Archives pour la catégorie Poétesse française

Natalie Clifford-Barney (1877-1972) – Fêtes

Description de cette image, également commentée ci-après

 

Lesbienne comme son amie Renée Vivien, Natalie avait de la fortune et de la fantaisie. Son féminisme était cassant (Cette catastrophe : être une femme »), son esprit d’indépendance et son objectivité toujours en éveil. Son « immoralité » s’accommode avec le goût du verbe fruité et l’invention de l’image concrète.

 

 

Fêtes

Les lanternes parmi les arbres ont des joues

Peintes : telles mousmés lumineuses qu’on loue !

La chasse aux vers luisants prendra pour son taïaut

Les sons de quelque invisible qui joue !

Arabesques d’une âme ancestrale et mandchoue

Qui s’enfle du désir d’arriver sans défaut

A cette lune prise au pommier le plus haut ?

(Poems et poèmes, autres alliances, 1920)

Photo : Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7745411

Claude de Burine (1931-…) – Maisons femmes

« Claude de Burine est issue d’une vieille famille ardéchoise les de Burine de Tournays.

Elle divorce en 1956, puis devient l’épouse du peintre surréaliste et illustrateur Henri Espinouze, dit Espinoza.

En 1982, Henri Espinouze décède.

Elle sera la compagne de Roland Massot, puis de Raymond Kadjan.

Elle fut avec Joyce Mansour, Thérèse Plantier, Alice Notley et autres, l’une des grandes voix féminines de la poésie contemporaine. « Wikipédia

Je me transformerai

Certaines maisons sont veuves

Assises au bord des trottoirs

Elles rient de la nouvelle

La petite

En chemisier rose

 

Sortent pour voir la neige

Quelqu’un que l’on se doit

De rencontrer

Comme les mots d’amour

Qui restent des étangs

Dans la pensée

Marie Krysinska (1864-1908) – Le poème des caresses

Elle fut la première à pratiquer le vers libre en France dans les années 1881-1882, précédant le combat décadent de Gustave Kahn.

Inoubliables baisers qui rayonnez

Sur le ciel pâle des souvenirs premiers !

Baisers silencieux sur nos berceaux penchés !

 

Caresses enjouées sur la joue ;

Tremblantes mains des vieux parents, –

Pauvres chères caresses d’antan,

 

Vous êtes les grandes soeurs sages

Des folles qui nous affolent

Dans les amoureux mirages.

 

Baisers ingénus en riant dérobés,

Moins à cause de leur douceur souhaités,

Que pour s’enivrer de témérité.

 

Premières caresses, vacillantes –

Comme, dans le vent âpre,

Des lumières aux lampes ;

 

Caresses des yeux, caresses de la voix,

Serrement de mains éperdues

Et longs baisers où la raison se noie !

 

Puis, belles flammes épanouies,

Sacrilèges hosties

Où tout Dieu vainqueur avec nous communie !

 

Caresses sonores comme les clochettes d’or,

Caresses muettes comme la Mort,

Caresse meurtrière qui brûle et qui mord ! …

 

Baisers presque chastes de l’Amour heureux,

Caresses frôleuses comme des brises,

Toute-puissance des paroles qui grisent !

 

Mélancolique volupté des bonheurs précaires.

Pervers aiguillon du mystère,

Éternel leurre ! ironique chimère !

 

Puis, enfin, dans la terre –

Lit dernier, où viennent finir nos rêves superbes, –

Sur notre sommeil, la calmante caresse des hautes herbes.

La Force du désir, roman, Mercure de France, 1905 Texte en ligne

Cécile Sauvage (1883-1927) – Je t’apporte ce soir…

Cécile Sauvage est la mère du musicien Olivier Messiaen chante la mère Nature, distributrice de fleurs et d’étoiles. « La poésie de Cécile Sauvage est une poésie de plein air et de plein vent », écrit Jean de Gourmont en 1910. La neurasthénie va assombrir ses dernières œuvres.

Je t’apporte ce soir…

Je t’apporte ce soir ma natte plus lustrée

Que l’herbe qui miroite aux collines de juin ;

Mon âme d’aujourd’hui fidèle à toi rentrée

Odore de tilleul, de verveine et de foin;

Je t’apporte cette âme à robe campagnarde.

Tout le jour j’ai couru dans la fleur des moissons

Comme une chevrière innocente qui garde

Ses troupeaux clochetant des refrains aux buissons.

