Archives pour la catégorie Poétesse française

Louise Colet (1810-1876) L’histoire d’une vie

Louise Colet

Louise Colet – L’histoire d’une vie, née Revoil, femme de lettres française (Aix-en-Provence, 15 août 1810 – Paris, 8 mars 1876)

Les femmes et l'ecriture 3Élevée dans le château de Servanne près d’Aix-en-Provence, elle épousa le flûtiste Hippolyte Colet. Ils vinrent habiter à Paris où son mari devint professeur au Conservatoire. Elle se sépara de lui en 1847 et il mourut en 1851 . Elle tint un salon, rue de Sèvres, qui devint un véritable foyer littéraire grâce à l’influence de celui qui deviendra son amant en 1839, Victor Cousin, dont elle aura un enfant. Il intervint pour que soit triplée sa pension et obtenir pour elle de nouvelles récompenses. Écrivain , elle fut plus connue de ses contemporains « pour ses émois que pour ses œuvres » selon la formule de Rémy de Gourmont. Ravissante, ambitieuse, intrigante, elle défraya souvent la chronique par ses liaisons avec des noms connus de l’époque (Musset, Vigny, Villemain, Champfleury mais aussi Flaubert de 1846 à 1854 (voir correspondance de celui-ci).
Elle n’avait pas froid aux yeux, et à celui qui osa se moquer de sa liaison avec Victor Cousin, elle planta un couteau entre les deux omoplates. On dit qu’elle inspira à Flaubert son personnage de Mme Bovary. Elle le rencontra en 1846 chez le sculpteur Pradier et le reçut Rue de Sèvres après son voyage en Orient avec Emile Girardin, Michel de Bourges, Hugo, Vigny, Leconte de Lisle, Musset.
Elles fut couronnée pour « le monument de Molière » (1843), la Colonie de Mettray (1852) et l’Acropole d’Athènes (1854).

Ses recueils Fleurs du midi (1836), Le Cœur des femmes (1853-1856), lui valurent un certain succès et elle reçut de la part du ministre de l’Instruction publique une pension de 400 livres,  Elle fut aussi l’auteur d’ouvrages de voyage comme Promenades en Hollande (1859) et elle a édité les Lettres de Benjamin Constant à Mme Récamier (1864). Elle a collaboré à une traduction de Shakespeare et écrit pour le théâtre. Mais ses pièces furent rarement acceptées par les directeurs de théâtre et elle dut écrire des ouvrages pour enfants et collaborer à des journaux. (Le Monde illustré, la Revue de Mode, les Modes parisiennes, le Moniteur universel, le Messager de paris, et la Presse, l’Evènement.

1857 : Quarante-cinq lettres de Béranger et détails sur sa vie.
1862-1864 : L’Italie des Italiens

Après un voyage sur le Nil (elle a assisté à l’inauguration du canal de Suez), elle écrivit un feuilleton, Le Pays lumineux qui paraîtra dix ans plus tard.
Ses romans : Une histoire de soldat (transposition romanesque de ses amours avec Flaubert), Lui, roman contemporain, Un drame dans la rue de Rivoli

Elle fut davantage reconnue comme poète. Luce Czyba lui reconnaît un certain talent « En exprimant la nostalgie du paradis perdu de l’enfance, en signifiant la douleur de l’exil et de la solitude […], (elle) parvient parfois à faire entendre l’inflexion d’une voix singulière. » (in Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté.)

On redécouvre aujourd’hui ses œuvres. Elle souffrit à l’instar d’autres femmes de lettres de sa réputation de légèreté. Les œuvres d’une femme n’étaient pas toujours jugées sur leur valeur intrinsèque mais aussi sur la moralité supposée de leur auteure.

J. de Mestal-Cambrement, la belle Madame Colet, Paris 1913, R. Dumesnil, Le Grand amour de Flaubert, Paris 1945, Dictionnaire des Femmes célèbres, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Bouquins Robert Laffont, Femmes poètes du XIXe siècle, Une anthologie, sous la direction de Christine Planté.

Hirondelle : Louise Michel

Louise_Michel

 

Hirondelle qui vient de la nue orageuse
Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le-moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?
Écoute, je voudrais m’en aller avec toi,

Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs.

Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.

Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.

