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Les femmes et la littérature : Carole Martinez

Je suis très très lente, je mets près de dix, quinze ans pour un roman, en fait, entre le moment où je commence à raconter et la fin de l écriture. Parce qu’avant d écrire,  je raconte, et mon histoire mûrit dans les yeux des gens auxquels je la raconte. Et c’est dans leur écoute, que je trouve la force et le désir d’aller plus loin. Je suis une conteuse, je fais ma Shéhérazade, et il y a des gens extraordinaires,  à qui on a envie de raconter plus longtemps. Alors on va plus plus loin, et l on se dit, il ne faut pas oublier ce qu’on vient d inventer pour eux . En général, je ne note pas, et si ça ne tient pas, c’est que l’histoire n était pas assez forte, mais petit à petit, normalement l’histoire se fait comme ça. Quand finalement je me mets à écrire, il se passe autre chose, et c’est assez étonnant d’ailleurs car l’histoire écrite n’est pas celle que j’ai racontée. C’est le fil même de l’écriture qui va me conduire ailleurs.

Carole Martinez, Meulan-en-Yvelines, le samedi 9 avril 2022

Lire pour l’Ukraine / Żanna Słoniowska  – Une ville à cœur ouvert/ Lviv

Żanna Słoniowska  – Une ville à cœur ouvert – Editions Delcourt, 2018, pour la traduction française, roman traduit du polonais par Caroline Raszka-Dewez

Nous assistons, impuissant.es au martyr de nombreuses villes ukrainiennes et à la souffrance de leurs habitants, quand ce n’est pas leur mort par dizaines, par milliers. Ce roman a pour personnage principal une ville d’Ukraine qui, au cours de l’Histoire, a été le théâtre d’affrontements entre différents états, jouet de leur désir d’hégémonie et de puissance. Ella a été tour à tour polonaise, autrichienne, russe puis enfin ukrainienne avant d’être aujourd’hui à nouveau prise dans la tourmente de la guerre.

Située à moins de cent kilomètres de la frontière polonaise, Lviv (Lwów en polonais) et Lvov en russe. Selon la traductrice, Caroline Raszka-Dewez, son nom se prononce « Li’viv » avec un L initial au son mouillé. L’autrice écrit en polonais.

 Ce roman a reçu le prix Conrad Award.

L’histoire de la ville est racontée à travers quatre destins de femmes, intimement liée, chacune, aux bouleversements politiques de l’Ukraine. Des combats polono-ukrainiens de 1918 à la russification à marche forcée, de la Renaissance fusillée par Staline (purges d’écrivains ukrainiens), à la suppression dans les dictionnaires de nombre de mots d’origine ukrainienne, afin que la langue se rapproche du russe.

Elle débute en 1988, alors que Marianna meurt, abattue lors d’une manifestation antisoviétique. Le drapeau ukrainien est interdit, et le brandir lors d’une manifestation est passible d’arrestation, voire de mort. Le monde soviétique ne plaisante pas avec le nationalisme ukrainien. Tout comme le chant des fusiliers ukrainiens entonné par Marianna :

« Oh ! dans la clairière s’est couché l’obier rouge,

Notre glorieuse Ukraine est tout en peine… »

La ville souffre et porte les stigmates de la mort de Marianna. « Le jour de son enterrement, c’était comme si les accords de l’orchestre militaire allaient faire voler en éclat les façades qui, tels de gros gâteaux à la crème, ornaient les édifices de notre rue. »

L’histoire entre dans les vies de ses habitants « en forçant portes et fenêtres »

Chanteuse d’opéra, Marianna devient symbole de la ville martyr, pleurée par le peuple, par sa fille inconsolable et son jeune amant, Miko, scénographe.

Les plaques commémoratives poussent sur les murs comme des champignons, les balcons s’effondrent, la ville bat comme un cœur, gémit, exhibe ses pustules, perd ses membres.

Et comme partout, ce sont les pavés de la révolte  que l’on jette… Jusqu’à la victoire, qui au fond, n’est que provisoire.

Carole Martinez à Meulan-en-Yvelines, qu’on se le dise !

