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Festival America 2018, Christian Guay-Poliquin, John Vigna et  D.W. Wilson : « Une masculinité en crise »

A quels modèles se référer quand on est homme aujourd’hui pour se construire, existe-t-il une masculinité toxique dont il est nécessaire de se défaire, quels nouveaux modèles proposer, enfin quel sera l’homme de demain ?
Cette conférence a été passionnante, il faut le dire, je suis arrivée juste un petit peu en retard car de courir d’une conférence à l’autre, forcément on grappille quelques minutes de ci de là.
Tous les trois canadiens, leur réflexion et leur oeuvre est inévitablement liée aux grands espaces. Est-ce que l’endroit d’où l’on vient influe sur la relation à la féminité et à la masculinité ?
De fait, non, les femmes se les approprient tout aussi bien. Tous les trois sont unanimes sur ce point.

Christian Guay-Poliquin met en scène un huis-clos dans lequel deux hommes piégés par l’hiver lient leurs existences. Coupés du monde, ils sont soumis aux rumeurs et aux passions qui secouent le village.  Oscillant entre méfiance, nécessité et entraide, ils tissent des liens complexes. Une majorité d’hommes sont rassemblés dans ce roman, mais cela est indépendant de la relation de genre, c’est seulement la relation entre les deux hommes qui comptent, sa complexité. L’écrivain semble s’être perdu dans cette conférence, puisque visiblement le sujet ne le concernait pas, ou du moins ne voulait-il pas se prêter au jeu. On avait l’impression qu’il avait été mis là par erreur. Une certaine résistance du québécois, qui va se défendre out au long de l’entretien d’avoir voulu penser le genre. pourtant, il a forcément envisagé cette relation virile, le rapport aux sentiments, à la pudeur, au langage, avec une certaine vision de la masculinité.

J’avais presque de la peine pour lui, tant il semblait en porte-à-faux, contrairement à ces deux collègues masculins. Du coup, je crois que son roman n’a pas été mis suffisamment en relief, il aurait été plus à l’aise sur un autre sujet. Nous sentions un écrivain sensible, intelligent avec tout ce charme de la langue québécoise.

Parce que la question était bien celle-là, quelle est cette idée de la masculinité qu’il faudrait déconstruire ? Elle est aujourd’hui en crise, il ne s’agit pas de l’exalter, ni l’idéologie du combat qu’elle véhicule mais plutôt faire la critique des dégâts qu’elle occasionne dans la société.

Pour John Vigna, dont « les personnages

« Pour moi, le paysage est féminin ». Les hommes ont été abjects depuis le début des temps, « Nous devons faire face à ces problèmes ». Les personnages de John Vigna sont en révolte avec le féminin,  en lutte contre leur propre part de féminin. La masculinité se retrouve sous le feu des critiques. « C’est une époque passionnante, parce qu’il y a une révolution dans le rapport entre le masculin et le féminin. Mais justement les communautés rurales dont on parle ici ont beaucoup de mal à accepter cette révolution, et l’évolution des relations entre les hommes et les femmes. »

« Il y a des fissures  dans la construction sociale de nos identités. cette perte de confiance, de solidité produit de très belles failles, où une parole plus profonde, plus sensible, peut émerger. »

Cette solidarité masculine est mise à l’épreuve, mais elle est aussi l’histoire de la tendresse qui existe entre ces hommes.

La présence de l’hiver est importante, car c’est un personnage fondamental de l’univers québécois. Il permet la ruse, une stratégie narrative pour coincer les deux hommes ensemble. Une grande place est accordée aux éléments. Le paysage représente les émotions des hommes qu’ils n’expriment pas, elle est leur miroir. (Christian Guay-Poliquin)

Il condamne l’espoir de toute évasion. Les personnages ont un lien très étroit à leur environnement qu’ils peuvent exploiter pour gagner leur vie. Ce n’est pas seulement beau, et prétexte à la contemplation, toute une économie du tourisme florissante repose sur ce paysage. Pour les autochtones, cela ne va pas de soi, le paysage peut être aussi une sorte de piège.

En tous cas, il hante tous les écrits canadiens.

John Vigna remarque que « l’environnement parisien a une influence sur ma façon de voir les choses » , et pas seulement son environnement canadien. Peut-être est-ce constitutif de sa façon de voir le monde.

« Les rocheuses canadiennes sont le cadre d’une grande partie de ma littérature, de mes souvenirs, et de ma carrière parce qu’elles sont présentes dans les deux livres. »

Les êtres sont perméables aux choses, il existe une sorte de porosité avec le paysage. Il s’agit de déformer puis de reformer le paysage.

Cette littérature est différente de la littérature américaine et du « nature writing ».

Quant à la forme, quelle est leur position ?

« J’ai commencé par écrire des romans. la nouvelle est plus compacte, et permet de renforcer mon écriture avant de retourner vers le roman. »

« Il y a une liberté que permet la nouvelle. Dans mon roman, j’essaie de supprimer tout ce qui semble inutile, dépouiller, aller à l’essentiel » (DW Wilson)

« Au début, j’ai écrit des poèmes. Puis j’ai ressenti la nécessité que l’histoire domine sur le texte. La poésie est devenue une dimension poétique. Ecrire, c’est surtout ne pas dire certaines choses. C’est l’ambiguïté essentielle de l’écriture. » (Christian Guay-Poliquin).

Merci messieurs, et …à bientôt !

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Ecrire une femme dans la peau d’un homme – Festival America 2018, avec Omar El Akkad, Néhémy Pierre-Dahomey et Brad Watson

Un écrivain peut-il écrire un personnage féminin, sonder son être, sa chair et endosser son destin ? Quelle est sa légitimité pour évoquer un autre que lui, différent par son genre ? Peut-on parler d’une femme quand on est soi-même un homme ? La question pourrait être inversée en ce qui concerne les femmes qui écrivent, elles, dans la peau d’un homme. je me souviens ici du magnifique roman de Dulce Maria Cardoso, Le retour. .