Louise Michel

Louise Michel, née le 29 mai 1830 à Vroncourt-la-Côte (Haute-marne) et morte le 9 janvier 1905 à Marseille alias « Enjolras », est une militante anarchiste et l’une des figures majeures de la Commune de Paris. Première à arborer le drapeau noir, elle popularise celui-ci au sein du mouvement anarchiste.

Préoccupée très tôt par l’éducation, elle enseigne quelques années avant de se rendre à Paris en 1856. Là, à 26 ans, elle développe une activité littéraire, pédagogique, politique et activiste importante et se lie avec plusieurs personnalités révolutionnaires blanquistes du Paris des années 1860. En 1871, elle participe activement aux événements de la Commune de Paris, autant en première ligne qu’en soutien. Capturée en mai, elle est déportée en Nouvelle-Calédonie où elle s’éveille à la pensée anarchiste. Elle revient en France en 1880, et, très populaire, elle multiplie les manifestations et réunions en faveur des prolétaires. Elle reste surveillée par la police et est emprisonnée à plusieurs reprises, mais poursuit inlassablement un activisme politique important dans toute la France jusqu’à sa mort à l’âge de 74 ans. (source Wikipédia)

 

Baise m’encor, rebaise-moi et baise de Louise Labé

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Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.

Louise Labé

Poème découvert grâce à Anne du blog « Des mot et des notes »

Il faut lire et relire cette magnifique poétesse, une des plus belles plumes féminines…

Il y a de fortes polémiques autour de l’existence de cette poétesse du XVI e siècle.  Murielle Huchon notamment pense qu’elle est la création d’un groupe de poètes autour de Maurice Scève. Quant à moi je préfère croire que la belle Louise, qui décrit si bien les tourments de la passion féminine a bien existé !

A la bien-aimée de Renée Vivien

Renee-Vivien

Vous êtes mon palais, mon soir et mon automne,
Et ma voile de soie et mon jardin de lys,
Ma cassolette d’or et ma blanche colonne,
Mon parc et mon étang de roseaux et d’iris.

Vous êtes mes parfums d’ambre et de miel, ma palme,
Mes feuillages, mes chants de cigales dans l’air,
Ma neige qui se meurt d’être hautaine et calme,
Et mes algues et mes paysages et mer.

Et vous êtes ma cloche du sanglot monotone,
Mon île fraîche et ma secourable oasis…
Vous êtes mon palais, mon soir et mon automne,
Et ma voile de soie et mon jardin de lys.

Renée Vivien (1877 – 1909)
A l’heure des mains jointes, 1906

Renée Vivien est le pseudonyme de Pauline Mary Tarn, américaine par sa mère  et  britannique par son père.  Elle voyagea beaucoup à travers le monde délivrée des soucis matériels par l’héritage qu’elle reçut de son père..

Elle eut une longue liaison avec la richissime baronne Hélène de Zuylen, pourtant mariée et mère de deux fils.

Alors qu’elle était toujours avec Zuylen, elle entama une liaison clandestine et passionnée avec Kérimé Turkhan Pacha, l’épouse d’un diplomate turc. Cependant ces deux relations aboutirent chacune à une séparation dont Renée Vivien ne se remit pas. Elle sombra dans l’alcool et la drogue et sa santé se détériora progressivement.

 Les critiques ne furent pas tendres avec elle tant il est vrai que l’idéologie de l’époque excluait les homosexuels dont l’orientation sexuelle était considérée comme une maladie mentale. Elle fut traitée de femme perverse et libertine. Son état empira au fil des mois, elle refusa de se nourrir, fit une tentative de suicide et mourut vraisemblablement d’une pneumonie compliquée par l’alcoolisme.

 
Colette dans Le pur et l’impur , paru en 1932 retraça cette fin de vie si difficile.

 

Louise Labbé Sonnets (1555)

Louise-Labe

Je vis, je meurs; je me brûle et me noie;

J’ai chaud extrême en endurant froidure;

La vie m’est et trop molle et trop dure;

J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

 

Tout à un coup je ris et je larmoie,

Et en plaisir maint grief tourment j’endure;

Mon bien s’en va, et à jamais il dure;

Tout en un coup je sèche et je verdoie.

 

Ainsi amour inconstamment me mène;

Et quand je pense avoir plus de douleur,

Sans y penser je me trouve hors de peine.

