Archives pour la catégorie Situations de femmes

Arlington Park – Les charmes de la vie domestique…

Arlington-park

A l’occasion de la sortie du film « La vie domestique » inspiré du roman de Rachel Cusk, j’ai ressorti de mes cartons cet article publié sur Litterama.fr il y a quelques années de cela.

Rachel Cusk s’est imposée sur la scène littéraire internationale avec  ce premier roman traduit en Français, « Arlington Park » comme la digne héritière de Virginia Woolf, ce qu’ elle assume pleinement, reconnaissant qu’elle  est une de ses  auteurs fétiches .

Les personnages de son livre sont des personnages essentiellement féminins et blancs de la classe moyenne anglaise. Certaines de ces femmes travaillent mais assument également l’essentiel des tâches domestiques. Les maris sont beaucoup plus impliqués dans leur vie professionnelle, ont un plan de carrière et rentrent tard le soir.

Même si ces femmes ont fait des études -parfois brillantes- le mariage, et la maternité entraînent pour elles une sorte de subtil déclassement. Leur métier, choisi la plupart du temps, pour concilier vie professionnelle et  vie de famille, ne peut les valoriser socialement. On assiste à une subtile dépossession de soi  chez ces femmes qui pour ne pas être tout à fait des femmes au foyer, n’en étouffent pas moins dans  un quotidien étriqué et morne qui  n’est transcendé par aucune passion, aucun but et aucun dépassement de soi. Ces femmes ont sacrifié l’idéal de leur jeunesse, trahi leurs aspirations profondes sur l’autel d’une vie bourgeoise.

Ce basculement se produit au moment de la maternité. Les rôles se répartissent à nouveau selon les codes de la société patriarcale. Elles aiment sincèrement leurs enfants mais la maternité devient un terrible enfermement pour ces femmes intelligentes et éduquées, les femmes enceintes semblent « pleine d’air », alors que les  hommes paraissent « se durcir en une masculinité mince et verticale. »

Les actions des personnages se déroulent sur une seule journée, ce qui conduit l’auteure à un souci extrême  du détail et aussi des mouvements intérieurs des personnages. C’est aussi pour cette raison qu’on la compare à Virginia Woolf.

Elle avoue avoir emprunté la construction du récit à Mrs Dalloway, dans une interview  accordée à un journaliste d’Evène :

“Je voulais être capable d’utiliser cette structure, qui requiert une bonne dose de connaissance émotionnelle des femmes, tout en laissant aux personnages leur subjectivité. C’est dans cette relation aux personnages que je voulais me placer.”

Toutefois, nulle empathie pour ces femmes, sinon parfois de l’agacement car on se  dit  qu’elles l’ont bien cherché ou qu’ici, dans ce monde occidental,post-féministe,  elles auraient  pu faire  autrement.

Grossière erreur, répondrait certainement Rachel Cusk, qui s’étonne de la quasi indifférence à l’égard du féminisme, qui selon elle est le seul combat qui vaille aujourd’hui. Les destinées individuelles  sont vaines si elles ne sont pas relayées par un combat collectif.

« En fait […], chacun avait ses peurs, non ? C’était ça qui rendait les gens si intéressants. Tout le monde avait des choses particulières qui les touchaient, qui les faisaient voir rouge. »

J’ai trouvé ce livre véritablement passionnant, l’écriture parfois très belle, le style  personnel  et fluide. Et l’auteure analyse bien le post-féminisme, la période de régression sociale pour  beaucoup de jeunes femmes lorsqu’elles se mettent en couple et deviennent mères.

“ Elle se demanda si les livres qu’elle aimait la consolaient précisément parce qu’ils étaient les manifestations de son propre isolement. Ils étaient pareils à de petites lumières sur une étendue déserte, une lande : de loin ils semblaient serrés les uns contre les autres, innombrables, mais de près on voyait que des kilomètres et des  kilomètres d’obscurité les séparaient. »

Fugitives d’Alice Munro – Prix Nobel de littérature

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Fugitives  de Alice Munro            Nouvelles           Editions de l’olivier 2008

Runaway 2004 traduit de l’anglais (Canada) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso

Toutes les femmes de ce récit se retrouvent confrontées à une image d’elles-mêmes avec laquelle elles sont profondément en conflit.

Face à une société qui ne leur laisse pas le choix, face à des compagnons qui reproduisent les modèles hérités de leur père et se remettent peu en question, elles choisissent la fuite.

Parce qu’il y a peu de place pour leurs aspirations et leurs désirs, elles préfèrent escamoter les problèmes afin de pouvoir survivre. Même si au fond, elles ne font que déplacer la cause de leur souffrance.

Ce recueil contient des nouvelles qui ont pour cadre les années 60. Les femmes commencent à prendre une nouvelle place dans la société, mais les traditions sont encore très vivaces, ainsi dans une des nouvelles, dit-on d’une étudiante brillante qu’il est dommage qu’elle soit une fille, car si elle se marie, tout son labeur et celui de ses professeurs seront réduits à néant, et dans le cas contraire, si elle ne se marie pas, elle deviendra probablement triste et solitaire, perdant ses chances d’avancement au profit des hommes.

