Archives pour la catégorie Poétesses

Nanimissuat Île-tonnerre, Natasha Kanapé Fontaine , Mémoire d’encrier 2018

Nanimissuat Île-tonnerre, Natasha Kanapé Fontaine , Mémoire d’encrier 2018

L’oiseau-tonnerre (1)

Nanimissuat IÎle tonnerre de Natasha Kanapé Fontaine est l’histoire bouleversante d’une renaissance.

En proie à l’alcoolisme, l’auteure prend conscience des blessures de ses ancêtres qui sont en elle, qu’elles lui ont été léguées, même si elles ne lui en ont jamais parlé. Qui la font souffrir. Ce manque de repères la noie et il faut qu’elle se sauve, il lui faut une île.

« Je me suis rendu compte que j’avais les mêmes symptômes que quelqu’un qui aurait vécu des atrocités, alors que je n’en ai pas vécu. J’ai mesuré pour la première fois tout ce que je porte en moi depuis des années et qui ne m’appartient pas » lit-on sur le site du Devoir. Je vous en recommande la lecture.

Le recueil s’ouvre sur une première partie : « Je suis trois femmes en une »,  « Nous sommes mortes/ensevelies/Sous des pluies diluviennes/ De migrantes/ D’assassinées/ Disparues ».
Les blessures sont les siennes. Elles ont l’odeur de leurs plaies.

De cet amalgame, elle doit séparer les trois éléments afin de les faire parvenir à sa conscience, de les imaginer heureuses aussi.

Sa grand-mère, partie trop tôt à l’âge de 59 ans, « Je perds pied/ Les tempêtes/ Mes empreintes/ Sur la grève s’envolent. »

De sa mère, elle récoltera la mémoire : « Les enfants plongent dans le sable/ Et récoltent les fruits/ leur mère »

La fille ne sait pas encore « parler aux étrangères » qui « l’habitent ».

Il lui faut trouver son île, « qui regorge de constellations. »

Les tambours se mettent alors à résonner, si importants dans la culture innue, fait de la peau des caribous, qui relient l’homme à la nature et à tous les êtres vivants.

« Combattre/ Que nous puissions/ Faire fondre nos chaînes/ A force de friction »

Extraire la mémoire,  c’est en Nouvelle-Zélande que l’auteure trouvera son île. L’oiseau apparaît dans le ciel, pour recommencer le récit du monde, réécrire l’histoire.

L’histoire sera peuplée de volcans, d’ouragans et d’éclairs mais peu importe, la paix est retrouvée.

Résultat de recherche d'images pour "nanimissuat île tonnerre"

Thunderbird on top of Totem Pole in Thunderbird Park in Victoria, BC Canada. Taken by Dr Haggis on 29JUL04

 

Natasha Kanapé Fontaine :  » La poétique de la relation au territoire

 

« Le nomadisme a beaucoup influencé la perception du monde, de l’être humain dans son environnement, et la perception de l’être humain avec les animaux, avec les autres êtres vivants, les végétaux, non seulement le territoire, l’environnement, la nature, la planète, mais aussi avec l’univers, de cela a résulté une certaine perception extraterrestre et intraterreste. »

« Le mot « innu » veut dire « être humain ». »

« Le concept de mouvement a beaucoup forgé, j’imagine, la perception de l’innu dans son environnement, […], cela a influencé sa philosophie, mais aussi sa spiritualité, la spiritualité étant un aspect de l’être innu, de la vie innue, étant le concret de la relation au territoire, […]constitué du tambour qui était un instrument qui servait à entrer en relation soit avec l’univers, soit avec l’environnement, les animaux, mais surtout à placer l’innu dans cette relation-là et rappeler à l’environnement qu’elle existe et que l’être humain accepte chaque jour de dire « oui » à cette relation que la nature lui propose. »

Marche des peuples #3 – Slam de Natasha Kanapé Fontaine

« Je parle ta langue pour que tu me comprennes

Quand nous sommes plusieurs à avoir oublié la nôtre

[…]

Nos femmes sont plus fortes que les tiennes

Elles ont cent mille ans de résistance dans les veines… »

2014 – La marche des peuples pour la Terre-Mère

700km, 34 jours de marche le long du fleuve St-Laurent

Initiative citoyenne de protestation contre les projets de pipelines visant à exporter les sables bitumeux albertains

