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Le cœur battant de nos mères – Brit Bennett / Devenir mère ou pas – Découverte Festival America

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Le cœur battant de nos mères, The Mothers (2016), Brit Bennett, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, Autrement 2017 (J’ai Lu n°11977)

Le choix du titre en français est assez surprenant, car il induit des représentations qui ne sont peut-être pas tout à fait celles du roman, le titre en anglais est « Les Mères », car la question centrale du roman est bien de devenir mère ou pas. Il évoque des destins de femmes dont la dimension maternelle a été source d’interrogations, et de difficultés, voire d’impuissance. Le suicide, l’avortement, la difficulté à assumer ce rôle de mère sont au cœur du récit.

« L’avortement prenait peut-être un autre aspect quand c’était juste un sujet intéressant pour un article ou un débat autour d’un verre, quand vous n’imaginiez pas que cela pouvait vous atteindre. »

Le droit des femmes à disposer de leur corps et la question de l’avortement a été largement évoqué lors des débats du Festival America autour du Féminisme.

La narration est menée par un chœur, comme au sein de la tragédie, mais un chœur de Mères.

L’auteure avoue s’intéresser depuis longtemps au rôle des femmes au sein des Eglises, souvent cantonnées aux basses œuvres et rarement mises en avant. Elle a donc décidé de leur donner la parole, de les faire sortir de cet anonymat.

Nadia et Aubrey, les deux protagonistes de l’histoire vivent sans leur mère et se sentent trahies, abandonnées. Leur réponse va consister, par ricochet, à se mettre à distance de la maternité, par peur de devenir leur propre mère et de connaître la même fin tragique ou à conjurer le sort, devenir une mère autre. Deux alternatives que les deux personnages vont devoir choisir.

Le fait d’être membre d’une communauté religieuse va avoir une incidence sur leur vie de jeune femme en devenir. L’Eglise a été un refuge pour elles deux, elles y ont trouvé un soutien. Toutefois cette communauté fermée, et bienveillante, va devenir une force de répression, une force maléfique qui va aussi les juger.

Le chœur de Mères exprime aussi la frustration par rapport à toutes les épreuves qu’elles ont été amenées à vivre dans leur condition de femmes. Elles projettent inévitablement leurs souffrances passées sur la jeune génération.

La question de l’avortement est inévitablement traitée, et d’une façon qui m’a paru terriblement maladroite car le fœtus est toujours envisagé comme un bébé, et non comme un futur possible bébé et par conséquent les femmes assument une forme de culpabilité lorsqu’elles interrompent volontairement leur grossesse.

« Tu l’as tué ! » s’écrie un des personnages.

Le récit décrit une des manifestations contre l’avortement de l’Eglise, le Cénacle, à laquelle appartiennent Aubrey et Nadia :

« Notre manifestation n’avait duré que trois jours. (Non pas à cause de nos convictions chancelantes, mais à cause des militants qui nous avaient rejoints, le genre de Blancs complètement fous qui se retrouveraient un jour à la une des journaux pour avoir fait sauter des cliniques et poignardé des médecins. »

Quand au chœur, elles disent avoir toutes été mères dans leur cœur ou dans leur corps.

Une jolie ficelle qu’il suffirait de tirer…

Brit Bennett est diplômée de littérature à Stanford et fait partie des cinq meilleurs auteurs américains du National Book Award. Son roman a été finaliste de nombreux prix littéraires. Son dernier ouvrage , Je ne sais pas quoi faire des gentils Blancs, est paru chez Autrement. On la compare bien sûr inévitablement à Toni Morrison ( !).

Féminisme, le deuxième sexe (2) – La question de l’avortement aux Etats-unis, Festival Americia 2018

Dominique Chevalier : Leni Zumas, vous situez votre roman dans un futur quasi immédiat, où sont remis en cause, plus que gravement, d’une part l’avortement, et d’un autre côté, la procréation médicalement assistée.  Dans les années 70, c’était la lutte pour rendre l’avortement légal, est-ce que vous pouvez expliquer à un public français, qui ne comprend pas pourquoi la loi ayant été votée, du droit à l’avortement, pourquoi aux Etats-Unis, cette loi donne-t-elle l’impression d’être en permanence remise en cause ? En France, la loi qui a rendu l’avortement légal, a été voté en 1975, certes il y avait, et il y a toujours des opposants à l’avortement, mais personne sérieusement ne remet en cause la loi Veil. Expliquez comment ça fonctionne aux Etats-Unis, pourquoi du coup on a l’impression que c’est toujours remis en cause ? Le public français ne sait pas comment ça fonctionne aux Etats-Unis.