Samedi 9 avril à 15h, la bibliothèque multimédi@ et mon amie Karine reçoivent la romancière Carole Martinez pour son dernier roman Les roses fauves publié en 2020 chez Gallimard. Cette rencontre sera suivie d’une dédicace. Karine étant une très talentueuse intervieweuse, la rencontre sera forcément intéressante. L’écriture de Carole Martinez est belle, puissante. Elle fait partie de ces autrices qui ont fortement marqué le paysage littéraire français et dont je suis une lectrice assidue !

Entre autres, vous pourrez lire les chroniques de :

Coeur cousu

Du domaine des murmures

La terre qui penche

Entrée libre, il n’est pas nécessaire de l’avoir déjà lue pour assister aux échanges. INFOS au 01 30 95 74 23

Carole Martinez et Karine Josse

Oksana Zaboujko : « Nous avons été élevés par des hommes baisés de toutes parts »

Récit d’une relation passionnelle, entre un homme, un peintre ukrainien et une femme, la narratrice,  mais aussi entre une femme et un pays, ce roman raconte l’Ukraine dont l’Histoire est une tragédie.

Cette histoire d’amour vouée à la souffrance, à l’échec porte en elle l’histoire du pays qui a façonné les relations entre les êtres à travers l’humiliation et la souffrance.

Les rapports de domination d’un genre sur un autre sont aussi la métaphore de ceux d’un pays soumis à un autre . Un pays, qui de ce fait, flotte dans la « non-existence » d’une langue, d’une nation et d’une culture.

Ce roman a fait date dans l’histoire littéraire ukrainienne, car il traduit une nouvelle liberté dans l’écriture, une liberté syntaxique et stylistique, à travers une narration éclatée entre le je et le elle, d’un sujet engagé émotionnellement dans la narration, où en même temps il se regarde dans un essai de distanciation. En tout cas, c’est ainsi que je l’ai ressenti.

Iryna Dmitrytrychyn, sa traductrice, évoque dans sa postface, une narration qui semble « emmêlée dans le temps et l’espace ».

Le lecteur ou la lectrice ne savent pas toujours à quel moment se situe cette histoire, le passé et le présent s’entrechoquent, émaillés de considérations philosophiques et politiques sur l’histoire de l’Ukraine dé-colonisée.

Entre ce « je » et ce « elle », il y a ces « ils », l’histoire nationale, ses fractures, ses luttes et la façon dont elles influent sur les destins individuels et causent de profonds traumatismes.

Le destin individuel prend le pas sur le destin national dans la narration mais pourtant la vie de la narratrice implose sous les coups de boutoir de la violence politique qui rend impossible les relations d’amour entre soi et l’autre.

Les hommes subissent des traumatismes, des blessures qu’ils infligent à leur à leurs compagnes. J’ai ressenti cela aussi très fortement dans la littérature palestinienne.

La fidélité à la nation suppose la fidélité aux hommes qui se battent pour elle.

« Les traumatismes subis de génération en génération et la peur intériorisée rendent impossibles l’amour » affirme l’auteur selon sa traductrice.

«  Nous avons été élevés par des hommes baisés de toutes parts, et que c’est comme ça, que ces hommes vous baisaient à leur tour » écrit l’autrice.

                Lu aujourd’hui dans le fracas de la guerre, le texte est encore plus bouleversant : «  Dans la vraie vie les tragédies ne sont pas belles. »

Putain d’histoire, s’exclame-t-elle, qui recommence alors que ce peuple déjà tant éprouvé pensait qu’enfin c’était « derrière ».

Putain d’Histoire …

Paroles d’autrice : Oksana Zaboujko – Le peuple se meurt…

« Le peuple se meurt en esclavage, je le dis une nouvelle fois, je mâche et remâche cette pensée jusqu’à la perte complète du goût, tout pour arrêter cette douleur lancinante, comme le mauvais temps, comme les entrailles vides tous les mois – la survie prend rapidement la place de la vie, en dégénérant ? »

Zaboujko, Oksana. Explorations sur le terrain du sexe ukrainien, roman, trd. Iryna Dmytrychyn-Bonin, éditions Intervalles, Paris, 2015

Oksana Zaboujko est une romancière, philosophe et poétesse ukrainienne. Son oeuvre, marquée par ses engagements féministes, constitue une réflexion d’envergure sur l’identité ukrainienne et l’empreinte de l’Histoire sur les destins individuels. Publié en 1996, Explorations sur le terrain du sexe ukrainien a connu un immense succès et suscité d’intenses polémiques dès sa parution. Ce roman a été traduit en une douzaine de langues. –Ce texte fait référence à l’édition paperback.