Pour répondre à ces questions, trois écrivains étaient invités qui, chacun à sa manière, a endossé, le temps d’un livre, la destinée d’une femme.

  

Pierre-Dahomey Néhémy s’est glissé dans la peau de Belliqueuse Loussaint, jeune haïtienne au caractère intrépide, qui tente avec d’autres une traversée clandestine de la mer des Caraïbes pour rejoindre les États-Unis. Brad Watson, lui,  a prêté sa voix et son corps à Jane Chisholm venue au monde avec une malformation, en 1915, dans une petite ferme du Mississippi. Quant à Omar El Akkad, il donne vie à Sarah Chestnut  qui perd son père à l’âge de six ans et doit rejoindre avec sa famille un camp de réfugiés. Elle deviendra une impitoyable machine de guerre sous l’influence de son mentor.

Selon Pierre-Dahomey Néhémy, si légitimité il y a, elle est plutôt d’ordre esthétique, dans un travail artistique de la parole. Ce n’est pas mettre en scène des points de vue mais engager celui du narrateur qui n’est pas sexué. Il s’agit pour lui de chercher une complexité, une nuance. Les écrivains sont souvent invités à prendre la parole, mais cet exercice est très différent de celui d’écrire un roman. Dans l’exercice de l’écriture, l’écrivain fait ce qu’il veut, le personnage devient témoin d’une complexité et non le porte-parole d’un point de vue qui serait celui de l’auteur. Ainsi, lui même ne vit-il pas dans un Haïti qui serait carcéral car il voyage tout le temps, il répond juste d’une vérité de l’entertainement. « Je ne parle pas des femmes, en vérité », avoue-t-il.

Omar El Akkad, donne à Sarah Chestnut  la dimension d’une Antigone, au sein d’une tragédie qui sert à sous-tendre le récit. C’est un livre sur l’universalité de la vengeance, un livre « américain », sorti à l’époque de l’élection de Trump. Cependant, l’écrivain n’a pas voulu faire allusion au président,  l’action se situe dans un monde qui a vu la création d’un nouvel empire géopolitique où le niveau des mers a atteint un seuil catastrophique et permet de penser des guerres qui sont arrivées et qui arrivent encore très loin d’ici… pour les ramener à côté de chez nous, dans notre occident. La souffrance des gens qui vivent de l’autre côté de la planète n’est pas unique ou exotique. Elle nous concerne tous.

Est-elle portée ici par une femme parce que les femmes et les enfants sont les plus vulnérables face à la guerre ?

L’écrivain a la légitimité de s’éloigner de sa réalité. Par exemple, une femme mexicaine, aujourd’hui aurait beaucoup de mal à être entendue.

Miss Jane, au fond, est un portrait de l’Amérique, le Mississippi représente le côté déliquescent de la géographie, explique Brad Watson.

Cette légitimité existe pourvu qu’on soit respectueux et en accord avec soi-même.

« Je me suis posé de grandes questions avant d’entrer dans la peau de cette femme. C’est le livre qui va permettre cette entrée dans le personnage. »

C’est bien le sens du lieu, de la nature, comme les serpents, les marais qui vont donner leur place aux personnages et le rapport d’identification qu’ils permettent. « Ils font le lien entre les personnages et moi ».

Cela représente, pour l’héroïne, le lieu dont elle ne peut sortir, s’enfuir, pour incarner sa vie, son devenir. Pourtant, elle va être portée par quelque chose qui va être son moteur afin de lui permettre d’incarner sa vie, son devenir et ce moteur c’est la vie. Son destin épouse son territoire mais elle ne sera pas réduite au lieu d’où elle vient.

Quelle légitimité éthique pour Omar El Akkad  ?

Ce n’est pas un roman sur les USA, dit-il, confronté à ce type d’injustice, n’importe qui pourrait réagir de la même manière. Cette guerre civile, imaginée en 2075, rend le lointain plus proche.

« Jenny, c’est moi », pourrait dire Brad Watson,« Je n’imagine pas qu’on puisse genrer les sensations« . Les noms des animaux, en anglais, n’ont pas de genre. Quand on crée un personnage, on peut y faire entrer d’autres sortes d’aliénations, d’étrangeté. « It’s an attempt to understand, to empathize »

 

« Longtemps, les femmes ont été cantonnées au rôle de personnages secondaires. Heureusement, les choses ont bien changé. Aujourd’hui, les femmes marquent de leur empreinte la richesse et la diversité de la culture contemporaine. Mais il est encore utile de s’interroger sur la place des femmes dans le monde, ce qui a été acquis de haute lutte et ce qu’il reste à conquérir. Quelle est maintenant la place des femmes dans la fiction ? Écrit-on de la même manière un personnage féminin lorsqu’on est un homme ou une femme ? »

En présence de :

Festival America 2018 – Heather O’Neill – Les enfants de cœur

Les enfants de coeur par O'Neill

Heather O’Neill – Les enfants de cœur (The Lonely Hearts Hotel ), traduit de l’anglais (Canada) par Dominique Fortier, 480 pages, éditions du Seuil, Paris, 2018

Ce récit est un conte noir et cruel qui se déroule pendant la Grande Dépression qui jeta hors de leurs foyers des hommes, des femmes et des enfants, sur les routes, sous les ponts, et dans les orphelinats.

Deux de ces enfants se rencontrent dans un orphelinat, et tombent amoureux l’un de l’autre. Amour vite réprimé sous la férule des sœurs. Les brimades, les coups, les punitions injustes, et même les abus sexuels rythment la vie des deux enfants, Rose et Pierrot, qui trouvent malgré tout dans la force de leur imaginaire, et le pouvoir de création qui est en eux, les ressources pour résister, grandir et enfin partir de ce lieu de …perdition. Ils sont deux êtres solaires qui attirent et possèdent une aura qui a le pouvoir de captiver ceux qui les rencontrent.

