Appel pour les femmes iraniennes

Je relaie l’appel d’Héloïse Dorsan Rachet au soutien des femmes iraniennes.

Héloïse Dorsan Rachet/ Appel pour les femmes iraniennes

Une manifestation a lieu en soutien aux femmes iraniennes place de la République. Vérifiez la date.

Simin Behbahani/ recherche par Héloïse Dorsan Rachet

Je te reconstruirai ma patrie

Même avec l’argile de ma propre âme.

Je te bâtirai des colonnes

Même avec mes propres ossements.

Grâce à ta jeune génération, on s’amusera à nouveau.

Nous ne cessons de pleurer, tellement tu nous manques.

Même si je meurs à 100 ans, je resterai debout dans ma tombe.

Afin de faire disparaître le mal avec mon grognement.

Je suis vieille mais je peux rajeunir pour vivre une nouvelle vie aux côtés de mes enfants.

« Jin, Jiyan, Azadî » (slogan féministe kurde qui signifie « femme, vie, liberté »)

« Figure majeure de la poésie contemporaine persane, née à Téhéran en 1927 et décédée en 2014.
Membre du Conseil de la poésie et de la musique en Iran, elle adhère à l’Association des écrivains iraniens qui lutte contre la censure, peu avant la révolution de 1979. Elle se tourne alors vers la politique, les droits de l’homme et la liberté des femmes. Pendant dix ans, ses poèmes seront censurés en Iran.

Elle reçoit le prix Simone de Beauvoir en 2009 – destiné au collectif de femmes iraniennes « Un million de signatures pour la parité entre hommes et femmes ». » Source Editions Zulma

Crédit photographique : Simin Behbahani photographiée par Fakhradin Fakhraddini.(wikipedia)

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Saideh Pakravan

Fariba Vafi

Luna – Un merveilleux café-librairie à Grenoble

Un véritable coup de cœur pour cet endroit chaleureux au cœur de Grenoble.

Deux commerces cohabitent dans le même espace. On peut venir juste prendre un café, juste acheter des livres, ou faire les deux ! Luna se veut une librairie féminine et inclusive et les autrices, toutes les thématiques liées aux femmes et au genre sont largement représentées.

Hélène nous confie qu’elle et Marine, sa co-créatrice avaient envie de travailler sur des valeurs communes , un lieu culturel, engagé, cosy et chaleureux, où on peut se détendre et lire en même temps. Après des études de marché, le rêve a pu devenir réalité. Le café – librairie est aussi un lieu de rencontres. Si vous venez à Grenoble, ne manquez pas cet endroit unique en plein centre, avenue Alsace Lorraine !

Les photos ont été prises avec l’autorisation d’Hélène.

Librairie Le Mille Feuilles à Trappes, un endroit où chacun a sa place. Episode 2

La libraire le « Mille-feuilles » à Trappes est un endroit chaleureux née d’une démarche originale dans le cadre de l’insertion professionnelle. Elle est aussi le lieu de rencontres, d’ateliers, de partages autour des livres. Emilie Bertrand, qui la dirige, participe aussi à de nombreux projets autour du livre, notamment un festival de la lecture qui a lieu désormais fin juin.

Ceci est la seconde partie de l’entretien réalisée avec Emilie Bertrand qui dirige la librairie.

Est-ce qu’il y a des livres que tu relis encore ?

Il y a un livre que je relis souvent, c’est étrange mais c’est comme ça, c’est « Les Réflexions ou sentences et maximes morales  » de La Rochefoucauld, que je lis depuis que j’ai douze ans. C’est la pensée humaniste, qui parle beaucoup de la vanité, il y a beaucoup de choses très actuelles (rires) et puis je ne suis pas encore en relecture de livres, en fait, il y a tellement de choses à découvrir, il y a des livres que j’aimerais relire si j’avais le temps…

Tu n’as pas de livre culte ?

Non. Il y a des livres que je peux conseiller, que j’aime passionnément, j’ai des rencontres émerveillées, des livres qui m’ont bouleversée, mais de là à dire « livre culte », je ne sais pas, peut-être pas.

Si tu devais recommander trois livres à nos lecteurs.rices ?

J’ai découvert les textes de Françoise D’Eaubonne,  parce que « Les bergères de l’Apocalypse » est arrivée à la librairie, il y a peu, dans son édition originale, et toute la pensée écoféministe , qui est très intéressante, et me parle beaucoup, la poétesse native américaine, Joy Harjo, Goliarda Sapenzia, « L’art de la joie »,  immense roman et texte vraiment bouleversant, que je conseille beaucoup, parce que j’estime qu’il fait partie des livres passionnants à rencontrer.

Est-ce qu’il y a des événements qui se sont produits à la librairie et pendant lesquels il s’est passé quelque chose d’inédit que tu ne soupçonnais pas ?

Il y a régulièrement des choses qui me touchent beaucoup à la librairie, c’est quand on offre des livres aux enfants, et que des enfants, en 2023, demandent quand est-ce qu’ils doivent le ramener. C’est pour eux, pour toujours… c’est toujours bouleversant de donner un livre.