Réflexion sur la féminité native au XXIe siècle – Natasha Kanapé Fontaine

« Cela faisait longtemps que les aînées nous disaient : « Femmes, reprenez votre place, reprenez votre parole, reprenez la force de votre culture, de votre spiritualité, et mettez ça dans un tout et vous verrez, ce que ça va faire. »

Il y a quatre ans, on a assisté au mouvement pancanadien « Idle no more »[1] qui fait que maintenant, un mouvement de réaffirmation identitaire des femmes à l’intérieur des communautés autochtones partout au pays et à travers le monde. Par cette force, cette énergie qui passe au travers de nous, on sent finalement qu’on peut appartenir à notre époque, on peut appartenir à cette renaissance, à cette revitalisation des êtres au sein des individus, des communautés, de recréer des politiques organiques qui sont à l’image de notre tradition, et qui avaient cours avant la colonisation, avant qu’un autre système soit imposé, en totale opposition  de la manière dont on pense. A l’intérieur de ces communautés, les femmes sont en train de recréer ça et ça a vraiment des répercussions sur la santé spirituelle , mentale, de la plupart des individus de la communauté. »

« Notre capacité de résilience est assez phénoménale. »

[1] Le mouvement Idle No More – Jamais plus l’inaction1, désigne le mouvement de contestation des Premières Nations du Canada, déployé en réaction à l’adoption par le gouvernement harper d’une loi qui entraîne selon les manifestants, la violation des traités ancestraux.

Dès le 2 décembre 2012 , le mouvement Idle No More est lancé dans l’Ouest du Canada par quatre femmes : Nina Wilson, Sylvia McAdam, Jessica Gordon et Sheelah McLean.

Innu de Pessamit, Natasha Kanapé Fontaine est poète, slameuse, peintre, comédienne et militante pour les droits autochtones. Elle a publié « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures » (Prix de poésie de la Société des Écrivains francophones d’Amérique 2013), « Manifeste Assi » (2014) et « Bleuets et abricots » (2016) chez Mémoire d’encrier.

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Printemps des poètes : mois des poétesses innu : Natasha Kanapé Fontaine, lecture

Résultat de recherche d'images pour "portrait native women canada"Quel est le songe que je dois faire ?

La vision transparente dans ma peine

Le chant mort des oiseaux

Les immeubles crépitent dans la cassure des neiges

Résultat de recherche d'images pour "portrait native women canada"Ils ne savent pas attiser une flamme avec leurs ongles

Elle est blême la neige jadis

Elle arborait un visage de ciel de mer

Quel est donc le manifeste que je dois vous écrire ?

Anise Koltz : Tu descends le chemin de mon sang…

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Jeune homme nu assis au bord de la mer (1836), Parismusée du Louvre.

Tu descends le chemin de mon sang
comme un caravanier
la route de la soie

Lorsque tu tomberas de mes hanches
mille ans auront passé

J’aime l’homme
au dos vaste
comme une steppe

Dans les profondeurs de sa terre
j’écoute
le bruit du troupeau de buffles
qui le traverse

Anise Koltz

Source : Printemps des poètes

Photo credit : Hippolyte Flandrin [Public domain] wikipédia

Bonne année !

Le Nouvel An de Louisa Paulin

Louisa Paulin (1888-1944), institutrice et poétesse occitane a écrit des poésies en français et en occitan. Atteinte de neuropathie amyloïde, elle est contrainte de prendre une retraite anticipée en 1932.

La nouvelle année

Nouvelle année, année nouvelle,
Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ?
J’ai quatre demoiselles
Toutes grandes et belles.
La plus jeune est en dentelles.
La seconde en épis.
La cadette est en fruits,
Et la dernière en neige.
Voyez le beau cortège !
Nous chantons, nous dansons
La ronde des saisons.

Louisa Paulin

Photo : Par Ouest-Eclair. — Photographie de Louisa Paulin parue dans le journal L’Ouest-Éclair du 26 décembre 1937, disponible en domaine public sur Gallica., CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48524136

Les lunes d’après Marina Tsvetaeva, du 7 au 24 mars 2019

Avant d’aller voir la pièce, vous pouvez assister à la lecture des lettres de l’autrice et poétesse Marina Tsvetaeva.

Parmi vos bonnes résolutions vous pouvez ajouter celle d’aller voir cette pièce.