Il vise à donner les droits fondamentaux d’une personne, le droit à la propriété, le droit à la vie, à un simple embryon, un zygote, qui n’est composé que d’une seule cellule

Leni Zumas : Je faisais des recherches sur le traitement de la fertilité, c’est une problématique que j’avais rencontrée moi-même dans ma vie privée et j’ai découvert ce mouvement qui accordait le droit de , le statut de personne à l’embryon, j’ai vu ça sur des sites web, sur le New York Times, sur CNN, etc et ça m’a vraiment effrayée, et ce mouvement donnant le statut de personne, est aujourd’hui soutenu par le vice-président américain, Mike Pence,  et certains membres du congrès américain, et il vise à donner les droits fondamentaux d’une personne , le droit à la propriété, le droit à la vie,  à un simple embryon, un zygote, qui n’est composé que d’une seule cellule Qu’il soit l’équivalent et l’égal d’un citoyen à part entière, cela me dépasse complètement, je ne sais pas comment gérer ce genre d’informations. La peur et le choc que j’ai ressenti, en me disant que c’était horrible, me rappelle que le christianisme évangéliste qui existe aux Etats-Unis est très lié à cela. Il y a l’idée  que les croyances religieuses d’une ou de quelques personnes, permettent de décider pour les autres citoyens, donc ce ne sont pas seulement des critères évangélistes mais  une affaire d’hommes, les hommes ont décidé, ils disent « C’est moi qui décide, c’est moi qui gère le corps des femmes, les femmes ne sont qu’une propriété » et c’est une logique pernicieuse, une vraie honte.

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DC : Si un embryon a des droits, le supprimer, c’est forcément supprimer une vie, et c’est donc forcément, logiquement un meurtre, d’où mise ne cause de l’avortement bien entendu. Je voulais simplement faire un tout petit point d’explication. il se trouve que la loi qui donne la qualité de l’avortement aux Etats-Unis, n’est pas une loi qui a été votée par les deux chambres du congrès, c’est un arrêté de la Cour Suprême, c’est-à-dire une décision prise par les neuf juges de la Cour Suprême,. Il y a donc deux manières de faire des lois aux Etats-Unis, un système qui consiste à passer par les deux chambres de l’Assemblée, le Congrès et l’autre, puisque la Cour Suprême est la cour d’appel, lorsqu’une dispute sur un sujet quelconque vient à l’attention de la Cour Suprême des Etats-Unis, ils prennent une décision, un arrêté et cet arrêté a force de loi, sur laquelle elle s’est déterminée en 1973 et a été que, en effet, l’avortement était légal. Simplement lorsqu’un arrêté, a été pris par une cour suprême, cet arrêté peut quelque temps plus tard être remis en cause par un autre arrêté de la cour suprême, composé éventuellement de juges différents, de juges plus ou moins conservateurs, c’est ce qui s’est passé pour la peine de mort, il n’y avait pas de peine de mort aux Etats-Unis. Puis une autre cour suprême a décidé que ce n’était pas fédéral mais une affaire de chaque Etat, et du jour au lendemain 38 états ont rétabli la peine de mort, voilà, il y a des grands sujets comme ça, qui peuvent constamment être remis sur le tapis, parce qu’ils sont liés à des arrêtés de la cour suprême, d’où l’importance que prend la nomination d’un juge à la cour suprême, c’est une énorme affaire, nous retiendrons  parce qu’il y a un scandale en train de se mener en ce moment aux Etats-unis, par rapport à la nomination éventuelle d’un nouveau juge, on en parlera plus tard.je voudrais qu’on continue et demander à Jane, en particulier si elle peut rebondir sur ce qu’on était en train de dire sur la religion.

L’avortement, un sujet toujours aussi brûlant aux Etats-unis

Vivian Gornick : Je voudrais intervenir sur le sujet de l’avortement qui est très très compliqué : le contexte dans lequel j’ai grandi, c’est celui du féminisme des années quarante, cinquante, qui avait une vision très philosophique, existentielle, des sujets, et a été une grande, grande inspiration pour moi, et pour leur combat pour les droits de la femme , et ce que j’ai vu et ce dont j’ai été témoin  et continue à être témoin c’est que parfois il y a une immense, immense force qui est mise en œuvre pour beaucoup d’activisme et très peu de progrès, au final les choses deviennent peu de chagrin, et s’essoufflent. Par exemple, pour la génération précédente, leur grand combat a été celui du droit de vote des femmes, et c’est vrai que toute leur pensée a été à un moment concentrée autour de cette question, et c’est la même chose en fait pour l’avortement, on pourrait presque aujourd’hui résumer le combat pour le droit des femmes à la lutte pour l’avortement parce que c’est sujet majeur, ça touche certainement à quelque chose d’assez primitif, et que, en fait, tout comme le droit de vote, l’avortement est considéré comme non naturel pour les femmes. Il existe donc, aux Etats unis en tout cas, une droite chrétienne très mobilisée sur ces questions, qui en exploite les ressorts émotionnels, ils ont des positions extrêmement fermes, et très étayées. Bien sûr il y a la question du système des courts de justice, de la Cour suprême, le fait que le système américain fait que cette menace est toujours un peu suspendue au-dessus de nos têtes. Ce problème ne pourrait être réglé que si le sentiment général de la société évolue, s’il y a un vrai changement dans la morale. Moi-même je suis surprise que ça reste un sujet toujours aussi brûlant, toute ma vie et jusqu’à ma mort cela risque de le rester, et donc effectivement tout comme Leni, je suis surprise que ce problème ne soit toujours pas réglé ; les arguments sont tellement ancrés des deux côtés que le système judiciaire ne les fera pas changer tant que les sociétés n’auront pas progressé sur la question.