On a eu une rencontre avec Claudine Bohi, qui a lu ses textes, dans le cadre du Printemps des poètes, je venais de vivre un événement familial douloureux, je me souviens avoir passé la séance en larmes au fond de la salle, parce que ses textes étaient bouleversants, et c’est vrai que les poétesse qui lisent leurs textes, ça reste un événement inouï. Je conseille beaucoup ses poésies.

On aimerait créer un tapis à histoires, avec deux associations sur la ville, et deux sont en cours de création, l’un qui concerne les migrants, l’accueil des migrants, à partir d’un livre jeunesse qui s’appelle « La valise », qui est très beau, ce sont les femmes d’une association qui sont elles-mêmes issues de parcours extrêmement compliqués, qui sont accueillies dans des hôtels sociaux absolument misérables, qui se rappellent qu’elles savent coudre, qu’elles savent raconter des histoires aux enfants, et c’est exactement le but de la librairie, tout le monde a sa place, quand il s’agit de lire dans sa langue, et l’autre tapis est réalisé par une autre association, Les mamies tricoteuses, elles racontent leur vie lors de leurs séances (elles tricotent des écharpes de quinze kilomètres !), c’est parfois assez trash car elles ont des parcours de vie pas faciles. Elles sont en train de tricoter chacune une fleur qui vient de leur pays d’origine, et elles racontent l’histoire de la fleur, qui ressemble étrangement à leur propre histoire. Des histoires de femmes, de parcours de femmes, et c’est aussi le but de tout ça.

Une nouvelle collection « Les inconnues » aux éditions de l’Arbre Vengeur

Je n’ai rien contre les conversions tardives, et celle d’Eric Dussert, qu’il commente dans la quatrième de couverture, (« Aurais-je été misogyne sans le savoir », se demande-t-il) de « Cachées par la forêt » a le mérite du courage de la part de ce fin lettré, directeur de collection à « L’Arbre Vengeur », et critique littéraire pour un certain nombre de journaux et revues. Et d’ailleurs, grâce à lui, si je connaissais certaines autrices, j’en ai découvert beaucoup d’autres.

Il aura participé à la visibilité de quelques-unes de ces autrices qui émaillent l’histoire littéraire.

Je n’ai pas trouvé qui dirige cette nouvelle collection, mais elle est très prometteuse. Deux titres sont déjà publiés et un troisième est promis pour 2024. Il s’agira de « Une mesure pour rien » de Josette Clotis, disparue prématurément à l’âge de 34 ans. Non, non, je ne vous dirai pas de qui elle a été l’épouse ou la maîtresse et je vous recommande de ne rien lire sur elle avant de la lire, elle. En tout cas, l’arbresse vengeresse a encore frappé !

Trappes et sa librairie, une belle histoire !

Qui n’a jamais entendu parler de Trappes ? Jamel Debbouze, Omar Sy et toute une pépinière de talents ont éclos dans cette ville qui ne manque pas d’initiatives. Il y a fort à parier que les plus jeunes, loin des polémiques, ont franchi un jour le seuil de cette librairie pas tout à fait comme les autres !

La libraire le « Mille-feuilles » à Trappes est un endroit chaleureux née d’une démarche originale dans le cadre de l’insertion professionnelle. Elle est aussi le lieu de rencontres, d’ateliers, de partages autour des livres. Emilie Bertrand, qui la dirige, participe aussi à de nombreux projets autour du livre, notamment un festival de la lecture qui a lieu désormais fin juin.

Emilie et Antoine

Un coup de cœur pour cet endroit et ceux qui l’animent. Cet entretien sera publié en trois épisodes sur Litterama.

Equipe permanente sous la direction d’Emilie Bertrand : Antoine et Chaker.

Salariés : Agnès, Alhan, Arame, Assietou, Aziz, Lenka, , Hocine,  Philippe, Stella.

Comment est née la librairie Mille-Feuilles à Trappes ?

La librairie est née en 2006, elle a été crée par une association qui travaillait sur le champ de l’insertion professionnelle et qui a eu l’idée de proposer, voyant les livres qui partaient au pilon dans les médiathèques avec en parallèle des villes sans librairies, et des gens sans livres aussi, de recréer un lieu de commerce de livres à bas coût pour rendre le livre accessible au plus grand nombre, dans le cadre, en plus, d’un dispositif d’insertion professionnelle. Les chantiers d’insertion ont, dans leurs cahiers des charges, l’obligation, normalement, d’apporter une plus-value sur un territoire et de ne pas être objet de concurrence avec un secteur privé. C’est le cas, puisqu’il n’y a pas d’autre librairie sur la ville de Trappes.

Et toi, comment en as-tu pris la direction ?

Elle a été crée en 2006, moi je suis arrivée en 2007, j’ai répondu à une annonce d’emploi en fait, ils cherchaient une personne pour gérer cette librairie, pour travailler avec des publics en insertion. Moi, j’avais une expérience de formatrice pour adultes qui apprenaient le français , et un cursus en lettres modernes, j’ai répondu à cette annonce et j’ai été embauchée.