Mais l’abandon laisse des blessures immenses et des failles dans lesquelles vont s’engouffrer les misères du temps : la prostitution, la drogue, le crime, règnent en maître dans Montréal dévasté et vont soumettre les enfants devenus adolescents à la tentation d’une vie facile.

« Ce n’était pas une bonne chose que de posséder une imagination pour une fille vivant à Montréal au début du XXe siècle. De l’intelligence, voilà ce qu’il lui aurait fallu ».

Pourtant Rose n’en manque pas, une forme d’ambition en tout cas, le désir d’échapper à la misère et de réaliser ses rêves.

Mais « Le corps d’une jeune fille est le lieu le plus dangereux du monde, car c’est là que la violence risque le plus de s’exercer. », Rose aura-t-elle suffisamment de chance pour y échapper ?

Ce conte est aussi un manifeste féministe :

« C’est parce qu’on est des filles. On est censées avoir seulement des émotions. On n’est même pas censées avoir des pensées. Et c’est très bien d’éprouver de la tristesse, du bonheur, de la colère et de l’amour – mais ce ne sont que des humeurs. Les émotions ne peuvent rien accomplir. Une émotion, ce n’est qu’une réaction. On ne veut pas simplement avoir des réactions, dans cette existence. Il faut accomplir aussi des actions. »

Il analyse finement la condition des femmes en ce début de siècle, et les multiples entraves dont Rose doit se libérer :

« On lui avait appris que les femmes devaient se montrer impassibles et qu’il était inconvenant pour elles d’exprimer leurs émotions en public. Avoir ouvertement des émotions, c’était comme être une prostituée debout à la fenêtre, la poitrine exposée à tous les vents. Mais elle s’en fichait. »

Elle a le pouvoir de croire en ses propres capacités. Elle prend conscience de son pouvoir et du pouvoir des autres femmes :

« Tout ce qui avait été écrit par une femme avait été écrit par toutes les femmes parce que toutes en bénéficiaient. Si une femme était un génie, c’était la preuve que c’était possible pour toutes les autres. »

Mais tout ne se paye-t-il pas, surtout quand on est une femme ?

Il est aussi un récit sur le pouvoir de l’art, du théâtre et du cirque face à un monde désenchanté.

Il faut lire ce roman échevelé, fantaisiste et parfois absurde, pour le savoir.

Heather O’Neill est née et vit à Montréal. Après La Ballade de Baby, finaliste du Orange Prize for Fiction, The Girl Who Was Saturday Night et le recueil de nouvelles Daydreams of Angels, à paraître aux éditions du Seuil, Les Enfants de cœur est son troisième roman.

america   chez Plaisirs à cultiver

Le cœur des femmes – Festival America 2018 avec la participation de Britt Bennett, Jean Hegland et Gabriel Tallent

Avec la participation de Brit Bennett, Jean Hegland et Gabriel Tallent

Quels sentiments agitent le cœur des femmes ? Qu’est-ce qui les fait se mouvoir, changer, lutter ? Comment devient-on une femme puissante ?

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Brit Bennet  explore les thématiques de la place des femmes, de l’avortement, de la solitude, de l’abandon et du désir de maternité dans son roman « Le cœur battant de nos mères ». La narration est menée par un chœur, comme au sein de la tragédie, mais un chœur de mères. L’auteure avoue s’intéresser depuis longtemps au rôle des femmes au sein des Eglises, souvent cantonnées aux basses œuvres et rarement mises en avant. Elle a donc décidé de leur donner la parole, de les faire sortir de cet anonymat.

Nadia et Aubrey, les deux protagonistes de l’histoire vivent sans leur mère et se sentent trahies, abandonnées. Leur réponse va consister, par ricochet, à se mettre à distance de la maternité, par peur de devenir sa propre mère et de connaître la même fin tragique ou à conjurer le sort, devenir une mère autre. Deux alternatives que les deux personnages vont devoir choisir.

Le fait d’être membre d’une communauté religieuse va avoir une incidence sur leur vie de jeune femme en devenir. L’Eglise a été un refuge pour elles deux, elles y ont trouvé un soutien. Toutefois cette communauté fermée, et bienveillante va devenir une force de répression, une force maléfique qui va aussi les juger.

Nadia va s’en échapper pour aller étudier à l’université, elle devient une version alternative de la vie de l’autre, alors qu’Aubrey va choisir de rester dans le cocon qui a pour elle un effet rassurant et protecteur.

Le chœur de mères exprime aussi la frustration par rapport à toutes les épreuves qu’elles ont été amenées à vivre dans leur condition de femmes. Elles projettent inévitablement leurs souffrances passées sur la jeune génération.

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Jean Hegland choisit de placer ses protagonistes dans un lieu bien différent (dans la forêt). Nell et Eva sont sœurs et vivent, à dix-huit ans, dans une maison éloignée au plus profond de la forêt que leurs parents, un tantinet excentriques, ont choisi par goût de la solitude. Ils meurent et elles se retrouvent bientôt sans ressources. Elles ne peuvent plus rien acheter, et manquent bientôt de tout. L’électricité est coupée et elles n’ont progressivement plus aucun contact avec l’extérieur. Nell raconte cette histoire dans un carnet. Etre au cœur de la forêt pourrait bien leur apprendre à connaître leur propre cœur, comme si les deux pouvaient battre à l’unisson.

On ressent  l’atmosphère intemporelle des contes, la forêt est un personnage complexe : forêt sombre où l’on trouve des loups,  des plantes venimeuses, des animaux sauvages, dangereuse mais également lieu magnifique et protecteur, plein de ressources.

Nell va l’apprivoiser et évoluer avec le temps. Elles ont grandi avec l’idée qu’il fallait se méfier de cette forêt et la craignent. Cette relation avec le milieu naturel va se transformer pour devenir de plus en plus profonde. Les deux sœurs, l’une passionnée de danse et l’autre de lecture ont la volonté de se protéger mutuellement. Toutefois l’une devient plus protectrice et prend de l’ascendant. L’auteure, fille unique, a tenté, à travers  cette histoire, d’imaginer une sœur possible.