 

Puis quand je crois ma joie être certaine

Et être au haut de mon désiré heur,

Il me remet en mon premier malheur

 

Sapho – Femme

sapho femme

Il l’encercle de mots pour la produire
Elle n’a pas de mots pour se dire
Il dit qu’elle est son continent noir
Elle une ombre un creux une oreille des yeux
Elle l’a encerclé un jour de ses bras
Pour contenir son discours et qu’il parle
Aujourd’hui vertige
Car vient
La parole de la femme
Dans la femme il y a l’homme
Dans l’homme il y a la femme il y a l’enfant
Il s’érige quand elle l’entend
Elle s’ouvre quand elle parle
Elle brise un grand secret
Ils ont peur de ce moment
Il y a le gant il y a le doigt
Ils se retournent
Il implore sa joie de se dresser
Elle dit à ses bouches de le cueillir
Ils sont deux à l’exercice éblouissant
Qui de l’homme sera l’homme
Qui de la femme sera l’homme
L’un ou l’autre
Ils jouent au bord d’un étrange air connu
En éventail dans la chaleur du combat
La femme
Pardonne-moi l’homme
Je ne pourrai jamais te l’expliquer
Je ne me connais pas
À chaque lune oui j’ensanglante la terre
À la lune je suis accordée
L’homme peut frapper la femme
Elle ne peut que le tuer
Elle n’a droit qu’à un geste
Il y a cet homme qui parle mieux des femmes
Que les femmes
Tout l’afflige et lui nuit et conspire à lui nuire
Ah si quelqu’un les a entendues c’est ce Jean-là
Une Grecque éperdue
Où suis-je qu’ai-je fait que dois-je faire encore

L’homme fait l’homme
La femme fait la femme
Où va-t-elle ainsi comme son travesti ?
Elle arrive elle marche douce panthère
Elle glisse des hanches des regards des mines
Mais elle pense à part
Elle jette des yeux à terre
Elle réveille la langue,
L’étrangère.

Son habit fatigué élégant, l’habit de l’homme
C’est le trouble de la femme
Lui aux lueurs de tabac
Son sourire en péril
À lui ses collines blanches
Elle a ri pour le foudroyer
J’ai hissé haut l’image
De la femme qui parle
Mais elle se tait.

Touche-moi
Et je me connaîtrai encore.
Mais quand tu me nommes tu me perds
Alors n’en parlons plus
Pour l’instant?

L’amour, élégie – Adelaïde Dufrénoy (1765-1825)

"Le Baiser" ("The Kiss"). ...

Passer ses jours à désirer,

Sans trop savoir ce qu’on désire;

Au même moment rire et pleurer.

Sans raison de pleurer et sans raison de rire;

Redouter le matin et le soir souhaiter

D’avoir toujours droit de se plaindre;

Craindre  quand on doit se flatter,

Et se flatter quand on doit craindre;

Adorer, haïr son tourment;

A la fois s’effrayer, se jouer des entraves;

Glisser légèrement sur les affaires graves,

Pour traiter un rien gravement;

Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,

Timide, audacieux, crédule, méfiant ;

Trembler, tout en sacrifiant,

De n’en point encore assez faire;

Soupçonner les amis qu’on devrait estimer;

Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même;

Voilà qu’on se plaint de sentir quand on aime,

Et de ne plus sentir quand on cesse d’aimer.

(Opuscules poétiques, 1806)

« Le Baiser » (« The Kiss »).  Carolus-Duran  Palais des Beaux-Arts, Lille, France. (Photo credit: Wikipedia)

Au clair de la nuit de Janine Teisson

enfance

La lune accrochée dans le ciel
Voit les humains tout petits.
Mais elle n’a pas de jambes
Pour courir derrière les voleurs,
Pas de bras pour serrer
L’enfant qui fait des cauchemars,
Pas de pieds pour danser.
Alors elle regarde, c’est tout.

Poème extrait de Au clair de la nuit, Motus, 2009

Sur le thème « Enfance » en écho avec Martine

car comme chaque dimanche poetisons-Martine

Janine Teisson est une romancière française née en 1948 à Toulon. Elle écrit en littérature générale mais également à destination de la jeunesse. Elle vit dans le Sud de la France. Elle a publié à ce jour une trentaine de livres dont certains traduits en espagnol, portugais, allemand, italien, catalan, coréen et chinois.