Comment s’organise le travail en équipe dans la librairie ? Comment sont recrutés les autres libraires ?

Tous les libraires sont orientés, ce sont des gens pour lesquels des professionnels d’insertion sociale, pôle emploi etc, estiment qu’ils ont besoin d’un dispositif, comme un chantier d’insertion, pour reprendre une activité rofessionnelle et réaccéder à l’emploi, donc c’est un premier critère, et puis, nous organisons des entretiens et nous sélectionnons les profils les plus pertinents.

Quelle est la durée de ces contrats d’insertion ?

C’est 7 mois le premier contrat et puis après on peut étendre jusqu’à 2 ans de chantier.

Est-ce qu’il y a d’autres libraires permanents dans l’équipe ?

Nous sommes trois permanents, agents de la ville. Antoine, Shaker et moi.

Comment est alimenté le fonds de la librairie ?

On récupère des livres. On passe des conventions avec des médiathèques, avec des comités d’entreprise, à la fois sur du don et de l’achat (puisqu’ils réalimentent leurs propres fonds) et puis des particuliers. On a quasiment un déplacement par jour pour récupérer des livres. Donc on traite à peu près une tonne de livres par semaine.

Est-ce que toi, tu as eu des rencontres avec des livres que tu as reçus ici ? Parce que tu disais tout à l’heure, « on a reçu des trésors ».

Je me souviens de plein de rencontres, la dédicace de Maupassant qui a failli nous passer sous le nez, et partir au recyclage papier.  Et au dernier moment on a ouvert le livre et on s’est aperçus qu’il y avait une magnifique dédicace de Guy de Maupassant, donc là c’était une belle rencontre quand même (rires), aussi des livres que tu cherchais depuis longtemps ou des sujets dont tu ne savais même pas qu’ils existaient. Et il y a des auteurs que j’ai découverts grâce à la librairie. Qui ne sont plus trop édités. Sinon, on a une édition originale des « Misérables » de Victor Hugo, qui est un vrai trésor qu’on peut montrer aux gens, aux enfants, on fait des expositions parfois, pour expliquer ce qu’est une édition originale, montrer des livres du XVIIe siècle, expliquer le nombre d’épreuves qu’ils ont dû traverser pour arriver jusqu’ici et pourquoi ici !

Marie-Louise Gagneur – 1832 – 1902

Détail – Portrait Galerie des gens de Lettres

Née Marie-Louise Mignerot en 1832, Marie-Louise Gagneur a publié des essais, des nouvelles et plus de vingt romans. Membre de la Société des Gens de lettres, elle œuvre pour la féminisation des noms de métiers, lutte pour l’égalité des droits des femmes, et dénonce le sort injuste qui leur est fait depuis la Restauration, les plaçant sous la tutelle de leur mari, et leur interdisant de divorcer.

Ses propositions sur la féminisation du nom d’écrivain sont rejetées, sous prétexte que ce métier n’est peu ou pas exercé par les femmes. Elle mourra à l’entrée du siècle, en 1902, quelques mois après avoir reçu la Légion d’Honneur.

Elle dénonce l’éducation des femmes dans les couvents auxquelles on fait subir un véritable lavage de cerveau, visant à les rendre parfaitement soumises à Dieu et à leur mari. Son expérience du couvent nourrira son anticléricalisme.

Les éditions « talents hauts » publie un inédit, « Trois sœurs rivales » , roman feuilleton  du journal « La presse » de juillet à août 1861 dans lequel « elle place les premiers jalons de son combat en faveur de l’émancipation des femmes »[1].

En outre le site Gallica lui consacre un long article sous la plume de Roger Musnik avec des liens vers ses œuvres désormais dans le domaine public.

Elle mérite d’être redécouverte, la littérature est pour elle une arme de combat, qu’elle manie avec une redoutable efficacité et sa vie est passionnante à lire (Voir Gallica).


[1] Préface d’isabelle Pasquet

L’oiseau rare – Guadalupe Nettel/ Derrière les mères, l’aventure !

Guadalupe Nettel – L’oiseau rare, 2020 – Editions Dalva, 2022 pour l’édition française.

Pendant de nombreux siècles, les femmes ont été reléguées à leur fonction reproductrice, et leur ventre contrôlé de façon drastique par l’organisation patriarcale de la société. Il s’agissait de s’assurer de la filiation, d’autant plus qu’aucun test génétique ne pouvait permettre de confirmer la paternité. Le destin des femmes est depuis toujours lié à leur corps et à l’enfantement, qu’elles le ressentent comme un accomplissement ou comme une malédiction. Rarement un choix.

Le roman de Guadalupe Nettel est passionnant parce qu’il met en scène, à travers plusieurs destins de femmes, ce choix, toujours crucial, de la maternité et l’émergence d’une pluralité de voies.

Les histoires se nouent autour d’un phénomène de la nature qui est le parasitisme de couvée. Un oiseau dépose parfois son œuf dans le nid d’une autre espèce, dont il évince à certaines occasions l’œuf originaire, afin que le sien soit couvé et nourri.