Je fis tout bas ta part de pain et de fromage;

J’ai bu dans mes doigts joints l’eau rose du ruisseau

Et dans le frais miroir j’ai cru voir ton image.

Je t’apporte un glaïeul couché sur des roseaux.

Comme un cabri de lait je suis alerte et gaie ;

Mes sonores sabots de hêtre sont ailés

Et mon visage a la rondeur pourpre des baies

Que donne l’aubépine quand les mois sont voilés.

Lorsque je m’en revins, dans les ombres pressées

Le soc bleu du croissant ouvrait un sillon d’or;

Les étoiles dansaient cornues et lactées ;

Des flûtes de bergers essayaient un accord.

Je t’offre la fraîcheur dont ma bouche était pleine,

Le duvet mauve encore suspendu dans les cieux,

L’émoi qui fit monter ma gorge sous la laine

Et la douceur lunaire empreinte dans mes yeux.

(Tandis que la Terre tourne, 1910)

Dame Castelloza – C’est un honneur pour moi de vous aimer et de vous prier même sans profit

File:BnF ms. 854 fol. 125 - Na Castelloza (2).jpg

credit image (1)

Femme troubadour au début du XIIIe siècle. Gaie, belle, habitant un château près d’Aurillac, épouse d’un croisé vaillant et sanguinaire, elle dédia trois chansons de ferveur et d’humilité à Armand de Bréon, un grand seigneur qui lui en imposait.

Désormais de chanter, je ne devrais plus avoir envie,

Car plus je chante

Et pis il en va de mon amour

Puisque plaintes et pleurs

Font en moi leur séjour;

Car en un mauvais service

J’ai engagé mon cœur et moi-même

Et si, à bref délai, il ne me retient près de lui,

J’ai fait trop longue attente.

 

Ah! bel ami, du moins qu’un bel accueil

Me soit fait pour vous avant

Que je meure de douleur,

Car les amoureux

Vous tiennent pour farouche,

Voyant qu’aucune joie ne m’advient

De vous. Et pourtant je ne me lasse pas

D’aimer avec bonne foi,

En tous temps, sans cœur volage.

 

Mais jamais envers vous je n’aurai cœur vil

Ni plein de fourberie

Bien qu’en échange je vous trouve pire à mon égard,

Car je tiens à grand honneur

Pour moi cette conduite au fond de mon cœur.

Au contraire, je suis pensive, quand il me souvient

Du riche mérite qui vous protège

Et je sais bien qu’il vous convient

Une dame de plus haut parage.

 

Depuis que je vous ai vu, j’ai été à vos ordres.

Et jamais néanmoins,

Ami, je ne vous en trouvai meilleur pour moi;

Car ni suppliant

ne m’a envoyé par vous ni messager

Disant que vous tourniez le frein vers moi,

Ami, et que pour moi vous fassiez rien.

Puisque la joie ne me soutient pas,

Peu s’en faut que de douleur je n’enrage…

 

1) BnF_ms._854_fol._125_-_Na_Castelloza_(2).jpg ‎(443 × 590 pixels, file size: 49 KB, MIME type: image/jpeg)

Béatrice de Die – Chanson

Au XIIe siècle, en Provence, la Comtesse de Die épousa Guillaume de Poitiers. Elle chanta dans la langue d’Oc de l’époque son amour pour Raimbaut d’Orange, qui lui fut indifférent et infidèle. Voici sa chanson extraite d’une anthologie établie par Régine Desforges, dans la traduction de Pierre Seghers. Voir ici : les trobairitz

Chanson

Grande peine m’est advenue

Pour un chevalier que j’ai eu,

Je veux qu’en tous les temps l’on sache

Comment moi, je l’ai tant aimé;

Et maintenant je suis trahie,

Car je lui refusais l’amour.

J’étais pourtant en grand’folie

Au lit comme toute vêtue

 

Combien voudrais mon chevalier

Tenir un soir dans mes bras nus,

Pour lui seul, il serait comblé,

Je ferais coussin de mes hanches;

Car je m’en suis bien plus éprise

Que ne fut Flore de Blanchefleur.

Mon amour et mon cœur lui donne,

Mon âme, mes yeux, et ma vie

 

Bel ami, si plaisant et bon,

Si vous retrouve en mon pouvoir

Et me couche avec vous un soir

Et d’amour vous donne un baiser,

Nul plaisir ne sera meilleur

Que vous, en place de mari,

Sachez-le, si vous promettez

De faire tout ce que je voudrais.