Photo credit : wikipédia

Cette réflexion, tirée d’un roman paru en 1996, est d’une terrible actualité. Le malheur qui s’accroche au peuple ukrainien tout au long de son histoire, reprend une nouvelle vigueur :

Chacune de vos pauses-café « coûte une vie », lance l’écrivaine ukrainienne Oksana Zaboujko devant le Parlement européen à Strasbourg, le 8 mars 2022 ( source AFP/Frederick FLORIN) 

8 mars 2022 : Journée internationale des droits des femmes – Russie et Ukraine

En ce jour pour l’égalité des droits, que l’on soit femme russe ou femme ukrainienne, un même processus d’invisibilisation a été à l’œuvre au cours de l’Histoire. Ce jour permet de les réunir.

Oubliées! Femmes et littérature en Russie et en Ukraine – 1 – avant 1900 Broché – 7 octobre 2021
de Viktoriya Lajoye (Avec la contribution de), Patrice Lajoye (Avec la contribution de)

Ouvrez n’importe quel livre d’histoire de la littérature russe ou ukrainienne et cherchez-y les femmes. Peut-être en trouverez-vous une ou deux, le plus souvent des poétesses. Les autrices sont littéralement oubliées. Or elles furent un certain nombre à avoir brillé en leur temps, avant d’être dissimulées par les replis du temps.
Ce premier volume d’Oubliées ! vous propose onze textes d’autrices russes et ukrainiennes, de la fin du XVIIIe siècle à la fin du XIXe. Onze œuvres formant un panorama de la prose féminine d’alors.

Oubliées! Femmes et littérature en Russie et en Ukraine – 2 – Après 1900 Broché – 7 octobre 2021

« Alors que les littératures russe et ukrainienne sont entrées dans la modernité, la situation des autrices s’est-elle améliorée ? Si peu… Plus nombreuses qu’au siècle précédent, elles sont pourtant tout autant ignorées.
Elles font donc l’objet de ce deuxième volume d’Oubliées !, qui couvre la période allant de 1900 au début du règne de Staline. Une période critique, agitée de nombreux mouvements sociaux dans lesquels les femmes ont eu leur mot à dire. »

Le blog lettres ukrainiennes présente un panorama des oeuvres littéraires et à travers un diaporama  » Les dispositifs narratifs de la mise en (in)visibilité des « grandes femmes » de la littérature ukrainienne par Galyna DRANENKO.

Dans ces processus, sont à œuvre des bio-narrathèmes dominants : l’utilisation d’un pseudonyme masculin, la mise en avant de valeurs « viriles », c’est-à-dire l’héroïsme, l’image de la combattante, le courage, la prédominance de la mère, celle qui crée et enfante, nourricière, fondatrice, qui mène une activité intense et de multiples productions.

Lire pour l’Ukraine /L’année des autrices ukrainiennes – écrire pour résister

Alors que la guerre gronde une fois de plus à nos portes, et que les menaces ne cessent de s’accumuler au-dessus de nos têtes, je me suis penchée sur l’histoire littéraire de l’Ukraine et notamment sur la place des autrices dans ce panorama. Comme partout ailleurs, leur combat pour écrire n’a pas fait exception à la règle, ni l’invisibilisation de leurs oeuvres, mais il s’est doublé d’un autre tout aussi politique dans leur rapport à la langue ukrainienne, à la russification et à la construction d’une nation aujourd’hui en grand danger. Sans conteste, elles sont très peu traduites en français, mais j’ai pu me procurer quelques ouvrages que je vais essayer de chroniquer ici. Je vous invite à faire de même. Je ne sais pas si la culture peut lutter contre la barbarie mais elle est un autre moyen de résistance à long terme. Les livres sont porteurs de mémoire.