Laura et Alina ne voulaient pas renoncer à leur liberté en étant mère. Avoir un enfant, c’est souvent sacrifier une part de son développement personnel, des études ou une carrière. Or chacune va être mère à sa manière, et déléguer une partie de ce pouvoir à quelqu’un d’autre.

On pourrait presque parler de co-maternité. Les sociétés traditionnelles laissaient rarement les femmes seules après l’accouchement, elles étaient secondées par le reste de la famille ou de la communauté dans laquelle elles vivaient. Le monde moderne et l’émancipation des femmes les a rendues à la solitude et la maternité est devenue, d’une autre façon, un fardeau harassant, les tâches domestiques leur étant dévolues dans leur majorité. Les choses changent lentement, les pères prennent de plus en plus leur part. Aurelio, le mari d’Alina, se révèle un père attentif et aimant.

Laura prend une autre voie, elle secondera une mère défaillante en adoptant symboliquement.

Devenir mère signifiera pour chacune transformer leurs préjugés.

En toile de fond, cependant, les violences faites aux femmes et les nombreux féminicides qui ont lieu au Mexique. Les traumatismes, quand elles s’en sortent, et la peur qui condamne certaines d’entre elles à ne plus sortir de chez elles.

Le récit, parfaitement écrit et articulé, se lit presque comme un polar, tellement les rebondissements sont nombreux. Je l’ai littéralement dévoré. Il est à la fois intelligent et prenant, et entre parfaitement en résonance avec notre époque. Il nous aide aussi à réfléchir.

L’autrice : Guadalupe Nettel est née au Mexique en 1973 et a partagé sa vie entre Mexico, Barcelone, ou Paris. Elle est l’autrice de plusieurs livres de contes, de recueils de nouvelles et de romans : l’Hôte (Actes Sud, 2006), Le Corps où je suis née (Actes Sud, 2011) et Après l’hiver (Buchet-Chastel, 2016). Lauréate de nombreux prix littéraires, en France, en Espagne et au Mexique, , elle est traduite dans une dizaine de pays et elle est considérée aujourd’hui comme l’autrice la plus lumineuse de sa génération.

Les « plumées » des éditions Talents Hauts

Les   éditions Talents Hauts mettent en avant le matrimoine littéraire à travers une collection « Les Plumées ». Plumées dans tous les sens du terme, elles l’ont été. D’une part, parce qu’elles ont un incontestable talent et une vraie « plume » et d’autre part, parce qu’elles ont été spoliées de leur postérité ou de leur notoriété et rendues invisibles. Comment juger de la valeur d’une œuvre dans l’Histoire littéraire ? Quels sont les critères qui la rendent digne d’y figurer ? Les œuvres ou les formes qu’elles empruntent ont-elles marqué leur siècle ? De toute évidence, les thématiques, les grands sujets quel que soit le domaine de l’art sont interdits aux femmes jusqu’au XXe siècle, la guerre, la politique, tous les domaines proches du pouvoir. Les femmes ne sont pas vraiment sur les champs de bataille, dans leur majorité, elles sont interdites dans la plupart des métiers, à part ceux où elles sont subalternes, et ne peuvent pas faire d’études supérieures. Julie Victoire Daubié sera la première à obtenir le baccalauréat le 17 août 1861.

Les femmes vont donc employer la stratégie du contournement et s’employer à combattre les difficultés qu’elles rencontrent. Elles vont écrire et, pour certaines, payer très cher, intimement et socialement, cet engagement.

L’éditrice rappelle les différents processus d’invisibilisation auxquels vont avoir à faire les femmes :

  • L’effacement : elles sont salonnières, soutiennent et diffusent les idées mais s’effacent derrière leurs protégés.
  • L’appropriation : elles participent à l’élaboration d’une œuvre  mais n’en retirent aucune reconnaissance.
  • Le plagiat : des écrivains célèbres ont copié l’œuvre de leurs contemporaines. Ainsi Voltaire publie-t-il une pièce « Brutus » qui ressemble étrangement à celle de l’autrice Catherine Bernard décédée quelques années plus tôt (autrice reconnue puisqu’elle touchait une pension de Louis XIV). Voir Titiou Lecoq, Les grandes oubliées ou pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.
  • La stigmatisation :des propos mysogines tournent en dérision les œuvres des femmes en présupposant une sorte de débilité congénitale du sexe féminin. Baudelaire reconnaît le talent de Marcelline Desbordes-Vallemore, pour ensuite le dévaloriser en le cantonnant dans la sphère du féminin.
  • La décrédibilisation :les précieuses ridicules, les « bas-bleus » sont autant d’appellations visant à se moquer des femmes qui écrivent. De nombreux dessins satiriques accompagnent ce travail de sape.
  • L’intériorisation des interdits et l’autocensure : la place mineure laissée aux femmes est intériorisée par les femmes elles-mêmes. L’anonymat des œuvres , le fait de prendre un pseudonyme masculin manifestent cet auto-censure. Une femme « publique » est l’égale d’une prostituée, elle doit rester dévouée à son mari et ses enfants.
  • J’ai commencé à lire dans cette collection et vous en parlerai plus tard.

