





Attention un sexe peut en cacher un autre ! Les femmes, le sexe faible ?
Il faut croire que c’est une attitude historiquement très bien ancrée depuis Aristote ! La femmes est douce par nature mais aussi faible, menteuse, bavarde et j’en passe.
Or, aujourd’hui, il semblerait que ces clichés aient fait leur temps car nous assistons à un changement de grande ampleur : les femmes n’hésitent plus à exercer des professions dites« viriles » et sont de plus en plus nombreuses à intégrer l’armée, la police, la guerillera et à pratiquer des sports de combat qui requièrent une certaine force physique et mentale. Elles n’ont plus peur de leur agressivité et n’hésitent plus à s’en servir pour parvenir à la maîtrise de soi.
Moïra Sauvage dynamite dans cet essai un certains nombres d’idées reçues sur la passivité et la douceur féminine et nous invite à poser un nouveau regard sur le masculin et le féminin. La personnalité des femmes s’exprime tout autant que celle des hommes au travers de la violence ou de l’agressivité ; elles déploient leur force dans le quotidien pour soutenir leur famille et accomplir les différentes tâches domestiques ou subliment leur agressivité en pulsion positive pour combattre l’injustice, réaliser leurs passions ou transformer la société.
L’auteure pose les bases d’une réflexion théorique et convoque les sciences humaines, sociales et expérimentales pour étayer son propos. Elle le fait avec intelligence et clarté et son argumentation est particulièrement fluide. Bien sûr, il y a quelques postulats de base qu’elle se charge de démontrer : entre autres, l’égalité des hommes et des femmes et la construction sociale du genre. Entre les hommes et les femmes, il n’y a pas de différence de nature mais bien un apprentissage des rôles sociaux qui diffère selon le sexe biologique de l’individu. Aux uns, on permet l’agressivité qui est intériorisée comme une composante de leur personnalité, aux autres on l’interdit et elle doit être refoulée.
L’interdiction faite aux femmes de prendre les armes et de participer aux guerres était une façon de leur refuser le pouvoir : « Pour que des femmes soient dominées, il était essentiel qu’elles soient désarmées, c’est pour ça que le monopole de tuer a toujours été masculin » explique Christine Bard, historienne et féministe. Le système patriarcal sur lequel repose nos sociétés est une forme d’organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes. Le contrôle de la filiation est une de ses composantes les plus essentielles.
L’accès des femmes aujourd’hui à un usage de la violence institutionnalisé oblige à repenser les rôles de chacun et brouille les repères identitaires dans une société où la division sexuelle des tâches a été au fondement de l’organisation sociale.
A la question : « Les femmes sont-elles moins violentes que les hommes ? », l’auteure répond que la violence féminine est différente parce qu’elle s’est surtout exprimée dans le privé et la sphère domestique où elles ont été longtemps cantonnées. L’usage de la violence physique étant interdit, elles s’exprimaient davantage par la parole et la violence s’exprimait verbalement. En proie à des conflits psychiques insolubles, elles retournaient aussi parfois la violence contre elles-mêmes et se donnaient la mort, quand elles ne mouraient pas à petit feu, consumées par un désespoir d’autant plus grand qu’il devait être tu.
Mais au fond, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Les hommes ne sont pas par nature des êtres violents et destructeurs et les femmes des victimes passives et désarmées. Tout est question d’éducation. La violence est une force physique ou psychologique pour contraindre et dominer, voire pour causer la mort et elle est présente en chacun de nous. Elle n’est pas non plus la fatalité d’un sexe masculin gorgé de testostérone et incapable de maîtriser ses pulsions. On peut apprendre à canaliser sa force et à sublimer ses pulsions agressives. C’est l’éducation et la culture qui nous donnent les moyens de le faire.
Si autant de femmes meurent aujourd’hui sous les coups de leurs compagnons, la faute en est due peut-être à une éducation où pour être viril il faut être violent, ne pas pleurer et taire ses émotions.
« Ce sont les apprentissages de chacun de son rôle défini par la société qui vont « modeler » son cerveau », affirment aujourd’hui les neurobiologistes.
Quant aux femmes, elles ne sont pas toujours ou seulement des victimes, ce sont aussi des guerrières. Elles sont présentes dans l’histoire et ont montré leur détermination à changer leur vie, à refuser un avenir tout tracé en trouvant la force d’aller contre la tradition. Combattantes sans armes, souvent plus occupées peut-être, par la force des choses, à préserver leur famille et la vie de leurs enfants, elles se révèlent d’un courage extraordinaire, d’une endurance et une persévérance sans faille. Et cela aussi c’est une bonne nouvelle.
Et que cette bonne nouvelle soit portée par Moïra Sauvage est un atout supplémentaire tant cette femme recèle d’énergie, de bienveillance et d’intelligence. (lire l’entrevue réalisée avec elle dans quelques jours)
Dans un essai clair et bien argumenté, tout au long de rencontres passionnantes avec des femmes du monde entier, que ce soient Talisma Nasreen, écrivaine née dans une petite ville du Bangladesh ou les femmes rwandaises après le génocide, avec lesquelles s’est entretenue Moïra Sauvage, l’auteure réussit ce tour de force de présenter un travail rigoureux, mais vivant, et un reportage passionnant aux quatre coins du monde. A lire absolument !