Ainsi que l’écrit Oksana Zaboujko dans « Explorations sur le terrain du sexe ukrainien », « l’Ukraine c’est Chronos, qui dévore ses enfants avec menottes et petons… »,

Cette lutte pour la liberté se paye durement, sur une terre qui fut colonisée par les empires ou par les voisins, et mit du temps, de la sueur, et des larmes à se construire. La littérature et la langue ukrainienne furent aussi les terrains de cette lutte face aux démagogues et aux tyrans.

Le pingouin d’ Andreï Kourkov par Valentyne

Un poème de Lessia Oukraïnka (1871-1913) par Madame lit

Felix Austria, de Sofia Andrukhovych par Passage à l’Est

Entretien avec IRYNA DMYTRYCHYN Propos recueillis par  Anna Mozharova

«Le testament» de Taras Chevtchenko par Madame lit

Les femmes, l’art à Paris au mois de mars 2022

À l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes, découvrez le programme proposé dans les musées parisiens :


– de 10h à 18h, l’exposition « Femmes photographes de guerre » ouvrira ses portes au musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin. Visite de l’exposition soumise à l’achat d’un billet.

– à 16hle musée Cognacq-Jay vous invite à une visite gratuite de sa nouvelle exposition « Boilly. Chroniques parisiennes » sous le prisme de la représentation féminine : « Chroniques de la vie d’une Parisienne sous l’œil de Boilly« . Visite gratuite soumise à l’achat d’un billet d’exposition, réservation obligatoire par email.

– à 14h30, suivez la visite conférence « la question féminine dans la vie et l’œuvre de Victor Hugo » à la Maison de Victor Hugo – ParisRéservation en ligne

– en soirée, le Musée Carnavalet – Histoire de Paris invite Blanche Sabbah, auteure de BD, engagée et activiste féministe, pour une soirée d’échanges et de dessins

  Et en ce mois de Mars :

 A ne pas manquer, cette magnifique exposition de peintures, sculptures, photographies, films, œuvres textiles et littéraires, au Musée du Luxembourg, qui  propose de mettre en avant le rôle primordial des femmes dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité au Musée.  Elles sont les premières à pouvoir être reconnues comme des artistes. Elles revendiquent la liberté de travailler, d’aimer qui elles veulent et la maîtrise de leur sexualité. Elles proposent une vision nouvelle de la femme et surtout de l’artiste.

commissariat général : Camille Morineau, Conservatrice du Patrimoine et directrice d’AWARE – Archives of Women Artists, Research and Exhibitions –
commissaire associée : Lucia Pesapane, historienne de l’art

Romy Schneider, l’exposition hommage à découvrir à la Cinémathèque
La Cinémathèque rend hommage à Romy Schneider dans une exposition éponyme, à voir du 16 mars au 31 juillet 2022

Les Fantômes d’Orsay, l’exposition de Sophie Calle au Musée d’Orsay
Le musée d’Orsay consacre une exposition à l’artiste Sophie Calle, intitulée Les Fantômes d’Orsay, du 15 mars au 12 juin 2022. Une plongée inédite au sein de l’histoire de l’artiste qui a vécu au sein de l’hôtel d’Orsay, déserté, avant le début des travaux transformant la gare en musée. [Lire la suite]

Aurea, l’exposition-expérience de Sabrina Ratté à la Gaîté Lyrique
La Gaîté Lyrique vous invite à découvrir une exposition-expérience unique en son genre, imaginée par l’artiste Sabrina Ratté, intitulée Aurea et à découvrir du 17 mars au 10 juillet 2022. [Lire la suite]

Exposition Graciela Iturbide, Heliotropo 37, à la Fondation Cartier à Paris
La Fondation Cartier pour l’art contemporain consacre une grande exposition à l’artiste Graciela Iturbide. A voir du 12 février au 29 mai 2022, l’installation « Heliotropo 37 » dévoile l’ensemble de l’œuvre de cette photographe mexicaine, des années 1970 jusqu’à aujourd’hui.

Exposition Xinyi Cheng à Lafayette Anticipations
La Fondation Lafayette Anticipations consacre une exposition à l’artiste chinoise Xinyi Cheng, Seen Through Others, du 23 mars au 28 mai 2022. Une exposition qui invite les visiteurs à se questionner sur « la complexité des émotions, des désirs et de rapports qui imprègnent la vie contemporaine ».