Voici les œuvres phares dont certaines sont déjà chroniquées ici :

Marguerite Audoux – Marie-Claire

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Félicité de Genlis – La femme auteur

Marie-Louise Gagneur – Trois sœurs rivales

Marguerite Audoux – Marie-claire

Renée Dunan – Le jardin du bonheur

Georges de Peyrebrune – Victoire la Rouge

Félicité de Genlis – La femme auteur

Louise Colet – Ces petits messieurs

Gabrielle-Suzanne de Villeneuve La Belle et la Bête

Camille Bodin – Le monstre

Marceline Desbordes-Valmore La grâce de l’exil

Le métier de reine Violette 1

Charlotte-Adélaïde Dard – Les naufragés de la Méduse

Judith Gauthier – Isoline

Françoise Pascal – Le vieillard amoureux

Julia Daudet – L’enfance d’une parisienne

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Festival du livre….

Comment les organisateurs.rices ont-ils pu penser qu’un aussi petit espace, le Grand Palais Éphémère, allait pouvoir contenir autant de monde ? Donc beaucoup de bruit, de cohue, mais une ambiance plutôt joyeuse pour les gens rassemblés ici. Des éditeurs absents aussi, ou rendus invisibles …

Corps de fille, corps de femme/ des femmes Antoinette Fouque- Parlement des écrivaines francophones

Voix d’écrivaines francophones /

Corps de fille, corps de femme, Récits, des femmes Antoinette Fouque, 2023, en partenariat avec Le Parlement des écrivaines francophones

Avec ce premier volume d’une série de livres dont la visée est d’explorer le « dire » des femmes dans leur être au monde, à travers leurs expériences singulières, les éditions des femmes, Antoinette Fouque réalisent un véritable exploit éditorial en conjuguant l’ouverture à la francophonie, ce français d’outre-langue chatoyant et changeant, à l’exploration du féminin.

C’est aussi une démarche politique au sein de la lutte féministe et à travers l’engagement littéraire pour changer la perception de ce féminin, si souvent menacé, attaqué et violenté dans le monde.

Des cris à l’é-cris-ture pour faire taire la violence, et à travers les voix des autrices tracer des chemins. Marie-Rose Abomo-maurain, Emna Belhaj Yahia, Anissa Bellefqih, Sophie Bessis, Bettina de Cosnac, Suzanne Dracius, Alicia Dujovne Ortiz, Sedef Ecer, Lise Gauvin, Viktor Lazlo, Sylvie Le Clech, Danielle Michel-Chich, Madeleine Monette, Cécile Oumhani, Fawzia Zouari tracent les sillons.

Dans ces récits, les femmes enfreignent les lois tacites de la société patriarcale qui condamnent les femmes à restreindre leur espace à leur foyer,  à travers « un corps qui prend des libertés », qui ose revendiquer l’espace tout entier, l’espace public comme son possible territoire. Dé la « petite Nigériane excisée à la lame de rasoir rouillée » à « la fillette mariée de force qui ne pourra plus aller à l’école », le corps des femmes est l’enjeu de tous les pouvoirs .

Comme l’écrit si bien Sedef Ecer, il faut être libre pour créer, parce que les femmes « inventent leurs histoires avec leurs cinq sens », et que l’imagination se nourrit de la mémoire de leur corps.

« Mon corps n’est pas le prix à payer » s’insurge l’adolescente d’une de ces histoires, mon corps n’est pas coupable, et les signes de ma féminité ne sont pas des fautes ou les stigmates d’un corps maudit.

Mon corps est puissance, déploiement, lieu de tous mes trésors.

« Surtout ne pas souffler mot du bonheur, du plaisir et de l’immensité de leurs espaces… »C’est ce que disent aussi ces récits : affranchissez-vous des mille pesanteurs invisibles afin de ne plus « buter sur vos corps », partez à l’aventure de vous-mêmes, vous, femmes. 

Un livre à lire absolument.

Festival du livre de Paris 2023 : Où sont les autrices ?

Plus besoin de compter les autrices afin d’évaluer leur présence, elles sont invitées sur les stands, pour les signatures, et prendront la parole dans les entretiens et les débats.

L’Italie est le pays invité cette année, et les autrices italiennes viendront nombreuses à notre rencontre mais sur la présentation d’Italissimo, elles sont la moitié des auteur.rices invité.e.s dans les rencontres/débats ( 9 sur 17 à peu près). Enfin pas la peine de chercher la petite bête surtout lorsqu’elle écrit en italien !

23/04 : Veronica, Francesca Manfredi, Beatrice Salvioni

  • dimanche 23 avril 2023
  • 15:00 16:00
  • Maison de la poésie Paris

19/04 : Andrea Marcolongo et Simonetta Greggio : vivre et écrire entre deux cultures

  • mercredi 19 avril 2023
  • 18:00 19:00
  • Consulat Général d’Italie

22/04 : Silvia Avalloneet ici, puis ici… et Elisa Ruotolo

  • samedi 22 avril 2023
  • 18:00
  • Théâtre de l’Odéon

Les récits de la Méditerranée, un dialogue avec Milena Agus et Giosué Calaciura animé par Gérard Meudal , le 22 avril à 19H00, GPE

M I L E N A (Chaque lettre, une chronique de livre)

Litterama a souvent mis en avant les créatrices italiennes.

