cultivés et  acquièrent une culture que peu de femmes ont à leur époque. Jusqu’à l’âge de douze ans son père dirige le choix de ses lectures : Euripide, Sophocle, Platon, Jane Austen, Dickens, George Eliot entre autres. Toute sa vie, la lecture sera une de ses occupations privilégiées car elle l’apaise. Même quand elle écrira ses propres livres, elle suivra toujours un programme important de lectures. Proust est pour elle le modèle absolu, mais elle lit aussi Ibsen, Shakespeare, Tchekhov.

L’écriture selon elle, naît d’un choc affectif qui est à l’origine de sa vocation .L’écriture de son journal, qu’elle tiendra pendant près de trente ans lui permettra de noter tous ses sentiments au fur et à mesure de l’écriture de ses romans.

On a souvent l’image d’une femme dépressive et suicidaire alors qu’on trouve dans ses romans une sensualité, une jouissance devant la beauté de la nature ou l’intensité du moment qui la contredit totalement. Elle devait tout ressentir avec beaucoup d’intensité, la douleur comme le bonheur, en tout cas c’est ce qui ressort de la biographie d’Alexandra Masson. D’ailleurs, Mrs Dalloway , récit de la journée d’une femmes à Londres,  représente bien cette dualité, « le monde vu par la raison et par la folie » comme elle le note dans son journal.

Les traumatismes subis, la mort de sa mère lorsqu’elle avait 13 ans , puis de sa demi-sœur Stella deux ans après, suivi par celle de son frère Thoby  en 1906 aggravent son sentiment d’insécurité. Les viols dont elle fut victime de la part de ses demi-frères renforcèrent le traumatisme originel. Elle se réfugie dans l’écriture qui lui permet de survivre.

Pour mener son métier d’écrivain à bien malgré sa santé fragile, elle trouvera en Leonard Woolf un allié précieux, au moins jusqu’à un certain point. Ils se marieront et Leonard se consacrera totalement aux soins de son épouse jusqu’à régler son emploi du temps de manière draconienne. Un dévouement si total qu’il devient aussi une forme de tyrannie ! Mais chacun certainement y trouve son compte. Virginia apprécie certainement au début d’être ainsi totalement prise en charge car cela lui permet de se consacrer à l’écriture. Mais en contrepartie, son mari l’enfermera dans son rôle de malade.

En quelques années, à partir de 1919, elle publie plusieurs romans : « Nuit et jour », « La chambre de Jacob » et Mrs Dalloway en 1925. En parallèle, Virginia Woolf assume son amour pour les femmes avec la liaison passionnée qu’elle entretiendra avec Vita Sackville-West. Cette dernière lui inspirera le personnage d’Orlando qui paraît en 1928, précédé par « La promenade au phare » en 1927. Orlando pose la question du masculin et du féminin et de leur catégorisation. Virginia Woolf ne se considère pas comme une lesbienne, terme qu’elle abhorre, mais sent qu’elle est « mélangée ». Les amitiés féminines auront une grande importance dans sa vie, Katherine Mansfield, avec laquelle elle aura une relation plutôt mouvementée, ou Violet Dickinson qui la prit sous son aile après la mort de sa mère et lui permit « d’exprimer ses premières émotions littéraires ».

Virginia Woolf s’est construite en s’opposant au modèle de la femme victorienne, pour autant elle n’est pas une pionnière héroïque du mouvement féministe. Ethel Smith, autre grande amie, beaucoup plus âgée qu’elle, est très engagée dans ces mouvements. Virginia Woolf publie en1929, « Une chambre à soi », plaidoyer pour la liberté des femmes, suite à un séminaire auquel elle a participé à Cambridge sur les femmes et le roman. Elle y dénonce avec force l’injustice faire aux femmes sur le plan économique, social et politique. Très jeune, elle a apporté son aide aux suffragettes, elle a aussi donné des cours de littérature à des ouvrières

En 1931, elle publie «  Les Vagues », son roman le plus expérimental. Il  qui consiste en six monologues portés par Bernard, Susan, Rhoda, Neville, Jinny, et Louis. Percival, le septième personnage, ne parle jamais lui-même.

En 1937, « Les Années », suivi de « Trois Guinées » en 1938, prennent un tour plus politique et polémique, en traitant dans un style très différent de la place de l’écrivain dans la société. Virginia pousse toujours dans des directions différentes ses recherches formelles. Auparavant, Flush, en 1933, ne déroge pas à la règle,  car le style en est très différent, l’auteur s’amuse et esquisse une biographie fictive de la poétesse Elizabeth Barrett Browning vue par son cocker.

En 1939, elle entreprend une biographie « Une esquisse du passé » qui réveille des souvenirs douloureux et la fait sombrer à nouveau dans la dépression.

En 1940, elle publie une biographie de Roger Fry, biographie de son ami peintre, ancien amant de sa sœur. Mais la guerre gronde et fait ses premiers ravages et Virginia Woolf ne se sent plus le cœur à écrire. Comment l’art pourrait-il gagner face à la guerre, quelle pourrait être la force de l’écriture face à la barbarie ? L’auteur perd pied et de laisse envahir par le désespoir, en 1941, le 20 janvier,  elle envoie « Entre les actes » à son éditeur et le 28, elle se suicide en se jetant dans la rivière de l’Ouse, les poches de son manteau lestées de pierres. L’eau est par ce quoi tout commence et tout finit. Une grande romancière disparaît, laissant une œuvre considérable et d’une grande diversité.