Anise Koltz : Tu descends le chemin de mon sang…

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Jeune homme nu assis au bord de la mer (1836), Parismusée du Louvre.

Tu descends le chemin de mon sang
comme un caravanier
la route de la soie

Lorsque tu tomberas de mes hanches
mille ans auront passé

J’aime l’homme
au dos vaste
comme une steppe

Dans les profondeurs de sa terre
j’écoute
le bruit du troupeau de buffles
qui le traverse

Anise Koltz

Source : Printemps des poètes

Photo credit : Hippolyte Flandrin [Public domain] wikipédia

Bonne année !

Le Nouvel An de Louisa Paulin

Louisa Paulin (1888-1944), institutrice et poétesse occitane a écrit des poésies en français et en occitan. Atteinte de neuropathie amyloïde, elle est contrainte de prendre une retraite anticipée en 1932.

La nouvelle année

Nouvelle année, année nouvelle,
Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ?
J’ai quatre demoiselles
Toutes grandes et belles.
La plus jeune est en dentelles.
La seconde en épis.
La cadette est en fruits,
Et la dernière en neige.
Voyez le beau cortège !
Nous chantons, nous dansons
La ronde des saisons.

Louisa Paulin

Photo : Par Ouest-Eclair. — Photographie de Louisa Paulin parue dans le journal L’Ouest-Éclair du 26 décembre 1937, disponible en domaine public sur Gallica., CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48524136

Anna de Noailles Voyages

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Voyages

Un train siffle et s’en va, bousculant l’air, les routes,
L’espace, la nuit bleue et l’odeur des chemins ;
Alors, ivre, hagard, il tombera demain
Au coeur d’un beau pays en sifflant sous les voûtes.

Ah ! La claire arrivée au lever du matin !
Les gares, leur odeur de soleil et d’orange,
Tout, ce qui, sur les quais, s’emmêle et se dérange,
Ce merveilleux effort d’instable et de lointain !

– Voir le bel univers, goûter l’Espagne ocreuse,
Son tintement, sa rage et sa dévotion ;
Voir, riche de lumière et d’adoration,
Byzance consolée, inerte et bienheureuse.

Voir la Grèce debout au bleu de l’air salin,
Le Japon en vernis et la Perse en faïence,
L’Égypte au front bardé d’orgueil et de science,
Tunis, ronde, et flambant d’un blanc de kaolin.

Voir la Chine buvant aux belles porcelaines,
L’Inde jaune, accroupie en fumant ses poisons,
La Suède d’argent avec ses deux saisons,
Le Maroc, en arceaux, sa mosquée et ses laines…

Anna de Noailles
L’ombre des jours ( 1902)

Angèle Vannier Poème

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« Ma forêt, ma forêt, si proche et si perdue !…

Elle est sur moi comme une bête fraîche et verte »

 

Angèle Vannier, Les Songes de la lumière et de la brume, Ed. Savel, 1947

Angèle Vannier, née  le 12 août 1917  à Saint-Servan  (aujourd’hui annexée à Saint-MaloIlle-et-Vilaine), et morte le 

Albane Gellé : Doué-la-Fontaine

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Albane Gellé : Doué-la-Fontaine

des hommes debout et leurs villages dessous la terre des pierres joyeuses en cathédrales des pierres encore interminables devant les yeux depuis jadis cent mille roses princesses d\’été un peu sauvages ici pour vivre le vent respire un enfant marche – marche et s\’arrête pour le silence des girafes un loup crinière des oiseaux bleus – marche et s\’arrête pendant des heures le cœur s\’agite entre du ciel et des rochers ville fontaine

Source : Printemps des poètes

Andrée Chedid : De cet amour ardent je reste émerveillée

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De cet amour ardent je reste émerveillée

 

Je reste émerveillée

Du clapotis de l’eau

Des oiseaux gazouilleurs

Ces bonheurs de la terre

Je reste émerveillée

D’un amour

Invincible

Toujours présent

Je reste émerveillée

De cet amour

Ardent

Qui ne craint

Ni le torrent du temps

Ni l’hécatombe

Des jours accumulés

Dans mon miroir

Défraîchi

Je me souris encore

Je reste émerveillée

Rien n’y fait

L’amour s’est implanté

Une fois

Pour toutes.