Assumer ses choix de vie est aussi plus facile pour un homme : « Les choix bizarres étaient tout simplement plus faciles pour les hommes dont la plupart trouveraient des femmes heureuses de les épouser,  tel n’était pas le cas en sens inverse. »

Alice Munro parle aussi avec beaucoup de justesse de cette rage qu’éprouve cette héroïne face à l’opinion commune qui veut que les femmes soient « belles, adorables, gâtées, égoïstes, avec un pois chiche à la place du cerveau. » C’est ainsi qu’une fille doit être pour qu’un homme en soit amoureux. Ensuite, elle céderait son égoïsme pour l’affection inconditionnelle qu’une mère doit à ses enfants.

Bien sûr les représentations sur le rôle des femmes et leur prétendue « nature » a beaucoup évolué en Occident et au Canada certainement.

Alice Munro évoque avec beaucoup de finesse  également, les occasions perdues, les dialogues impossibles, et la façon dont les émotions, les sentiments peuvent produire des changements dans l’air, dans la luminosité, dans le contour des objets, dans le monde autour de soi.

J’ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles à la mélancolie souvent poignante. Les femmes y sont incapables d’aller au bout de leurs désirs, de leur révolte, parce que cela leur demande beaucoup trop d’énergie ou parce qu’elles ne peuvent supporter la rupture avec leur milieu social et la solitude que cela implique.

Alice Munro est née au Canada en 1931. Lauréate de nombreux prix littéraires, admirée par Joyce Carol Oates et de nombreux autres écrivains, elle est considérée comme l’un des plus grands écrivains anglo-saxons  de notre époque.

Article publié le 15 août 2011 sur Litterama.fr, mon ancien blog

Confessions d’un gang de filles – Joyce carol Oates

confessions d'un gang de filles

Confessions d’un gang de filles – Joyce Carol Oates,
janvier 2013, Stock format numérique.

coup-de-coeur Dans les années cinquante,
dans une petite ville de l’Etat de New-York, cinq lycéennes, victimes de
la violence des hommes, s’associent et fondent un gang de filles, le
premier des Etats-Unis, destiné à les protéger et à leur donner la chaleur
d’un foyer
que la plupart d’entre elles ne connaissent pas. Leurs
motivations sont complexes et parfois troubles : haine des hommes,
désir de vengeance, besoin d’une amitié
si forte qu’elle puisse pallier une
famille défaillante, voire inexistante ? Jusqu’où iront-elles, ces jeunes
filles ivres de ce pouvoir tout nouveau pour elles ? Comment feront-elles
pour ne pas trahir les valeurs qui sont à l’origine de leur révolte ?
Peut-on enfreindre la loi et rester juste ? La fin justifie-t-elle les
moyens ? Récit d’apprentissage, passage de l’enfance à l’adolescence,
description minutieuse de la violence et de la sauvagerie de l’adolescence, le
roman de Joyce Carol Oates est sombre et lumineux à la fois.

Ce sont d’abord Maddy et Legs qui scellent le pacte, le soir où Margaret Ann Sadovsky, surnommée Legs frappe au carreau de la fenêtre de la chambre de son amie et demande à celle-ci de la cacher.

Car le premier mouvement est généreux, « créer une vraie communauté de sœurs de sang , avec des liens forgés dans la loyauté, la fidélité, la confiance, l’amour », et se protéger les unes, les autres. Voilà comment naît Foxfire et Legs en est le leader charismatique, forte et énergique , elle est le cœur de ce mouvement,
Maddy, quant à elle, est celle dotée du pouvoir des mots, échappant en partie à la violence : elle raconte la fulgurante ascension de ce mouvement et sa chute  annoncée. Elle écrit pour expliquer ce qui s’est passé.

« Nous sommes animées d’une vraie solidarité féminine. Nous ne singeons pas ces garçons contre lesquels Legs nous a mises en garde » explique Maddy. Bien différente des bandes de garçon existantes, qui n’ont pour objectif que la criminalité, ce gang de filles est la seule réponse possible à la violence qui s’exerce contre les femmes, à une époque où ces jeunes filles ne possèdent pas le langage pour en parler, et où les mouvements féministes n’ont pas encore ’ampleur qu’ils connaîtront après.

 J’aime beaucoup cette auteure et après le coup de cœur pour les « Chutes » que j’avais trouvé absolument sublime et étrange, « Confessions d’un gang de filles » est un livre qui m’a transportée dans l’univers de ces toutes jeunes adolescentes malmenées par la vie et déjà, malheureusement, par les hommes. Sortes de guerilleras intransigeantes, et sulfureuses, puissantes et vénéneuses, elles vivent sous la plume de Joyce Carol Oates avec autant de panache que de désespoir. J’ai été saisie par la force des personnages, par la puissance des évocations de cet écrivain qui ,dans son journal avoue parfois ne pas comprendre la violence qui les habite, elle qui se sent si sereine et si
calme.
challenge George

Adieu le cirque – Cheon Un-Yeong / Quand les fleurs de pêcher s’envolent comme des papillons…

Mise en page 1

coup-de-coeur

Adieu le cirque Cheon Un-yeong, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, Serge Safran  2013

 

Inho, jeune coréen qu’un accident a privé de sa voix, cherche une femme pour échapper à sa solitude. Une curieuse agence matrimoniale le met en relation avec la troublante Haehwa, jeune chinoise qui veut oublier un amour perdu. Sont-elles plus douces, plus patientes, plus dociles ces jeunes femmes que l’on va chercher si loin ?