 

Les anges et tous les saints Julie Courtney Sullivan

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Les anges et tous les saints ( Saints for All Occasions)  – Julie Courtney Sullivan, 2017, Editions rue fromentin 2018, traduit de l’anglais (américain) par Sophie Troff (413 pages)

Je lis cette auteure depuis sa première édition en français, et ce magnifique roman, Les débutantes. Elle fait partie de mes affinités électives. Une forme de sororité. J’ai l’impression de comprendre ce qu’elle écrit, sa véritable profondeur, sa portée. J’ai l’impression qu’elle me rend meilleure.

L’épigraphe est de Margaret Atwood, « J’existe en deux endroits,

Ici et là ou tu es ((Corpse song)

C’était de bon augure.

Deux sœurs irlandaises de 17 et 21 ans, quittent leur Irlande natale, comme beaucoup d’irlandais souffrant de la misère, pour rejoindre Boston, Etats-Unis, où les attend Charlie le fiancé de Nora, la sœur aînée.

La vérité est-elle supportable, ou le secret permet-il d’épargner ceux que l’on aime ? Je me souviens de cette formule d’un de mes professeurs de philosophie, Mr Florenti, « Mentir c’est voler la vérité à quelqu’un ». Cela m’avait beaucoup impressionnée à l’époque. Cela me semblait si juste, si vrai !

Ce roman, encore une fois, décrit les ravages que provoquent les secrets de famille, et combien ils font souffrir ceux qui les détiennent.

Mais ici, ils sont du côté des femmes, en quelque sorte condamnées au secret car « l’époque dans laquelle naissait une femme déterminait ce qu’elle serait autorisée à devenir. »

On fait en cachette ce qui est interdit, on tait ce qui est défendu parce que c’est une question de survie sociale. Il fallait parfois payer un prix trop élevé pour avoir le courage de vivre librement et selon ses convictions.

Surtout dans la communauté catholique irlandaise où sont convoqués les saints pour chaque occasion de la vie, et où les règles et les principes tirés de la Bible valent comme seule morale possible. La transgression pouvait conduire à la mort (physique ou symbolique). Les hommes sont plutôt soumis à l’alcoolisme.

C’est aussi un roman sur une mère incapable d’exprimer ses émotions ou ses sentiments, pour laquelle le sacrifice est une valeur fondatrice. Les générations successives feront cependant le chemin qui reste à parcourir en matière d’émancipation.

Une autrice à découvrir si vous ne la connaissez pas encore.

Festival America 2018 – John Irving – lutter contre les discriminations sexuelles

JDescription de cette image, également commentée ci-aprèsohn Irving est une  grande figure, littéraire mais surtout un artiste, une personne, un homme fabuleux. La Grande Librairie , ce soir, mercredi 19 septembre, fêtera en sa compagnie les quarante ans de « Un monde selon Garp » véritable manifeste pour l’émancipation des femmes. Il sera également l’invité d’honneur du Festival America à Vincennes.

John Irving Cologne 2010, photo wikipedia

Il est l’invité d’honneur de cette 9e édition du Festival AMERICA de Vincennes à l’occasion de la réédition du Monde selon Garp par les éditions du Seuil (sortie le jeudi 20 septembre 2018, traduction Maurice Rambaud).

Les événements du festival autour de l’auteur :

Jeudi 20 septembre
18h : Cérémonie d’ouverture (Auditorium Cœur de Ville)

Vendredi 21 septembre
Après-midi : Café des Libraires (Salle des fêtes de l’Hôtel de Ville)
17h : Séance de dédicaces

Samedi 22 septembre
17h : Le Temps des écrivains, émission spéciale France Culture, animé par Christophe Ono-dit-Biot en direct de l’Hôtel de Ville de Vincennes.
18h : Conversation autour du métier d’écrivain et de la naissance des romans avec John Irving, Kevin Hardcastle et Nathan Hill (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
21h : L’Amérique de John Irving, rencontre animée par François Busnel, en partenariat avec le magazine America (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
22h : Projection du film Le Monde selon Garp de George Roy Hill

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« Jenny Fields ne veut pas d’homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d’écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n’est jamais loin. Un livre culte, à l’imagination débridée, facétieuse satire de notre monde.Né en 1942, John Irving est l’un des plus grands romanciers américains de sa génération. Le Monde selon Garp, partiellement autobiographique, a connu un succès mondial et a été porté à l’écran » Editeur

Au pays de Donald, « La servante écarlate » relève la tête !

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Margaret Atwood – La servante écarlate (The Handmaid’s tale), Pavillons poche Robert Laffont, 2017, traduit de l’anglais (Canada) par Sylviane Rué

Il est particulièrement intéressant de lire ou de relire aujourd’hui « La servante écarlate » de Margaret Atwood, à la lumière de l’histoire récente des Etats-Unis, et des manifestations qui ont eu lieu pour protester contre les restrictions au droit à l’avortement, suivant la politique menée par Donald Trump, dans certains Etats américains ( Voir les photos ici)

Et l’auteure de rappeler la fondation profonde des Etats-Unis sur « la brutale théocratie de la Nouvelle Angleterre puritaine du XVIIe siècle, avec ses préjugés contre les femmes » et sa résurgence dans une certaine frange chrétienne extrémiste du Parti Républicain.