De cet amour ardent je reste émerveillée.

En route – Malvina Blanchecotte (1830-1897)

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Malvina Blanchecotte (1830-1897)

On est perdu : la route à l’infini s’allonge.

Les pas suivent les pas fatigués : on ne sait

Si l’on veille et l’on vit, ou si déjà l’on songe,

Un vent lugubre passe et trouble tout à fait.

La lune ouvre un œil blême et luit par intervalles :

De bien loin en bien loin percent des clartés pâles,

Tachetant les flancs noirs des maisons dans les bois.

Dans toute cette nuit et dans tout ce silence

L’esprit halluciné croit surprendre des voix

Qui des vieux souvenirs prennent la ressemblance…

(Les Militantes, 1875)

 

Résultat de recherche d'images pour "Malvina Blanchecotte"Est née le 30 novembre 1830 en milieu ouvrier. Par son origine, elle sera très sensible à l’injustice sociale mais tentera de s’en affranchir pour obtenir une pleine reconnaissance intellectuelle. Elle épouse Blanchecotte, teneur de livres et a un fils. Elle entre en relation avec Lamartine, puis Béranger, qui sont ses maîtres en poésie et fréquente le salon de Louise Colet. Elle lit beaucoup et travaille avec acharnement. Son premier recueil de poèmes « Rêves et réalités, Poésies, Par Mme B, ouvrière et poète » a un vrai succès; il est couronné par l’Académie française et Sainte-Beuve lui consacre un article. L’année suivante, il est réédité avec un poème d’hommage de Lamartine.

Elle devient professeur et court le cachet, soumise à une vie de semi-misère dont elle gardera une profonde amertume.

Elle connaîtra la consécration, rare pour une femme, de voir quelques-uns de ses poèmes publiés dans le Parnasse contemporain II et III (1871,1876). Son oeuvre est intéressante par la vigueur avec laquelle elle s’inscrit contre les clichés d’un sentimentalisme féminin, et par son sens de la formule. (

Photo : Lunch by the roadside / Pause dîner au bord de la route/ Creator(s) / créateur(s) : John Boyd/ Date(s) : June 23, 1917 / 23 juin 1917

La nuit spirituelle – Lydie Dattas / En réponse à Jean Genet.

La nuit spirituelle – Lydie Dattas – Gallimard 2013

La nuit spirituelle de Lydie Dattas, Ernst Jünger, Jean Grosjean ...

La genèse de ce long poème en prose écrit en 1977 est tout à fait intéressante.  Admiratrice de Jean Genêt, Lydie Dattas le rencontre un soir dans le studio qu’il avait loué dans son immeuble et une discussion s’engage où elle lui fait part de ses désaccords. Profondément blessé, Jean Genêt lui signifie son bannissement par personne interposée : « Je ne veux plus la voir, elle me contredit tout le temps. D’ailleurs Lydie est une femme et je déteste les femmes. » Rejetée ainsi dans la « nuit » de son sexe, elle décide d’écrire un long poème « si beau » qu’il l’obligerait à revenir vers elle, cherchant à lui rendre mot pour mot, la blessure qu’il lui a infligée. Elle y réussit car le jour suivant il se tenait à sa porte.

Il écrivit même : « Je ne comprends pas comment vous avez pu faire des phrases si riches. C’est comme ce que j’aime le mieux, Baudelaire, Nerval. »

A son tour, jean Grosjean en fit l’éloge : « C’est passionnant et arrachant, et tout à fait scandaleux »

Etre femme c’est être renvoyée à la « nuit » de son sexe, exclue de la beauté et de l’esprit. Les femmes ne peuvent pas créer à l’égal des hommes, la misogynie ambiante les condamne à leurs fonctions biologiques, dans le cercle étroit de leur foyer. Qu’à cela ne tienne, puisque Lydie est exclue de ce cercle des créateurs parce qu’elle est une femme, elle fera de cet exil un chant, plus beau que tous les autres.

Ce poème s’articule autour des métaphores de la nuit et du jour, de la lumière et de l’obscurité, dans la grande tradition :

« Si je chante c’est d’une voix sombrée : aucun motif, aucun ornement qui doive ici sa beauté à la lumière, mais chacun tirant son éclat de la nuit et son rayonnement de la tristesse, aggravera sa misère. »

La beauté est désespoir, elle renvoie à la nuit intérieure, à la nuit spirituelle de celle qui en est exclue. Mais son art est si consommé que les ténèbres irradient de manière plus somptueuse encore.