Sur l’ensemble du festival, des thèmes autour du féminin ou des femmes :

Venues d’ailleurs : Ubah Cristina Ali Fareh, Sonia Devillers et Mélanie Croubalian, animé par Tewfik Hakem, journaliste à France Culture, le 21/04 à 16H00

Féminisme, une cause historique : dialogue entre Camille Froidevaux-Metterie et Laure de Chantal, animée par Florence Bouchy le 21/04 à 12H00 à Grand Palais Ephémère.

Femmes de l’ombre : dialogue entre Christine Orban et Emmanuelle de Boysson animé par Karine Papillaud le 21/04 à 14H00 (GPE).

Résistantes : dialogue entre Nicole Bacharan et Catherine Bardon, animé par Eduardo Castillo, le 21/04 à 16H00.

Création du label « Nouveaux jours » chez JC Lattès, dans la collection « Essais féministes » en présence de Jeanne Morosoff, Samah Karaki et Léane Alestra, animé par Sonia Déchamps, le 22/04 à 11H00

Mon corps m’appartient : dialogue entre Marie Rebour, Emma Becker, et Ghada Hatem, animé par Georgia Morisser, le 22/04 à 11H00 GPE

Entre deux mondes : Seynabou Sonko, Polina Panassenko et Jane Sautière animé par Florence Bouchy, GPE17H00

Lecture rencontre : Karine Tuil, La poésie au coeur.

22/04, 19H30, Maison de la Poésie

Le féminin sacré, Annie Lulu – Emmanuelle Pirotte, Hélène Frappat, animé par Karine Papillaud, 22/04 à 15H00

Soeurs, Amélie et Juliette Nothomb, le 22/04, 15H00 La Sorbonne

Etre une femme, ça se mérite, un grand entretien avec Michelle Perrot animé par Sarah Briand, journaliste France-Télévision, 18H00 scène Agora

Les gardiennes du secret, avec Karima Berger, le 23/04 à 11H00.

Inavouables secrets, Marina Larea, Marnica Sabolo et Colombe Schneck animé par Minh Tran Huy, le 23/04 à 15H00 GPE

Les Quatre sœurs ont dix ans ! avec Sophie Rigal-Goulard et Diglee, le 23/04 à 15H00

Rosemonde Gérard ( 1866-1954)

Rosemonde Gérard ( 1866-1954) Photo credit : Wikipedia

Je me souviens d’une conversation passionnée avec Jacques Fournier, ancien directeur de la Maison de la Poésie de saint-Quentin-en-Yvelines (Il a fait tout un travail biographique et des lectures autour de Rosemonde Gérard), et sa compagne, au sujet de la pièce qui faisait grand bruit à l’époque autour d’Edmond Rostand, et dans laquelle Rosemonde Gérard, compagne de l’écrivain, jouait un rôle tout à fait mineur. Ce qui prouve combien les processus d’invisibilisation des œuvres de femme sont encore vivaces dans nos sociétés.

Or, Rosemonde Gérard était loin d’être une inconnue dans le domaine des Lettres. Son premier recueil poétique, Les Pipeaux, la fait connaître en 1889 et la même année elle épouse Edmond Rostand.

Par la suite, elle publie d’autres ouvrages, notamment l’Arc-en-ciel en 1926, Les Papillotes en 1931, Féeries en 1933, et Rien que des chansons en 1939.

Elle a écrit aussi pour le théâtre, Un bon petit diable avec son fils Maurice, et des pièces comme La Robe d’un soir, La Marchande d’allumettes, ou La Tour Saint-Jacques.

D’ailleurs la vie de Rosemonde Gérard ne se résume pas à sa vie amoureuse, car elle en eut plusieurs.

Non, sa vie se lit dans ses poèmes, dans ce feu sacré qu’elle entretiendra toute sa vie.

Nous connaissons tous ces quelques vers : « Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. »

Ils font partie d’un très beau poème « Lorsque nous serons vieux ».

J’ai appris par Diglee, et son magnifique recueil dont je vous conseille la lecture « je serai le feu », aux éditions « la ville qui brûle », qu’elle avait entrepris le projet littéraire d’un recueil de poèmes exclusivement composé de poétesses, Les Muses françaises publié en 1943 chez Fasquelle éditeurs.

En 1901, elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur

Elle fait partie du jury Femina en 1939.

Pérégrinations livresques – Boulogne-sur-Mer

Cette jolie vitrine de la librairie L’Horizon à Boulogne-sur-Mer découverte au détour d’une balade. Lieu convivial et gérante fortement engagée dans les problématiques du temps, cette librairie offre de nombreux temps forts et rencontres .

Elle aura été l’occasion pour moi de découvrir la collection Petite &GRANDE des éditions Kimane.