Elles sont aussi dans le conflit, dans l’opposition : il s’agissait de faire évoluer cette relation amour/conflit. Dans le même temps, la forêt devient protectrice, les plus dangereux étant les hommes. Elles doivent abandonner la vision qu’elles avaient de la forêt et renoncer aussi à leurs ambitions respectives afin de dépasser leurs difficultés.

Gabriel Tallent (My absolute darling) plante son scalpel encore plus profondément dans le cœur des femmes. Il dit avoir mis huit ans à écrire ce livre. Julia-Turtle a quatorze ans. Elle vit avec son père dans une maison isolée, il lui enseigne la chasse, les armes et abuse sexuellement d’elle. Alors qu’il part pour quelques jours, elle va tente de se défaire de son emprise.Résultat de recherche d'images pour "My absolute darling"

« J’avais une ambition folle. J’avais très peur. J’avais écrit un livre avec de grandes idées dont Turtle faisait partie et je me suis dit qu’elle méritait un livre entier. »

Gabriel Tallent tente de mettre à jour la complexité émotionnelle, ce qui est terriblement difficile car la société tente souvent de simplifier les conflits émotionnels, d’exclure l’ambivalence, la vérité de ce que les personnes vivent. Il fallait sonder le cœur de cette toute jeune fille, exprimer la dimension de la honte et la cerner.

Trois auteur(e)s, trois tentatives de mettre à nu les ressort les plus intimes, d’écouter les pulsations de nos cœurs, qui nous font avancer et nous transformer afin de survivre et exister.

Portraits de femmes Quelle place pour les femmes en littérature partie 2

Laura Kasischke évoque son dernier roman, Eden Springs et notamment cette figure du charismatique Benjamin Purnell, gourou d’une secte, Eden Springs, qui promettait la vie éternelle à ses adeptes, mais surtout aux belles jeunes filles.

« C’est l’histoire d’un gourou dont le but est de coucher avec le plus de femmes possibles. Il est charismatique, il est beau et les femmes l’aiment.  Est-ce qu’il est né prédateur ? Ou est-ce qu’il es question juste d’opportunité ? » Le déclin de sa doctrine est due à son vieillissement, mais sa violence a inversement empiré avec le temps. Il fascinait les gens. C’est cette fascination qui lui a permis de devenir un prédateur.

Cette question de la violence exercée sur les femmes, véhiculée par les constructions sociales liées à la domination, se pose dans les heures rouges de Leni Zumas, par l’assujettissement des femmes à des lois qui les contraignent fortement : l’avortement est devenu illégal, et on ne peut plus adopter.

« Elle est l’écho de ma propre douleur, de ma propre angoisse, avec mes problèmes de fertilité », explique Leni. Les femmes doivent se définir par rapport à la maternité, par leurs fonctions reproductrices.  « Je devenais obsédée par cette problématique », avoue-t-elle.Quand elle lisait des romans, ils parlaient toujours du mariage et de la maternité. Alors est-ce interne, ou la société qui nous impose cela ?

Pour Wendy Guerra, « On prend le rôle des parents, et c’est  le raffinement de ce travail qui nous pousse à devenir meilleur. Aujourd’hui ma mère est en moi. »

Laura Kasischke explique qu’elle a beaucoup évolué dans ses représentations. la violence n’est pas que d’un côté. Il ya le mystère irréductible d’une femme qui susciterait cette violence. Car les femmes exercent égalment un pouvoir sur les hommes. ils utilisent leur pouvoir physique mais les femmes c’est différent. Dans son premier roman, la femme était une victime absolue. C’était son ressenti de l’époque mais avec le temps, elle a mis en place tout un éventail de rôles féminins qui incluait aussi la femme tyrannique.

Mais elle s’est constituée par l’identification à des figures féminines, notamment Sylvia Plath.

« Sylvia Plath m’observait. Est-ce qu’elle aurait approuvé ce que j’écrivais ? »

De la femme victime absolue, comme Sylvia Plath, d’autres figures ont émergé qui symbolisaient la joie de vivre. Un changement de perspective s’est opéré. Plus nuancée.

« Ma vison des femmes en littérature a évolué avec les écrivains qui m’ont servi de modèles ».

D’ailleurs, pendant très longtemps zelle n’a lu que des auteures.

« Je n’ai pas lu un seul auteur avant d’être assez âgée. Aujourd’hui je suis moins sexiste. et donc tout ce que j’ai appris en littérature vient de ces auteures. »

« Les femmes étaient toujours très très fortes, et les hommes souvent coupables d’une certaine faiblesse. »

Leni Zuma remarque qu’avec « Me too », la parole s’est libérée. Pourtant, on assiste à un retour du religieux, de la morale, dont les victimes sont les femmes. Régression ? On doit être très vigilants aujourd’hui. Aux Etats-Unis d’Amérique, les chrétiens évangélistes sont très puissants politiquement.. Beaucoup d’américains aiment bien raconter que l’Amérique est un pays laïque mais ce n’est pas tout à fait exact.  Dans certains états, il n’y a qu’une ou deux cliniques disponibles qui pratiquent les interruptions de grossesse, ce qui est une façon pragmatique et détournée de les limiter. Et ce sont les femmes les plus vulnérables économiquement qui sont les plus touchées.

Comment se conformer aux exigences d’autrui ? Le système est dominé par le mâle blanc patriarcal auquel même les femmes écrivains se plieraient. On intériorise un mini-système. Leni admet ne pas avoir lu beaucoup d’écrivaines. Elle écrivait, comme quelques autres, pour des auteurs comme Philp Roth. Elle cherchait l’approbation de ce type de personnes. « Parfois, le compliment que je reçois, c’est que j’écris comme un homme. ».

Une femme qui écrit, c’est comme si elle vomissait ses émotions sur une page.

Alors, on ne peut pas le nier, cela a un impact sur une écrivaine.