Pour ceux qui n’auraient pas encore lu l’histoire ou vu la série (saison 1 dirigée par Reed Morano sur un scénario de Bruce Miller, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, tournée entre septembre 2016 et février 2017 ), « La servante écarlate » est une dystopie situant le nouveau régime de la république de Gilhead, fondée par des fanatiques religieux, aux Etats-Unis. A la suite d’une chute de la fécondité due à la pollution et aux maladies sexuellement transmissibles, les quelques femmes encore fertiles sont réduites au rang d’esclaves sexuelles auprès des notables du régime. Defred, « servante écarlate » parmi d’autres n’a plus le droit ni de lire, ni de travailler, et ne possède plus rien.

Ce qui fait la force du régime, c’est son organisation : les femmes y sont surveillées et contraintes par des femmes, parmi elles certaines sont croyantes et persuadées du bien-fondé d’un tel régime.

Ce n’est pas sans rappeler le débat qui fait rage aux Etats-Unis et ailleurs entre les féministes essentialistes (considérées par beaucoup comme des antiféministes) et les autres, l’expérience de la maternité étant pour les premières la source essentielle du pouvoir féminin et ce qui les définit (l’éthique du care) ; dans cette optique, la contraception et l’avortement feraient obstacle au cycle naturel du corps féminin (et donc à son destin).   D’ailleurs, Defred le dit ainsi en s’adressant intérieurement à sa mère : « Tu voulais une culture de femmes. Et bien, la voici. »

Mais Margaret Atwood, ne fait pas de son héroïne, une simple héroïne féministe, cela va bien au-delà, en ce sens que la structure pyramidale du pouvoir, concentre hommes et femmes dans les strates supérieures – même si les hommes ont une réelle suprématie – de la même manière qu’en ces couches inférieures, existent des hommes et des femmes pareillement dépossédés d’une partie importante de leur liberté.

Elle rappelle en cela que toutes les femmes ne sont pas féministes, et que cela a été le principal obstacle à l’émancipation des femmes. Certaines se satisfont d’un rôle subalterne en échange du confort et de la sécurité. Bref, cela est un autre débat, forcément très politique et …polémique.

Vous comprendrez pourquoi « La servante écarlate » s’est vendu et continue à se vendre, à des millions d’exemplaires dans le monde entier, devenant une « sorte de référence pour ceux qui écrivent à propos d’évolutions politiques visant à prendre le contrôle des femmes, particulièrement celui de leur corps et de leurs fonctions reproductrices » (page 513).

Margaret Atwood est pressentie depuis plusieurs années pour le Prix Nobel de Littérature, elle est une des auteures majeures de la littérature de notre temps.

Une nouvelle héroïne de polar : Constance Kopp

 

Les héroïnes de polar n’ont qu’à bien se tenir car une nouvelle venue pourrait bien les détrôner manu militari. Il s’agit de Constance Kopp, créée par l’américaine Amy Stewart (libraire de son étét), à partir d’un personnage ayant réellement existé.

Elle est née à Brooklyn en 1878,  était assez grande pour une femme de l’époque car elle mesurait 1,75 m et pesait près de 90 kilos. De quoi impressionner, vous l’avouerez !

Elle parlait couramment le français et l’allemand. Elle ne voulait pas se marier car cela l’aurait contrainte à rester à la maison.

Elle aurait affirmé ainsi son indépendance : “Some women prefer to stay at home and take care of the house. Let them. There are plenty who like that kind of work enough to do it. Others want something to do that will take them out among people and affairs. A woman should have the right to do any sort of work she wants to, provided she can do it.”

Elle devient en 1915, « la terreur des voyous et des scélérats avec arme et menottes » mais ne possède pas d’insigne de sherif car de fortes résistances s’opposent à sa nomination.  L’époque est passablement misogyne et la place d’une femme est dans son foyer.

La littérature change de plus en plus, et de manière heureuse. Les héroïnes, ne sont plus les jeunes souffreteuses du XIX siècle, elles possèdent force de caractère et désir d’indépendance. Et cela se traduit particulièrement dans le monde du polar que les femmes investissent de plus en plus et dans lequel elles excellent.

Trois tommes ont été pour l’instant publiés :

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Folie d’une femme séduite, Susan Fromberg Schaeffer/ Attention pépite !

Folie d’une femme séduite, Susan Fromberg Schaeffer (1983), Presses de la renaissance 1985 pour la traduction française, Belfond 2011 et Pocket 15 013, 1076 pages de ce livre

Ce roman est une pépite dans l’histoire de la littérature et des femmes. Non seulement il est extrêmement bien écrit et traduit mais il est aussi d’une intelligence rare dans la mise en place des situations, la psychologie des personnages et la construction du récit. Sans parler de la documentation fouillée, et précise, sur la vie de cette époque. D’autre part, il garde son souffle tout au long des 1076 pages de l’édition de poche. Ce qui n’est pas la moindre de ses prouesses ! Je ne pense pas qu’une ligne de ce récit soit inutile. Je remercie Nadège  de m’avoir donné envie de le lire, car c’est la force de ce réseau qu’est la Toile pour les blogueurs que nous sommes : partager ses lectures et ses passions.