Exposition Anita Molinero au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris consacre une exposition à la plasticienne, peintre et sculptrice Anita Molinero du 25 mars au 24 juillet 2022. Une plongée unique au coeur de son univers, plein de silhouettes anthropomorphes.

Julie Manet, la mémoire impressionniste : nos photos de l’exposition du musée Marmottan Monet
Muse et symbole d’une période impressionniste éclatante, Julie Manet est au cœur de l’exposition du musée Marmottan Monet. Du 19 octobre 2021 au 20 mars 2022…

Simone Veil, un destin européen, l’exposition à Citéco – la Cité de l’Economie
Une plongée inédite dans la vie de cette femme d’exception, ainsi qu’au sein de son engagement européen.

Un beau mois de mars en perspective !

Laissez-nous chanter ! Lessia Oukraïnka (1871-1913)

Lessia Oukraïnka

« Grands noms et grandes voix! De leur bruit sonore l’univers retentit!.. Certes, la faible voix d’une esclave qui chante n’aura pas la gloire d’attirer l’attention de ces grands demi-dieux à la tête couronnée de lauriers et de roses. Mais nous autres, pauvres poètes des cachots, nous sommes habitués aux chants sans échos, aux prières inexaucées, aux malédictions vaines, aux larmes inconsolées, aux gémissements sourds. On peut tout comprimer hors la voix de l’âme, elle se fera entendre dans un désert sauvage si ce n’est dans la foule ou devant les rois. Et le front qui n’a jamais connu de lauriers n’en est pas moins fier, n’en est pas moins pur, il n’a pas besoin de lauriers pour cacher quelque opprobre. Et la voix qui n’a jamais éveillé l’écho d’or n’en est pas moins libre, n’en est pas moins sincère, elle n’a pas besoin de célèbres interprètes pour se faire bien comprendre.

Or, laissez nous chanter, le chant est notre seul bien, on peut tout comprimer hors la voix de l’âme. »

Laryssa Petrivna Kossatch-Kvitka (en ukrainien : Лариса Петрівна Косач-Квітка), née le 13 février 1871 àNovohrad-Volynskyï en Ukraine, et morte le 19 juillet 1913  à Surami en Géorgie, plus connue sous le nom de Lessia Oukraïnka (ukrainien : Леся Українка), est une écrivaine, critique et poétesse ukrainienne, engagée activement en politique et en féminisme (source Wikipédia)

Le texte est extrait de L’encyclopédie de la vie et de l’oeuvre de Lessia Oukraïnka

Autrices ukrainiennes – Lutter pour écrire, écrire pour lutter

La littérature en langue ukrainienne a été profondément liée aux soubresauts de l’Histoire, souvent reléguée comme langue secondaire par la domination étrangère quand elle n’a pas été tout simplement interdite. Dès 1920, dans l’Ukraine de l’Ouest, naît un mouvement qui considère la langue ukrainienne comme un patrimoine culturel à préserver et participant à l’identité. Staline organisera une répression féroce contre les écrivains engagés pour une identité ukrainienne dans les régions soumises à la Russie, emprisonnés au goulag puis fusillés.

Le blog lettres ukrainiennes présente un panorama des oeuvres littéraires et à travers un diaporama  » Les dispositifs narratifs de la mise en (in)visibilité des « grandes femmes » de la littérature ukrainienne par Galyna DRANENKO.

Maria Markovytch, sous le pseudonyme de Marko Vovtchok, est l’une des premières femmes de lettres ukrainiennes. Elle a fait un véritable travail d’ethnographe, recueillant le folklore, les chansons, qu’elle réutilisa dans ses écrits. Elle écrivit des histoires courtes dont l’une assurera sa postérité : Maroussia est l’ histoire d’une petite Ukrainienne du XVII° siècle, qui se sacrifie pour la liberté de son pays au moment des luttes contre Russes, Polonais et Turcs. P. J. Stahl reprendra cette histoire pour en faire un roman qui sera régulièrement réédité jusque dans les années 80.