Et ces jeunes coréens sont-ils plus prospères, plus à même de subvenir aux besoins d’un foyer ?

Tout semble s’annoncer sous les meilleurs auspices : la jeune femme semble s’épanouir et établit avec sa belle-mère des liens faits de confiance et de tendresse, le jeune homme est attentionné et disponible. On entend bien de fâcheuses histoires sur ces unions arrangées mais cela semble ne pas concerner nos deux tourtereaux !

Mais Yunho, le frère de Inho, est troublé lui aussi par la douce Haewa.

Le feu couve sous la cendre, un geste qui semblait tendre recèle sa part de violence, même la misère qu’on croyait vaincue se révèle plus têtue qu’on ne croyait, et finalement sous une parole douce gronde une imperceptible colère. Le drame, terrible, se tisse de fils de soie. …

« Peut-être la vie n’est-elle qu’un spectacle de cirque, au dur et doux parfum de nostalgie… »

Dans le roman alternent les voix de Haewa et Yunho, qui s’appellent, se cherchent, sans jamais vraiment se répondre. Ce roman est d’une poignante beauté et d’une terrible mélancolie. Il m’ a fallu quelques semaines pour me défaire de cette émotion qu’il a suscitée en moi. La violence entre les êtres est d’une certaine façon la conséquence d’une violence plus souterraine et profonde, une violence sociale et politique. Les personnages sont pris dans des rets dont ils ne peuvent se défaire. La langue est belle, et l’on peut saluer la co-traduction de Seon Yeon-a et Carine Devillon. On se laisser bercer par la beauté de ces images. Une syntaxe parfaitement maîtrisée et de très belles métaphores filées de mains d’écrivaine douée, très douée…

La nature a la beauté des estampes japonaises sous le pinceau-crayon de Cheon Un-Yeong. « Au moindre coup de vent, les fleurs épanouies des pêchers déployaient leurs ailes comme des papillons frappés d’étonnement. »

Un vrai coup de cœur pour moi.

Aux éditions Serge Safran, il y une fée nommée Clarisse, que je remercie. Si vous ne me croyez pas …

La fréquentation des à-pics de Catherine Charrier / Peut-on apprivoiser le vertige ?

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La fréquentation des à-pics, Catherine Charrier, mai 2013, éditions Kero

Comment se décident les grands changements de notre existence ? A partir de quel moment le chemin qui se fait en nous inconsciemment trouve-t-il son aboutissement ?

Catherine Charrier raconte avec beaucoup de justesse ce mouvement de bascule par lequel nous orientons plus ou moins consciemment nos existences. Elle décrit avec beaucoup de finesse ces états de conscience, d’une extrême acuité, par lesquels tout changement s’opère en nous.

Un jour, soudain, nous savons que plus rien ne sera comme avant.

Elle explore ces moments de vertige, ces à-pics que toute femme est amenée à connaître dans son existence, à travers des nouvelles de longueurs assez inégales mais qui forment un ensemble plutôt cohérent : la découverte d’un secret familial, la compréhension d’un lien dont on se sent exclu, l’expérience de la mort d’un proche, sont des expériences universelles qui sont cruciales dans la vie d’un individu.

                Notre conscience subit alors une sorte de dilatation qui nous permet d’appréhender une réalité qui nous est étrangère et dont l’expérience ouvre les champs inexplorés de notre sensibilité en la modifiant radicalement. Nous ne pourrons plus faire comme si nous ne l’avions pas vécue.

L’auteure conduit ces récits d’une langue sèche et précise, au détriment parfois de l’émotion car se tenant dans une distance qui a le défaut d’une certaine neutralité. Dans certaines de ses nouvelles, elle a sur ses personnages le regard d’un entomologiste.

                Toutefois, un véritable projet d’écriture est à l’œuvre au sein de ces récits : livrer des expériences significatives de la vie des femmes, prises entre des schémas traditionnels qui les conditionnent malgré elles et un désir profond de s’en affranchir. La quête infinie de la liberté…

Une auteure à suivre …

Je remercie les éditions Kero pour l’envoi de ce livre

Et presque en même temps que Clara : Moi, Clara et les mots

Guerrières de Moïra Sauvage

Guerrieres

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Attention un sexe peut en cacher un autre ! Les femmes, le sexe faible ?

Il faut croire que c’est une attitude historiquement  très bien ancrée depuis Aristote ! La femmes est douce par nature  mais aussi faible, menteuse, bavarde et j’en passe.