Ce roman est tiré d’une histoire vraie qui défraya la chronique au tournant du XXe siècle. Il décrit avec beaucoup de maîtrise la passion amoureuse dévastatrice d’une jeune fille fragile et tourmentée, en même temps que les débuts de la psychanalyse avec Breuer et Freud (Moins connu que Freud, il est à l’origine du traitement de l’hystérie par la méthode cathartique) à travers le personnage très finement campé d’un aliéniste dans le roman qui tente de mettre en œuvre les méthodes de ses illustres contemporains.

Agnès Dempster est une enfant tourmentée, rejetée par sa mère, et née en ce XIXe siècle d’une grande intolérance pour les femmes. Condamnées à des travaux souvent ingrats, la plupart du temps ménagers, les femmes n’ont d’autre choix que de se marier et d’enfanter pour échapper à leur propre famille, ou/et à se réfugier dans l’idéal d’un amour absolu et romantique, fantaisie souvent nourrie par les romans sentimentaux de l’époque. Les femmes de ce roman sont la proie de terribles frustrations qui les poussent parfois à adopter des conduites dépressives ou hystériques que la société dans laquelle elles vivent condamne sans pitié. Elles doivent retourner et rester dans le rang. On peut dire que cette société rend malades les femmes. Et les femmes de la famille Demptster, mère et grand-mère ne sont pas une exception, et souffrent de variations de l’humeur, de moments de dépressions qui ne sont guère compris par leur entourage. Leurs maris sont plutôt gentils (même s’ils ne font pas la cuisine et le ménage !) mais complètement dépassés par les sautes d’humeur de leur femme. Quant à Frank Holt, objet de la passion d’Agnès, on comprend qu’il étouffe sous un amour aussi pesant. Et c’est l’une des forces de cerroman que de ne condamner ni les uns ni les autres mais au contraire d’analyser les ressorts de tout un système patriarcal qui, au fond, ne laisse personne indemne.

Ce roman rappelle les personnages d’ Emma Bovary, Tess d’Urberbille et ceux des Hauts de Hurlevent. La passion y est portée à son paroxysme faisant de son héroïne une femme obsessionnelle, incapable de vivre pour elle-même, et d’une jalousie dévorante. Une femme dont le corps et la tête ont opéré un irrémédiable divorce qui vont la conduire à la folie et au crime (On le sait très vite au début du roman).

Biagraphie de l’auteure sur le site de l’éditeur : « Née en 1941 à New York, diplômée de l’université de Chicago avec une thèse sur Vladimir Nabokov, poète, nouvelliste, romancière, professeur et journaliste, Susan Fromberg Schaeffer est considérée comme un auteur de tout premier rang dans la fiction américaine contemporaine. Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix, parmi lesquels une sélection au National Book Award for Poetry. Collaboratrice régulière du New York Times Book Review, elle a enseigné pendant plus de trente ans la littérature américaine au Brooklyn College. » Elle est décédée le 26 août 2011.

Rebecca Wells   Les divins secrets des petites yayas

HT LIVRE - OCCITANIE : Les divins secrets des petites ya-ya de Rebecca ...

Rebecca Wells   Les divins secrets des petites yayas , traduit de l’anglais par Dominique Rinaud, Belfond 1998, Charleston 2016

Ce roman est un de ceux que l’on n’oublie pas. Les détails peuvent s’estomper, certains éléments du récit paraître anecdotiques, l’essentiel garde toute sa virulence. Pourtant, il faut beaucoup avancer dans la lecture avant que les événements soient révélés, ou que l’on soupçonne la violence qui semble tapie dans les pages, comme une bête prête à bondir.

Pourquoi Siddy accuse-t-elle sa mère de l’avoir maltraitée, c’est ce que prétend la journaliste qui l’a interviewée, alors qu’elle est au faîte de son succès. Sa pièce « Femmes à l’aube d’un jour nouveau » lui apporte la renommée mais cet éclairage soudain n’est pas sans quelques inconvénients.

Peut-on aimer un parent qui vous maltraite, d’ailleurs où commence la maltraitance, les sévices corporels ? Les traditions dans ce domaine varient selon les contrées et les époques. Ils étaient prônés dans l’éducation comme quelque chose de nécessaire et faisaient partie de la panoplie de l’éducateur. L’Ancien Testament prête au roi Salomon « Qui épargne la baguette hait son fils, qui l’aime prodigue la correction. » Il fallait répondre à une violence par une autre et endurcir l’âme autant que le corps. Ils ont été interdits relativement tardivement dans certains pays.

Pourtant cette violence institutionnalisée a été meurtrière, et les enfants martyrs sont encore trop nombreux. En 2008, l’Aide sociale à l’enfance estimait à 19 000, le nombre d’enfants victimes de mauvais traitements en France. Dans 90% des cas, ces violences leurs sont infligées par des membres de leur propre famille.

Revenons à notre livre, Siddy a-t-elle été une enfant martyr ? Elle part faire une retraite sur une île alors que sa mère refuse désormais de la voir et reçoit un paquet des petites yayas, nom cajun donné aux amies intimes de sa mère Vivi, qui vont tenter de renouer les relations entre la mère et la fille. Elle va découvrir les souffrances et la jeunesse de cette mère qui l’a tant blessée et remonte le cours de son enfance à travers ses souvenirs et ceux des ya-yas.