Cathe­rine Wein­zaep­flen, Ismaëla

Cathe­rine Wein­zaep­flen, Ismaëla, Edi­tions des Femmes — Antoi­nette Fouque, Paris, 2023, 128 p. 

Ismaëla a quitté le Mexique pour un futur meilleur aux États-Unis. Dans ce trajet pour l’exil, elle risque sa vie . Et elle rencontre l’amour. Elle s’arrache à ce cocon douillet alors que rien ne l’assure qu’elle trouvera un travail et un logement à son arrivée dans un pays qui ne veut pas d’elle.

Ismaëla n’est pas une « perdante », mais une femme pleine de vie, qui malgré l’aridité de son existence et les privations qu’elle endure pour envoyer de l’argent à sa famille, est toujours en éveil. Elle observe, raisonne, et des pensées la traversent, des flux qui ont la beauté de cette mer qu’elle regarde le plus souvent de loin.

A travers son regard, apparaît Los Angeles, prise dans le brouillard, à cinq heures du matin ou floutée par la vitre d’un bus, une ville où les inégalités sont criantes, et où se côtoient d’extravagantes propriétés et des logements misérables.

Les souvenirs, les odeurs, les couleurs du Mexique, viennent rythmer le récit, lui donnent une douceur et un balancement qui effacent la grisaille des jours sans joie.

Et au cœur de cette femme, qui ne se résume jamais à sa pauvreté, palpite une vie secrète, d’infinis mouvements, la pulsation du désir. Et l’émerveillement. Elle est éblouie par la beauté de certains lieux, par les fontaines, les sculptures, par la facilité avec laquelle sa fille s’adapte à ce nouveau monde.

Elle savoure les petits matins et les moments où le ciel s’éclaire, l’odeur des hibiscus. Elle est incroyablement vivante.

A travers ses rencontres, elle fait l’expérience d’autres vies que la sienne, d’autres mondes, d’autres manières d’être femme.

L’autrice parvient à nous captiver, à travers son regard, à nous intéresser aussi aux problématiques sociales et politiques soulevées par la situation des émigré.e.s mexicain.e.s.

Plus largement, elle fait écho aux migrations que connaît l’Europe qui accueille, plus ou moins mal, ses réfugié.e.s. Elle rappelle cette injustice fondamentale dont souffrent les populations qui ne trouvent ni le travail, ni la sécurité, ni l’éducation dans leurs pays minés par la corruption, la guerre, et une pauvreté endémique.

Tout s’incarne en Ismaëla, tout devient, proche, palpable, et cette colère qu’elle dit ne plus pouvoir éprouver, nous la prenons avec nous, pour qu’elle puisse continuer à gronder et à secouer le monde.

Laurène Marx Borderline love/ «  Chez moi les femmes elles se passent l’amour et la beauté comme une maladie. »

Je retrouve l’écriture de Laurène Marx, après la lecture de  « Pour un temps sois peu », intense et profonde.

Cette écriture des bords, de la limite-frontière, mais aussi de la ligne, qui si elle démarque relie aussi les bords entre eux dans un savant travail de couture, travaille cette notion de frontière, d’identité, qui nous donne forme et en même temps nous déforme et nous ampute. La couture c’est le travail de création mais aussi de réparation de l’autrice. C’est également une visée vers un au-delà et un deçà qui n’est pas soi mais qui nous institue. Je repense à cette formule de Nietzsche qui disait que l’homme devait faire de lui-même une œuvre d’art, et j’ai cette impression d’une autrice qui d’œuvre en œuvre se crée et se recrée.

Je n’ai jamais vu aucune de ses pièces jouée mais de texte en texte, la rencontre devient inévitable avec la chair des mots.

Le texte de la pièce relate la rencontre entre une jeune femme et une autrice, son double peut-être, à laquelle elle livre le récit de sa vie, afin de retrouver son amoureux perdu, peut-être pour lui expliquer ce qu’est cet amour qui fait mal en elle, pour en faire la genèse et comprendre ce qui le rend si dangereux pour elle et pour les autres. La confession , en même temps qu’elle délivre son message, délivre de tout mal.

«  Chez moi les femmes elles se passent l’amour et la beauté comme une maladie. »

Les métaphores s’organisent autour de l’odeur ( du corps, du tabac, de l’alcool etc.) , la saleté qui recouvre comme une seconde peau  les organes, le corps, omniprésents, de cette mère qui « a pris l’habitude de vivre dans un coin de son corps » et dont la beauté est la malédiction qui la condamne à n’être qu’une apparence et un sortilège, jusqu’ au corps de ce père, qui déborde, qui pue et  prend tout l’espace en passant par ce cousin dont la peau et les organes le fuient.

Elle dénonce ces amours toxiques, qui sont seulement des projections de soi-même en l’autre, de cette volonté de rendre l’autre heureux malgré lui, de force, de soumettre à travers son désir et d’appeler cette violence radicale de l’amour.

«  Je ne veux pas qu’on m’aime mais qu’on ait peur de m’aimer » dit la narratrice.