           Or, aujourd’hui, il semblerait que ces clichés aient fait leur temps car nous assistons à un changement de grande ampleur : les femmes n’hésitent plus à exercer des professions dites« viriles » et sont de plus en plus nombreuses à intégrer l’armée, la police, la guerillera et à pratiquer des sports de combat qui requièrent une certaine force physique et mentale. Elles n’ont plus peur de leur agressivité et n’hésitent plus à s’en servir pour parvenir à la maîtrise de soi.

 

           Moïra Sauvage dynamite  dans cet essai un certains nombres d’idées reçues sur la passivité et la douceur féminine et nous invite à poser un nouveau regard sur le masculin et le féminin. La personnalité des femmes s’exprime tout autant que celle des hommes au travers de la violence ou de l’agressivité ; elles déploient leur force dans le quotidien pour soutenir leur famille et accomplir les différentes tâches domestiques ou subliment leur agressivité en pulsion positive pour combattre l’injustice, réaliser leurs passions ou transformer la société.

 

           L’auteure pose les bases d’une réflexion théorique et convoque les sciences humaines, sociales et expérimentales pour étayer son propos. Elle le fait avec intelligence et clarté et son argumentation est particulièrement fluide. Bien sûr, il y a quelques postulats de base qu’elle se charge de démontrer : entre autres, l’égalité des hommes et des femmes et la construction sociale du genre. Entre les hommes et les femmes, il n’y a pas de différence de nature mais bien un apprentissage des rôles sociaux qui diffère  selon le sexe biologique de l’individu. Aux uns, on permet l’agressivité qui est intériorisée comme une composante de leur personnalité, aux autres on l’interdit et elle doit être refoulée.

           L’interdiction faite aux femmes de prendre les armes et de participer aux guerres était une façon de leur refuser le pouvoir : « Pour que des femmes soient dominées, il était essentiel qu’elles soient désarmées, c’est pour ça que le monopole de tuer a toujours été masculin » explique Christine Bard, historienne et féministe. Le système patriarcal sur lequel repose nos sociétés  est une forme d’organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes. Le contrôle de la filiation est une de ses composantes les plus essentielles.

 

           L’accès des femmes aujourd’hui à un usage de la violence institutionnalisé oblige à repenser les rôles de chacun et brouille les repères identitaires dans une société où la division sexuelle des tâches a été au fondement de l’organisation sociale.

A la question : « Les femmes sont-elles moins violentes que les hommes ? », l’auteure répond que la violence féminine est différente parce qu’elle s’est surtout exprimée dans le privé et la sphère domestique où elles ont été longtemps cantonnées. L’usage de la violence physique étant interdit, elles s’exprimaient davantage par la parole et la violence s’exprimait verbalement. En proie à des conflits psychiques insolubles, elles retournaient aussi parfois la violence contre elles-mêmes et se donnaient la mort, quand elles ne mouraient pas à petit feu, consumées par un désespoir d’autant plus  grand qu’il devait être tu.

 

           Mais au fond, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Les hommes ne sont pas par nature des êtres violents et destructeurs et les femmes des victimes passives et désarmées. Tout est question d’éducation. La violence est une force physique ou psychologique  pour contraindre et dominer, voire pour causer la mort  et elle est présente en chacun de nous. Elle n’est pas non plus la fatalité d’un sexe masculin gorgé de testostérone et  incapable de maîtriser ses pulsions. On peut apprendre à canaliser sa force et à sublimer ses pulsions agressives. C’est l’éducation et la culture qui nous donnent les moyens de le faire.

Si autant de femmes meurent aujourd’hui sous les coups de leurs compagnons, la faute en est due peut-être à une éducation où pour être viril il faut être violent, ne pas pleurer et taire ses émotions.

 « Ce sont les apprentissages de chacun de son rôle défini par la société qui vont « modeler » son cerveau », affirment aujourd’hui les neurobiologistes.

 

Quant aux femmes, elles ne sont pas toujours ou seulement des victimes, ce sont aussi des guerrières. Elles sont présentes dans l’histoire et ont montré leur détermination à changer leur vie, à refuser un avenir tout tracé en trouvant la force d’aller contre la tradition.  Combattantes sans armes, souvent plus occupées peut-être, par la force des choses, à préserver leur famille et la vie de leurs enfants, elles se révèlent d’un courage extraordinaire, d’une endurance et une persévérance sans faille. Et cela aussi c’est une bonne nouvelle.

 

Et que cette bonne nouvelle soit portée par Moïra Sauvage est un atout supplémentaire tant cette femme recèle d’énergie, de bienveillance et d’intelligence. (lire l’entrevue réalisée avec elle dans quelques jours)

Dans un essai clair et bien argumenté, tout au long de rencontres passionnantes avec des femmes du monde entier, que ce soient Talisma Nasreen, écrivaine née dans une petite ville du Bangladesh ou les femmes rwandaises après le génocide, avec lesquelles s’est entretenue Moïra Sauvage, l’auteure réussit ce tour de force de présenter un travail rigoureux, mais vivant, et un reportage passionnant aux quatre coins du monde. A lire absolument !