Lina Kostenko est une autre des figures féminines de la littérature ukrainienne dont l’œuvre a été censurée à partir des années 60. Elle participa au mouvement dissident des poètes ukrainiens. Elle a reçu en 2012, le titre d’ « écrivain d’or de l’Ukraine » à titre de réhabilitation et de reconnaissance.

Si les femmes durent s’imposer pour écrire, leurs oeuvres furent également, pour certaines, une manière de lutter contre les dominations étrangères.

1800-1850 : Marko Vovtchok (1833–1907), nom de plume de Maria Aleksandrovna Vilinska, romancière, nouvelliste, traductrice /Olena Ptchilka (1849–1930), poète, ethnographe, traductrice

Photo credit : wikipedia domaine public

1850-1900 : Natalia Kobrynska (1851–1920), nouvelliste et éditrice/ Dniprova Tchaïka  (1861–1927), poète, nouvelliste, écrivaine pour enfants/ Lioubov Ianovska  (1861–1933), nouvelliste, romancière, dramaturge/ Hrytsko Hryhorenko  (1867–1924), nom de plume d’Olexandra Soudovchtchykova-Kossatch, poète, nouvelliste, traductrice, journaliste/ Levhenia Iarochynska  (1868–1904), journaliste, nouvelliste, traductrice, éditrice/ Lessia Oukraïnka (1871–1913), poétesse, dramaturge, critique littéraire, essayiste / Marika Pidhirianka  (1881–1963), poétesse, écrivaine pour enfant

1900-1950 : Olena Teliha (1906–1942), romancière, nouvelliste, dramaturge, traducteur, critique littéraire/ Sophie Jablonska (1907-1971), récits de voyage/ Vira Vovk (1926-), poète, romancière, dramaturge, traductrice/ Lina Kostenko (1930-), poétesse, romancière, écrivaine pour enfants/ Emma Andiyevska (1931-), romancière, poétesse, nouvelliste/ Nina Bitchouïa (1937-), romancière, écrivaine pour enfants/ Iryna Jylenko (1941-), poétesse, nouvelliste, écrivaine pour enfants/ Lydia Grigorieva (1945-), poétesse/ Lioudmyla Skyrda(1945-), poétesse, traductrice, critique littéraire / Olena Tchekan (1946-2013), actrice, scénariste, éditrice, journaliste politique, activiste sociale, nouvelliste, éditorialiste, essayiste, féministe, humaniste 1950-2000 : Oksana Zaboujko (1960-), romancière, poétesse, essayiste / Anna Shevchenko (1965), romancière, linguiste, interprète/ Marina Yuryevna Diatchenko-Shyrshova (1968-)/ Natalia Sniadanko (née en 1973), romancière, nouvelliste, journaliste, traductrice/ Svitlana Pyrkalo (1976-), romancière, essayiste, éditrice, journaliste/ Maryna Sokolian (1979-), romancière, nouvelliste, dramaturge/ Sofia Androukhovytch (1982-), romancière, traductrice, éditrice/ Kateryna Kalytko (1982-), poétesse, écrivaine, traductrice

2022

Quoi qu’il en soit, les livres resteront le lieu de la mémoire, de la révolte, et aussi de l’espoir… A vous, toutes, tous … Anna

Paroles de poétesse : Anne Sexton

Anne Sexton, détail

« Si j’écris rats et je découvre que rats lit star à l’envers […] alors est-ce que star n’est pas vrai ? […] Je sais bien sûr que les mots sont un jeu qui raconte, je le sais jusqu’à ce qu’ils commencent à s’arranger de sorte qu’ils écrivent quelque chose mieux que je ne pourrais jamais le faire. […] Tout ce que je suis est l’artifice des mots s’écrivant eux-mêmes. » Lettre au Dr Orne, D. W. Middlebrook p 82

 » If I write RATS and discover that rats reads STAR backwards […] then is star untrue ? Of course, I KNOW that words are just a counting game, I know this until the words start to arrange themselves and write something better than I would ever know. […] All I am is the trick of words writing themselves. »

Anne Sexton, « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) » bientôt disponible en France

Et nous sommes de la magie se parlant à elle-même,

bruyante et solitaire. Je suis la reine de tous mes vices

oubliés. Suis-je toujours égarée ?