Ecoute – Anne Marie BERNAD

Écoute
le silence est fait de paroles

L'ecoute
L’ecoute (Photo credit: Lauren Manning)

à l’intérieur de soi
comme une aube venue des profondeurs
entoure d’esprit
la lumière

Les mots de novembre annoncent l’espace
hauteur achevée des parfums vécus
l’odeur émaillée d’une vie qui avance
avec dans la bouche matinale
le goût d’une voix

Écoute
le chuchotement du premier mot
se tait à la source
pour se désaltérer dans l’ombre
et combler le vide

Dans ce grenier inépuisable
enfin le cri
pétrifie l’essentiel

(inédit Nov 2012)

Anne Marie Bernad née à Decazeville résidant à Rodez
Mariée , mère de deux enfants, elle est membre de la Société des Lettres de l’Aveyron et a été trésorière pendant dix ans des Écrivains du Rouergue. Elle a été reçue au Théâtre d’Aurillac (Cantal) avec Claude Barrère pour un témoignage poétique,ainsi qu’à l’Institut Catholique de Toulouse. Elle a poetisons-Martineparticipé à la revue Loess et à la revue du Rouergue.
Elle a été honorée du Prix Voronca en 1973 pour son œuvre Entre sable et argile, Subervie.

Pour ce dimanche en poésie,  Martine présente :   Jacqueline Persini Panorias             

Jeanine Baude /Dans la démesure des torrents

dis-moi les jours faciles
ceux qui viennent de loin
soustraire les plis de la mémoire
à la mesure d’un pain chaud

la table servie, le poème en creux
dans cette soif, dans cette faim
le rythme quotidien, le pas sur la page
Il suffit d’aller et nous le savons bien
annexées à la mort, annexées à la terre

Dis-moi le livre, le chant, les radeaux
qui remontent le fleuve
les ombelles, les alcôves
la course folle vers l’estuaire
la course folle vers l’incendie

Si l’étoile devint l’étoile
dans le fracas dans l’ombre
du commencement

Dis-moi le sel son acidité
son érosion et l’implosion es rocs
là où se trame la vie
là où se trame la mort
sur la durée ses labours
son écorce

Dis-moi le redoublement des racines
la femme qui s’avance sans amarres
et sans peur debout dans la distance
celle qui écrit au revers des courants

celle qui pense sous la cognée
à l’arbre qui perdure
aux forteresses aux clôtures
pour mieux les cisailler

d’un poème tranchant
comme l’or au soir des certitudes
quand l’âme se délivre
de sa robe charnelle

et que liens se délient
comme fleurs sous l’orage

Le grain serré des morts
a tissé notre chair

Les femmes enlacées dans les flammes
ont crié
contre les rochers du soir
les douves du matin

la sueur perlée, l’aube drue
le bas du ventre

et gluantes, cernées de toute part
ont célébré

le centre blanc

si solstice il y a
quand bascule l’été

son cri de tourterelle

Extraits de Fleuve premier inédits

Poète et critique, née le 18 octobre 1946 à Eyguières dans les Bouches du Rhône. D.E.A de Lettres Modernes (Aix-en-Provence U1). D.R.H. dans une entreprise privée pendant plus de vingt années. Actuellement vit et travaille à Paris. Originaire des Alpilles, elle a suivi la route des rocs d’est en ouest et revient depuis Saint-Rémy de Provence et Cassis, des Hautes-Tatras à la Pointe de Pern, d’Ouessant à New York sur le lieu de houle intime : le poème. Elle aime à dire « J’écris avec mon corps, je marche avec mon esprit » ou bien « Je commets le délit d’écriture » ainsi explorer l’indéfinissable champ.

poetisons-MartineMembre du Pen Club International, Secrétaire générale du Pen Club Français.
Présidente des Amis de Louis Guillaume et du Prix du Poème en Prose.

Martine doit être au marché de la poésie mais comme tous les dimanches

(Source : printemps des poètes)

Gérard d’Houville (1875-1963)

Gerard-d-Houville

Marie de Heredia, née à Paris le 20 décembre 1875 et morte à Paris le 6 février 1963, qui signait Gérard d’Houville, est une romancière et une poétesse française, fille de José-María de Heredia.