Histoire minuscules des révolutions arabes

Histoires-minuscules-des-revolutions-arabes

Ce livre est un recueil dirigé par Wassyla Tamzali. Née en Algérie, elle a exercé les fonctions d’avocat à Alger puis est entrée à l’UNESCO où elle a été chargée du programme sur les violations des droits des femmes. En 1996, elle a été nommée directrice du programme de l’Unesco pour la Promotion de la condition des femmes de la Méditerranée.

Pourquoi « histoires minuscules » ? »Parce que les révolutions sont arrivées par la grâce de héros minuscules, et que si elles existent c’est par leur vertu de mettre enfin l’homme – la femme – au centre du devenir arabe, chassant Dieu et la Nation. »

       Beaucoup de ces textes parlent de la haine des femmes révélée lors de ces rassemblements en Egypte place Tahrir, leurs seins que l’on dénude, photographie et placarde sur les murs pour les effrayer, les violences qu’elles ont subies, le viol entre autres visant à les décourager de s’engager en politique, ou de pratiquer des métiers tels que le journalisme.

          Tel ce vieux militaire algérien qui soliloque avec sa femme, essayant de lui expliquer encore une fois que les Algériens sont musulmans et que le féminisme, l’émancipation des femmes ce sont des idées étrangères qui n’ont pas leur place en Algérie. D’ailleurs c’est curieux, « le Monde bouge. la Syrie flambe, l’Egypte tangue, le Yémen s’insurge, la Tunisie mute » et l’Algérie ? Serait-ce parce qu’elle a déjà fait sa révolution? demande Mohamed Kacimi (co-auteur de Le jour où Nina Simone a arrêté de chanter).  

            Et le Liban ?

« […] le Liban joue à être une carpe aveugle. »se plaint Hyam Yared. « Trop peu de femmes dans ces foules », signale Michèle Perret. » Mais le jasmin est vivace, le printemps revient toujours. Les filles aux sourires d’ogresses tiennent bon dans les orages, les petites vieilles en haïk en ont vu d’autres. » Et Nadine Ltaïf de lancer ce poème comme un cri de guerre : « Ton cri Iman est comme un stylo/la dernière arme/entre tes mains/ et tu creuses un sillon/dans la terre/et tatoues la mémoire des femmes/Ton cri est un séisme. Iman Al Obeidi a été violée par les miliciens de Khadafi.

         En Tunisie, il fallut ce drame, l’immolation par le feu du jeune Mohamed Bouazizi de Sidi Bouzid suite à la perquisition de sa petite charrette de vendeur par les policiers de la municipalité, nous rappelle Lina Ben Mhenni. Peut-on imaginer un tel désespoir ? La rue s’est alors enflammée le 14 janvier 2011. On ne sait jamais d’où viennent les révolutions, elles sont imprévisibles. Toutes les frustrations s’accumulent jusqu’à un certain point. Sans le savoir, nous sommes toujours assis sur des braises.

Lina Ben Mhenni, cyberdissidente, blogueuse, et journaliste tunisienne. Son blog « A tunisian girl » fut interdit. (source photo Wikipédia)

Cécile Oumhani lui rend hommage dans son article « Bloggueuses rebelles ».

Hejer Charf avertit des lendemains qui déchantent, rappelle que Tahar Haddad, réformiste défenseur des femmes, fut l’inspirateur du moderniste Habib Bourguiba et du Code du statut personnel, auteur de « Notre femme dans la charia et dans la société » qui rappelait en 1930 : « Notre devoir nous appelle aujourd’hui plus que jamais à sortir la femme de cet obscurantisme des siècles passés et à la considérer comme un membre vivant et un comparse égal à nous dans la vie. »

Simone Molina avertit que parfois il faut partir, parce que rien n’est possible, et  » C’est alors que Semmia avait choisi de partir, de garder ses cheveux dénoués, son regard droit et fier qui lui valaient insultes. Elle voulait une vie où il serait permis de respirer l’air marin, seule au bout de la digue, sans crainte des regards absurdes qui renvoyaient chaque femme de ce pays solaire dans l’enfer de la soumission. »

Il reste beaucoup d’incertitudes un an après ce printemps arabe et les femmes ne semblent toujours pas à la fête…

A lire ce livre passionnant sur les événements de cette révolution arabe. Et je clos avec cet article mon mois commémoratif !

Histoire et littérature

Israël

Palestine

 

Histoire de l'autre
1947-1949Création de l’Etat d’IsraëlInstauration d’un havre après 200 ans de persécutions et de génocide. 1947-1949La Nakba, la Catastrophe. Déracinement et exil. Expropriation de la terre. Les réfugiés sont parqués au Liban, en Jordanie et en Syrie.
Guerre entre Israël et cinq pays arabes (Liban, Syrie, Jordanie, Egypte, Irak)
Quatre mères de Shifra Horn

Ce roman nous conte la vie et les amours de quatre générations de femmes de la Palestine Ottomane à l’Israël d’aujourd’hui. Cette grande fresque révèle, avec en toile de fond les événements historiques qui ont jalonné cette période, l’autre visage, méconnu de Jerusalem.

quatre mères

 

La Promise d’Assouande Rula Jebreal

Editeur : AltalParution : 5 Septembre 2007

Dans les années 1920, Salua, une jeune chrétienne copte, vit l’exil d’Egypte à Jérusalem puis à Haïfa, où elle épouse un musulman. Le bonheur semble trouvé jusqu’en 1948, quand éclatent les conflits entre communautés juives et arabes et que sa famille est dispersée. En 1970, Salua, en procès pour récupérer sa maison de Haïfa, retrouve son fils en la personne d’un jeune avocat juif adopté par des Français.