Après avoir émigré près du canal Saint-Denis à Paris 19°, Meudon, Clamart, puis Vanves, Marina et son fils louent une sobre chambre de l’hôtel Innova au 32 boulevard Pasteur, à Paris.
C’est là que l’histoire commence. C’est ici, ce matin là, dans sa 
 » maison d’exil « , qu’elle ouvre la fenêtre.Comme dans un mirage, Marina se dédouble. Neuf estampes d’elle vont se vivre.

https://vimeo.com/289681489?fbclid=IwAR0UkvuZx1rmzVxoEgwmpTF1aaRfkHJqKB1sIvY5IutIq7koTk_Ea78ItVM

Du 7 au 24 mars 2019

Au Théâtre de L’Épée de Bois, Cartoucherie (Salle en Pierre / 300 places)

Route du Champs de Manoeuvre, 75012 PARIS, 01 48 08 18 75

Jeudi au samedi à 20h30, Samedi et dimanche à 16h

Pendant les « journées des femmes » et le « Printemps des Poètes »

Adaptation et Mise en scène : Isabelle Hurtin,  Conception Ombres : Marie Vitez, Assistants : Bruno Bisaro et Kevin Chemla, Lumières : Stéphanie Daniel; Son : Lionel Erpelding ; Attachée de Presse : Isabelle Muraour; Relations publiques : en cours; Avec Ilham Bakal, Coco Felgeirolles, Inès Hammache; Isabelle Hurtin ; Fanny Jouffroy; Olivia Machon; Yasmine Modestine; Maeva Pinto Lopes; Marie Vitez; Production : Compagnie du Ness

Réalisation et montage : Kevin Chemla, http://cieduness.wixsite.com/ness

Anna de Noailles Voyages

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Voyages

Un train siffle et s’en va, bousculant l’air, les routes,
L’espace, la nuit bleue et l’odeur des chemins ;
Alors, ivre, hagard, il tombera demain
Au coeur d’un beau pays en sifflant sous les voûtes.

Ah ! La claire arrivée au lever du matin !
Les gares, leur odeur de soleil et d’orange,
Tout, ce qui, sur les quais, s’emmêle et se dérange,
Ce merveilleux effort d’instable et de lointain !

– Voir le bel univers, goûter l’Espagne ocreuse,
Son tintement, sa rage et sa dévotion ;
Voir, riche de lumière et d’adoration,
Byzance consolée, inerte et bienheureuse.

Voir la Grèce debout au bleu de l’air salin,
Le Japon en vernis et la Perse en faïence,
L’Égypte au front bardé d’orgueil et de science,
Tunis, ronde, et flambant d’un blanc de kaolin.

Voir la Chine buvant aux belles porcelaines,
L’Inde jaune, accroupie en fumant ses poisons,
La Suède d’argent avec ses deux saisons,
Le Maroc, en arceaux, sa mosquée et ses laines…

Anna de Noailles
L’ombre des jours ( 1902)

Angèle Vannier Poème

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« Ma forêt, ma forêt, si proche et si perdue !…

Elle est sur moi comme une bête fraîche et verte »

 

Angèle Vannier, Les Songes de la lumière et de la brume, Ed. Savel, 1947

Angèle Vannier, née  le 12 août 1917  à Saint-Servan  (aujourd’hui annexée à Saint-MaloIlle-et-Vilaine), et morte le 

L’auteure du mois (Décembre) – Ann Bradstreet (1612-1672), première poétesse américaine

L’auteure du mois : Ann Bradstreet (Northampton, Angleterre, 1612- North Andover, Massachussets, 1672). Bien qu’elle n’aille pas à l’école, elle reçoit une excellente éducation, ce qui était assez rare à l’époque ; son père est appelé « le dévoreur de livres ». Elle bénéficie de la tradition Élisabéthaine qui encourage la culture féminine[1].

Née en Angleterre, elle épousa à seize ans Simon Bradstreet et s’installa en 1630 en Nouvelle-Angleterre en compagnie de son mari et de ses enfants[2]. Son père, Thomas Dudley, devint gouverneur de la Massachussets Bay Colony, Simon Bradstreet fut lui aussi nommé Gouverneur. En 1640, elle eut le premier de ses huit enfants. Elle abandonne le confort d’une vie d’aristocrate contre la rude vie des colonies.

Son mari étant fréquemment absent, elle passe ses jours et ses nuits à lire, dévorant la vaste collection de livres de son père : elle lit Thucydide, Plutarque, Ovide, Suétone, Homère, Hésiode, Milton et Hobbes. Elle possédait une vaste culture qui embrassait autant la religion que les sciences , l’histoire, l’art ou la médecine.

On dit que sa bibliothèque rassemblait plus de 800 ouvrages !