 

 

 

 

Portraits de femmes, quelle place pour les femmes dans la fiction ?

samedi 22 septembre 2018 de 11h30 à 13h00
« Longtemps, les femmes ont été cantonnées au rôle de personnages secondaires. Heureusement, les choses ont bien changé. Aujourd’hui, les femmes marquent de leur empreinte la richesse et la diversité de la culture contemporaine. Mais il est encore utile de s’interroger sur la place des femmes dans le monde, ce qui a été acquis de haute lutte et ce qu’il reste à conquérir. Quelle est maintenant la place des femmes dans la fiction ? Écrit-on de la même manière un personnage féminin lorsqu’on est un homme ou une femme ? »
Dans son roman, « Poser nue à la Havane », Wendy Guerra, évoque Anaïs Nin, figure emblématique pour les intellectuelles cubaines dont sa mère faisait partie. Elle est morte jeune et ce livre est un parcours pour la retrouver.
Anaïs Nin parlait sans filtre, et elle était ce qui ressemblait le plus à une intellectuelle à l’époque.
« Il faut imaginer cette époque dans un régime macho-léniniste, où les hommes barbus dominaient dans les assemblées ». Anaïs Nin devient cubaine dans une réincarnation apocryphe.
 » Nous sommes en 1922. Anaïs Nin part à Cuba sur les traces d’un père absent et fantasmé, à la découverte de la famille paternelle. Dans son journal, peu d’allusions à cette période. De sa plume riche en images saisissantes, Wendy Guerra imagine ce qu’Anaïs a pu ressentir en arrivant sur l’île et superpose ainsi ses pensées apocryphes aux confessions réelles de la jeune Anaïs Nin, restituant ainsi la voix d’une âme à la recherche de son identité. « 
Quelle place pour les femmes à Cuba ? Dans un système communiste qui revendique la force, la camaraderie entre hommes, et la lutte virile ? Wendy Guerra n’a pas vraiment répondu à la question et c’était un peu frustrant. Elle pose pourtant le besoin de s’identifier à d’autres femmes pour pouvoir s’assurer de son identité. Une femme occidentale qui revendique sa liberté.
« j’ai ma propre colonne vertébrale, dit-elle, et je vole des histoires à mes contemporaines ».
Laura Kasischke évoque ses personnages, ils sont tous féminins, ce sont des jeunes filles, des mères de famille. Elle donne la parole aux femmes.
« J’écris avec le matériau que j’ai. Je suis une femme, une mère, j’ai eu des relations conflictuelles avec ma mère. J’écris de là où je viens. » Elle avoue écrire à partir de son expérience, même si elle aimerait un jour écrire avec le point de vue d’un homme.
« Mais je ne sais pas si j’en serai capable, je ne saurai pas par où commencer », avoue-t-elle.
Dans le roman dystopique de Leni Zumas, « Les herbes rouges », quatre voix s’entremêlent,  toutes des femmes. Rebondissant sur les propos de Wendy Guerra, qui affirmait qu’il ne faut jamais demander son âge à une femme, Leni s’insurge contre cette culture de la honte qu’on nous impose, qui oblige à cacher son âge, son poids, etc. Quant au fait que ses personnages soient tous des femmes, relevé par la critique, elle répond que personne ne se serait avisé de dire à Hemingway que ses personnes étaient tous des hommes, ou qu’il y en avait trop.
Le roman met en scène un monde post-apocalyptique dans lequel tout est remis à zéro, pour autant les vieux réflexes ne sont pas morts et resurgissent. La violence s’exerce à nouveau sur les femmes. la même violence sexuelle, la même vulnérabilité. Elle s’est inspirée du personnage féminin secondaire de « la route » de Mac Carthy. La misogynie est parfaitement intériorisée, remarque-t-elle, et c’est elle qui détruit les femmes.
A suivre…

Festival America 2018 : de Margaret Atwood à Brad Watson, une belle journée.

Le festival America se déploie sur plusieurs lieux, au cœur de Vincennes, et les conversations-conférences ont fait salle comble. Un public nombreux, des intervenants de qualité et des modérateurs talentueux ont fait de cette deuxième journée une réussite.

Margaret Atwood a su charmer son auditoire, même à distance, et a questionné son statut d’icône pour le subvertir, elle se veut davantage iconoclaste, dans ce temps particulier, « bizarre » dit-elle, inédit depuis les années 30, où tout semble sur le point de verser et de se renverser.

Margaret Atwood

Peut-être plus qu’une icône, l’écrivaine se sent-elle responsable. Elle a un pouvoir de parole que n’a pas le simple citoyen, toujours sous la menace d’un licenciement. Elle est chargée de dire ce que les autres ne peuvent pas dire même si cela ne dispense pas le citoyen d’agir.

Elle participe à « After me too », une plateforme qui vise à donner la parole à celles qui en ont besoin.

Plutôt citoyenne que militante, très active sur twiter, elle s’engage pour des causes qu’elle estime importantes. En tant qu’auteure, on la sollicite pour associer son noms à certaines actions et s’exprimer à leur sujet ; elle accepte volontiers tant qu’il s’agit de lutter pour l’environnement, le droit des femmes et le statut des artistes toujours menacé sous les dictatures.

Elle parle, à travers cet écran géant, et tout le monde l’écoute, presque religieusement. Elle est la pythie, l’oracle, et les événements politiques récents aux Etats-Unis font écho à son oeuvre et lui donnent une force nouvelle. Cette écoute prodigieuse est à elle seule un événement.

La situation des femmes, souligne-t-elle, est un bon indicateur de la vie démocratique. Tous les régimes totalitaires cherchent à les contrôler, et mettent en place des politiques particulières qui visent à les assujettir.  Ce qui n’enlève aucunement aux femmes leur part d’ombre, d’ailleurs pourquoi seraient-elles parfaites ? Elles n’ont pas à mériter leur liberté.