L’auteure, Rula Jebreal, est une journaliste et écrivaine, née en Palestine.
En 1993, elle s’expatrie en Italie, où on lui confie la rédaction de sujets sur la condition féminine.

Susan Abulhawa – Les matins de Jenine

Comme son père, et comme le père de son père, Hassan vit de la culture des olives dans le petit village palestinien d’Ein Hod. Mais en 1948, lors du conflit qui suit la création de l’Etat d’Israël, Ein Hod est détruit et ses habitants conduits vers un camp de réfugiés. Pour Hassan, cet exil s’accompagne de la douleur de voir l’ancestral cycle familial brisé à jamais. Son jeune fils Ismaïl a été enlevé par des Israéliens qui lui cacheront ses origines. L’aîné, Youssef, grandira dans la haine des juifs, prêt à toutes les extrémités. Quant à Amal, sa fille, elle tentera sa chance aux Etats-Unis, inconsolable cependant d’avoir fui les siens. La guerre les a séparés. Elle seule pourra les réunir…

. 5-10 juin 1967

Guerre des six jours

Egypte, Syrie et Jordanie attaquent Israël qui réplique et envahit le Sinaï, la Cisjordanie, Gaza, le plateau du Golan en l’espace de six jours

La conquête de territoires assure un accès aux lieux saints comme le Mur des Lamentations à Jérusalem Contre l’occupation, l’OLP (Organisation de libération de la Palestine » prône la lutte armée.
2 365 soldats israéliens meurent. La colonisation se poursuit et l’idée dun Grand Israël apparaît comme un moyen de protéger les frontières. 6-24 octobre 1973

Guerre du Kippour

Attaques des armées syriennes et égyptiennes.

Après le traité de paix avec l’Egypte, Israël restitue le Sinaï en 1982

L’occupation devient insupportable et le terrorisme est légitimé comme moyen de résister.
Nécessité d’un dialogue qui aboutit aux accords d’Oslo. Le 13 septembre 1993 est signée à Washington, la Déclaration de principe, qui prévoit l’autonomie de l’autorité palestinienne. 9 décembre 1987

Première Intifada

Invasion du Sud-Liban en 1982 . transfert de l’OLP à Tunis en 1987 et le massacre des réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila par des milices alliées à Israël. La population des territoires se soulève contre l’Occupation. La guerre des pierres conduit aux négociations d’Oslo.

Révolte d’un peuple contre l’occupation militaire, la grande Intifada (secousse) est la conséquence du désespoir du peuple palestinien.Cela conduit les Nations Unies à reconnaître l’OLP.

 

1996 – élection du premier ministre

Alona Kimhi – Suzanne la pleureuse

« Suzanne Rabin pleurniche, larmoie, sanglote le plus clair de son temps, sans raison apparente. « Emotionnellement instable depuis la mort de son père, survenue lorsqu’elle était adolescente, elle a trente-trois ans, mais n’arrive toujours pas à quitter sa mère et leur petite vie dans la banlieue de Tel Aviv .

Le Troisième jour par Chochana Boukhobza

« Rachel, d’origine tunisienne, Elisheva la Polonaise, mais aussi Carlos, le juif marrane, Eytan, né en Israël, Katia, rescapée russe, ou encore Ahmed le Palestinien… c’est toute la richesse et la complexité du peuple israélien, sur fond d’Intifada, que Chochana Boukhobza, française née à Sfax (Tunisie) en 1959, nous dépeint abordant ou effleurant l’emprise du religieux, la folie des mères de militaires morts au combat, là les dissensions entre les générations, la peur des attentats, mais aussi l’appétit de vivre de tout un peuple. « »d’après l’Express

 
Pour les Israéliens, cette visite n’est qu’un prétexte, l’insurrection était préparée à l’avance. 28 décembre 2000

Seconde Intifada

A la suite de la visite d’ariel Sharon, le chef du Likoud (la droite israélienne) sur l’esplanade des Mosquées.