« Ne pouvant supporter de vivre en dehors de la beauté, mais ne pouvant m’en approcher sans la profaner davantage, je m’efforcerai de rendre cette malédiction même une beauté, je m’efforcerai de rendre cette malédiction si profonde et si sombre qu’elle en soit belle. »

Ainsi la condamnation et l’exclusion, seront les moteurs de la création, mais rien, vraiment rien n’empêchera la poétesse de parfaire son chant.

Un très beau texte.

Merci à Claire de me l’avoir offert.

Babouillec – Poétesse du silence

Le voyage « intersidérant » de Babouillec, Les Echos Week-end

Etre autiste

Concept ordinaire de l’autocritique

 

Les ordres bousculent l’initiative itinérante. Tu es en chemin

D’exécution d’un acte dicté par la raison

Quelqu’un t’interpelle,

Otage de ton silence, tu perds la Raison de ton Acte

 

Livré à toi-même, ordre ou désordre, seul responsable,

Tu plonges dans le plus proche état disponible,

Egarant le mode d’emploi du contrat social,

 

KO relationnel puis Big Bang émotionnel

La faute à qui tout ça ?

 

Edifiante question

Est-on responsable de nos déficiences ?

Les autres sont-ils garants de nos absences ?

« Babouillec autiste sans paroles » est Hélène Nicolas, une jeune femme autiste diagnostiquée « déficitaire à 80 % ». Elle écrit ses textes qui sont d’une très grande puissance poétique à l’aide de lettres en carton disposées sur une page blanche après vingt ans de silence où elle ne pouvait pratiquement communiquer avec personne. Elle n’a jamais été scolarisée et n’a jamais appris à lire, à écrire et à parler. Parlant d’elle-même, elle se qualifie de « lot mal calibré, ne rentrant nulle part », de « télépathe ». Elle a publié déjà plusieurs recueils de poèmes et plusieurs comédiens et metteurs en scène se sont intéressés à son oeuvre. Dans un documentaire réalisé par Julie Bertuccelli , « Dernières nouvelles du cosmos »  sorti en le 9 novembre 2016 et nommé aux césars, » on fait sa connaissance et on est souvent traversé par ses fulgurances, par celle qui « eN libre racoNteuse D’histoire – le cosmos Nourrit mes voyages » nous connecte à ses antennes subtiles.

Un de ses recueils, « Raison et Acte dans la douleur du silence » a été adapté au théâtre sous le titre « A nos étoiles », un spectacle de Pierre Meunier et Marguerite Bordat, intitulé « Forbidden di sporgersi, d’après « Algorithme éponyme », créé à Clermont-Ferrand en janvier 2015 et joué la même année au Festival d’Avignon.

Sa mère l’a accompagnée tout au long de ses découvertes, cherchant une voie, à travers l’art, dans un centre associatif ouvert aux alentours de Rennes. ce qu’elle explique très fortement dans le documentaire.

On peut aussi écouter ses textes sur http://www.franceculture.fr/emission-l-atelier-de-la-creation-fantome-d-la-langue-ou-qu-est-ce-qui-fantome-ta-langue-2015-09-02
Adapté au théâtre sous le titre « À nos étoiles », ce texte a reçu les encouragements du Centre National du Théâtre en 2010.

 

Sonnet – Louise Colet

poésie
Louise Colet exprime ici son sentiment de vide et de perte après la mort de sa mère en 1834 et celle de son amie Julie Candelle la même année.

Le malheur m’a jeté son souffle desséchant
De mes doux sentiments la source s’est tarie,
Et mon âme incomprise, avant l’heure flétrie,
En perdant tout espoir perd tout penser touchant.

Mes yeux n’ont plus de pleurs, ma voix n’a plus de chant,
Mon cœur désenchanté n’a plus de rêverie ;
Pour tout ce que j’aimais avec idolâtrie
Il ne me reste plus d’amour ni de penchant.
Une ardide douleur ronge et brûle mon âme,
Il n’est rien que j’envie et rien que je réclame ;
Mon avenir est mort, le vide est dans mon cœur.

J’offre un corps sans pensée à l’œil qui me contemple ;
Tel sans divinité reste quelque vieux temple,
Telle après le banquet la coupe est sans liqueur.
1834 (Penserosa, 1840)