Ses premiers poèmes sont assez conventionnels, basés sur des sujets domestiques et religieux mais reflètent les conflits émotionnels et religieux qui l’agitent en tant que femme écrivain et les prescriptions rigoristes du puritanisme qui s’opposent à sa vocation. La sensualité, les beautés et les plaisirs du monde terrestres s’opposent souvent à l’expérience domestique et les promesses de la religion d’une vie au-delà. Si ses poèmes traduisent sa foi, ils expriment aussi, de manière ambivalente, les tensions entre l’âme et le corps.

La première édition de ses poèmes, subtilisés par son beau-frère, se fit en Angleterre en 1650 sous le titre  The Tenth Muse Lately Spung up in America. Plus tard reconnus comme les siens, de l’avis de ses homologues masculins, prouvaient qu’une femme éduquée pouvait produire des œuvres considérées comme socialement acceptables par les hommes. Il fallut attendre 1678 pour qu’elle soit publiée à Boston, devenant ainsi la première poétesse anglaise des Etats-Unis. La plupart de ses poèmes sont influencés par sir Philip Sidney et par le poète français Du Bartas. Elle publia aussi des discours poétiques sur la symbolique des quatre saisons, un dialogue entre la métropole et la Nouvelle-Angleterre ainsi qu’une histoire en vers fondée sur History of the world de Raleigh. Sa réputation reste cependant liée à des poèmes plus tardifs et plus courts, où elle se montre plus personnelle et moins dépendante des conventions poétiques, ainsi ce poème sous forme de sonnets élisabéthains.

To my dear and loving husband[3]

If ever two were one, then surely we.

If ever man were loved by wife, then thee.

If ever wife was happy in a man,

Compare with me, ye women, if you can.

I prize thy love more than whole mines of gold,

Or all the riches that the East doth hold.

My love is such that rivers cannot quench,

Nor ought but love from thee give recompense.

Thy love is such I can no way repay;

The heavens reward thee manifold, I pray.

Then while we live, in love let’s so persever,

That when we live no more, we may live ever.

[1] https://www.poetryfoundation.org/poets/anne-bradstreet

[2] Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992

[3] https://www.poetryfoundation.org/poems/43706/to-my-dear-and-loving-husband

Photo : GNU Free Documentation License

Albane Gellé : Doué-la-Fontaine

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Albane Gellé : Doué-la-Fontaine

des hommes debout et leurs villages dessous la terre des pierres joyeuses en cathédrales des pierres encore interminables devant les yeux depuis jadis cent mille roses princesses d\’été un peu sauvages ici pour vivre le vent respire un enfant marche – marche et s\’arrête pour le silence des girafes un loup crinière des oiseaux bleus – marche et s\’arrête pendant des heures le cœur s\’agite entre du ciel et des rochers ville fontaine

Source : Printemps des poètes

Andrée Chedid : De cet amour ardent je reste émerveillée

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De cet amour ardent je reste émerveillée

 

Je reste émerveillée

Du clapotis de l’eau

Des oiseaux gazouilleurs

Ces bonheurs de la terre

Je reste émerveillée

D’un amour

Invincible

Toujours présent

Je reste émerveillée

De cet amour

Ardent

Qui ne craint

Ni le torrent du temps

Ni l’hécatombe

Des jours accumulés

Dans mon miroir

Défraîchi

Je me souris encore

Je reste émerveillée

Rien n’y fait

L’amour s’est implanté

Une fois

Pour toutes.

De cet amour ardent je reste émerveillée.

Amina Saïd : la mer implacable métaphore

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proche lointaine indifférente
à portée d’hommes la terre

l’horizon la nuit brouillent les distances

hommes femmes enfants
embarqués pour le néant
avec les yeux de qui est promis à la mort

leurs noms se brisent lettre à lettre

les premiers meurent les enfants
visage tourné vers la première étoile

corps repoussés vers le silence de la rive
par la houle amnésique du monde

corps rejetés par l’absurdité du matin
corps n’ayant nulle part sur cette terre
qu’une tombe sans nom

Amina Saïd (Tunisie) – Source : printemps des poètes

En route – Malvina Blanchecotte (1830-1897)

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Malvina Blanchecotte (1830-1897)

On est perdu : la route à l’infini s’allonge.

Les pas suivent les pas fatigués : on ne sait

Si l’on veille et l’on vit, ou si déjà l’on songe,

Un vent lugubre passe et trouble tout à fait.

La lune ouvre un œil blême et luit par intervalles :

De bien loin en bien loin percent des clartés pâles,

Tachetant les flancs noirs des maisons dans les bois.