Dans ce roman, règne toujours l’ambivalence des sentiments, comment pardonner à un parent qui a failli vous tuer ? Je ne sais pas moi si je pourrais donner la réponse qui est celle du livre. Livre bouleversant et profond.

Et plus bouleversant encore, à peine le livre publié, l’auteure a dû se battre contre les symptômes de la maladie de Lyme.

Un livre puissant, à lire.

Un film en a été tiré dont la critique a été très mitigée

Zora Neale Hurston

Author Zora Neale Hurston

Grâce à CultURIEUSE, je me suis procuré enfin « Une femme noire » de Zora Neale Hurston. Née en janvier 1901, dans une petite ville du Sud, elle est considérée par de nombreuses femmes de lettres afro-américaines, Toni Morrison, Paule Marshall et Alice Walker entre autres, comme l’initiatrice, celle par qui tout a été rendu possible. Première femme noire anthropologue, elle a participé au mouvement « Harlem renaissance » qui a initié un renouveau de la littérature et de l’art. La littérature écrite par les femmes noires a un intérêt particulier : elle permet de redéfinir la culture propre en dehors des critères des « Blancs » dominants dans un monde régi par les lois ségrégationnistes, mais aussi de s’élever contre l’oppression masculine. Ces femmes ont une singulière énergie car elles se battent sur plusieurs fronts à la fois. Elle puise dans la littérature orale, et célèbre une culture populaire sans s’appesantir  sur l’amertume de la communauté noire face à l’exclusion et à la violence. Elle utilise l’écriture phonétique pour rendre le rythme particulier du « black speech », et volontiers lyrique, s’appuie sur les dialectes du sud riches d’une grande variété de nuances entre le parler des villes, le patois des campagnes et le jargon des ouvriers.

« Une femme noire » est considéré comme le premier véritable roman féministe de la littérature afro-américaine. Il exalte « la richesse et l’authenticité des traditions noires » et symbolise « la descente en soi-même », selon Françoise Brodsky. Elle poursuit ses études grâce à une bourse pour Barnard College et devient la première Noire anthropologue. Elle célèbre dans ses écrits la beauté noire du « Black American », influencée par le blues, les contes populaires et les negro spirituals.

Elle étudie, à partir de 1927, le folklore des Noirs du Sud et un an plus tard, part à la Nouvelle Orléans, essaie de pénétrer les arcanes de la culture vaudou en étant initiée elle-même. Suite à ces différents travaux, elle publie « Mules and Men », un recueil de folklore. Puis ce sera un premier roman inspiré de la vie de ses parents, « Jonah’s Gourd Vine ». Ce n’est qu’en 1936, alors qu’elle se rend à la Jamaïque et Haïti pour enquêter à nouveau sur le vaudou, qu’elle rédigera « Une femme noire ».

Quelques années plus tard, en 1942, elle publie son autobiographie « Dust tracks on a road. « . Fait marquant, elle publiera en 1959, « Seraph on the Sunwanee », qui pour la première fois met en scène des personnages blancs.

Elle mourra  des suites d’une attaque en janvier 1960. En 1972, Alice Walker (la couleur pourpre) lui rendra hommage en faisant poser une pierre tombale à l’endroit supposé de sa tombe.

Zora Neal Hurston: An Introduction to the Supreme – Literary Others ...

Source : informations données par Françoise Brodsky dans sa préface.

A quiet passion -Emily Dickinson – You’re alone in your rebellion, Mrs Dickinson… /sortie le 036 mai 2017

Lorraine Hansberry – première femme afro-américaine dont la pièce a été jouée à Broadway

Lorraine Hansberry, que j’ai découverte lors du documentaire consacré à James Baldwin sur Arte (magnifique !) est la première femme noire américaine dont la pièce ( A raisin in the sun) en 1959 a été jouée à Brodway.

« Raisin in the Sun de Lorraine Hansbury, prend son titre du célèbre poème de Langston Hughes « A Dream Deferred », dont le thème fait écho dans toute la pièce. Dans un petit appartement à Chicago dans les années 1950, les membres de la famille Younger, une famille afro-américaine, ont chacun de grands rêves de quoi faire avec l’argent d’assurance-vie qu’ils vont recevoir du passage de Big Walter. Pour certains membres de la famille, leurs rêves ont été reportés, «différés», pendant des années; Pour d’autres, il ya des obstacles qu’ils doivent surmonter pour poursuivre leurs rêves. »a consulter, source

Va et poste une sentinelle – Harper Lee / La fin d’une idole

Va et poste une sentinelle. Harper Lee - Decitre - 9782253068785 ...

Harper Lee, Va et poste une sentinelle Le livre de poche Editions Grasset &Fasquelle 2015 ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierrre Demarty

La publication du deuxième roman d’Harper Lee a fait l’effet d’une bombe dans le milieu de  l’édition américaine, mais aussi plus largement dans la société où « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » (To kill a mocking bird), unique roman de l’auteure était devenu un roman national mettant en scène la lutte pour les droits civiques de la population noire américaine à travers le personnage d’Atticus Finch, courageux et intègre homme de loi commis d’office dans la défense d’un Noir accusé d’avoir violé une Blanche dans une petite ville d’Alabama, Maycomb, au temps de la Grande Dépression. La narratrice, Scout Finch, fille d’Atticus était confrontée à l’injustice et la violence dans une société profondément raciste. Toute l’histoire était racontée du point de vue d’un enfant.