Jadis j’étais belle. Maintenant je suis moi-même,

comptant des mocassins rangée après rangée

sur l’étagère muette où ils continuent d’espérer

Cela faisait des années que j’attendais cela, et ce sont les Edition « des femmes – Antoinette Fouque » qui ont réalisé ce rêve de voir enfin traduites, en France, les oeuvres poétiques d’Anne Sexton ! Prix Pulitzer en 1967 pour « Live or Die », immense poétesse qui devint une figure marquante du confessionalisme américain incarné par le poète Robert Lowell, Anne Sexton(1928-1977) est l’autrice d’une oeuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils. Elle s’est vue décerner de nombreux titres honorifiques dans des universités telles que Harvard, Colgate ou encore Boston.

Son style est novateur et transgressif, d’une incroyable modernité, les menstruations, l’avortement, le lien matriciel ou l’inceste et la psychanalyse sont parmi les thèmes de cette poésie iconoclaste. Poétesse tourmentée, à la biographie parfois polémique (voir Diane Wood Middlebrook, Anne Sexton, a biography), qui finira par se suicider, à l’instar de Sylvia Plath, et dont le poème « Mercy Street » a fait l’objet d’une chanson par Peter Gabriel, son oeuvre mérite d’être davantage connue en France.

Le 13 janvier 2022 paraîtra « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) », traduit de l’anglais par Sabine Huynh, et présenté par Patricia Godi. Cette édition réunit les quatre premiers recueils d’Anne Sexton (1928-1977) publiés dans les années soixante.

« Chaque être en moi est un oiseau.
Je bats toutes mes ailes.
Ils voulaient te retrancher de moi
mais ils ne le feront pas.
Ils disaient que tu étais infiniment vide
mais tu ne l’es pas.
Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n’es pas déchirée. »
A. S., Pour fêter ma matrice

Anne Sexton

Pour un temps soit peu – Laurène Marx- Editions théâtrales

Pour un temps sois peu / transe - broché - Laurène Marx - Achat Livre | fnac

Je me suis toujours demandé à quoi tenait la force des grands textes ? Est-ce la manière qu’ils ont de résonner dans leur époque ? Ou de poser les questions qui la taraudent ? Ou peut-être la manière qu’ils ont de vous rendre plus intelligent.e, en vous aidant à cheminer dans votre labyrinthe intérieur ?

Le texte dramatique de Laurène Marx est un grand texte.

S’il s’agit de « couper tout ce qui dépasse » pour être une femme, pour devenir une parmi les autres, l’invisibilité est-elle alors la seule issue ? Pour vivre heureux, vivons cachés ou alors vivons gâchés ? En quoi son personnage, cette femme trans, qui n’a « ni le charme, ni les souvenirs d’une femme » permet-il de réinterroger le féminin ? Est-il réellement impossible qu’il y ait « des femmes avec une bite ? »   

Vous me direz, mais nous avons déjà la réponse, elle a été trouvée depuis quelque temps déjà, il s’agirait de la non-binarité, un terme générique venu des sciences sociales et des études sur le genre, qui signifierait que l’on ne s’identifie ni à l‘un ni à l’autre genre (au mieux un mélange des deux). Judith Butler, chef de file de la théorie queer, proposait déjà de subvertir les normes de genre et à dépasser la dualité entre féminin et masculin.

Et pourtant, il y a ce mystère, de ces personnes qui, nées dans un corps d’homme, se sentent, en leur for intérieur, femme.

« Etre une femme, c’est pas une question d’apparence. C’est une question de… c’est une question. »

Et toutes les questions recèlent une part de mystère, il y a, en chacune d’elle, quelque chose qui ne trouvera jamais de réponse.

Certain.es pointent les dérives d’une société individualiste où chacun passe son temps à se chercher, à se définir, à se choisir, au détriment d’un collectif qui a besoin de définitions stables basées en partie sur la tradition, ou la transmission. Agenre, non-binaire, demigars, demifille, neutrois, mais qui suis-je donc ? Ce brouillage constant des normes de genre n’est-il pas préjudiciable à la construction d’une identité « stable » ?

Au fond, cette quête, qui semble sans fin, n’est-elle pas la demande, le besoin, l’exigence d’une reconnaissance ? « J’avais pensé à être heureuse ».