Margaret Atwood revient sur la situation des auteurs canadiens dans les années 70, très différente de celle d’aujourd’hui. Il n’était pas question à l’époque de devenir célèbre, c’était plus une vocation qu’une profession. Tout était à faire, les auteurs de sa génération ont mis beaucoup d’énergie à monter des maisons d’édition, des associations, des cercles de lecture. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes auteurs veulent en faire un métier parce que l’exemple du succès de certains de leurs aînés ou même de leurs contemporains leur montre que c’est possible. Mais, et c’est le revers de la médaille, il ne sera pas au rendez-vous pour tout le monde.

Margaret Atwood est malicieuse, elle a le regard qui pétille et ce sourire indulgent que donne la sagesse du grand âge. « Pas de panique, ça va s’arrêter un jour » dit-elle en parlant du succès qui récompense son oeuvre, et puis « J’ai la faculté d’écrire en avion. Il y a un WI-FI, mais je fais semblant que je ne suis pas au courant. » Alors, bien sûr, il y a la fatigue des dédicaces, mais comment s’en plaindre, comment refuser la rencontre à des gens qui attendent parfois pendant des heures ?

Aujourd’hui, reprend-elle, on assiste à un moment intéressant sur la scène littéraire, car beaucoup de jeunes regardent vers l’avenir, et le pense à travers la dystopie dont elle a été la précurseure. Ils regardent vers demain et sont plein d’énergie. Peut-être malgré ce sourire, y a-t-il chez elle un peu de nostalgie.

Elle accepte donc ce rôle de mentor et reçoit de nombreux livres. Elle écrit sur twitter à propos de ceux qu’elle aime, et met le lien vers la maison d’édition ou le site.

A propose des séries qui sont réalisées à partir de son oeuvre, elle reconnaît que ce format d’adapte bien à ses romans car il ne demande pas de narratif long. Justement elle  écrit des chapitres courts. En ce qui concerne l’adaptation de la Servante écarlate, elle a eu un statut de consultante qui lui a permis d’annoter le scénario, sans lui donner  de véritable pouvoir.

Elle finit par redéfinir ce qu’est la littérature spéculative. Outre le fait, elle l’a déjà dit ailleurs, que son oeuvre est toujours basée sur des faits ayant déjà existé, parfois au sein de micro-sociétés, la science-fiction parle de choses qui n’existent pas, tels les robots et les planètes. Ce qui n’est pas le cas de ses livres.

Elle a raison, la littérature spéculative permet de penser un monde déjà-là, celui dans lequel nous nous mouvons.

Mais pour autant est-elle pessimiste ? Non, dit-elle, écrire un livre c’est être optimiste, c’est proposer un futur meilleur.

« Je suis une grande optimiste. je vais réussir à terminer mon livre, à l’éditer et à trouver un lecteur qui le comprendra. »

« Je participe à la bibliothèque du futur, en Norvège, un manuscrit tenu secret est déposé, et ne sera connu que dans cent ans. »

Ce n’est pas être optimiste ça ? Penser qu’il y aura encore des êtres humains pour le lire…

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On se plaît à penser que Margaret Atwood ne disparaîtra pas, car cela semble tout bonnement impossible à ceux qui ont commencé à lire son oeuvre. Peut-être avons-nous tous été sensible, dans la salle, à la force de cette assurance, en dépit de sa fragilité de vieille dame. Elle est de celles qui demeurent…

Festival America – Que deviennent les hommes ? Dimanche 23 septembre 2018 de 15H00 à 16H00

Que deviennent les hommes ?

dimanche 23 septembre 2018 de 15h00 à 16h00
Cœur de ville – Pôle documentaire Localisation

Animé par Jean-Claude Raspiengeas

Trois écrivains, trois hommes qui ont pris leurs semblables pour sujet littéraire. Est-ce pour faire l’éloge de la masculinité canadienne ou pour sonder les failles du mâle dominant ? Qu’ont donc appris en chemin ces trois auteurs ? Que cherchaient-ils en fin de compte ?
En présence de :

Festival America 2018 : Entretien avec Margaret Atwood Samedi de 17H00 à 18H00

Conversation en duplex avec Margaret Atwood

samedi 22 septembre 2018 de 17h00 à 18h00
Centre Culturel G. Pompidou Localisation

Animé par Laure Adler

Margaret Atwood, née à Ottawa en 1939, est l’auteure d’une quarantaine de livres. Traduite dans cinquante langues, elle est l’une des plus grandes romancières de notre temps. Elle a notamment écrit Le Tueur aveugle (Man Booker Prize en 2002), la trilogie MaddAddam et C’est le cœur qui lâche en dernier. Ses romans La servante écarlate et Alias Grace ont été adaptés en série, respectivement par Hulu et Netflix.

Habituée du festival AMERICA mais ne pouvant être présente cette année, elle participe à un entretien exceptionnel en duplex vidéo depuis le Canada.
En présence de :

Festival America 2018 – John Irving – lutter contre les discriminations sexuelles

JDescription de cette image, également commentée ci-aprèsohn Irving est une  grande figure, littéraire mais surtout un artiste, une personne, un homme fabuleux. La Grande Librairie , ce soir, mercredi 19 septembre, fêtera en sa compagnie les quarante ans de « Un monde selon Garp » véritable manifeste pour l’émancipation des femmes. Il sera également l’invité d’honneur du Festival America à Vincennes.

John Irving Cologne 2010, photo wikipedia

Il est l’invité d’honneur de cette 9e édition du Festival AMERICA de Vincennes à l’occasion de la réédition du Monde selon Garp par les éditions du Seuil (sortie le jeudi 20 septembre 2018, traduction Maurice Rambaud).