Dans ce deuxième roman, on retrouve Jean Louise Finch une vingtaine d’années après. Elle vit désormais à New York où elle poursuit ses études et revient pour les vacances dans la ville de son enfance. Chronologiquement ce roman a lieu après « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » mais il semble avoir été écrit avant et proposé à un éditeur qui aurait conseillé certains ajustements. Une vive polémique a eu lieu au moment de la sortie du livre en 2015, après la mort de la sœur de l’auteure qui s’occupait des intérêts de Nelle Harper. Le précédent livre s’était vendu à des millions d’exemplaires et avait reçu, l’année suivant sa publication, en 1961, le prix Pullitzer avant d’être adapté au cinéma par Robert Mulligan, puis oscarisé à travers la personne de Gregory Peck.

Dans ce second opus, où l’on retrouve à peu près les mêmes personnages, le héros a pris du plomb dans l’aile, sa fille découvre qu’il lit un pamphlet raciste et qu’il siège, aux côtés de personnages nauséabonds, dans un Conseil de citoyens qui lutte pour préserver la suprématie blanche.

Que va faire notre héroïne ? Voilà tout l’intérêt de ce roman, beaucoup moins lisse que le précédent, peut-être plus plausible, où Scout Finch apparaît comme la nouvelle génération capable de faire évoluer un sud profondément traditionaliste.

A vrai dire, ce roman n’a pas les qualités techniques du premier, l’intrigue aurait gagné à être davantage resserrée et j’ai parfois été gagnée par l’ennui avant d’être franchement passionnée par le dernier tiers où l’affrontement entre le père et la fille donne tout son sel au roman.

Il est vraiment dommage que l’auteure, écrasée par son succès, n’ait pu continuer à écrire, elle aurait pu produire d’autres chef-d ’œuvres.

A lire…

Ne tirez pas…

Céline Minard – Faillir être flingué

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Céline Minard Faillir être flingué Rivages poche, 2013, Editions Payot & Rivages

Prix du Livre Inter 2014

Céline Minard revisite le mythe de l’Ouest américain et la confrontation de deux mondes celui des Blan,cs et des Indiens, à travers des personnages atypiques et attachants. Elle n’élude pas la violence des colons, ne fait pas des Indiens uniquement des martyrs, mais brosse des portraits vivants de ces parias qui quittèrent la vieille Europe pour tenter leur chance dans ce Nouveau Monde. Ce n’est pas exactement le début de la colonisation, les Indiens élèvent les chevaux, guerroient entre tribus ennemies, commercent avec les Blancs et conservent encore une grande partie de leurs terres.

Dans cette nature sauvage composée de grandes prairies, de montagnes et de forêts, tous les destins convergent vers une ville naissante. Celui d’Eau-qui-court-sur-la-plaine, une indienne dont tout le clan a été décimé, qui rencontre Brad, Jeff et le fils de Brad, Josh, celui de Bird Boisvert , ancien cow-boy reconverti dans l’élevage de mouton, Sally, tenancière de saloon qui n’a pas froid aux yeux et sait manier le colt aussi bien qu’un homme, de Zébulon, au passé mystérieux et tourmenté, qui transporte de mystérieuses sacoches, sans compter Elie Coulter, voleur de chevaux au caractère intrépide, et Gifford, ancien médecin repenti, n’aimant rien tant que contempler la nature sauvage et dessiner les oiseaux.

Ce western est une ode à la nature sauvage et aux grands espaces, une ode contemplative, dont Eau-qui-court-sur-la-plaine est l’élément le plus poétique : « Eau-qui-court-sur-la -plaine n’avait pas de parents, ils avaient brûlé. Eau-qui-court-sur-la -plaine n’avait pas de wigwam, il s’était déchiré. Pas de provisions, elles avaient roulé. Pas de pleurs, ils s’étaient asséchés. »

Elle est le symbole de la rencontre de ces mondes, elle n’a pas un seul peuple mais plusieurs, et veille, guérit, soigne les colons, pour finir par être respectée de tous.

Un livre et des destins auxquels on s’attache. Un bon livre. Beaucoup plus qu’un livre de genre.

David Ebershoff – Danish girl

Danish girl de David Ebershoff traduit de l’américain par Béatrice Commengé , 200, et 2001 pour la traduction française, Editions Stock Collection poche Libretto, n°401

Vignette Les hommes sont des femmes comme les autresQu’est-ce qu’être un homme, ou une femme ? Pourquoi en certains êtres le sexe psychique ne correspond-il pas au sexe biologique ? Et pourquoi est-il si difficile parfois de respecter les limites étroites assignées à chaque sexe ? Cette assignation d’une identité sexuelle a des conséquences que personne n’ignore : des statuts et des rôles bien différents sont attribués à chaque sexe auxquels il doit  se conformer sous peine d’être exclu du groupe social.

A Copenhague, en 1925, Einar Wegener et Greta Waud sont mari et femme et tous deux peintres. Un jour Greta, en l’absence de son modèle, demande à Einar de revêtir une robe et des bas et de poser pour elle. Einar est troublé, et de cette confusion naît Lili, qui petit à petit va prendre la place d’Einar.