Cette visite est considérée comme une provocation sur un lien sacré pour les musulmans. C’est aussi une réponse à l’obstination d’Israël à ne pas remettre en cause la colonisation.
Ode à la joie de Shifra Horn (Fayard)Par une morose journée de janvier 2002, la jeune et belle anthropologue yaël maguid, au volant de sa voiture, se dirige vers l’université de jérusalem. elle s’arrête à un feu rouge, la radio diffuse l’ode à la joie, et par la vitre arrière du bus arrêté devant elle, une fillette de trois ans environ s’amuse à lui faire des signes de la main. yaël a le temps de jouer avec l’enfant quelques instants lorsque l’autobus explose. Obsédée par cette petite fille dont elle ne retrouve pas la trace parmi les victimes, elle part à sa recherche tout en essayant de se reconstruire. quête qui l’oblige à remettre en question son passé, ses rapports avec ses parents, son mari, son jeune fils, ses amies et ses professeurs. Coupe en profondeur de l’Israël de la seconde intifada. l’influence du conflit qui perdure, de la sensation de menace permanente sur la société et sur l’individu

 

Un printemps très chaud de Sahar Khalifa

Le camp palestinien de `Ayn el-Morjân et la colonie israélienne de Kiryat Sheiba sont séparés par une clôture métallique. De part et d’autre, deux enfants s’apprivoisent. Mais la clôture devient un mur entre deux communautés qui se haïssent ou, au mieux, s’ignorent. Ou pactisent. Tout est vu à travers le regard d’Ahmad, le jeune Palestinien, en proie aux problèmes de son âge, à sa timidité, à un amour naissant, aux conflits de générations, à la rivalité qui l’oppose tendrement à son grand frère Majid. Son univers bascule quand il s’introduit derrière la clôture : emprisonné, il passe de l’enfance à l’adolescence. Des illusions à une réalité d’autant plus dure et amère que, entre-temps, la seconde Intifada a éclaté, et que Majid, accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, doit entrer dans la clandestinité, début d’un calvaire qui l’entraînera notamment jusque dans le quartier général assiégé de Yasser Arafat.

La prise de pouvoir par le Hamas inquiète. Tirs de roquettee sur le Sud, la bande de Gaza devient « entité » hostile ». En riposte aux attentats, la barrière de sécurité doit protéger la population civile israélienne des attentats et délimiter des frontières. Septembre-novembre  2008

Le Hamas prend le pouvoir à Gaza

Scission politique entre les territoires. Poursuite de la colonisation en Cisjordanie. Fin de la construction du mur de sécurité par Israël

Le blocus israélien crée la misère. Les Palestiniens subissent une nouvelle humiliation : « Le mur de la honte ».
Opération Plomb durci : bombarde les installations du Hamas.Envoi de troupes dans la bande de Gaza que l’armée quitte le 21 janvier 2009 2008-2009

Fin de la trêve partielle qui a duré cinq mois

 

Les tirs de roquettes vers Israël reprennent en représailles.

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul

Fanny-Raoul

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul – Texte présenté par Geneviève Fraisse- editions « Le passager clandestin » suivi de « Votez pour le Ken le plus sexy de la culture avec Radio France » par Marie Desplechin

vignette Les femmes et la PenséeEn 1801, une jeune Bretonne de 30 ans dont on ne sait aujourd’hui presque rien, s’adresse aux femmes de son temps pour les prendre à témoin des interdits, servitudes et violences qu’il leur faut encore affronter, aux lendemains de la Révolution.

Ce texte est extrêmement émouvant car c’est le cri et la révolte d’une femme qui nous parvient par-delà les siècles et prend à témoin la postérité. Une jeune femme qui  assure avec force, dans des élans visionnaires, qu’un jour les servitudes auxquelles sont assujetties les femmes et qui semblent si enracinées dans les traditions, cesseront. Peu nombreuses sont alors les femmes de lettres. A Constance Pipelet (Constance de Salm ) qui écrit des poèmes, le poète Ecouchard Lebrun (qui lui n’a pas eu les honneurs de la postérité) ordonne avec mépris : « Inspirez, mais n’écrivez pas ». La misogynie ambiante est assez virulente puisqu’un projet , défendu par son auteur Sylvain Maréchal, et intitulé « Projet portant défense d’apprendre à lire aux  femmes » a pu voir le jour et faire débat.

A travers ce texte, on sent toute la détermination, le courage, l’intelligence , la finesse mêlés à la souffrance et au désespoir de cette jeune femme.

Elle construit une argumentation rigoureuse où elle discute point par point les préjugés et les opinions de son temps, en essayant d’en montrer l’arbitraire et l’absurdité. L’asservissement des femmes  sert selon elle des fins politiques, les hommes ne souhaitant pas avoir des rivales en la personne de leurs compagnes. Elle le démontre avec force et en fait voir tous les ressorts.

Selon elle, les hommes et les femmes ayant une part égale dans les processus de la reproduction, « cette nécessité réciproque est donc le fondement de leur égalité naturelle », ils doivent avoir également la même part d’avantages dans la société et la même protection par la loi. Elle démonte l’argument selon lequel les femmes ne sont pas capables d’assumer des fonctions ou des charges politiques en expliquant que cet argument est absurde et ne peut valoir puisque, de toute façon, on ne leur a jamais laissé le loisir de prouver le talent dans ce domaine . Elles sont ignorantes, soit, c’est souvent le cas, mais c’est parce qu’on leur interdit l’accès à toute éducation. Ceux-là même qui devraient les défendre, qui possèdent toute la puissance de la raison, les philosophes, puisqu’ils s’appliquent à démontrer les erreurs et les préjugés des Hommes, ne font rien pour elles. (Poullain de la Barre, mais il était prêtre avant de se convertir au protestantisme- en 1673, fait paraître anonymement De l’égalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugez )

« Il est remarquable de voir des philosophes s’attendrir sur le sort d’individus dont un espace immense les sépare tandis qu’ils ne daignent pas s’apercevoir des maux de ceux qu’ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river la chaîne de leurs femmes est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ».