La biographie d’Alexandra Masson est passionnante à tous les points, et tente de faire comprendre avec beaucoup de finesse et d’intelligence qui fut Virginia Woolf. A lire absolument pour comprendre la grande romancière.

Marguerite Yourcenar – L’hisoire d’une vie

Marguerite-Yourcenar

J’ai toujours été très intriguée par cette autrice. Dans ses livres, il y a peu de personnages féminins ou alors ce sont des personnages secondaires. Je sais peu de choses d’elle : à quels combats a-t-elle pris part, quelles causes a-t-elle soutenues ? J’ai donc voulu me pencher davantage sur son histoire et son œuvre que j’ai lue en partie. Ce qui m’aidera à modifier aussi les clichés que je peux conserver encore sur sa personnalité et son œuvre.

Marguerite de Crayencour dont le nom de plume sera Yourcenar, est née le 8 juin 1903 à Bruxelles d’un père français et d’une mère belge qu’elle perd quelques jours après sa naissance. Elle sera donc élevée par son père. Elle passe son enfance dans le château de famille du Mont-Noir, puis voyagera avec son père en France et en Belgique. Elle reçoit l’enseignement de professeurs particuliers et passe donc une enfance et une adolescence atypiques par rapport aux autres élèves de sa génération. Elle est pétrie de culture classique et humaniste –latin et grec et apprend l’italien et l’anglais.

Son père l’encourage à étudier mais aussi à devenir écrivain.

Elle commencera à publier des poèmes, dans un recueil intitulé « Le jardin des chimères », en 1921. Elle ne passe que la première partie de son baccalauréat latin-grec et voyage beaucoup en Europe. Elle semble avoir une jeunesse dorée, à l’abri des contraintes et bénéficier d’une grande liberté pour une femme de son temps. Son père semble avoir été très proche d’elle. Mais il meurt en 1929.*

Elle publie alors son premier roman « Alexis ou le traité du vain combat » qui sera remarqué par la critique. Ce roman épistolaire raconte l’histoire d’un jeune musicien de vingt-quatre ans qui décrit à son épouse le combat « vain » qu’il mène contre ses inclinations profondes qui le poussent vers l’amour des hommes. L’homosexualité n’est pourtant pas avouée, il faut la lire entre les lignes du récit.

Elle séjournera quelque temps en Grèce où elle découvrira l’œuvre du poète Constantin Cavafis qu’elle traduira. Elle en fera une présentation critique suivie d’une traduction de ses poèmes qui sera publiée chez Gallimard en 1958.

Suivront plusieurs romans, « Denier du rêve » en 1934, évoque l’an XI du fascisme de la Rome antique et les milieux antifascistes,  « Feux » en 1936 est un recueil de nouvelles proche de la poésie et rend hommage à la passion et au désir à travers des personnages légendaires tels que Sappho ou Antigone.

En 1937, elle se rend à Londres pour rencontrer Virginia Woolf puis traduit « Les vagues »  en français. Cette même année, elle fait la connaissance de Grace Frick, une américaine de son âge qui deviendra sa compagne et sa traductrice.

Elle publie ses « Nouvelles orientales » en 1938, recueil qui rassemble plusieurs nouvelles dont celle intitulée « Comment Wang-Fô fut sauvé ». « Le coup de grâce », est publié en 1939, et évoque encore une fois le destin d’un jeune homme tourmenté par son homosexualité. Ce thème revient fréquemment dans son œuvre mais souvent par le biais de l’homosexualité masculine qui n’est que suggérée.

En 1939 , lorsque la seconde guerre mondiale est déclaré, Marguerite décide de rejoindre sa compagne Grace aux Etats-Unis. Désormais sans ressources, elle doit prendre un poste de professeur.

A quarante-huit ans, elle connaîtra le succès public avec « Mémoires d’Hadrien », qui est la reconstitution à la première personne du destin de l’empereur romain Hadrien. Elle revient faire de fréquents séjours en France mais demeure la plupart du temps avec Grace Frick dans l’île des Monts-Déserts. Avec sa compagne, elle est très engagée dans les mouvements écologistes et la lutte pour les droits civiques. En 1964, elle publie une traduction des Negro Spirituals « Fleuve profond, sombre rivière ».

Elle travaille alors à grand roman « L’œuvre au noir », qui obtient le prix Femina en 1968.

Elle devient un écrivain important du XXe siècle avec une œuvre singulière. Le public français la connaît mieux, elle multiplie les interviews et publie les volumes de sa trilogie familiale, « Le labyrinthe du monde » qui comporte « Souvenirs pieux » (1974) et Archives du Nord (1977), le troisième volume restera inachevé « Quoi, l’éternité » et sera posthume.

Elle est la première femme reçue à l’Académie française le 22 janvier 1981 . Grace Frick est morte en 1979 des suites d’une longue maladie et Marguerite Yourcenar voyage en Afrique et en Asie. La mort la surprendra à son tour dans l’île des Monts-Déserts, le 17 décembre 1987.

Présentation critique de Constantin Cavafy suivie d’une traduction des Poèmes par M. Yourcenar et Constantin Dimaras, Paris, Gallimard, 1958 (réédition dans la collection poésie/Gallimard en 1978 et 1994)