Einar se sent femme, d’ailleurs lorsque Lili paraît, tous les regards masculins se tournent vers elle.

Il va devenir le premier homme à changer physiquement de sexe. Einar Wegener deviendra Lili Elbe.

Les études sur le genre ont démontré que nous avons tous tous cinq identités sexuelles : chromosomique, anatomique, hormonale, sociale et psychologique qui coïncident ou non, révélant des identités ambiguës ou hybrides. C’est le cas de l’intersexualité.

Le chirurgien chargé d’opérer Einar découvrira que celui-ci possède des ovaires. En fait la confusion des genres que ressent Einar est confirmée par son intersexualité. Il est une personne de troisième sexe. Il est à noter que l’Allemagne depuis le 1er novembre 2013 est devenue le premier pays à donner le droit d’inscrire la mention « sexe indéterminé » sur le certificat de naissance d’enfants nés intersexuels afin de ne pas les condamner au choix d’une chirurgie corrective qui gommerait définitivement les caractéristiques biologiques de l’un des sexes.

Cette question de l’identité est passionnante parce qu’elle est au cœur de toute vie d’Homme.

Le roman est très bien écrit et se lit d’une traite, l’intrigue ménage savamment le suspense et ferre le lecteur. Un très bon moment de lecture…

  

Lili Elbe vers 1920                                              en 1926 (Photos Wikipédia, licence creative commons)

Harper Lee gardera son mystère jusqu’au bout…

Harper Lee est décédée hier, le vendredi 19 février 2016 à l’âge de 89 ans. Née le 28 avril 1926, elle aura écrit un unique roman : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » qui sort en 1960 et devient un énorme succès.

Elle déclarait en 1964, à la radio : « Je ne m’attendais pas au succès avec ‘l’Oiseau moqueur’. J’espérais tout au plus que la critique m’inflige une mort rapide et douce, mais, en même temps, j’espérais quand même que quelqu’un l’aimerait assez pour m’encourager à poursuivre. J’ai plutôt obtenu un énorme succès, et à bien des égards ça a été aussi effrayant que la mort rapide et douce à laquelle je m’attendais.»

Tout le monde attendit, en vain, un autre livre mais le succès avait visiblement tari toute créativité chez l’écrivain. En février 2015, sort un deuxième livre « Va et poste une sentinelle » qui s’avère être un des volets  de la trilogie dont «Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur» aurait été le premier tome..

Description de cette image, également commentée ci-après                                                     Photo wikipédia – Licence creative commons

 

« Jean Louise Finch, dite « Scout », l’héroïne de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, est de retour vingt après dans sa petite ville natale de l’’Alabama, Maycomb, pour rendre visite à son père Atticus. Elle a vécu longtemps à New York, et son regard a changé. Elle va découvrir chez ses proches des aspects qu’elle n’attendait pas. Va et poste une sentinelle est le deuxième roman de Harper Lee, mais fut écrit avant « Ne tirez pas sur l’’oiseau moqueur » .

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La grande maison – Nicole Krauss

La grande maison

Nicole Krauss – La grande maison – Editions de l’Olivier- 2011

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Paule Guivarch

Les personnages de cette histoire sont liés par un lien invisible et leurs destins vont se croiser à la faveur des migrations d’un mystérieux objet. Les soubresauts de l’Histoire accompagnent Lotte Berg dans sa fuite hors de l’Allemagne nazie vers l’Angleterre. Nadia, en mal d’inspiration, part en Israël à la recherche d’un bureau pour écrire. Isabel, une américaine, vient étudier à Oxford et rencontre Yoav, fils d’un antiquaire, juif errant qui va de ville en ville, d’un pays à un autre, depuis la mort de sa femme. A Jérusalem, un père écrit à son fils et tente de briser le mur d’incompréhension qui s’est élevé entre eux au fil des années.

Au fond, nous sommes tous reliés les uns aux autres. Nos destins individuels sont façonnés par l’Histoire. Il est toujours stupide de l’ignorer. La dimension politique des actes individuels est le lien qui nous unit. Ce que l’un fait se répercute sur l’autre. L’indifférence à l’autre, l’oubli du bien commun et de l’intérêt collectif sont à la racine du mal. Même l’amour, épris de singularité, possède une dimension politique car il ne peut se vivre en dehors de la société dans laquelle il naît et se développe. L’Holocauste brisa les liens familiaux, et fut à l’origine de nouvelles migrations et de la création de l’Etat d’Israël.

Quel est le lien de l’écriture avec l’Histoire ? Pourquoi chacun de ces personnages écrit-il ? Le pouvoir de l’écriture n’est-il pas une illusion ? Que doit-on être prêt à sacrifier à ce pouvoir démiurgique ? L’écriture peut-elle nous aider à nous reconstruire ? Telles sont les questions au cœur de ce récit que j’ai parfois trouvé un peu long et bavard, plus dans la démonstration que dans l’émotion si l’on excepte la lettre du père à son fils. La forme et le projet sont vraiment intéressants, la narration souvent intelligente mais pour moi la rencontre n’a pas eu lieu.