Elle dénonce également, ce qui, à ses yeux, est plus grave encore : « A force de leur dire qu’elles étaient faites pour l’esclavage, on est parvenu à le leur faire croire et à éteindre conséquemment en elles toute énergie et tout sentiment d’élévation. »

Si l’on considère le sort fait aux femmes dans de nombreuses régions du monde, et les arguments développés pour le justifier, ce texte, deux cent ans après sa publication, garde toute son actualité.

Un beau texte très émouvant, un témoignage par-delà les siècle, qu’il faut lire absolument.

Féminismes – La littérature et les femmes au Japon

féminismes

« Au Japon les femmes ont grandement contribué à l’élaboration de la littérature classique aux environs de l’an mille. Après une longue éclipse, ce n’est en revanche qu’à l’époque moderne qu’elles réapparaissent et transforment à nouveau le paysage littéraire de leur pays. Comment brisèrent-elles ce silence ? En abordant quels thèmes et en faisant face à quel type de fonctionnement social et moral ? Peut-on lire dans l’évolution de la littérature féminine le reflet de l’évolution de la condition féminine ? Est-il possible de dégager une tendance générale chez les auteurs femmes d’aujourd’hui ? Cet article examine chronologiquement (de 1868 à nos jours) ces différents points. Il s’ouvre et se referme sur une réflexion concernant la notion de « littérature féminine » au Japon. »

 

Claire Dodane « Femmes et littérature au Japon », Cahiers du Genre 3/2006 (HS n° 1), p. 197-218.
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2006-3-page-197.htm.

Eriko Nakamura – Naaande ?

Eriko-Nakamura

Nââânde !? Les tribulations d’une Japonaise à Paris de Eriko Nakamura NiL éditions, Paris 2012

Kikou Yamata représentait l’expérience d’une franco-japonaise, quelle meilleure idée que de goûter aux tribulations de cette Japonaise à Paris ? bien sûr, l’exercice est difficile, et elle n’évite pas toujours les clichés, mais l’ensemble est drôle et rafraîchissant. Et si parfois elle frôle la caricature c’est aussi pour nous divertir. Et j’avoue que ma lecture a été ponctuée d’éclats de rire !

 

Nââândé ! s’exclame-t-elle souvent devant les mœurs des parisiens, leur mauvaise humeur, leur grossièreté parfois. Cette interjection manifeste la stupéfaction et le trouble face à un comportement ou un acte jugé choquant. Et les occasions ne manquent pas, la politesse et l’extrême pudeur de mise dans l’éducation japonaise, le conformisme se heurtent souvent au laisser-aller, au sans-gêne de ces français qui « montrent leurs visages », expriment leurs émotions sans vergogne! Mais ces travers sont en partie compensés par la créativité, la convivialité, la chaleur humaine qu’Eriko aime par-dessus tout dans notre pays.

Et j’ai appris grâce à ce livre de nombreuses petites choses. Ainsi la politesse au Japon veut qu’on n’aborde pas les sujets politiques lors d’une soirée avec des amis de peur de les contrarier ou de mettre une mauvaise ambiance. A Tokyo, raconte-t-elle les grévistes marchent en silence sur une petite partie de la chaussée pour ne pas gêner la circulation et portent un brassard noir, tout comme ils débrayent aux horaires qui dérangent le moins les usagers.

En filigrane, elle souligne ainsi l’extrême rigidité de la société japonaise, son côté policé, où l’on apprend à ne pas montrer ses sentiments, cette façon d’être toujours sous contrôle qui engendre comme revers des comportements un peu inquiétants, une obsession et une sorte de fétichisme pour les lolitas un rien perverses et leurs petites culottes (qui se vendent comme des petits pains), les relations inexistantes entre les maris et leurs femmes.

Cette pression exercée sur les individus commence à l’école primaire où l’on passe des concours pour entrer dans une école prestigieuse et ceci jusqu’à la fin de ses études. Les japonaises sont souvent obligées de rester à la maison car les modes de garde pour les enfants sont quasiment inexistants ou très onéreux.

 

Donc si elle célèbre le civisme, la propreté, la politesse, la gentillesse des Japonais, elle en souligne aussi les excès en nous montrant l’envers du décor. Exquise politesse qui consiste à s’offusquer ouvertement des débordements des français pour mieux critiquer les excès de sa propre culture. A force de vouloir être « un mari convenable, un père modèle, un employé irréprochable » et d’accumuler les frustrations, l’homme japonais se coupe de véritables relations avec sa compagne parce qu’il ne parvient pas à exprimer ses désirs et à être suffisamment créatif pour trouver des solutions qui lui seraient personnelles. Un intéressant va-et-vient entre les deux cultures et un livre dont je vous conseille la lecture si vous aimez aussi les livres légers.