Dans cette transmission malheureuse, au sein d’une société où parfois s’organise la haine des femmes, « une femme apprend à fuir dans sa tête et à rester dans son corps », à ne pouvoir s’échapper d’elle-même, mais celui-celle qui se sent femme dans sa tête est tout aussi coincé.e dans son corps. Voir, avec quelle férocité, l’histoire de nos sociétés, depuis le XIXe siècle a interdit leur féminin aux hommes. Dégoupiller les normes du genre, c’est peut-être décrasser nos têtes et nos pensées. C’est peut-être aussi traverser la frontière.

Une langue avec ses fulgurances, sa poésie et toujours cet humour féroce qui fait la nique au malheur.

A lire ! A voir !

Jasmin Darznik – L’oiseau captif / La vie et l’œuvre de Forough Farrokhzad, poétesse iranienne (1935-1967)

Jasmin Darznik – L’oiseau captif / La vie et l’œuvre de Forough Farrokhzad, poétesse iranienne (1935-1967)

Bragelonne 2019, pour la traduction française, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Moreau

L’œuvre de cette poétesse persane nous parvient par les multiples détours de la traduction : du persan à l’anglais et de l’anglais au français. J’écris poétesse mais l’autrice voulait être poète, à l’égal des grands poètes de son pays, être traitée de poétesse signifiait être cantonnée à un registre mineur et dévalorisé.

Cette biographie romancée néglige les aspects les moins documentés pour favoriser une forme d’empathie littéraire.

La vie de Forough Farrokhzad se déroule entre le règne de Reza Shah Pahlavi (Etat impérial d’Iran) ,  et les premiers soubresauts de la révolution qui conduiront à la création de la république islamique d’Iran.

Un certain nombre de réformes vont être conduites à cette époque et notamment l’interdiction du port du voile pour les femmes et l’obligation pour les hommes de porter un habit à l’occidentale. Une période passionnante s’ouvre enfin pour les femmes qui excèderait les limites de cet article.

C’est dans ce contexte que Forough Farrokhzad va écrire. Un grand désir de liberté s’empare de la jeune génération sous l’influence, peut-être, de ces nouveaux modes de vie inspirés du monde occidental, et des combats féministes qui l’agitent.

La poétesse écrit des poèmes dès l’âge de 14 ans, elle lit le premier devant son père, et n’arrêtera plus d’écrire jusqu’à sa rencontre avec Ebrahim Golestãn, où sa carrière littéraire se doublera d’une carrière cinématographique.

L’intérêt de ce récit tient dans le fait que les processus d’écriture sont replacés dans le contexte historique et littéraire de l’époque car Forough Farrokhzad a fait partie d’un ensemble de poètes qui a transformé les règles d’écriture, sous l’égide de Nima Youshidj qui « rompt les règles de la métrique traditionnelle »[1] pour ouvrir la voie à un lyrisme personnel inspiré des romantiques et une rupture avec les stéréotypes, pour s’ancrer dans la vie, les émotions, et la personnalité de celui ou celle qui écrit. La poésie de la poétesse ne cessera d’évoluer tout au long de sa courte vie vers plus de simplicité, de profondeur. Elle sera vilipendée par une certaine presse populaire qui lui reprochera sa liberté de mœurs, et après son divorce perdra la garde de son fils. Elle sera victime d’une société tiraillée en tradition et modernité.

De nombreux extraits de ses poèmes émaillent le récit dont celui-ci qui fait partie des premiers qu’elle a publiés et que j’aime particulièrement.

J’ai commis un péché, comble de délice,

Dans une étreinte qui fut forte et comme enflammée

J’ai péché dans des bras qui furent brûlants, vengeurs, d’acier.

Dans cette retraite sombre et sans voix

J’ai vu son œil plein de secrets

Dans ma poitrine, mon cœur frémitaux prières de son regard avide.

Dans cette retraite sombre et sans voix

Dévastée à ses côtés, je m’asseyais

Ses lèvres ont déversé sur mes lèvres la tentation

Me délivrant de la tristesse d’un cœur fou.

Dans son oreille je racontai l’histoire d’aimer

Je te veux, ô ma substance, je te veux, ô mon étreinte, qui

Me ranime.

Je te veux mon amour fou.

De désir sa prunelle alors s’est embrasée

Le rouge du vin a dansé dans la coupe

Mon corps au creux de ses doux draps

Contre son corps ivre a tremblé.

J’ai commis un péché, comble de délice,

Contre une idole qui fut fémissante

Insensée, ô mon Dieu, que sais-je,

Qu’ai-je fait dans cette retraite sombre et sans voix.

Il ne vous reste plus qu’à pousser la porte d’une bonne librairie…


[1] Avant-propos de Sara Saïdi B in Au seuil d’une saison froide, recueil de poèmes traduit du persan Sara Saïdi B

Credit photo : wikipedia – Domaine public

Forough Farrokhzad (1935-1967)

Elle révolutionna la poésie iranienne et fut la figure de proue du féminisme en Iran. Elle est l’une des plus grandes icônes iraniennes. Elle mourut tragiquement dans un accident de voiture.