Les événements du festival autour de l’auteur :

Jeudi 20 septembre
18h : Cérémonie d’ouverture (Auditorium Cœur de Ville)

Vendredi 21 septembre
Après-midi : Café des Libraires (Salle des fêtes de l’Hôtel de Ville)
17h : Séance de dédicaces

Samedi 22 septembre
17h : Le Temps des écrivains, émission spéciale France Culture, animé par Christophe Ono-dit-Biot en direct de l’Hôtel de Ville de Vincennes.
18h : Conversation autour du métier d’écrivain et de la naissance des romans avec John Irving, Kevin Hardcastle et Nathan Hill (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
21h : L’Amérique de John Irving, rencontre animée par François Busnel, en partenariat avec le magazine America (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
22h : Projection du film Le Monde selon Garp de George Roy Hill

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« Jenny Fields ne veut pas d’homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d’écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n’est jamais loin. Un livre culte, à l’imagination débridée, facétieuse satire de notre monde.Né en 1942, John Irving est l’un des plus grands romanciers américains de sa génération. Le Monde selon Garp, partiellement autobiographique, a connu un succès mondial et a été porté à l’écran » Editeur

Festival America 2018 : Anaïs Barbeau-Lavalette, La femme qui fuit

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Anaïs Barbeau-Lavalette – La femme qui fuit – Le livre de poche, éditions Marchand de feuilles, 2015

Ce livre a eu un prodigieux succès à sa sortie, et a obtenu de nombreuses récompenses : Prix des libraires du Québec 2016, Prix France-Québec et grand Prix du livre de Montréal.

Les raisons en sont certainement la grande qualité de l’écriture, l’originalité du récit, louvoyant entre la réalité et la fiction, dans la quête de cette grand-mère que l’auteure a très peu connue, et qui a terriblement blessé sa mère en l’abandonnant à l’âge de trois ans et en refusant de la voir plus tard. Mère attendue, espérée et toujours absente. Forcément de récit nous touche, car il fait écho à la peur de l’abandon, profondément enracinée en nous, et la crainte de ne pas être aimé-e-s ou pas assez.

Peut-être a-t-on conscience également, en lisant ce récit, qu’être une femme libre dans la première moitié du XXe siècle était une véritable gageure quand on était une femme. Une femme pouvait être une muse, mais être artiste à part entière, reconnue à l’égale des hommes, il ne fallait pas y compter, c’était plutôt l’exception qui confirmait la règle. Suzanne Méloche était une artiste et l’une des rares femmes, peintre et poétesse, représentante du mouvement automatiste au sein du surréalisme.

Le destin de la plupart des femmes était de procréer et d’être femme au foyer, d’autant plus qu’au Québec, l’Eglise avait une influence extrêmement importante et que ses diktats, ses recommandations, avaient valeur de loi. Une forme de rigorisme moral et de censure, rendaient difficile l’expression artistique et l’évolution des mœurs. Les femmes et les artistes en furent également victimes et les femmes artistes, doublement.

J’ai aimé ces très courts textes-chapitres, comme des instantanés, où des moments de la vie de cette grand-mère inconnue, sont esquissés sur le vif, grâce à l’imagination qui pallie les blancs d’une histoire incomplète.

Un très beau livre, où l’émotion est un fil continu.

Vous pourrez rencontrer l’auteur au Salon du livre de Vincennes le samedi de 15h30 à 16h30,  et le dimanche de 11 h à 12h à et de 17H à 18H.

america chez Plaisirs à cultiver

Festival America 2018 H comme Héroïne : Entre toutes les femmes

H… comme Héroïne : Entre toutes les femmes

Elles ont été nombreuses, les héroïnes, au cours de l’histoire, et célèbres pour la plupart. Qu’aurait fait Zola sans Nana ou Thérèse Raquin, Mauriac sans Thérèse Desqueyroux, Tolstoï sans Anna Karénine, Racine sans sa Phèdre, sans parler des héroïnes balzaciennes ? Femmes fatales ou venimeuses, femmes soumises ou dévouées à travers le personnage de la mère, femmes tragiques telles Antigone ou Médée, les femmes peuplent la littérature. Les années 70 lui apporteront la liberté de parole, l’insoumission, la rage et la révolte. Simone de Beauvoir écrira les « Mémoires d’une jeune fille rangée », Violette Leduc « La bâtarde », Françoise Sagan peindra les affres de la mélancolie, la légèreté, le vide et l’ennui, et Annie Leclerc, livrera sans détours sa  » Parole de femme ».

Pour autant le temps des héros est-il révolu ? Les hommes interrogent-ils à leur tour la masculinité à travers le prisme de leurs héroïnes ? Ou reconnaissent-ils leur propre féminin ? Le monde de la littérature n’est pas étanche, les combats qui s’y livrent n’y sont pas à huit clos, pour la simple raison qu’il y a des lecteurs et des personnes réelles qui les écrivent, porteurs d’une histoire,d’une vision de la société, et de valeurs.Il traduit  également les évolutions de la société, les interrogations et les crises qui la traversent.

« Et si le temps des héros était révolu laissant la place aux héroïnes ? Les récentes mutations de la société vont-elles enfin donner aux femmes la place qu’elles sont en droit de revendiquer ? Jadis minorées, les femmes donnent désormais de la voix avec fierté et bien déterminées à faire entendre leurs désirs et leurs aspirations. Mais peut-être n’est-il plus nécessaire d’être une femme soi-même pour qu’existe sous la plume une héroïne crédible… »
dimanche 23 septembre 2018 de 12h00 à 13h00
Crypte de l’Eglise Notre-Dame de Vincennes Localisation

Animé par Kerenn Elkaïm

En présence de :

Survivre : Le cœur des femmes / café des libraires

Survivre : Le cœur des femmes

Ce qui me semble particulièrement intéressant, est le fait, que le roman  (XIIe, XIIIe siècle pour sa naissance?) , s’est très tôt emparé de la condition des femmes (Il a quand même fallu attendre un peu) pour la dénoncer, de façon très indirecte tout d’abord, puis plus frontale, moins déguisée, jusqu’à nos jours. Le roman a été et reste un moyen de lutte, le lieu d’une prise de parole dénonçant les violences faites aux femmes. Et la littérature est peuplée d’héroïnes, parfois malmenées (je pense au naturalisme condamnant Thèrèse Raquin ou à la femme fatale du XIXe), mais d’héroïnes tout de même. Je renvoie à cet article