Le récit, bien sûr, est non seulement celui d’une transition, douloureuse et parfois cruelle, à coup de chirurgie esthétique, d’hormones et de bistouris, mais aussi celui de la violence qu’elle suscite chez les autres.

Quel tabou, quelle transgression de l’ordre social et du pouvoir franchit celui/celle qui veut affirmer son genre et changer d’état civil ? Surtout quand il s’agit d’un homme biologique ? (Je ne maîtrise ni les pronoms, ni les accords des genres neutres !)

Laurène Marx dit bien cette violence, et celle, souterraine, psychologique qui mine celle qui entreprend ce long parcours : la perte d’un travail, de certain.es ami.es. La prostitution, la drogue.

Et le danger qui guette. La solitude.

Son écriture est alerte. Des phrases longues et brèves, un rythme que l’on ressent particulièrement quand on dit le texte, ou j’imagine, quand on le joue. L’humour est parfois au vitriol, et le texte est très drôle.

Mais pas de guimauve, ni de bons sentiments.

Son écriture est belle, souvent, des images qui vous prennent, parcourent vos nerfs, font vibrer cet entrelacs de chair, et de sensations que nous sommes quand nous lisons. Une écriture extraordinairement vivante, à certains moments d’une douceur et d’une poésie inouïes.

Il n’a jamais fait bon être différent.e, et pas tellement plus aujourd’hui. Il n’a jamais fait bon être une femme non plus. On en meurt encore un peu partout.  Alors être une femme d’horizon lointain, n’en parlons même pas.

Quant à accepter notre bisexualité psychique, notre bipolarité homme-femme, beaucoup ne le peuvent ni chez eux.elles, ni chez les autres.

Alors, c’est le seul regret, à la fin de la lecture, que tout ce qui est enduré ne soit pas fiction.

Et quant à mon opinion, oui, certaines femmes en ont bien une (de bite).

A lire absolument et aussi à voir sur scène car ce texte dramatique a une vie qui va se déployer surtout l’année prochaine :

18 – 27 juin 2021 – (Création in situ)  Lyncéus Festival (Binic – Etables-sur-mer – 22)

20 juillet 2021 – (Lecture) Théâtre du Train Bleu (Avignon)

15 – 17 septembre 2021 – (Lecture)  Temps fort du Studio-Théâtre (Nantes – 44)

18-22 octobre 2021 (maquette)  Festival Fragments à  L’Etoile du Nord (Paris 18e)

22-25 février 2022 – (maquette) Festival Fragments au Cabaret de curiosités (Valenciennes – 59)

Texte : Laurène Marx / Mise en scène: Lena Paugam/Interprétation: Hélène Rencurel/Création lumières : Jennifer Montesantos/Création sonore : Lucas Lelièvre

Production en cours. Production et diffusion: Collectif Lyncéus/ Coproduction (recherche en cours) – Studio-Théâtre de Nantes

Création en salle prévue pour la saison 22-23 /avec le soutien d’ARTCENA (Aide à la création)

​​« À travers le témoignage d’une femme trans, un questionnement se met en place sur la féminité et ses injonctions. Des questions sont posées d’une façon frontale à l’interlocuteur/spectateur direct.
Si les femmes cisgenres ne s’habillent même plus vraiment en « femmes », en quoi s’habillent les femmes trans ?
Si la féminité s’est fluidifiée et libérée grâce aux luttes féministes, quels objectifs peuvent
raisonnablement viser les femmes qui transitionnent, sans trahir « la cause » ?

Faut-il, finalement devenir complètement invisible pour pouvoir exister ? »
Le second texte « Transe », fera l’objet d’un prochain article

Laurène Marx à Propos de « Un temps soit peu. »

Données originales téléchargées sur theatre-contemporain.net en partenariat avec La Mousson d’Été, La MEEC, Abbaye des Prémontrés, mises à jour le 10/11/2021

https://www.theatre-contemporain.net/video/Pour-un-temps-sois-peu-de-Laurene-Marx-presentation-par-l-auteure-27e-Mousson-d-ete

Interview de Lucie Depauw à Propos de Lili/Heiner intramuros