Dans toute cette nuit et dans tout ce silence

L’esprit halluciné croit surprendre des voix

Qui des vieux souvenirs prennent la ressemblance…

(Les Militantes, 1875)

 

Résultat de recherche d'images pour "Malvina Blanchecotte"Est née le 30 novembre 1830 en milieu ouvrier. Par son origine, elle sera très sensible à l’injustice sociale mais tentera de s’en affranchir pour obtenir une pleine reconnaissance intellectuelle. Elle épouse Blanchecotte, teneur de livres et a un fils. Elle entre en relation avec Lamartine, puis Béranger, qui sont ses maîtres en poésie et fréquente le salon de Louise Colet. Elle lit beaucoup et travaille avec acharnement. Son premier recueil de poèmes « Rêves et réalités, Poésies, Par Mme B, ouvrière et poète » a un vrai succès; il est couronné par l’Académie française et Sainte-Beuve lui consacre un article. L’année suivante, il est réédité avec un poème d’hommage de Lamartine.

Elle devient professeur et court le cachet, soumise à une vie de semi-misère dont elle gardera une profonde amertume.

Elle connaîtra la consécration, rare pour une femme, de voir quelques-uns de ses poèmes publiés dans le Parnasse contemporain II et III (1871,1876). Son oeuvre est intéressante par la vigueur avec laquelle elle s’inscrit contre les clichés d’un sentimentalisme féminin, et par son sens de la formule. (

Photo : Lunch by the roadside / Pause dîner au bord de la route/ Creator(s) / créateur(s) : John Boyd/ Date(s) : June 23, 1917 / 23 juin 1917

La nuit spirituelle – Lydie Dattas / En réponse à Jean Genet.

La nuit spirituelle – Lydie Dattas – Gallimard 2013

La nuit spirituelle de Lydie Dattas, Ernst Jünger, Jean Grosjean ...

La genèse de ce long poème en prose écrit en 1977 est tout à fait intéressante.  Admiratrice de Jean Genêt, Lydie Dattas le rencontre un soir dans le studio qu’il avait loué dans son immeuble et une discussion s’engage où elle lui fait part de ses désaccords. Profondément blessé, Jean Genêt lui signifie son bannissement par personne interposée : « Je ne veux plus la voir, elle me contredit tout le temps. D’ailleurs Lydie est une femme et je déteste les femmes. » Rejetée ainsi dans la « nuit » de son sexe, elle décide d’écrire un long poème « si beau » qu’il l’obligerait à revenir vers elle, cherchant à lui rendre mot pour mot, la blessure qu’il lui a infligée. Elle y réussit car le jour suivant il se tenait à sa porte.

Il écrivit même : « Je ne comprends pas comment vous avez pu faire des phrases si riches. C’est comme ce que j’aime le mieux, Baudelaire, Nerval. »

A son tour, jean Grosjean en fit l’éloge : « C’est passionnant et arrachant, et tout à fait scandaleux »

Etre femme c’est être renvoyée à la « nuit » de son sexe, exclue de la beauté et de l’esprit. Les femmes ne peuvent pas créer à l’égal des hommes, la misogynie ambiante les condamne à leurs fonctions biologiques, dans le cercle étroit de leur foyer. Qu’à cela ne tienne, puisque Lydie est exclue de ce cercle des créateurs parce qu’elle est une femme, elle fera de cet exil un chant, plus beau que tous les autres.

Ce poème s’articule autour des métaphores de la nuit et du jour, de la lumière et de l’obscurité, dans la grande tradition :

« Si je chante c’est d’une voix sombrée : aucun motif, aucun ornement qui doive ici sa beauté à la lumière, mais chacun tirant son éclat de la nuit et son rayonnement de la tristesse, aggravera sa misère. »

La beauté est désespoir, elle renvoie à la nuit intérieure, à la nuit spirituelle de celle qui en est exclue. Mais son art est si consommé que les ténèbres irradient de manière plus somptueuse encore.

« Ne pouvant supporter de vivre en dehors de la beauté, mais ne pouvant m’en approcher sans la profaner davantage, je m’efforcerai de rendre cette malédiction même une beauté, je m’efforcerai de rendre cette malédiction si profonde et si sombre qu’elle en soit belle. »

Ainsi la condamnation et l’exclusion, seront les moteurs de la création, mais rien, vraiment rien n’empêchera la poétesse de parfaire son chant.

Un très beau texte.

Merci à Claire de me l’avoir offert.