Elle a fréquenté les poètes et artistes les plus célèbres du temps : Leconte de Lisle, Anna de Noailles, Paul Valéry…  Elle défraya la chronique par une vie sentimentale assez peu conventionnelle: épouse d’Henri de Régnier, elle fut la maîtresse de Pierre Louÿs dont elle eut un fils. Femme libre, elle ne se priva pas d’autres amants, dont le poète Gabriele d’Annunzio.

Son pseudonyme vient de « Girard d’Ouville », un gentilhomme normand de ses ancêtres. Sous ce nom de plume elle reçut en 1918 le 1er prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.

Amour de Simonne Michel Azais

amour 1

AMOUR

Lors
Tes lèvres d’amour entrouvriront ma vulve
Et boiront mon désir
Comme on boit un vin fou
Ce désir
Qui courait au long de mon Échine
Et faisait se cambrer mes reins
A ton toucher si doux
Lors
Je ne saurai plus si c’est moi que tu aimes
Ou seulement
Ta joie
De me donner l’amour.

Simonne Michel Azais, Poèmes interdits, Paris, La Goelette, 1953

Ces textes sont libres de droits excepté pour tout usage commercial. Printemps des poètes

Albane Gellé – Si je suis de ce monde

Tenir journal de ses jours
combats livrés ou siestes
sable de rivière noter bruis-
sements agitations en dehors
de la maison inventorier les
nuits sans lune tous les
étourdissements debout

Tenir en respect monstres
épines malgré nos tailles
minuscules boiteries panse-
ments chaque coin de rue
les jambes en attendant
debout.

Tenir boutique de nos im-
pacts reçus visage autour
des yeux troupeaux de
bouches couvrant la bouche
trous noirs milliers comme
une mémoire levée debout

Tenir chapelle de nos secrets
nos embarras à tout bout
de champ armoires en bois
et poids massifs à trimbal-
ler courbés debout

[…]

Tenir conseil devant per-
sonne avec poumons cœur
pieds genoux dans une mais-
son aux plafonds hauts
hésitant heures et semaines
pour un gros embarras du
choix faut-il des décisions
debout

Tenir la porte à n’importe
quel homme ou femme
mains nues vitesse de la
lumière et dans la bouche à
peine un mot secrets gardés
volets d’hiver on se sépare
vite et debout

Tenir enfant un héron mort
porté dimanche intermina-
blement et pour des siècles mais
aujourd’hui le déposer des-
sus de nous perché là-haut
ressuscité vivant debout

Albane Gellé, Si je suis de ce monde, Cheyne éditeur, 2012, pp. 11 à 14 et 46 à 48

 
Albane Gellé – Si je suis de ce monde
Cheyne éditeur, 62 pages, 16€
Albane Gellé – Pointe des pieds sur le balcon
Ed. La Porte ; par abonnement,  6 numéros, 18 €

 
Albane

Source photo : Printemps des poètes

 

Albane Gellé est née en 1971 à Guérande (44). Elle vit maintenant à Saumur (49) où elle dirige la structure associative Littérature & Poétiques (lectures-rencontres avec des écrivains et des éditeurs, ateliers de lecture et d’écriture, résidence d’auteur, salon Les Poétiques de Saumur…)

La semaine dernière, AnneFlorence et Marilyne, Martine (organisatrice)

  poetisons-Martineont participé à cette rencontre poétique.
La règle du jeu est ici.

La solitude des femmes de Gérard d’Houville

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La solitude des femmes

As-tu peur ? Te voici seule avec le silence…

Aucun souffle…aucun pas…nulle voix et nul bruit…

Seule comme une fleur que nul vent ne balance,

Seule avec ton parfum et ton rêve et la nuit.

As-tu peur ? Te voici seule avec la ténèbre,

Seule comme une morte au fond de son tombeau;

Tout est pesant et noir, taciturne et funèbre

Malgré l’amour si proche et le bonheur si beau.

As-tu peur ? Te voici toute seule avec l’ombre,

Seule comme une étoile au moment du matin;

Comme un papillon d’or au fond d’un jardin sombre

Se meurt en palpitant pour son soleil lointain…

Te voici toute seule avec ton cœur sauvage

Qui se débat et bat son humaine prison,

Seule avec ce tourment qui rôde et te ravage,

Perpétuel orage autour de ta raison.