La vierge et autres racontars sur l’éternel féminin. Visions de la femme dans les romans masculins

Destins de femmes dans le roman populaire en France et en Angleterre au XIXe siècle (1)

David-Ménard Monique. Qu’est-ce qu’une femme fatale ? Hécate et les autres. In: Les Cahiers du GRIF, N. 47, 1993.
Misogynies. pp. 101-106.

dimanche 23 septembre 2018 de 14h00 à 15h00

Hôtel de ville – Salle des Fêtes Localisation

« Jusque dans leur chair, les femmes ont, de tout temps, été brimées, violentées, brisées. C’est peut-être cette lutte pour la survie, comme inscrite dans leurs gênes, qui les rend aujourd’hui si fortes et si combatives. Trois portraits de femmes aux prises avec la rudesse du monde. »

En présence de :

F… comme Femmes : Portraits de femmes #2

Des femmes avaient répondu à cette question, ce sont maintenant les hommes qui vont s’atteler à cette tâche. Passionnant !

samedi 22 septembre 2018 de 18h00 à 19h00
Espace Sorano – Théâtre Localisation

« Longtemps, les femmes ont été cantonnées au rôle de personnages secondaires. Heureusement, les choses ont bien changé. Aujourd’hui, les femmes marquent de leur empreinte la richesse et la diversité de la culture contemporaine. Mais il est encore utile de s’interroger sur la place des femmes dans le monde, ce qui a été acquis de haute lutte et ce qu’il reste à conquérir. Quelle est maintenant la place des femmes dans la fiction ? Écrit-on de la même manière un personnage féminin lorsqu’on est un homme ou une femme ? »

En présence de :

F… comme Féminisme : Le Deuxième Sexe. L’écriture, un moyen de lutte ?

samedi 22 septembre 2018 de 14h00 à 15h30
Centre Culturel G. Pompidou Localisation
L’écriture des femmes est profondément liée à leur combat pour exister car elle a fait l’objet de luttes féroces. Avoir le droit d’écrire, d’être publiée, pouvoir s’exprimer dans la sphère publique, a été conquis de haute lutte. J’entends souvent les femmes elles-mêmes rejeter les combats féministes au motif qu’aujourd’hui dans le monde occidental, les femmes ont à peu près les mêmes droits que les hommes. D’ailleurs, dans des journaux d’écrivain que j’ai lus récemment des auteurs se font l’écho de l’affaire Weinstein, au mois d’octobre dernier, et se demandent pourquoi autant de bruit pour rien, au prétexte que les femmes peuvent toujours se défendre, qu’elles sont des « grandes filles ». Il me semble que c’est exactement là que le bât blesse. Un philosophe que j’aime beaucoup, qui représente pour moi, tout ce que devrait être un homme aujourd’hui, dit que le féminisme est un humanisme, mais en réponse Beatriz ou Paul Preciado (transgenré ? mais proclame n’appartenir à aucun genre), dans le journal Libé du 26 septembre 2014, assène qu’il est plutôt un animalisme, « Alors, l’humanisme inventa un autre corps qu’il appela humain : un corps souverain, blanc, hétérosexuel, sain, séminal. « 
Pourtant nombre de femmes dans le monde savent qu’être femme les conditionne à un statut et un devenir auxquels elles voudraient bien échapper. Ainsi assignées à leur genre, elles n’ont d’autre choix que le revendiquer. L’écriture est un moyen de lutte. Je lis des femmes du monde entier, et force est de le constater.

« Les récents scandales d’abus sexuels aux États-Unis, l’émergence du #Metoo Movement ont permis de rebattre les cartes du combat pour l’égalité entre hommes et femmes dans la société et la vie privée. Force est de constater qu’il reste beaucoup à faire partout dans le monde. De quelle manière la fiction s’empare-t-elle du sujet ? L’écriture est-elle un moyen de lutte efficace ? »

En présence de (les liens renvoient au site du festival) :

F… comme Femmes : Portraits de femmes #1 Festival America

F… comme Femmes : Portraits de femmes #1

Quelques débats extrêmement passionnants vont avoir lieu pendant le festival,  auxquels j’ai vraiment envie d’assister cette année, même si le mois de septembre est un mois extrêmement chargé,  je vais faire en sorte d’oublier mon « sacerdoce » pour rejoindre cette incursion du continent américain en terres franciliennes.

La première conférence qui intéresse au premier chef Litterama examine la place des femmes dans la fiction. Ecrit-on de la même façon un personnage féminin selon le genre auquel on appartient ?

Lorsqu’on est homme, il me semble que percevoir une femme peut se faire de deux manières, une profondément intérieure, dans son féminin profond, que possèdent les hommes eux aussi et dont on les a longtemps privée, et une autre plus sociologique, sur la base de ce qui pourraient être des clichés liés au genre même si on tente de les dynamiter. En effet, à quelle autre expérience peuvent faire appel les écrivains qui veulent dresser un portrait de femme : ce qu’ils observent des femmes dans la société dans laquelle elles vivent, l’analyse de leur situation, de la domination qui est exercée sur elle ? Face à cette question, des femmes vont répondre dans un premier temps et, dans la soirée, une autre conférence aura lieu, tenue par des hommes.

samedi 22 septembre 2018 de 11h30 à 13h00
Cœur de ville – Auditorium Jean-Pierre Miquel Localisation

« Longtemps, les femmes ont été cantonnées au rôle de personnages secondaires. Heureusement, les choses ont bien changé. Aujourd’hui, les femmes marquent de leur empreinte la richesse et la diversité de la culture contemporaine. Mais il est encore utile de s’interroger sur la place des femmes dans le monde, ce qui a été acquis de haute lutte et ce qu’il reste à conquérir. Quelle est maintenant la place des femmes dans la fiction ? Écrit-on de la même manière un personnage féminin lorsqu’on est un homme ou une femme ? »

En présence de :