Te voici seule, ô belle, ô douce, à jamais seule;

Et malgré ta jeunesse et tes yeux triomphants,

Oui, déjà seule ainsi qu’une très vieille aïeule

Qui aurait vu partir tous ses petits-enfants

Seule, ô force d’amour, ô vivante, ô féconde,

Car rien n’apaisera ta soif de l’éternel,

Car ton plus rauque cri de volupté profonde,

Ce cri désespéré, n’est encore qu’un appel.

L’homme ne comprend pas ton étrange détresse;

L’élan de ta douleur toujours se brise en vain…

Et, femelle en qui souffre une grande déesse,

Tu rêves au réveil qui te sera divin.

Les poésies de Gérard d’Houville, 1931

Autour de moi, solitudes éteintes- Marie-Claire Bancquart

Autour de moi, solitudes éteintes :
romancières anglaises, poète américaine, poète allemande…

O brûlantes, arrachées
à elles-mêmes
par l’ordre ancien !

Mais je pense surtout à celle
de siècle plus lointain
qui écrivit :
Bel ami ainsi est de nous
Ni vous sans moi ni moi sans vous.

Au-delà de la différence
je choisis le grand héritage indivis :
bonheur de rues et de nuages
d’une musique, d’un seul mot peut-être,
parcourant la précarité de toute cette partition
qu’un jour nous cesserons de lire, vous et moi.

Que demeure du moins, peut-être infime, le
« Bel ami ainsi est de nous »,
cette voix d’union parmi la dissonance universelle !

« Marie-Claire Bancquart vit à Paris.
Professeur émérite de littérature française contemporaine à l’Université de Paris-IV (Sorbonne), auteur d’essais et d’articles sur la période 1880-1914 , sur Paris et les écrivains ( quatre tomes, de 1880 à nos jours), et sur la poésie contemporaine.
Prix de poésie Max Jacob, Vigny, Supervielle, et prix d’automne de la Société des gens de Lettres, et prix de poésie 2006 de la ville de Lyon.

Français : La poète Marie-Claire Bancquart lor...
Français : La poète Marie-Claire Bancquart lors d’une rencontre à la librairie Tschann à Paris (Photo credit: Wikipedia)

Membre des jurys des prix Apollinaire, Ivan Goll et Max-Pol Fouchet, et de divers autres prix. Nombreuses lectures et ateliers en France et à l’étranger.
La poésie de Marie-Claire Bancquart a fait l’objet d’un colloque au Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle: « Marie-Claire Bancquart: l’invention de vivre », du 3 au 10 septembre 2011. La publication du colloque est prévue en 2012, chez Peter Lang.

Elle est décédée le 19 février 2019.

« Pour l’ensemble de son oeuvre, Marie-Claire Bancquart a reçu en 2012 le prix Robert Ganzo de la fondation de France. ».

Source Printemps des poètes

Moïra sauvage – Les yeux blessés par l’avenir

Gertrude and Ursula Falke Portrett 1906

Les yeux blessés par l’avenir

Ciel étoilé où meurt le jour

Ma vie éclate et se retire

A peine jetée vers la mer

Nuages pâles dont j’ai peur

Ma vie tranquille désespère

Je dois aimer le jeu des heures

Le chemin calme du silence

Cadeau glacé de ce qui meurt

Je ne sais plus ni ce qui brille

Chagrin de nuit désamorcé

Ni ce qui s’avance et murmure

Mon coeur à nu se déshabille

Dans l’indolence de l’été

Face au néant

Face à ce mur

Que jamais

Je n’aurais imaginé

Moïra sauvage Tous droits réservés.

Née à Dublin d’un père irlandais et d’une mère française, Moïra Sauvage est journaliste et écrivain. Elle a effectué de nombreux reportages à l’étranger avant de devenir  journaliste en free-lance pour différents journaux. Parallèlement, elle a pendant six ans été responsable de la commission Femmes d’Amnesty International France, où elle a travaillé en 2006 à la publication du rapport Les Violences envers les femmes en France : une affaire d’Etat. Elle est également l’auteur de deux essais : Les Aventures de ce fabuleux vagin (Calmann-Lévy, 2008) et Guerrières ! A la rencontre du sexe fort (Actes Sud, 2012).(Présentation Actes Sud)